ABANDONNER ses lois, son gouvernement, sa
religion, ses mœurs, et jusqu'à ses préjugés ; passer d'un ordre stable à
l'anarchie la plus horrible sans donner aucun signe de regrets ni de
repentir, serait pour toute une nation, devant la postérité, le dernier terme
d'avilissement et de dégradation. Une telle nation ne mériterait que le
mépris, s'il ne se trouvait dans son sein des citoyens assez énergiques,
assez dévoués pour défendre, au prix de leur sang, ce que les hommes ont de
plus cher. Honneur à la nation française, qui, dans l'écroulement de ses
antiques institutions, a eu sa guerre intestine ! Salut au peuple qui a donné
ce noble démenti au plus célèbre des orateurs révolutionnaires (Mirabeau), qui, de la tribune aux
harangues, osa lui adresser la méprisante apostrophe qu'elle n'aurait pas
même l'honneur d'une guerre civile. Quand
des forcenés attaquèrent la royauté avec le fer, et le feu ; quand ils ne
laissèrent plus que le choix de la soumission ou de la mort ; quand l'Etat,
se trouvant sans chef, se vit abandonné de ses défenseurs naturels, le devoir
des royalistes fut de protester, les armes à la main, contre l'établissement
de la république, et de soutenir de tout leur pouvoir la monarchie. Des
paysans obscurs se chargèrent de cette noble tâche. On vit bientôt leurs
farouches adversaires, qui, pour détruire la royauté, avaient fait de
l'insurrection le plus saint des devoirs, punir une insurrection légitime par
le ravage et la destruction de plusieurs provinces, et porter la terreur
partout, parce qu'ils la portaient dans leur âme : pavebant terrbantque.
Telles furent les causes de la guerre si connue sous le nom de Guerre de la
Vendée. Le
premier j'appris à la France et à l'Europe, par une masse de faits
irrécusables, que les principaux chefs vendéens s'étaient montrés des héros ;
que leurs noms méritaient d'être inscrits à côté des noms illustres des
Dunois, des Latrémouille, des Duguesclin et des Bayard. Appeler les Vendéens,
mourant pour leur Dieu et pour leur Roi, à l'admiration des contemporains et
de ceux-mêmes qui jusqu'alors les avaient traités de brigands, n'était pas
une entreprise commune ; peut-être ne fut-elle pas sans courage sous la
domination de l'homme extraordinaire qui s'était assis sur le trône où les
Vendéens avaient voulu rétablir le fils de saint Louis. L'effet
quelle produisit, les critiques et les débats qu'elle fit naître, les
persécutions qu'elle suscita à son auteur, se rattachent à l’histoire
littéraire de cette époque, et rentrent dans l'objet de cette préface. Mais
avant d'en faire l'exposé, je dois rendre compte des motifs qui me firent
entreprendre l'histoire de la Guerre de la Vendée, et des circonstances dans
lesquelles j'en hasardai la publication. Ces détails, qui manquent à mes
trois premières éditions — car dire toute la vérité était alors impossible —,
ne seront pas dans celle-ci tout-à-fait dénués d'intérêt. Frappé
des scènes déchirantes du grand drame de notre révolution, je portai, dans
l'âge des dissipations, un regard observateur sur ce spectacle d'horreurs et
de crimes. Je n'y aperçus d'abord qu'une grande effervescence. Enfant du
dix-huitième siècle, j'avais été aussi séduit par ce doux nom de Liberté,
dont personne encore ne comprenait le vrai sens ni le but. L'inexpérience et
le vertige excluaient d'ailleurs la possibilité de la réflexion et de
l'examen. Mais un cœur droit devait repousser bientôt cette liberté devenue
féroce, sanglante, et qui, servait de marchepied aux plus vils scélérats.
Voué à la proscription par cela seul que je n'étais pas né pervers, et
contraint par des circonstances bizarres de chercher un refuge dans la
métropole, alors envahie par des brigands, je vis leurs mains dégouttants de
sang et pleines de rapines. L'indignation s'empara de mon âme, et je résolus
d'écrire un jour tout ce que je voyais[1]. J'avais
vu la monarchie, et je n'en voyais plus que les ruines ; je pouvais comparer
ce qui s'élevait avec ce qui avait cessé d'exister. Toute la révolution se
déroulait successivement à mes regards, précédée et suivie de la terreur.
Tout-à-coup les premières rumeurs de la guerre civile se font entendre dans
l'ouest et retentissent dans la capitale : les brigands en sont consternés.
Autour d'eux tout respire le trouble et la confusion. Un mystère sombre
enveloppe les premières opérations de cette guerre, et la renommée les
exagère ou en atténue les vicissitudes. Tout le
monde parlait de la Vendée, et on n'en disait rien de positif. Plus un rapport
était officiel, moins il fallait y croire. Le voile s'épaississait de plus en
plus, et l'obscurité redoublait en proportion de ce que la guerre semblait
s'étendre. On aurait dit qu'un si grand événement allait échapper même aux
traditions contemporaines, ou que, semblable à l'histoire des temps les plus
reculés ; il ne parviendrait à la postérité qu'environné de fables et de
grossiers mensonges ; pourtant son foyer n'était qu'à soixante lieues de
Paris. Quel sujet de recherches pour un esprit curieux et avide ! Dans
cette disposition d'esprit, je recueillais en silence tout ce qui pouvait
m'éclairer. Pièces, rapports, relations, discours, brochures, rien
n'échappait à mes investigations. Lorsqu'un peu de calme eut succédé à cette
horrible tempête, je formai, sans aucune expérience de l'art d'écrire, le
projet de retracer l’histoire de cette guerre si peu connue. Correspondances,
démarches, sollicitations, voyages, rien ne put fatiguer mon ardeur.
J'arrachai enfin des renseignements aux partis opposés- ; je les étudiai ; je
comparai les témoignages et les relations diverses ; j'interrogeai les
nombreux acteurs encore vivants ; je fouillai dans tous les dépôts, et,
devenu possesseur de matériaux immenses, je pus, comme le Tasse, m'écrier : «
Voilà mon poème ! » Mais à quel travail ne fallait-il pas se dévouer encore
pour coordonner ces matériaux, pour en former un tissu, pour donner le
mouvement et la vie à tant de faits sans liaison, à tant de circonstances
incohérentes ? Il ne s'agissait plus de faire un livre avec des livres ; mais
de traiter sans guide ; sans modèle, un sujet nouveau, puisé dans notre propre
histoire ; il fallait vaincre, et l'inaptitude au travail, et l'inexpérience
d'une rédaction grave et correcte. Après trois années d'efforts opiniâtres,
et l'ouvrage touchant à son terme, il fallut encore surmonter d'autres
obstacles. L'entreprise,
achevée dans le silence, avait néanmoins transpiré, et elle avait jeté le
trouble dans rame du fameux curé de Saint-Laud, alors évêque d'Orléans. Soit
honte, soit remords du rôle qu'il avait joué dans cette guerre, il tremblait
déjà devant les révélations de l'avenir. Pour, tant il n'osa combattre
l'ouvrage de front, ni réclamer, pour le faire interdire, l'autorité de
Fauché, alors ministre de la police, qu'il savait ne pas lui être favorable.
Prenant une marche Oblique, plus conforme à son caractère, il s'adresse à la
préfecture de, police, rivale de la police de 'Fauché ; car sous Napoléon,
les ressorts du pouvoir, divisés dans plusieurs, mains, ne laissaient l'Etat
qu'à la merci de lui seul. Sur la simple, allégation que l'Histoire de la Vendée
contient des personnalités contre M. l'évêque d’Orléans, la préfecture en
interdit la publication. Averti, j’écris à Fouché qu'une imputation
calomnieuse tend à me priver du fruit de mes travaux et de mes veillés ; que
je connais, trop les bornes dans lesquelles doit se renfermer un sage
écrivain, pour me permettre aucun écart indiscret sur des personnages existants,
et que j'offre en preuve mon manuscrit. « Si j'en croyais la malignité,
ajoutai-je, M. Bernier lui-même aurait dirigé le coup qui m'a été porté dans
l'ombre. Il redoute, dit-on, une histoire impartiale de la guerre civile ;
et, comme il a le projet d'en publier une, il voudrait écarter toute espèce
de concurrence. Mais je repousse loin de moi cette insinuation injurieuse à
un prélat honoré de là faveur du Gouvernement ». Tout était
alors arbitraire : il n'y, avait point de censure légale ; mais seulement un
bureau attaché au ministère de la police : il était décoré du beau nom de
bureau de la liberté de la presse, à peu près comme les prisons de Gênes
avaient eu jadis pour inscription le mot liberté. Il faut le dire
néanmoins : ce bureau était dirigé par des hommes, pleins de talents, de
lumières, de modération, et dont j’ai eu particulièrement à me louer. Mon manuscrit
ayant été renvoyé à l'examen de MM. Lacretelle et le Montey, voici le rapport
qu'ils firent au Ministre : « En
écrivant l'histoire d'une époque déplorable, M. de Bauchamp a montré cette
impartialité qui est toujours garantie par un esprit vraiment philosophique.
Il suit et fait observer les progrès des passions dans ces guerres de parti.
Il montre le cœur humain dans sa plus vive et sa plus dangereuse exaltation.
Il honore le courage et les vertus privées dans chaque parti. Les tableaux affligeants
qu'il produit ne sent propres, d'après la manière calme et sûre avec laquelle
il les a tracés, qu'à faire bénir le gouvernement qui a fait succéder une
paix si profonde à tant de calamités. On n'a point encore fine relation si
détaillée de cette guerre civile, et on en aura difficilement une plus
impartiale. L'auteur a mis un soin particulier à ne compromettre aucun des
personnages existant. Il a recueilli beaucoup de faits qui n'étaient encore
que peu connus, ou que la passion avait défigurés. Son style a de la clarté
et du mouvement. Le bureau propose à Votre Excellence de donner à l'auteur
l'approbation qu'il demande ». Cette
approbation sauva l'ouvrage, qui, sans elle, eût été infailliblement arrêté et
saisi ; mais elle ne put garantir l'auteur de la persécution qu'allait lui
susciter le succès de son livre. Inconnu dans la littérature, n'étant précédé
d'aucune réputation, n'ayant écrit sous l'influence d'aucun parti ni d'aucune
coterie, l'auteur attendait le jugement qu'en porteraient les journaux.
Jamais la critique littéraire ne s'était montrée avec tant de force, de savoir,
et même d'indépendance qu'à cette époque (1806). Le journal des Débats triomphait complètement des
principes et des doctrines révolutionnaires qui avaient infecté jusqu'à notre
littérature ; or, c'était son suffrage qui pouvait le plus décider de
l'Histoire des Vendéens. Je n’étais pas sans appréhension ; mais grâce à
l'ingénieux rédacteur, à l'habile critiqué d'abord caché sous le voile de la
lettre A, et dont le nom (M. de Feletz) est connu maintenant de toute la France, l'ouvrage
obtint une célébrité qui, dissipant mes craintes, surpassa mes espérances. Faire
triompher les principes de la monarchie, à l'occasion de l'Histoire de la
Vendée, relever avec énergie tout ce que cette Histoire renfermait
d'honorable pour la fidélité héroïque, envisager l'ouvrage sous l’aspect le
plus favorable aux doctrines de la légitimité, et remplir cette tâche avec
une noble indépendance, sous l'empire d’une usurpation révolutionnaire,
c'était là sans doute s'élever bien au-dessus d’un critique de profession.
Que ferait-on de plus aujourd'hui que les Bourbons sont sur le trône ? Dans
leur fureur démagogique, des écrivains ennemis 's'élèveraient contre
l'ouvrage, contre l'auteur et contre le critique, avec un tel déchaînement et
une telle indécence, qu'on pourrait en induire que les opinions monarchiques,
qui triomphaient en 1806, sont diffamées en 1820. Mon
succès, je le dus aussi à la nouveauté de mes récits, encore si voisins de
nous et pourtant si peu connus ; à la révélation d'une foule de faits intéressants,
perdus dans le tumulte de la révolution et des armes, et souvent dissimulés
par la politique des factions. A peine savait-on alors que la guerre civile
avait embrasé tout l'ouest de la France. Les noms des Charette, des La
Rochejacquelein, des Bonchamps, des Lescure, n'avaient frappé nos oreilles
que dans des rapports mensongers du comité de salut public, et encore ces
rapports n'annonçaient que la défaite et la ruine de leur parti. Lorsqu'on
avait respiré ensuite sous une anarchie moins féroce, trop de coupables
avaient été intéressés à cacher leur fureur et leurs crimes pour laisser
percer la vérité ; et d'ailleurs, la guerre civile s'étant rallumée à
plusieurs reprises, il eût été difficile de tout savoir et imprudent de tout
dire. On put
suivre enfin les vicissitudes d'une guerre variée, sanglante, qui présentait
de grands caractères, des faits singuliers et des scènes tragiques ; on vit
avec admiration qu'une poignée de Français avaient résisté pendant près de
dix ans aux vainqueurs du monde, et que seuls ils n'avaient point courbé
leurs têtes sous le joug d'une terreur sacrilège. Le public lut avec
étonnement tous ces récits, et il goûta surtout, avec un intérêt marqué, les
réflexions hardies et neuves qu'ils venaient de suggérer aux organes de
l'opinion. La sensation fut générale dans toutes les classes qui décident du
sort des productions littéraires. On loua la manière impartiale dont le sujet
était traité, on admira le caractère de tant de héros, dont on avait à peine
soupçonné l'existence ; le récit de leurs exploits, celui de leur malheur
arracha des larmes à tous les lecteurs qui conservaient encore quelques
sentiments d'honneur et d'humanité. Mais les révolutionnaires teints de sang,
les régicides, tous ceux qui avaient participé aux massacres et aux
dévastations, frémirent et ne purent dissimuler leur dépit. Le cabinet du
ministre de la police, leur appui naturel, retentit de doléances, de
réclamations, de plaintes amères. « Tous assurent à Fouché que l'ouvrage
fait le procès à la révolution ; que c'est le plus dangereux qu'ait encore
enfanté l'esprit contre- révolutionnaire ; que les Vendéens et les Chouans
Pont dicté. Voyez, ajoutent-ils, comme l'opinion publique s'égare, comme elle
se prononce contre la révolution et ses fondateurs. Napoléon n'est-il pas
déjà presque entouré d'émigrés, de Chouans, de Vendéens ? On nous flétrit, et
on finira par nous proscrire. Peut-on nier que dans cette Histoire de la
Vendée, les Vendéens et les Chouans ne soient présentés comme des modèles de
fidélité et d'héroïsme, tandis que nous qui les avons vaincus, nous sommes
traduits à la postérité comme des brigands ? et c'est la police elle-même qui
a autorisé la publication d'un pareil ouvrage ! » Il
était impossible qu'un Fouché ne partageât pas les mêmes préventions, les
mêmes passions, les mêmes craintes. Dès-lors, son cabinet devint l'arsenal où
furent préparées les armes et l'artillerie destinées à renverser les trophées
des Vendéens et à saper les droits de leurs princes infortunés. D'abord on
essaie de faire attaquer le livre sous le point de vue historique et
politique, par des journaux peu accrédités, il est vrai, les seuls que
Napoléon eût abandonnés au régicide. Instruit d'où partait le coup, j'osai me
défendre, me montrant décidé à soutenir la lutte. L'animadversion
ministérielle, impuissante contre le livre, se tourna tout entière contre
l'auteur ; et le ministre le moins persécuteur, le moins haineux, s'arma
contre moi de toute l'intolérance révolutionnaire. Il m'ôta d'abord un emploi
qui dépendait de lui : je lui avais déplu, et je n'avais pas le droit de me
plaindre. Le rôle d'historien devenait d'ailleurs peu compatible avec les
futiles fonctions de commis, auxquelles m'avaient réduit les calamités de la
révolution. Cette position me permettait de l'étudier plus à loisir, d'en
fouiller les archives, d'en pénétrer les ressorts, d'en scruter les
personnages ; il était naturel que, n'écrivant pas dans son intérêt, ceux qui
s'en disaient les conservateurs me privassent de tous mes avantages. Là
aurait dû se borner la vengeance ministérielle. Aigri par l'orgueil blessé,
Fouché fit succéder à une disgrâce ouverte une persécution sourde et lâche.
Selon lui, je n'étais pas même l'auteur de mon livre, dont j'avais dérobé
infidèlement les matériaux. Ces assertions et d'autres encore tout aussi
absurdes, mêlées d'accusations perfides, tombèrent devant le public, mais
triomphèrent de la vérité dans ces bulletins secrets de police, trop souvent
l'œuvre d'une délation combinée avec art pour surprendre la conscience du
chef de l’Etat, ou pour lui inspirer des préventions malfaisantes. Je ne fis
rien pour détromper celui qui était alors l'arbitre de tout, n'écoutant pas
même les conseils d'un homme dont la noble éloquence, alors même qu'elle
louait le pouvoir, était pleine de vérités et des leçons de la haute sagesse
; qui, arrivé par la puissance du talent à l'une des plus belles dignités de
l'Empire, jouissait de la suprématie du savoir et des lettres. « Vous êtes
persécuté par la police, me dit-il, eh bien, écrivez l'histoire des campagnes
de Bonaparte en Italie, et vous obtiendrez tout ce que vous voudrez ». Négliger
ce conseil, c'était se vouer à l'infortune ; mais je m'assurais du moins
cette indépendance morale, sur laquelle reposent les vérités de l'histoire.
Des diffamations combinées, la police en vint aux pièges, à l'espionnage, aux
tentatives d'avilir, et, en désespoir de cause, à l'odieux expédient de frapper
l'auteur par un exil qu'il fallut subir. L'exil eut un terme, mais sous la
condition expresse que je souscrirais l'engagement de ne plus traiter aucun
sujet de notre histoire contemporaine ; interdiction tombée en désuétude, il
est vrai, mais que sauraient bien faire revivre ces hommes- que la vérité fait
pâlir, et qui prétendent remplacer nos libertés par leur liberté, fille de la
terreur. La
police essayant aussi de tromper l’opinion publique sur la nature de la
guerre de la Vendée, ses écrivains mercenaires m'avaient reproché d'appeler
cette guerre une guerre civile, et de n'avoir point appelé les
Vendéens des brigands, comme au temps des Barère, des Carrier et des
Thureau. Je méprisai de pareilles critiques et de tels reproches, assez
repoussés, d'ailleurs par le sentiment presque unanime de la nation et des
journaux qui en étaient l'organe. C'est ainsi que la faiblesse des objections
dirigées contre l'impartialité de l'auteur, la fit ressortir davantage, et
lui valurent un plus grand nombre d'encouragements : ce fut pour lui' un
motif de se montrer encore plus docile à la critique de bonne foi. On ne fit
d'abord aucune observation sérieuse sur les faits principaux, la controverse
ne pouvant être soutenue que par des acteurs ou des témoins qui, loin de se
mettre en évidence, se tenaient à l'écart. On releva pourtant quelques
inexactitudes ; quelques néologismes introduits par la révolution, et qui
devaient disparaître avec elle ; enfin, quelques contradictions peu sensibles,
mais qui n'échappèrent point à l'examen des critiques. Ces changements peu
considérables ne furent point omis dans les éditions qui se succédèrent ; ils
portaient plutôt sur des retranchements que sur des additions. Ils
auraient dû faire disparaître des erreurs plus graves. Je n'avais pu éviter,
dans la chaleur d'une première composition, de me laisser aller au torrent
des préventions nationales. Telle avait été la source de mes faux jugements
sur les vues du cabinet de Londres à l'égard des royalistes de l’ouest, et
sur le caractère du comte de Puisaye. Je n'avais pas eu, il est vrai, sous
les yeux, toutes les pièces propres fixer irrévocablement mon opinion ; et
d'ailleurs, le bureau de la pressé, Attaché au ministère de la police, ne
m'avait pas laissé libre à cet égard. « Vous avez rendu Puisaye trop
intéressant, me dit le censeur, et vous ménagez trop l'Angleterre ». En vain
me récriai-je sur le peu de fondements des accusations odieuses dirigées
contre cette puissance, au sujet du désastre de Quiberon. Le censeur en
convint ; mais insista, mettant en avant : « qu'il est des fictions
politiques qu’on doit respecter » ; maxime peu compatible avec-la Vérité de
l'histoire ; mais qui alors était érigée en maxime d'Etat. L'arbitraire est
si naturellement contradictoire que la policé dissipa bientôt de son plein
gré ces mêmes fictions, pour y substituer d'autres mensonges plus raffinés et
d'un plus grand intérêt dans le système de l'usurpation. J'avais respecté le
malheur ; mais la police regarda comme un ménagement coupable le soin
religieux que j'avais pris d'écarter de ma narration les outrages si souvent
prodigués à nos Princes, dépouillés et proscrits. Fouché, dans des vues
perverses, imagine alors de trouver une compensation dans ; une nouvelle
publication sur la guerre de la Vendée, dont le cadré pût recevoir des
diffamations combinées contre l'un des princes pour qui s'étaient armés les
Vendéens. Il ne lui fut pas difficile de mettre en scène un royaliste tombé ;
ou venu de lui-même dans ses pièges ; de lui faire raconter des faits
vrais, dont il aurait été le témoin, et d'introduire en fraude dans ses'
récits des faits controuvés, des assertions calomnieuses et même des pièces
évidemment fabriquées dans le cabinet ministériel, pour outrager le frère du
Roi. Telle fut l'intention secrète qui présida à la publication des Mémoires
pour servir à l'histoire de la Guerre de la Vendée, par le comte de...
(Vauban[2]). Soit qu'ils fussent déjà
tombés dans les mains de Fouché, et que l'auteur ne se sentit pas le courage
d'en désavouer les interpolations, soit qu'il ait pu s'y prêter sans rougir,
ils n'en sont pas moins, pour lui, un monument de honte et d'opprobre. Ayant
pour base une masse de faits vrais, l'Angleterre y parut disculpée, le comte
de Puisaye justifié, et toute la fourbe n'en retomba qu'avec plus de noirceur
sur le Prince, L'effronterie y est telle, qu'on y produit une prétendue
lettre de Charette à Louis XVIII, après la retraite de l'Isle-Dieu, et dans
laquelle on fait dire au chef vendéen : « La lâcheté de votre frère a
tout perdu... » Et le comte de Vauban avait, dit-il tenu et lu en original
cette lettre sans date, ni de lieu, ni de jour ; lettre si grossièrement
insolente, si contraire au respect de Charette pour le Roi et pour les
princes de son sang. Aussi l'auteur n'osait-il en donner d'autre garant que
lui-même. Comment d'ailleurs, étant adressée au Roi en Allemagne, serait-elle
tombée entre les mains de M. de Vauban, alors errant de l'Isle-Dieu en
Basse-Bretagne, et de la Basse-Bretagne en Angleterre ? Charette aurait-il
osé, après l'avoir écrite, communiquer avec le prince, dont il continua même
de recevoir les ordres ? L'invraisemblance et la fraude y percent tellement,
qu'il eût été indigne de la majesté de l'Histoire d'en faire l'objet d'une discussion
sérieuse, dans le récit des faits relatifs à cette époque. Rappellerai-je ici
que la pudeur publique, sous le règne même de Napoléon, réprouva l'intention
politique de ces mémoires falsifiés, recherchés par la malignité, mais que
tous les bons esprits repoussèrent ? Dirai-je qu'alors aucun journal n'osa en
faire l'apologie ni même y puiser des armes en faveur de l’usurpation ?
Enfin, dirai-je que cette pudeur a disparu de nos jours, et que sous le
gouvernement de Louis XVIII, la légitimité et tout ce qu'elle vénère a été
outragée ; qu'un recueil périodique[3] a eu l'impudeur de donner, dans
un sens approbatif, de longs extraits de ces mémoires calomnieux, et qu'ils
n'ont pas été réfutés ! Jusqu'à
la restauration, aucun autre écrit sur la Vendée ne fut publié en France ;
Car plus le gouvernement tendait à la tyrannie, plus les révélations de
l'histoire étaient étouffées. Bernier expirant plein de regrets et de
remords, tremblant d'avoir à rendre compte au souverain juge des témoignages
de son ingratitude et de sa fourbe, légués aux âges futurs, venait de livrer
aux flammes ses propres mémoires, composés plutôt pour obscurcir la vérité
que pour lui rendre hommage. Ce fut pour ainsi dire à la dérobée que je puisai
de nouvelles lumières et des rectifications essentielles dans d'autres
mémoires qui, encore inédits, étaient parvenus à ma connaissance. Ceux de
madame la marquise de La Rochejacquelein l'emportent sur tout ce qui a été
écrit dans ce genre. Ils ont été lus avec avidité dans toute l'Europe, et ne
sont pas restés au-dessous de leur réputation. Monument précieux pour
l'Histoire, ils ne renferment pas seulement .la peinture vive et touchante
des infortunes, de cette dame illustre, ils offrent encore le récit animé des
opérations et des exploits de la grande armée vendéenne, jusqu'à sa
destruction dans les champs du Savenay. Outre une multitude de traits saillants,
on y trouve la preuve irréfragable que l'insurrection vendéenne n'avait pas
été préméditée. Les mémoires publiés par M. Le Bouvier Desmortiers, ne
concernent que la vie politique et militaire de Charette. J'aurais
personnellement, le, droit de repousser les traits indécents que l'auteur,
par un mépris de toutes les convenances, y dirigea contre moi, sans aucune
provocation et sur le seul motif que je ne partageais point son admiration
extatique pour Charette. Mais loin d'affliger par de justes représailles : :
la vieillesse d'un ancien magistrat, respectable autant par les vertus qu'on
lui prête généralement, que par son âge, je le plaindrai d'avoir pris ;
auteur qui ne demandait qu'à être éclairé de bonne foi, le ton de la satyre
personnelle. Après lui avoir donné l'exemple de la modération, je lui donnerai
celui de l’impartialité, en avouant que je lui suis redevable d'avoir
rectifié quelques-uns de mes récits sur
Charette, relevé les exploits, sans partager l'aveugle enthousiasme de son
biographe ; qui le met au niveau d'Henri IV, et au-dessus de tous les héros
vendéens. D’après
le plan que je m'étais tracé de considérer cette guerre dans son ensemble et dans
ses ramifications, il restait à fortifier et à compléter la narration des événements
survenus sur la rive droite de la Loire, car les royalistes de la Bretagne,
du Maine et de la Normandie, s'étaient battus aussi pour la même cause. Ne
voir dans leurs efforts qu'un brigandage, sans aucunes vues politiques, c'eût
été partager une grande erreur que le parti révolutionnaire s'était efforcé
d'accréditer. De nouvelles lumières étaient indispensables pour pénétrer dans
cette partie ténébreuse de l'insurrection. Enfin parurent à Londres les
mémoires du comte de Puisaye : il était impossible qu'ils ne jetassent pas un
grand jour sur toutes les vicissitudes de la guerre connue sous le nom de
Chouannerie. Mais M. de Puisaye, attaqué avec, acharnement dans ion honneur
et dans sa réputation, a plutôt songé à ce qui pourrait établir sa
justification, qu'à rédiger avec méthode des mémoires calmes et impartiaux.
On l'y trouve trop souvent occupé à satisfaire son ressentiment contre les nombreux
antagonistes du même parti, que lui avaient attirés sa positron, sa vanité et
ses talents. L'incohérence, le désordre et un grand abus des digressions,
règnent dans ces mémoires, écrits du reste avec chaleur, noblesse et
indépendance, mais souvent avec trop d'amertume et de prévention. Leur
diffusion est telle, que, pour en tirer la substance historique, il m'a fallu
les décomposer en entier, et en ramener chaque partie à son objet principal,
travail immense quand il s'agit de sept volumes. Pour quiconque a la patience
de les lire d'un bout à l'autre, ils offrent des détails curieux sur les
relations de l'Angleterre avec le parti royaliste armé, sur les vraies causes
du désastre de Quiberon, sur l'histoire secrète des royalistes, et enfin sur
les intrigues et les divisions qui ont éclaté parmi leurs chefs. Toutes ces particularités
sont d'ailleurs appuyées sur un grand nombre de témoignages, de documents et
de pièces justificatives, dont on ne peut révoquer en doute l'authenticité.
Presque ignorés en France, ces mémoires s'arrêtent au commencement de la
campagne de 1796, et ne font même que glisser sur l'époque importante de la
pacification de Hoche. Toute cette lacune n'a pu être remplie qu'au moyen
d'un grand nombre de renseignements inédits, et dès lors, les opérations des
royalistes de la Normandie, de la Haute et Basse-Bretagne et du Maine m'ont
été mieux connues. Le vide
était plus sensible encore ; quant aux événements relatifs à la campagne de
1799, et à la pacification consulaire. Il eût été irréparable, si Napoléon
eût pu consolider son empire. Qui eût alors osé traiter l'épisode, où
débutant dans la carrière du pouvoir suprême, il se teignit du sang français
? Les preuves en seraient restées ensevelies sous son trône. Il suffira de
dire qu'à compter de la guerre d'Espagne, qui offrit une si grande analogie
avec nos guerres civiles, aucune- publication nouvelle sur l'insurrection
vendéenne ne fut tolérée : La police avait même fini, par frapper mon livre,
après trois éditions, d'une interdiction irrévocable et devenue plus amère
encore par les formes soldatesques du successeur de Fouché. En nous
rendant nos libertés, la restauration rouvrit les sources de l'histoire, et je
pus dés-lors aspirer à donner au public, comme je m'y étais engagé, le
tableau détaillé et complet de notre guerre civile. Ce travail n'a été
retardé que par d'autres travaux, et par le temps qu'a exigé la communication
successive de nombreux documents et de matériaux particuliers, nécessaires au
récit de la campagne de 1799 et de 1800, et au dénouement imprévu de 1815.
Les papiers du comte de Frotté et du comte de Bourmont, et une partie de ceux
du comte de Châtillon et de Georges Cadoudal, joints à une prodigieuse
quantité de notes et d'informations originales ne m'ont rien laissé à désirer
pour traiter et éclaircir à fond cette prise d'armes et la pacification
consulaire qui l'a suivie. Aussi puis-je désigner cette partie à l'attention
publique, comme un morceau d'histoire entièrement neuf,' et sur lequel il ne
reste plus rien à savoir. Traiter
à fond la Vendée du 20 mars, et son dénouement si rapproché de nous, était
une entreprise plus épineuse, tout le monde alors n'ayant pas fait son devoir
sur cette terre de la fidélité ; car il est des occasions où l'abattement de
l'esprit l'emporte sur le courage. Fallait-il, pour ne pas blesser quelques
amours-propres me contenter d'effleurer mon sujet, et céder à un système de
ménagement qui décolore et mutile l'Histoire ? J'avais déjà prouvé que ce
système était incompatible avec mon caractère et mes principes, et je déclare
ici formellement qu'il n'est aucune puissance sur la terre à qui je
reconnaisse le droit de me commander des réticences. Dans la carrière que je
me suis ouverte, mon devoir, je le sais, est de rester exposé aux
persécutions et aux ressentiments de tous ceux qui redoutent la lumière de la
vérité. Etant remonté dans l'histoire générale de la campagne de 1815, aux
causes du dépérissement de la Vendée pendant les cent jours, je
soulevai contre moi tous ceux qui, dans le parti royaliste, se crurent
blessés par la vérité de mes récits. Une coterie se forma, aussitôt ; ses
clameurs furent ridicules, ses attaques indécentes. Deux écrivains célèbres,
dont j'honore le talent, intervinrent dans la querelle, sans aucun motif
apparent qui pût servir d'excuse à leur agression si ce n'est que, voulant
bien permettre qu'on relève les fautes des rois, de leurs favoris et de leurs
ministres, ils commandent le silence quand il s'agit de leurs amis ou de
ceux, qu'il leur plaît de désigner comme tels. L'un, oubliant,
au sein de ses dignités nouvelles, l'esprit de l’histoire, déclare
tout bonnement qu'il proclame faux, de son autorité privée, des faits
qu'il considère comme des inculpations[4] ; l'autre, oubliant qu'il m'a
déféré devant le public une véritable conscience d'historien, en
louant l'Histoire de la campagne de 1814, déprécie, d'un ton dogmatique et
tranchant, la seconde partie de cet ouvrage, pour venger, dit-il, la mémoire du
meilleur de ses amis, dont la famille prend tout ceci au sérieux comme
s'il y avait encore des réputations[5]. Enfin le troisième, après
avoir protesté que, n'ayant fait la guerre qu'avec son épée, il est obligé
d'en frire une avec sa plume, convoque le ban et l'arrière-ban de ses
officiers qui, au nombre de vingt-six, déclarent que j’ai donné un
caractère historique à l'erreur. En vain- je leur demande quelles sont
ces erreurs, et qu'ils- daignent les préciser ; en vain je leur dis que des
dénégations vagues et intéressées- n'ont aucun poids, quand il s'agit
d'infirmer des témoignages qui n'ont été ni réfutés, ni démentis ; vainement
je les prie de considérer que je n'ai rapporté aucun fait grave sans citer
mes autorités, et que ces autorités sont des officiers pleins d'honneur et
témoins des événements, que si leurs rapports sont erronés ou infidèles, il
faut d'abord l'établir en preuve, sans rendre l'historien responsable des
circonstances d'un récit qui ne le appartient que sous le point de vue du
style et de l'enchaînement des faits. Ces arguments ont été fortifiés encore
par la publication des Mémoires du lieutenant-général Canuel sur la Vendée
de 1815. Ecrits avec clarté et une noble franchise, ils ne laissent plus
rien 4 désirer pour la connaissance des événements de cette époque.
Pouvais-je balancer entre ceux qui donnaient des' faits positifs et ceux qui
se bornaient à les éluder par des tergiversations ? Trois
années de réflexions et de calme, et une foule de preuves nouvelles ayant
porté la conviction dans mon âme, j'ai persisté à conserver les bases de ma
narration. Mais j'en ai resserré le style en élaguant des détails plus
propres à figurer dans des mémoires particuliers que dans une composition
historique. Ils ont été remplacés par quelques vues générales, et par de
nouveaux traits de lumière, qui manquaient à la première version. Ainsi a été
complété le récit de la dernière came pagne vendéenne, qui sert à la fois de
dénouement au sujet et à l'ouvrage. Que si
on en considère l'ensemble ; si on le compare aux éditions précédentes, on
trouvera qu'il a subi une refonte générale, de 'nombreuses rectifications et
la fusion d'additions si considérables qu'elles comprennent presque la moitié
dù nouveau, texte. Elles ont été puisées non-seulement dans les publications
récentes, mais dans plus de quarante mémoires manuscrits, dont j'ai obtenu la
communication, et dans un nombre infini de notes détachées. La vérité, autant
que la reconnaissance, me fait un devoir de distinguer parmi tant d'éclaircissements,
les notes et les observations toujours judicieuses de M. l'abbé Jagault, l'un
des Vendéens de première origine qui a su, vu et retenu le plus de faits
relatifs aux événements de la rive gauche de la Loire. Quoique
refondu d'un bout à l'autre, l'ouvrage, dont j'ai partout retouché et
fortifié le style, n'a été altéré ni dans son plan primitif, ni dans ses
premières bases. Je ne me suis pas attaché à rapporter seulement les faits
qui intéressent un parti ; rai décrit avec la même exactitude les opérations
des républicains et celles des royalistes. Je ne me suis pas non plus borné
au récit des faits militaires, j'ai embrassé toute l'histoire politique et secrète
de la guerre civile, et sous ce dernier point de vue seul, cette édition
l'emportait sur les trois qui l'ont précédée. Outre qu'elle renferme toute la
Suite de la guerre, c'est-à-dire deux campagnes de plus et 'deux
pacifications, elle l'avantage d'offrir le tableau d'événements qui, étant
accomplis, ont donné enfin un dénouement à ce long drame. J'ai
écrit devant les contemporains ; au milieu, des crimes que j'accuse, au
milieu des exploits que je relève, des lâchetés que je signale, et au milieu
des témoins qui pourraient me confondre, si j'avais trahi la vérité. La
vérité est le seul but que je me propose ; je n'ai rien négligé pour la
connaître, et je ne crains rien pour la dire. Quelque importune qu'elle soit
pour ceux qui la redoutent, ils ne peuvent nier qu'à, mesure qu'elle se fait
jour, les erreurs populaires, les mensonges politiques, les déguisements
artificieux ne se trouvent réfutés ou dissipés par la seule exposition des
faits et par l'évidence des preuves. Guidé par leur flambeau et par la plus
sévère critique, je me suis efforcé de faire régner, d'un bout à l'autre de
cet ouvrage, l'exactitude et l'impartialité. Mais l'impartialité que tous les
hommes exigent rigoureusement d'un historien et qu'ils feignent d'aimer,
réussit rarement, je l. sais, à celui qui écrit l'histoire contemporaine, et
j'ai fait une triste épreuve des dispositions injustes de ces lecteurs
prévenus, qui demandent à un historien d'être impartial, à condition qu'il
épousera toutes leurs partialités, qu'il partagera toutes leurs préventions,
et qu'il entrera dans les passions qui les agitent. C'est surtout à la suite d'une grande révolution que l'historien véridique doit s'attendre aux clameurs de ceux qu'irrite sa véracité. Semblable aux agitations que les tempêtes produisent dans l'Océan, la cana fusion, introduite par les révolutions dans Ires idées morales, dure longtemps encore après que le calme est rétabli. Cette confusion s'étant 'renouvelée parmi nous avec plus de vivacité et de violence, je ne puis guère aspirer qu'au suffrage de la partie calme et réfléchie de la nation. Puisse-t-elle aujourd'hui, que l'ouvrage a reçu le complément dont il est redevable à la maturité et au temps, confirmer re jugement qu'en porta, en i8o6, un de nos plus célèbres critiques, dans les termes suivants : « Je louerai l'impartialité de l’historien : vertus, honneur, bravoure, tout ce qui est juste, tout ce qui est noble, tout ce qui est généreux, il l'applaudit également, dans les républicains et dans les royalistes ; brigandages, crimes, barbaries, tout ce qui est répréhensible, honteux, criminel, il le censure également dans les deux partis. Lorsqu'on trouve cette impartialité, si rare dans un historien, et qu'on jugeait, pour ainsi dire, impossible dans tout historien contemporain de la révolution, il y aurait de l'injustice et même de l'orgueil, dans un lecteur à en exiger une plus grande conformité de sentimens avec ses propres sentiments[6] ». |
[1]
L'Histoire de la révolution, depuis son origine jusqu'en 1815, dont j'ai
rassemblé tous les matériaux, et dont je m'occupe maintenant sans relâche.
[2]
Le voile qui couvrit d'abord l'anonyme fut aussitôt déchiré par le public et
même par quelques-uns des journaux du temps entre autres le Courrier
français du 28 juin 1806.
[3]
La bibliothèque historique des derniers mois de 1819.
[4]
Voyez le Journal des Débats du 14 septembre 1817 et du 19.
[5]
Voyez le Journal des Débats du 27 septembre 1817.
[6]
Voyez le Journal des Débats du 11 juin 1806.