HISTOIRE DE HENRI II

 

CHAPITRE VIII.

 

 

CONTINUATION DES ÉVÉNEMENTS D'ITALIE ET GUERRES DU PIÉMONT.

 

Henri II ne s'était pas laissé longtemps abattre par la perle de la bataille de Saint-Quentin et la prise de cette ville ; quoique Montluc ait écrit : Le royaume fut plus conservé par la volonté de Dieu qu'autrement[1], il prit des mesures salutaires. Il mit, nous l'avons dit, le cardinal de Lorraine à la tête de son administration et rappela d'Italie le duc de Guise ; il fallait du temps à ce dernier pour revenir de si loin, et c'était se jeter dans les bras de la maison de Guise ; et par conséquent en agissant de même son fils François H imitera son père, avec même cette atténuation que ces princes étrangers seront les oncles de sa femme, la reine Marie Stuart. Outre ce double appel, cette délégation aux deux frères, le roi demanda au maréchal de Brissac de lui envoyer les Suisses employés au Piémont, 4.000 environ, lesquels réunis aux 6.000 soldats de la même nation prêts à rejoindre le duc de Guise et appelés d'urgence de l'Helvétie, allaient constituer un noyau de bons soldats fort de 10.000 hommes. Les levées allemandes furent pressées, surtout en lansquenets, et une espèce de levée en masse des gentilshommes ayant déjà porté, ou aptes à porter les armes, prescrite dans tons les pays de France[2]. Tant que Henri II fut à Compiègne, la reine Catherine de Médicis gouverna, avec charge spéciale de faire rentrer les deniers[3]. Revenu dans Paris, Henri II rejeta, dans un nouveau conseil, la proposition de se retirer sur Orléans, ce qui aurait entraîné pour conséquence d'y transporter le gouvernement.

Le duc de Nevers avait pourvu à la garnison des places voisines de Saint-Quentin. L'on ne tarda pas à reprendre un peu d'espoir en voyant Philippe Il investir le Catelet[4], puis Ham, au lieu de marcher droit sur Paris ; les troupes demandées au maréchal de Brissac furent renvoyées au duc de Saint-Jean-de-Maurienne, où elles étaient déjà parvenues.

Grâce aux mesures prises, grâce à l'activité financière déployée par d'Elbène, général des aides, qui s'était rendu à Lyon et avait négocié auprès des banquiers de cette grande cité, on parvint bientôt à posséder autant et même plus de forces que Philippe II ; l'argent se montra aussi, grâce à la fidélité des engagements royaux, eu égard aux dettes de l'Etat que proclama et tint Henri II[5].

La seconde moitié de septembre fut ainsi gagnée et le retour du duc de Guise enfin effectué (20 septembre) : nous verrons dans un chapitre suivant ce que fil ce grand homme de guerre. Pour l'instant, il convient de nous occuper du sort de nos armes en Italie où restait le maréchal de Brissac, près duquel était revenu son secrétaire Boyvin, après avoir négocié auprès de Henri II pour que l'on conservât en Piémont le plus de soldats français possible.

Après la paix faite avec le Pape, paix dont nous avons parlé à la fin du chapitre III, pendant que Henri II marchait vers la Lorraine[6], laissant Catherine de Médicis pour régente, un génois, Galeas Fregose, vint proposer à Brissac une tentative sur Gênes offrant d'y pénétrer d'un coup et même de s'emparer du palais du prince André Doria, alors âgé, palais situé près de la porte de la ville, où on la voit encore[7]. Le chef des Français accepta le projet, vu son importance, mais à la condition qu'on lui divulguerait le moyen proposé, ce qui fut fait. Afin de tenter cette aventure, il fallait approcher de la ville avec 4.000 fantassins et 500 chevaux : or le Piémont ne pouvait être dégarni sans danger ; aussi le chef des Français prit les ordres du roi auquel il dépêcha Fregose : Henri II remit l'entreprise après son expédition en Allemagne, en vue de laquelle les sept vieilles bandes de Châtillon furent enlevées à notre armée d'Italie. Le départ de ces excellentes troupes entrava beaucoup l'action du maréchal.

Sienne venait de recouvrer sa liberté et d'expulser les Espagnols de sa citadelle à l'aide d'un secours de 2.000 Français ; elle se mit aussitôt sous la protection de Henri II. Ce n'était qu'un détail dans l'ensemble fâcheux que les affaires prenaient en Italie pour la France, car le duc de Savoie venait de Flandre, mécontent de l'Empereur, et réoccupait ses États. Pour sortir de la situation, le maréchal de Brissac vint investir Carmagnoles avec 8.000 gens de pied et 1.200 chevaux. Comme il leur était impossible de marcher au secours de cette cité, les Espagnols se portèrent contre le fort de Bra, le battirent avec deux canons amenés de Queyras, firent brèche au bout de 400 coups, donnèrent l'assaut, emportèrent les remparts et passèrent au fil de l'épée à peu près la totalité de la garnison. Ensuite les Impériaux se dirigèrent sur Beyne, entre Queyras et Carru, mais n'osèrent l'attaquer, firent le dégât dans les alentours, puis marchèrent vers le marquisat de Saluces, à proximité des sources du Pô.

Dès leur éloignement Brissac tira les troupes des tranchées de Carmagnoles, reprit aisément le château de Dronier, quoique les défenseurs eussent allumé dans la brèche un large bûcher parsemé de poudre, ce qui nous occasionna des pertes. Versel et Saluces capitulèrent aussi à bagues sauves. Quant au château de Cardé, il fallut plus de 600 volées pour y produire une brèche ; l'assaut fut rude, mais, grâce au président Biragués, il obtint bon succès ; les munitions prirent feu à ce moment et notre nouvelle conquête brûla[8].

Quand on descend de Pignerol vers Coni, par Cavour et Saluces, il existe sur la Maira, non loin de Ville-Fayet, une petite ville assez importante aujourd'hui, nommée Busca[9], au pied d'une colline qui produit de bons vins. L'ennemi s'étant dispersé dans les garnisons, le maréchal de Brissac résolut de l'emporter, mais brusquement, en faisant brèche en six ou huit heures, avant qu'on ne pût venir à son secours. Dans ce but, il fit assembler à Carmagnoles quinze canons et trois couleuvrines et tout l'équipage nécessaire, fit cuire 70.000 pains et partit avec 4.000 Français, 3.000 Suisses, 1.200 Italiens et 1.500 chevaux, ceux-ci portant un arquebusier en croupe, lui cheminant avec l'artillerie, et en une nuit — il y avait environ six lieues — franchit la distance entre Carmagnoles et Busca. Les tranchées furent commencées. Le maréchal reconnut lui-même la place et embusqua ses canons dans une grande métairie dont la paille et le fourrage devaient, en flambant, éclairer et faciliter son tir. Dès que le feu eut été mis à la paille on vit en effet comme en plein jour une courtine et ses flancs, en sorte que nos projectiles eurent beau jeu, et qu'en une nuit de tir on obtint une brèche de 120 pas. On disposa tout pour l'assaut ; alors les assiégés battirent la chamade. On leur envoya le capitaine Loup et Boyvin du Villars, secrétaire du maréchal ; il leur fut accordé bagues sauves[10], mais l'artillerie et les munitions restèrent au roi. Le maréchal fit, par précaution, rebrousser jusqu'à Carmagnoles l'artillerie qui venait de si bien servir, et le commandement de notre conquête fut confié au capitaine Lamotte avec une garnison de 800 Français et 200 Suisses ; celui-ci fit réparer sans délai les brèches et sa place se trouva promptement en état de résister à une armée d'effectif médiocre.

Après une convention avec les Impériaux pour assurer le labour de la campagne[11], nos troupes vinrent se rafraîchir à Carmagnoles. Les Biragues furent chargés de veiller sur Verrue. Ils avertirent qu'avec 4.000 hommes et 1.500 coups de canon on viendrait à bout de cette place. Le maréchal, afin de détourner l'attention, envoya ses troupes italiennes vers Chivas, fit d'autres détachements, et sur Quiers et sur Montcallier, prescrivît d'envoyer de l'artillerie prélevée à Turin, au moyen de barques naviguant sur le Pô. Les canons arrivèrent sur le coup de minuit contre Verrue déjà bloquée du côté de la montagne. Un bac et douze soldats, veillant à la garde du passage du Pô, furent saisis. L'artillerie, bien postée sur une élévation de terrain, commença à jouer vers deux heures de l'après-midi ; les assiégés tentèrent des sorties et firent bonne contenance, en sorte qu'il fallut remettre les efforts au lendemain. Ce second jour on aperçut dès midi une brèche médiocrement raisonnable ; elle fut reconnue et l'on y lança deux colonnes de 500 hommes chacune, en leur recommandant de faire une pause dans la montée. Ainsi fut exécuté. Durant le premier quart d'heure la garnison ne put être battue, mais à la seconde attaque elle perdit 80 hommes et dut se rendre. A ce dernier moment on accourait à son secours, même de Pavie ; c'était trop tard. Le commandement de Verrue fut accordé par le roi à Salveson qui rentrait de captivité, et accourut aussitôt de la cour à son nouveau poste.

Brissac ayant fait augmenter les fortifications de Saint-Martin, y plaça 300 hommes sous les ordres d'un capitaine italien : cette nouvelle garnison menaçait Yvrée, aussi les Impériaux vinrent-ils rapidement contre elle et agirent de sorte qu'ils la prirent en trois jours, blessèrent puis pendirent son chef.

Pendant ce temps les Français songeaient à une entreprise contre Albe. Deux officiers, jadis prisonniers dans cette ville, avaient remarqué près de la porte du Tanaro, par où l'on pénétrait dans les fossés, une planche qui servait à passer. On envoya une reconnaissance constater qu'elle existait encore. En même temps un moulin fut signalé à 40 pas de la ville, moulin habité et gardé en outre par deux chiens qui donnaient l'éveil au moindre bruit : là furent expédiés quatre soldats déguisés avec des sacs de blé pour le faire moudre, lesquels soldats ne quittèrent le moulin tant que l'entreprise dura, et endormirent par de la viande la voracité et l'attention des chiens. Ces précautions prises, 800 hommes et 300 chevaux s'avancèrent secrètement ; ces troupes, certaines que le moulin était occupé et contraint ainsi à ne plus être redoutable, approchèrent avec leurs échelles, s'emparèrent du corps de garde, abattirent un pont-levis. A peine entrés les nôtres firent un grand tintement de trompettes et de tambourins, gagnèrent la place, y livrèrent un combat, firent le gouverneur prisonnier. Pendant ce temps, la garnison effrayée se sauvait par la porte opposée, et, quand elle voulut revenir, trouva le chemin fermé. On se porta sans délai vers le château, et il capitulait déjà lorsque le maréchal effectua son entrée. Ce brillant coup de main fut exempt de tout désordre.

Le gouvernement d'Albe fut confié au frère de Montluc et les fortifications en furent augmentées ; néanmoins les Impériaux essayèrent d'y mettre le siège : ce fut une vaine tentative ; après une furieuse escarmouche, ils furent contraints de se retirer et marchèrent contre Saint-Damian, vers le 10 octobre 1553, à peu près au moment où l'Empereur attaquait Metz.

Brissac, résolu de tenir la campagne, fit sortir les garnisons et passa la revue des siens à Carmagnoles : il trouva environ 8.000 fantassins français ou italiens, 3.000 Suisses et 1.200 chevaux. Tout étant mis en ordre, il marcha vers la province des Langues[12], contrée montueuse qui regarde la rivière de Gênes, et s'attaqua en premier lieu au château de Gravesan, qui fut emporté.

De là, rapporte Boyvin du Villars[13], on marcha contre Serravale où Festoient nichez vn tas de brigandeaux, lesquels firent contenance de vouloir attendre le canon : deux couleuvrines furent bracquées, lesquelles, en moins de rien, firent quelque apparence de bresche. Les François, sans attendre commandement, donnèrent dedans, la forcèrent, tuèrent tout ce qui s'y trouua, excepté six ou sept pauures soldats qui furent depuis pendus en représailles pour du Guierche Racanat, pendu à Saint-Martin. Voyla comment les généraux d'armée doyvent estre retenus en ces exécutions de iustice parmy la licence de ces armes, car la vengeance en tombe puis sur tel qui par sa valeur peut donner une victoire de ville ou de campagne. Pendant qu'on attaquait cestuy-ci, Montluc alla aussi dénicher ceux qui étaient à Dagliany[14] — Dogliani ? entre Bene et Cortemilia —, auxquels commandait Léon de Bellegarde, Espagnol austrefois nourri en France, lequel ayant voulu faire du mauvais à crédict, fut forcé et prins, et prest à ètre pendu, comme ceux de Serravale, sans l'importune instance et supplication que tous les capitaines françois firent au maréchal pour le garantir de mort ; le plaisir par lui fait à aucuns, avec ce qu'il estoit fort galand homme, lui moyennèrent sa grâce, vérifiant par là que Dieu ne permet jamais qu'vn bienfait demeure sans contre-échange.

Brissac reconnut qu'il ne pouvait rien entreprendre contre Courtemille — Cortemilia — ou Savone et se porta contre Ceva. Cette ville, sise dans la vallée du haut Tanaro, près le confluent du torrent la Cevetta, est petite[15] : bâtie à la demande des Génois et en partie avec leur argent, elle se trouvait de construction récente et offrait peu de solidité, de plus le fossé n'était pas assez approfondi, n'ayant parfois que deux mètres. Une autre circonstance défavorable fut que le gouverneur eut, pendant la battue en brèche, la tête emportée par un boulet. Un assaut, repris à deux fois, réussit bien et la cité se rendit en même temps que le fort (17 avril 1553). Le chef des gardes du maréchal y fut laissé pour gouverneur.

A une demi-lieue de Ceva, vers un pont dit des Molières, ou plutôt de Molière, il y eut bientôt une escarmouche entre un lieutenant du maréchal avec 500 piquiers et arquebusiers et un parti d'Espagnols, lequel parti, ayant perdu environ 80 hommes, contre nous, et aussi deux hommes d'armes blessés, fut obligé de quitter le pont et de gagner les coteaux voisins, ce qu'on voulait, car cette rencontre avait eu pour but de les déloger.

Pendant ce temps les nôtres passant l'eau, partie à gué, partie sur un pont de charrettes, avancèrent résolument vers les hauteurs et firent, par leur contenance résolue, que l'ennemi se retira sur Cairas. Alors le maréchal, qui songeait à établir la domination française jusqu'à Gènes et Savone, résolut de s'en prendre à Courtemille — Cortemiglia — à six lieues de Savone[16] environ, dent la possession lui permettait de disposer de trente lieues de pays, car maintenant il possédait Ceva. Cette place de Courtemille occupait une éminence[17] ; d'où l'on dominait deux petites villes, l'une jointe, l'antre au delà d'un ruisseau qui sépare les deux villages, celles-ci étant réunies par un pont ; la première de ces villettes assez bonne, la seconde médiocre. Tout ce pays montueux se trouvait rempli de châtaigniers, et cela rendait le port de l'artillerie difficile, impossible même, à moins de la manier à bras. Cela fut fait néanmoins et le 30 avril l'infanterie attaqua et emporta d'assaut la première ville défendre par 200 hommes. La nuit suivante notre artillerie reprit position, de façon à battre à la fois l'autre ville et le château : en trois heures une brèche praticable se produisit ; à cette vue nos soldats s'élancèrent sans qu'on pût les retenir. La ville était dûment approvisionnée, ce qui fut pour nous un avantage, mais restait le château, plus fort, mieux flanqué surtout qu'on ne croyait. On établit une batterie du côté de la première ville, d'où l'on découvrait mieux le rempart : 1.200 coups furent tirés. Comme ce tir produisit un faible effet[18], le maréchal décida, en dépit des difficultés, qu'on reporterait la batterie du côté de la montagne, car étant mieux couvert par là, le rempart devait se trouver plus négligé[19]. Cette prévision se réalisa ; lorsque à grand'peine, on eut placé et gabionné huit canons par le haut et quatre couleuvrines par le bas de la ville, lorsque ces pièces eurent tiré sans interruption, on aperçut une brèche effectuée dans ce haut, mal ou pas fortifié ; en outre, faute de terre l'adversaire ne put boucher, tout au moins diminuer cette brèche. Devant une telle promptitude, les vivres commençant à manquer et l'espoir d'un secours étant nul, les assiégés battirent la chamade. Richelieu, lieutenant de Bonnivet, leur fut envoyé avec Boyvin du Villars ; on leur accorda bagues sauves, l'artillerie et les munitions restant au vainqueur : il en sortit 400 hommes ayant leurs armes en bon état. Le maréchal fit aussitôt réparer les fortifications du château qui devint un poste solide, dont le commandement fut confié à Richelieu, sur la recommandation de Bonnivet et de Montluc. Beaucoup de petits postes des environs se soumirent d'eux-mêmes ; il fallut seulement faire une démonstration contre ceux de Cassan et de Castres ; ce dernier poste confinait presque à Gènes.

Après ces succès le maréchal revint vers Carmagnole, point central' par rapport au Piémont, d'où il pouvait agir suivant les desseins, les mouvements de l'ennemi. Ce dernier se dirigea vers Asti et nous vers Poirin, localité piémontaise au nord de Carmagnole et à peu près à égale distance de cette place et de Quiers ; là, de part et d'autre, on occupait le centre du Piémont. On sut bientôt que les Espagnols visaient à une attaque contre Villeneuve d'Asti. Brissac réunit un gros de nos forces à Riva près de Moul et de Quiers, sur un cours d'eau, que l'on appelle souvent Riva de Quiers, puis tint conseil : on résolut de donner bataille dans les plaines de Butiglières. Aussitôt l'on décampa au nombre de 6.000 Français, 2.000 Italiens, 3.000 Suisses, 300 hommes d'armes, 600 chevau-légers, six canons et une centaine de volontaires. L'ennemi venait de Butiglières ; le maréchal le lit reconnaître, visita lui-même les localités, prit son ordre de bataille, disposa un corps spécial de 200 chevaux et 400 arquebusiers, espèce de réserve volante destinée à se porter où l'un de nos bataillons faiblirait. On était prêt des deux parts. Dans une dernière reconnaissance poussée fort loin, le maréchal et sa suite[20] reçurent des balles ; il constata que pour aller vers l'adversaire, fort bien rangé, il fallait rompre son ordonnance ; néanmoins il adressa la parole à ses troupes et en fut acclamé. La journée se passa en escarmouches. Alors le général ennemi[21] porta ses vues sur le ravitaillement de Cairas, très menacé, car nous étions maîtres des châteaux environnants. Afin de ravitailler cette place, sans risquer une bataille, il proposa une suspension d'armes, qui pouvait amener la paix. On convint de quarante jours de trêve : les deux généraux s'embrassèrent pour la sceller.

A la reprise des hostilités le maréchal résolut d'assiéger Camerana, près Montafia, au pays d'Asti[22] récemment fortifiée par l'adversaire. Il y marcha avec cinq canons, deux couleuvrines, 500 fantassins, 500 chevaux ; à sa première sommation la garnison riposta fièrement. La batterie de brèche fut dressée et tira le lendemain sans occasionner grand dégât, mais au deuxième jour du tir, les coups ayant porté contre deux bastionnets en terre nouvellement faits, il se produisit de telles ruines que les 400 Espagnols se rendirent bagues sauves. Afin de ne pas surcharger ses troupes de postes à garder, Brissac fit sauter Camerana et son fort, ainsi que cieux petits châteaux[23] appartenant au comte de Montafia.

Dans le but d'achever la soumission du Montferrat, le maréchal marcha sur Monteil, dans l'intention d'occuper et de fortifier le coteau qu'elle occupait. Monteil est situé entre Montafia et Verrue, au sud de cette dernière et domine l'origine de la vallée de la Sture. L'expédition projetée ne réussit pas, le capitaine français mis en observation, malgré un ordre formel, s'étant laissé entraîner à une escarmouche, qui cachait une embuscade où il tomba.

Après la réception de la nouvelle des succès obtenus par les Français dans le siège de Metz par Charles-Quint, le maréchal, guidé par les vues des Espagnols sur Albe, distante à peine de trois lieues d'Asti, dès qu'il sut qu'ils se dirigeaient vers Saint-Damian, y envoya un renfort de 600 hommes, nantis de beaucoup de munitions. En outre, et malgré les promesses et la valeur du chef de ce poste, considérant que la place était commandée, c'est-à-dire dominée, il envoya Montluc, alors maistre de camp — charge dont il se démit plus tard —, dans le château de la Cisterne, à une lieue de Saint-Damian et dans une position élevée. Accompagné de 300 bons soldats, ce guerrier entreprenant eut bientôt fouillé le pays, et put, presque chaque jour, transmettre des nouvelles. Il apprit entr'autres au maréchal que l'ennemi voulait recourir à la mine et la préparer de façon à la faire sauter seulement quand l'artillerie pourrait tirer à toute volée. Au moyen d'une forte alarme, Montluc parvint à faire entrer dans Saint-Damian un émissaire français qui porta la garnison à creuser en terre afin d'aller à la rencontre des mineurs ; cette tentative réussit, il y eut dans la mine un combat où l'avantage resta aux Français. Deux cents hommes furent ensuite introduits heureusement dans la place. Le voisinage de la Cisterne devint ainsi une circonstance favorable pour Saint-Damian, qui fut souvent ravitaillée ; l'adversaire dut lever le siège, ce qui fournit une preuve de l'importance pour une place d'un point d'appui, surtout quand ce point commande le pays comme c'était le cas ici. La retraite des Espagnols fut inquiétée et elle occasionna de part et d'autre des pertes.

On en vint alors, pour la lutte de Piémont, à des articles de capitulation acceptés des deux côtés et signés, pour les Français, par le maréchal de Brissac, Chevalier de l'Ordre du Roy, Gouverneur et Lieutenant général deça les Monts pour Sa Majesté Très Chrestienne, et pour les Impériaux, par Dom Fernand de Gonzague, Lieutenant et Capitaine général de la Césarée (Impériale) Majesté, en Italie.

C'est pendant ce répit que les Français firent une tentative armée en Corse.

Les droits de la France sur la Corse remontaient à Charles VI, auquel Gênes s'était offerte : depuis, Louis XII avait recouvré la possession de cette république et bâti une citadelle dans sa capitale ; puis François Ier y avait installé, comme gouverneur français, Frégose, doge qui venait d'abdiquer. Ce dernier souverain se considéra dès lors comme possédant les mêmes droits sur la Corse, en partie soumise à Gênes. Telle était la situation quand Henri II parvint au trône ce monarque envisagea surtout l'utilité de cette île comme relâche, car de là on appuyait toute défense des côtes génoises, et une flotte française était protégée quand elle passait de Marseille en Toscane. Une expédition fut résolue et dirigée par Paul de Thermes ; la flotte turque, commandée par Dragut, seconda nos armes. Après une attaque contre l'île d'Elbe, nous débarquâmes en Corse le 25 août 1553 ; notre feu réduisit promptement Bastia, dont la citadelle se rendit le lendemain. Saint-Florent Lajazzo — Ajaccio —, ville riche qui fut pillée[24], puis Bonifacio[25], capitale de l'île, subirent le même sort. Cette dernière ville fut assiégée par les Turcs, qui y perdirent du monde et nous abandonnèrent ensuite. Une rixe entre les janissaires et les défenseurs, au moment de la capitulation, rixe soulevée par un artifice de Dragut, au témoignage de Varillas, occasionna un massacre partiel des vaincus. Après le départ de leurs alliés, les Français assaillirent Calvi ; l'arrivée des forces de Doria fit lever siège et bientôt Bastia et Saint-Florent se rendirent aux Génois[26].

Fernand de Gonzague ne tarda pas à se concentrer vers Valfenière, sise au sud de Villeneuve-d'Asti, entre Isola Bella et Cantanara, dont l'assiette lui parut propice et qu'il se mit à fortifier ; son idée était d'en faire pour son armée un vaste magasin d'approvisionnement. Le maréchal, de son côté, dressa une embuscade contre Verceil ; malgré les effets d'une pluie fine qui détrempa les terres, malgré un incident qui fit tourner à mal une relation qu'un des nôtres entretenait dans la place avec un de ses cousins, la cité fut prise et la garnison se retira dans la citadelle. Le maréchal amena des renforts, surtout 1.500 chevaux avec chacun un arquebusier en croupe, entra sans bruit dans la ville, fit distribuer des vivres à nos soldats harassés, convoqua un conseil en vue d'assaillir la citadelle. On y proposa divers moyens hasardeux, notamment un assaut nocturne ; Brissac repoussa ces moyens et envoya chacun reconnaître à nouveau la forteresse ; sur ces entrefaites elle se rendit volontairement, et on y trouva au moins pour soixante mille écus de meubles et objets précieux appartenant au duc de Savoie. Sur le soir de ce succès toutes nos places, et surtout Verrue, qui se trouve dans une assiette dominante, tirèrent et firent un grand tintamarre afin de nous avertir de l'approche de l'ennemi qui venait en forces pour nous attaquer. Il fut résolu qu'à minuit on délogerait, les Espagnols pouvant apparaître vers dix heures du matin. Notre retraite réussit, grâce aux mesures prises par le maréchal, qui fit mettre sur des charrettes le butin emporté par chacun des soldats et allégea de la sorte leur marche, fit d'abord cheminer les siens en trois petites troupes appuyées par des gros de cavalerie, puis forma de ses gens de pied un bataillon carré[27], les cavaliers ayant alors ordre de contenir l'ennemi, mais sans s'engager ; quant au passage de la Doire–Baltée, alors assez impétueuse, il fit placer en amont une file de cavaliers et des chevaux de bagage afin de rompre la force du courant, puis il réunit les fantassins par vingt et les attacha à une pique, lui passant le dernier. On atteignit ainsi sans encombre la place d'Ivrée ; la cavalerie de Chivas, prévenue par un gentilhomme envoyé exprès, venait au devant de nous, et d'ailleurs l'ennemi, perdant du temps à Casal pour y repaître à son aise, n'agissait que lentement contre nous.

Le maréchal de Brissac, dont il avait été question à la cour de France pour remplacer, le cas échéant, le connétable alors malade, prit le parti, dès janvier 1554, d'aller assiéger Valfenière qui, par sa position centrale entre Asti, Quiers, Carmagnole, Carignan et Turin, pouvait donner à souffrir à ces possessions françaises. La nouvelle forteresse espagnole contenait à peine de vivres pour six semaines. Avec son armée, soit 12.000 hommes et 1.000 chevaux, il vint se placer à portée de canon, dans Saint-Paul et dans Sobry, villages brûlés. Les avenues furent battues avec vigilance, notamment par notre cavalerie et par 200 arquebusiers postés à une lieue de distance, contre Isola Bella, et il ne put rien pénétrer dans la place. Sur la fin de janvier, le gouverneur de Foussan — Fossano — essaya de faire entrer 200 mulets chargés de farine, mais ce convoi fut battu. On apprit bientôt que Strozzi venait d'être défait en Italie, à Marciano (2 août 1554) en voulant délivrer Sienne ; les assiégés s'en réjouirent à coups d'arquebuse et de canon ; ce fâcheux événement donna lieu à un conseil de guerre où les chefs français recommandèrent, ce qui fut adopté par le maréchal, de se concentrer, sans précipitation toutefois, afin de tenir tête à l'adversaire. Justement le gouverneur de Foussan méditait une nouvelle entreprise pour aider Valfenière. Le maréchal, qui connaissait la vallée de Villefranche, tendit une embuscade de 2.000 hommes le long d'un canal embroussaillé qui tenait le bas de la montagne, embuscade que ceux venant d'Asti, et c'était le cas, ne pouvaient guère découvrir : tout se trouvait fortement appuyé, l'occasion paraissait excellente. Mais, dès l'approche de l'ennemi, un maladroit tira, au lieu d'attendre le signal qui devait être une enseigne blanche arborée sur le clocher du village de Saint-Paul, en sorte que l'attaque eut lieu trop tôt ; l'adversaire put se défendre et faire entrer son convoi dans la place. Après ce coup manqué Brissac mit durant 15 jours, pour s'y rafraîchir, son armée dans les garnisons.

Bonnivet fut ensuite envoyé, à la tête de 1.200 Français, 400 Suisses et 300 chevaux, vers le pays de Mondovi, où il put en effet emporter, après un assaut, Villeneuve-de-Mondovi, puis remonter plus au nord vers la Trinité et Saint-Alban, très près de Fossano, petits repaires d'où l'on dirigeait plus d'un brigandage et dont il se rendit également maître. On voit que le maréchal ne se reposait guère ; l'ennemi disait de lui qu'il s'en fallait garder même quand il était attrapé des gouttes[28].

A la suite de la défaite de Strozzi, Lucignano et deux autres places devinrent la proie des Impériaux, et le marquis de Marignan donna une escalade infructueuse à Sienne. Aussitôt on consulta la cour de France sur les moyens efficaces pour délivrer les Siennois ; Henri II fit répondre qu'il ne pouvait rien en leur faveur, ce qui venait à l'encontre des projets du maréchal. Ce chef, si mal secondé, résolut d'attaquer Ivrée, sise à cinq lieues de Verceil, à l'entrée du val d'Aoste, plutôt que de se porter contre Asti ; cette première ville ferme l'entrée de la vallée[29] et contient un pont de pierre sur la Doria-Baltea, que domine un fort dit Malvoisin, lequel occupe une montagne. L'armée française s'avança par la plaine de Caluze, comptant 7.000 Français, 4.000 Suisses, 3.000 Allemands, 3.000 Italiens, en tout 17.000 fantassins, sans compter 1.200 chevaux, 4 canons, 2 couleuvrines. De ces forces 1.200 hommes de pied et 400 chevaux furent distraits pour aller investir Ivrée. Cet investissement fut effectué dès le lendemain ; 2 canons ayant été braqués contre Malvoisin, ce fort se rendit après quelques volées. La batterie de brèche, composée de 10 canons et des couleuvrines, fut dirigée contre la muraille qui borde la rive de la Doire et qui se trouvait mal fortifiée, car on comptait sur la protection de la rivière ; le sixième jour elle fut en état de tirer, et fit une brèche raisonnable en 48 heures. Tout fut disposé pour l'assaut : la rivière était étroite, offrait alors 2 pieds d'eau et un fond pierreux ; des planches et des claies avaient été jetées d'un bord à l'autre afin d'en permettre le passage. Au moment où le maréchal allait donner le signal d'un assaut, qui se présentait sous des auspices favorables, la ville battit la chamade ; elle obtint de sortir bagues sauves, enseignes déployées et tambourin sonnant, mais l'artillerie et toutes les munitions restèrent au roi (29 décembre 1554). Le maréchal dépêcha aussitôt en France un officier chargé de notifier ce succès, et surtout de demander des renforts et de l'argent[30], si l'on voulait conserver le Piémont tout en continuant à cheminer plus avant ; il importait d'ailleurs non seulement de mieux fortifier Ivrée, mais de régler la solde arriérée[31], car nos troupes montraient du mécontentement de voir si peu d'argent royal.

La prise d'Ivrée faisait diversion à la mauvaise situation de Sienne[32] ; nos troupes obtinrent un repos de trois jours, puis marchèrent contre le fort de Masin qui s'élève entre Verceil et Ivrée, pendant que 600 Français et 500 Allemands restaient à Verceil, sous les ordres du sieur de Mont-basin, afin d'en relever les brèches.

Les neiges restaient hautes, on en comptait au moins deux pieds. Le fort répondit mal à la première sommation. Comme il était construit sur le roc, on n'y pouvait creuser de tranchées : on fit usage d'une douzaine de mantelets plantés de façon à couvrir l'établissement de la batterie. Il fallut tirer 1.200 coups pour obtenir la chamade ; les bagues sauves accordées, les enseignes durent sortir ployées et le tambourin couvert[33].

Le temps empira, ce qui empêcha d'aller assaillir Saint-Germain — San Gemano ? — à 10 kilomètres de Verceil. A défaut le maréchal chemina vers Bielle, au pied de la montagne qui sépare le val d'Aoste de la vallée de Sésia, dont la population entra sans délai en composition. Il projeta d'aller vers Santya, entre Verceil et Crescentin, dans l'intention de fortifier cette localité qui avoisine les limites du duché de Milan et du Montferrat, et qui deviendrait son escale dans cette direction : le roi avait approuvé ce dessein et même promis du secours. Brissac attendit ce renfort, ne voulant rien compromettre vu la récente perte du Siennois. Enfin tout arriva : troupes, un peu d'argent, même quelques récompenses pour les seigneurs se battant dans le Piémont, qui un gouvernement de ville, qui une compagnie de gendarmes, qui une pension, qui un état de gentilhomme de la chambre ; le maréchal obtint 12.000 livres de rente en terre, mais ne les toucha que fort après[34].

Ayant adressé ses remerciements au roi, Brissac assembla son armée, prit conseil, puis se mit en marche, avec un détachement en avant de 300 chevaux et de 100 arquebusiers à cheval. Dès qu'on fut arrivé, tout le monde, les chefs eux-mêmes, voire avec la hotte, se mirent au travail des fortifications que le maréchal voulait terminer et approvisionner en trois semaines au plus tard, afin d'être libre de se porter ailleurs et d'acquérir ainsi tous beaucoup de gloire et d'honneur. Mais ordre arriva, aussitôt la fortification achevée, de se replier et de se borner à la garde des places conquises. Le maréchal présenta ses observations, objectant qu'il ne pouvait rien tenter tant qu'on le tiendrait bas de forces et de moyens ; il réussit en partie, mais évidemment, par jalousie de ses succès et de sa façon modérée en toutes choses, on le contrecarrait à la cour. Pourtant il fallait absolument obvier aux inconvénients qui résultaient des mauvais paiements, surtout à la désertion par découragement, laquelle finit par faire fondre une armée.

L'ennemi entreprit de fortifier Gatinara, un peu au sud de Serravalle et de Crèvecœur, afin d'en faire un opposé, ou, comme on disait alors, un asseuré propugnacle contre Santia ou Saint-Ya[35]. Le maréchal ne voulait les laisser tranquillement occupés à cette besogne ; il envoya, puis marcha contre eux avec dessein de les bien estriller ; quoique notre marche fut retardée par les pluies qui survinrent et effondrèrent les chemins, l'ennemi se retira, dès l'approche du maréchal, non par la campagne, mais par la montagne et le val de Sesia, en sorte que nous trouvâmes Gatinara abandonnée ; le château se rendit aussitôt. Brissac, quoique pris par la goutte, persista dans son dessein de fortifier Santia et dans ce but demanda force renfort au roi.

Santia était si bien l'escale, le degré vers le duché de Milan, comme nous l'avons (lit, qu'on vint, dès l'achèvement de la fortification, lui proposer la reddition de deux châteaux, sis dans la Lomelline, ou Lumelline, seconde partie du Milanais, et il ne se dissuada de cette proposition que par l'éloignement des susdits châteaux ; il préféra une entreprise contre Casal, sur le Pô, à 33 kilomètres d'Alexandrie, entre Trino et Bremme, ce qui ne l'entraînait pas au delà de la Sesia. Cette place offrait six fronts, non compris le côté par lequel elle se joignait à sa citadelle, et une île du Pô se trouvait vis- à-vis. Près de la porte donnant sur cette rivière, un maître d'école, pendant une promenade de ses élèves sur le rempart, découvrit à vingt pas de distance une petite tour qui cachait la vue à la sentinelle, et où il put une nuit descendre avec une échelle sans être aperçu. Il appela aussitôt un sien cousin, soldat français, et s'entendit avec lui. Le maréchal averti donna son acquiescement et régularisa l'exécution du projet avec l'exactitude qu'il mettait en toute chose. L'entreprise aboutit de nuit, les cordes des bacs existant à Crescentin, Gabian, Pondesture, Camin et de la Motte, ayant été coupées à dessein, et tous les bacs réunis comme bateaux, afin d'aider au passage des nôtres ; tout réussit, les habitants ayant ordre de l'adversaire, à la première alarme, d'éclairer leurs fenêtres, mais de ne pas sortir, ce qui facilita doublement notre action. Brissac cantonna aussitôt prudemment ses troupes dans les faubourgs, afin de les mettre à l'abri d'une surprise, et se porta sans délai au siège de la citadelle dans laquelle la garnison venait de se réfugier. On croyait à un délai de six semaines pour l'emporter, en dépit de quinze pièces venues de Turin pour la battre, et l'on avait établi, pour se garantir, un retranchement entre la ville et la citadelle. Il fallut prendre ravelin par ravelin, puis mettre l'artillerie assiégeante dans le fossé, pour battre les voûtes des murailles, moyen extrême qui fut exécuté, malgré le danger, par Richelieu et par le colonel des Suisses, mais avec des pertes. Quatre pièces installées dès le jour tirèrent à toutes volées ; à la centième volée, on aperçut un peu de jour à côté d'une canonnière de la muraille, et peu après la chamade se fit entendre. Le maréchal accorda les bagues sauves, mais vingt-quatre heures seulement pour effectuer la sortie. Dès l'arrangement, Brissac adopta de bonnes mesures contre l'arrivée possible d'un secours, car le marquis de Pescaire se trouvait à une demi-lieue seulement de distance. Henri II fut averti par un exprès de la sortie de la garnison, et le maréchal accompagna cette bonne nouvelle du rappel de ses précédentes demandes en vue de renfort et d'argent. Le roi accorda seulement 4.000 Italiens en tout pour le Piémont et ne voulut, pour les citadelles de Casal, Masin et Malvoisin, aucune augmentation des bandes françaises. C'était une dure décision, quoiqu'elle fût entourée de promesses royales en faveur de la paix, dont il recommandait la conclusion ; le maréchal comprit qu'il lui fallait compter sur lui- même. Aussitôt, et pour appuyer la garnison française de Casal, il envoya trois pièces canonner trois châteaux voisins de cette ville et sur les deux rives, lesquels se rendirent[36], ce qui ne manquait pas d'utilité, puisqu'il y avait toujours quelque combat près de Casal.

Le gouverneur de Saint-Damian entretenait une intelligence dans Ast, où l'on promettait de le faire pénétrer dans un bastion voisin de la porte du Tanaro. Un exprès fut dépêché au roi qui prescrivit de donner suite à ce projet, mais de gros renforts entrèrent dans la place et il n'y fallut plus songer.

Brissac revint à ses intentions précédentes contre Valfenière. Il rassembla donc 4.000 Français et 200 étrangers, mais la solde toujours promise n'arrivant pas, il s'éleva une mutinerie, dont le maréchal dut prévenir le roi, tout en semonçant les officiers qui commandaient de ce côté.

Enfin, au mois de septembre 1554, Henri II prit le parti de secourir le maréchal de Brissac, et demanda à quelles entreprises ce secours serait employé. Le maréchal projetait d'assaillir Vulpian, mais, prudent sinon caché, ne voulait divulguer à l'avance ce dessein. L'entreprise sur Gênes prévalut, malgré les difficultés qu'allait présenter l'hiver, car on était en novembre 1554 ; en outre l'intelligence amorcée dans ce fameux port semblait déserter. Dans ces circonstances, Brissac envoya son secrétaire, le baron Boyvin du Villars, expliquer au roi la situation exacte ; il lui confia même dans ce but ses mémoires et ses instructions. D'après ces mémoires, l'état des forces françaises cantonnées dans le Piémont au 22 novembre, atteignait le chiffre de 17.000 hommes et devait garder 16 places piémontaises, plus 42 places ou châteaux, tant dans le reste du Piémont qu'au Milanais ; l'ennemi avait pour sa part onze places seulement à garder et disposait au moins du même nombre d'enseignes[37].

Dès le mois d'avril de l'année 1555, le maréchal apprit que ses adversaires achevaient leurs levées et attendaient au premier jour 1,600 Espagnols venant de Naples et dirigés sur Gênes ; aussitôt il supplia Henri II de hâter l'envoi des renforts promis, car il ne pouvait rien entreprendre à cause des grosses garnisons à opposer maintenant à de tels ennemis dans six de ses places : Ivrée, Galiani, Masin, Santia, Casal et Albe : on voit que son idée de fortifier Santia le surchargeait d'un poste de plus à conserver. En outre, ces places occupaient la frontière ou les chemins de Milan ; il déclara donc à son souverain qu'il préférait fortement assurer ce qu'il avait entre les mains.

Les Impériaux s'approchèrent de Casal afin de gêner les approvisionnements en vivres de cette place ; le maréchal, désireux de conserver cette ville, se sentant obligé d'en tirer des subsistances, car les alentours étaient ruinés, se voyant ainsi dans la nécessité ou d'amoindrir la garnison ou de la priver de ressources, prit la résolution de se retirer à Casal : l'arrivée prochaine du duc d'Albe, pour commander les forces impériales en Italie, lui démontrait que l'ennemi allait tenter de grands efforts. On parla néanmoins bientôt de la paix, la mort récente du Saint-Père la devant faciliter, et Henri II, en vue d'améliorer ce traité, prescrivit au maréchal de se poster dans les points les plus avancés, car en principe on gardait ce qu'on avait conquis, et surtout de forcer Vulpian, au sud-ouest et près de Chivas, et sur la rive droite de l'Orco, non loin du confluent de cette rivière avec le Pô. Cette dernière recommandation gênait Brissac, qui promit néanmoins de réduire cette forteresse à sa seule enceinte ; il était d'ailleurs mécontent du connétable qui prétendait que toutes ses dépêches ne chantaient qu'argent[38]. La France vit bientôt l'effet de sa mauvaise administration et de son abandon ; Sienne se rendit. Le roi promit alors de nouveaux secours, bien tardifs assurément, s'ils venaient jamais.

L'ennemi heureusement ne payait guère non plus ses combattants ; une révolte des Allemands Impériaux avait même éclaté dans Vulpian et le gouverneur s'était vu obligé de capituler avec eux, sous promesse d'un paiement à trois semaines de date ; nonobstant, Brissac ne voulut assiéger Vulpian, afin de ne dégarnir aucune de ses places. L'ennemi manquait également de vivres ; cela soutenait un peu le courage des Français[39] — qui se trouvaient constamment impayés de deux mois de solde —, circonstance heureuse, car le duc d'Albe, dès son apparition en Italie, faisait menace de tout conquérir.

Le 20 mai les Français tentèrent un coup contre les Impériaux, mais le pont près de Casal sur le Pô ayant été jeté lentement, cela se borna à une mêlée entre gendarmes français et impériaux et à la défaite de la compagnie du duc de Savoie. Le maréchal vint ensuite se loger au bourg Saint-Martin, où il demeura une douzaine de jours, jetant de là dans Casal du blé et du vin.

Le duc d'Albe amenait de quoi compléter l'ensemble de grandes forces ; le maréchal en avertit le roi de France. L'ennemi allait disposer de 25.000 hommes d'infanterie pour le moins, de 5.000 chevaux, de 40 canons ; en outre l'argent venait avec le nouveau général, assez pour soudoyer les Impériaux durant six mois. En présence de ces préparatifs, on espéra dans nos rangs que la cour ferait effort pour envoyer sinon des hommes, au moins des écus.

Vulpian ne renfermait plus que pour six semaines de vivres ; elle envoya trois émissaires vers le duc d'Albe pour en solliciter un prompt secours, ce que l'on sut par la prise de deux d'entre eux. Les habitants commençaient à redouter la venue du duc d'Albe, résolu à faire le dégât en Piémont. Aussi Brissac s'y prit-il adroitement pour amener le connétable à ses fins, lui parlant dans ses lettres du désir de ses troupes de combattre et surtout de l'ardeur de son fils, M. Damville, qui avoit bonne envie de faire connaître aux ennemis qu'il étoit fils de celui qui les rembarra si bien en Provence. Ce propos adroit toucha enfin le connétable, et l'on se prépara mieux en France à composer un renfort destiné à l'Italie, non pourtant sans transmettre au maréchal quelque gronderie de détail ; mais sa prudence, sa modération vis-à-vis du roi ne fléchissait pas plus que son courage, et il se contentait d'écrire que si le monarque trouvait un serviteur plus digne que lui de remplir son office, il déposerait sur l'heure son commandement pour ne plus servir de butte aux envieux et aux médisants.

Henri II, prévenu de l'argent, des renforts reçus par l'ennemi, et aussi de ses résolutions probables, écrivit à nouveau le 29 juin 1555 qu'il serait fait droit aux réclamations de Brissac, en dépit de l'épuisement que causait à la France la continuation des autres guerres, et, un mois après, cette bonne nouvelle fut confirmée par une autre lettre royale. Le maréchal répondit que le duc d'Albe, une fois Vulpian secouru et réconforté, ne regagnerait pas Naples, comme le disaient quelques-uns et qu'il se fallait opposer à ses desseins. En conséquence, à la fin de juillet, outre un impôt qu'il frappa pour l'entretien de ses troupes, il augmenta les garnisons de Santia, Casal et Verrue, puis il vint à Chivas — Chivasso, à 22 kilomètres de Turin — avec le restant de ses forces, et reconnut lui-même trois lieux de passage sur la Doire, dont deux pouvaient être utilisés quoique la rive occupée par l'ennemi fût dominante. Mais ce n'était pas là le véritable objectif, non plus que Donodonzella, place du duché de Milan, qu'on offrait de livrer : les Impériaux venaient de s'approcher de Casal et d'y jeter un pont à une lieue, au point de Frasinetto — entre Bremme et Casal —, commençaient même à traverser sur ce point avec dix-huit pièces d'artillerie, dont six de campagne. Par une malheureuse coïncidence, les Français, mal payés et vivant trop de fruits, furent bientôt malades en grand nombre, car on était au moment des chaleurs. Le maréchal se vit obligé de récrire à nouveau eu France, et de dire que rien ne pouvait combattre la faim, que l'adversaire devenait nombreux, qu'il ne lui restait plus à lui et aux siens qu'à mourir pour le roi : c'était un cri de découragement.

Un petit succès remporté sur les Impériaux près du château de la Tour[40], vers lequel ils s'étaient dirigés de Valfenière, et où ces derniers perdirent près de 500 hommes tués ou pris, tant cavaliers que fantassins, vint à propos relever les esprits abattus.

Sur ces entrefaites Brissac reçut un envoyé du roi, et lui fit tout voir, notamment la misère des siens ; ledit envoyé repartit en toute hâte.

Santia fut bientôt assiégé par le duc d'Albe, mais on put y jeter un secours et des vivres. Le maréchal veillait sur cette place, mais ne voulait s'abandonner à un combat général, lorsque, malgré une batterie dirigée contre le clocher et une courtine avec quelques succès, car le clocher tomba, les Impériaux se retirèrent subitement ; ils avaient appris l'arrivée de plusieurs seigneurs français et aussi que les nôtres avaient reçu de l'argent, et se mirent à fortifier Pondesture — Pont de Stura ? — entre Casal et Verrue. C'est alors que le maréchal fut pris d'une fièvre grave, née de la fatigue et des soucis : il demanda à qui, en cas de maladie sérieuse, il devait remettre le commandement, en même temps qu'il sollicitait un plus grand nombre d'ingénieurs[41], et le tout par exprès ; en attendant la réponse royale, il chargea le duc d'Aumale du siège de Vulpian. Sous les ordres de ce chef improvisé, l'armée française marcha contre cette place et y parvint le 3 septembre 1555, à temps pour empêcher la moitié d'un convoi, contenant des munitions de guerre[42], d'y entrer ; ce convoi fut attaqué puis chargé trois fois par la tête, suivant la bonne méthode, car, l'attaque par le milieu, c'est simplement le couper en deux et permettre à la première moitié d'arriver à destination, et une attaque par la queue l'engage à se hâter, peut-être à sacrifier quelque bête de somme ou quelques voitures s'il en contient. La place fut ensuite assiégée suivant les instructions du maréchal, et au moyen de deux mines ; mais l'impatience des seigneurs, ne pouvant supporter le long travail des mines, fit donner un assaut malencontreux où nous perdîmes 300 des nôtres, tant morts que blessés, dont 15 officiers. Le maréchal courroucé prescrivit de reprendre le travail des mines destinées à produire une brèche au travers de laquelle on pourrait cheminer en bataille[43]. En effet six jours après on put mettre le feu à ces mines ; elles produisirent une excavation telle qu'on y pouvait monter à cheval. Comme on était en arrière tout formés pour marcher en avant, dès qu'on s'avança le boulevard et les tranchées furent emportés, quoique vaillamment défendus. A ce moment le maréchal, qui se faisait porter, parut ; aussitôt l'ennemi demanda à parlementer, déclarant ne vouloir traiter qu'avec le chef des Français qu'il savait arrivé. Ce dernier reçut les émissaires des Impériaux dans la tente du duc d'Aumale, en présence de tous les seigneurs de l'armée, disant que ceux qui avaient combattu victorieusement devaient traiter avec le vaincu ; puis il accorda la sortie de la garnison avec bagues sauves, enseignes déployées et tambourins sonnant. Un commissaire des guerres fut dépêché avec charge de porter au roi ces deux bonnes nouvelles, la prise de Vulpian et le rétablissement du maréchal, car l'armée française du Piémont avait mal accueilli la désignation de M. de Termes pour le remplacer au besoin.

Le 28 septembre, nous passâmes le Pô à Casal et allâmes reconnaître Pondesture et ses nouvelles fortifications : l'entreprise contre cette forteresse bien garnie fut abandonnée. Moncalve se rendit bientôt au duc d'Aumale après avoir enduré 1.200 coups de canon. Le maréchal fit partir son propre frère, M. de Gonnor, vers la France, toujours pour le même motif, solliciter des secours, car leur défaut occasionnait grand tort à nos armes et finissait, à la suite de divers dégâts, par doubler la dépense.

Le gouverneur espagnol de Pondesture voulut saccager le bourg de Rusignan et autres postes du Montferrat, lesquels refusaient de lui payer contributions. Le commandant français de Casal résolut de s'y opposer et sortit aux champs à cet effet, mettant dans une grande cassine, ou métairie près de Troussel, un escadron en réserve : il réussit à battre l'ennemi qui échoua encore devant le fort de Gatinare.

L'année suivante, c'est-à-dire en 1556, le maréchal se rendit à la cour de France ; il y fut bien reçu, sans obtenir plus qu'auparavant[44]. Dès son retour en Italie, il avertit Henri II de la situation (janvier 1557) : le duc de Parme ne se devait pas opposer au passage du duc de Guise, qui se rendait dans le royaume de Naples afin de le conquérir. Ce dernier passa par Turin le 26 janvier, il eut une conférence avec le maréchal qui ne lui cacha qu'il considérait ses projets comme hasardeux, mais le duc de Guise persista et la cour de France avec lui, Brissac reçut même une réprimande parce qu'il croyait nos adversaires en Italie plus forts qu'ils n'étaient[45]. Après bien du temps passé en explications entre la Cour et Brissac, celui-ci reprit le cours de ses opérations et s'empara de Valfenière. Il se remit en bons termes avec le connétable et se rendit devant Cairas qu'il assaillit avec de l'artillerie, soumit et saccagea. Enfin il reçut de France 60.000 écus, somme fort petite pour si grande dette, si petite que chaque soldat en reçut 2 ou 3 écus. Nous échouâmes peu après devant Coni, et le maréchal, retombé malade, dut se retirer à Saluces.

De petits succès, notamment la destruction des moulins de Fossano, venaient de consoler le maréchal, lorsqu'il reçut la fâcheuse nouvelle de notre défaite à Saint-Quentin : il envoya sans délai auprès du roi pour prendre part, en son nom et en celui des troupes du Piémont, au grand chagrin que lui causait cette terrible journée. L'année suivante le maréchal se rendit lui-même en France, afin d'y solliciter du secours, afin aussi de répondre aux accusations dirigées contre lui par le vidame de Chartres, l'un des seigneurs de son armée, dont l'animosité était soufflée en cachette par la famille de Guise, tout au moins par le cardinal de Lorraine. Le roi accorda publiquement de grandes louanges au commandant de son armée du Piémont, et donna ordre de lui réserver en argent plus qu'il ne pouvait espérer. Malheureusement, ces sommes furent encore détournées et, de retour en Italie, le maréchal dut, lui et les siens, demeurer dans la misère, tellement qu'un soulèvement des troupes françaises devenait imminent ; le piteux résultat d'emporter une paye avec lui nécessita, en négociations à Paris, les mois de mai et de juin.

Revenu à la date du 20 juillet, Brissac prit connaissance de la position respective des armées, puis en avertit le roi. Les Impériaux attaquèrent Cental, ville sise dans la plaine la plus fertile du Piémont, la réduisirent et brûlèrent ensuite le village de Cérisoles. Cela fut cause d'une nouvelle demande de renforts ; le maréchal se trouvait contraint à répéter ses sollicitations puisqu'on ne lui accordait rien. Il avait d'autant plus de motifs pour le faire que Montcalve fut bientôt emportée.

Les opérations de l'année 1559 se bornèrent à quelques courses de part et d'autre ; entre autres opérations, un renfort d'hommes et d'argent, dirigé par les Français sur Casal, fut défait et pris.

Le 6 avril, la paix conclue entre la France et l'Espagne fut publiée. Nous conservions en Piémont : Turin, Quiers, Villeneuve, Chinas, Pignerol, Carmagnoles et les châteaux de Saluces, Ravel, Verceil et Dronier, avec 8.130 fantassins et 430 chevaux, afin de pourvoir à leur garde. Plus d'une place fut rendue, d'autres démolies, et cela coûta beaucoup au maréchal[46] ; il fut remplacé par M. de Bourdillon, en 1560, après la mort de Henri II.

Telle fut la fin de ces longues guerres de Piémont, habilement conduites et à peu de frais par le maréchal de Brissac, car, nous l'avons souvent indiqué, on lui envoyait à peine de renforts et il s'abstenait par système de rançonner le pays, mais dans lesquelles aussi la France n'obtint que de maigres résultats, car on se portait continuellement d'une place, d'un château à un autre, on le prenait par coup d'audace ou par des intelligences y ménagées ; l'ennemi en faisait autant et peu après on recommençait à lui enlever ses prises. La réputation était sauve, le profit minime ; il semble utile de constater ce résultat afin de prouver une fois de plus qu'on ne réussit pas dans ces luttes armées, que l'on ne remporte guère de victoires si l'on ne déploie pas à temps de grandes ressources.

 

 

 



[1] Commentaires, dans le Panthéon littéraire, p. 496. Montluc a écrit ses Commentaires à l'âge de soixante-quinze ans. On y retrouve toute la fougue d'un jeune homme ; il est vrai qu'il se battait encore à soixante-huit ans (au siège de Rabasteins en 1570, où il fut si terriblement blessé à la figure). Il débuta en Piémont, sous le prince de Melphe, par le gouvernement de Moncalieret contribua en 1553 à une escarmouche sous les murs de Ceva, le maréchal de Brissac étant lieutenant général au-delà des monts, c'est-à-dire gouverneur du Piémont et général en chef au nom de Henri II.

[2] Lisez dans la Revue des Questions historiques du 1er octobre 1882 l'article de M. Henri Furgeot : L'attitude de Henri II au lendemain de la journée de Saint-Quentin.

[3] Le Parlement fut prévenu de vive voix par deux échevins, le 12 août : la collection des Lettres de Catherine de Médicis, publiée dans les Documents inédits sur l'histoire de France par M. de La Ferrière ne contient du mois d'août 1557 qu'une lettre insignifiante au connétable.

[4] Sis à 19 kilomètres au nord de Saint-Quentin.

[5] J'ayme mieux, écrivait-il, ma foy et mon honneur que ma propre vie. Lettre citée par M. Furgeot, article précité, p. 489.

[6] Le maréchal de Brissac en reçut la nouvelle le 9 avril.

[7] Non loin de la gare et touchant un petit recoin du port où stationnaient toujours deux galères et des barques à la disposition de Doria. Cet André Doria, mort en 1560, a été surnommé le Père de la Patrie par ses compatriotes, qui lui ont élevé une statue.

[8] Il s'agit toujours, on le voit, d'une série de coups de mains, de prises et de pertes de places, on plutôt de forteresses, car chaque bourgade était fortifiée ; les chroniqueurs du temps, Boyvin du Villars, Montluc, etc., citent peu d'ingénieurs dirigeant ces petits sièges ; c'est que le premier officier venu en pouvait accomplir et en remplissait les fonctions.

[9] 2 On écrivait Busque, au moins dans les relations françaises.

[10] Le gouverneur de Fossano, pour les Impériaux, en fit pendre une douzaine pour l'exemple.

[11] On sait que Brissac ménageait, administrait à merveille les pays où il faisait la guerre ; Lacretelle offre à ce sujet une belle page.

[12] Sur diverses cartes il est écrit les Langhes : il s'agit de l'arrondissement d'Albe et de ses environs, où des langues de terre d'une grande fertilité y entrecoupent des endroits stériles.

[13] Livre IV, p. 232 de l'édition originale (1606).

[14] Montluc ne parle pas de ce château, mais il cite son attaque contre Saraval, et deux autres petites villettes sur le même chemin ; lisez ses Commentaires, édition du Panthéon littéraire, p. 113. Ce Dagliany, car nos chroniqueurs français contemporains, Boyvin du Villars et Montluc, par exemple, estropient à qui mieux mieux les noms, serait-il Agliano, village piémontais à 16 kilomètres d'Asti et dont le château était alors fortifié, ou Dogliani, village sis, près de la route d'Acqui et de la Bormida, à l'extrémité du département français de la Stara ?

[15] Rappelons comment Montluc la décrit : C'est une petite ville bien jolie et bien fermée de murailles ; une rivière passe dedans la ville ou contre les murailles... Or il y a une montagne au-dessus de la ville au sommet de laquelle il y a une église et dans le rocher un ermitage dans lequel on entroit par-dessus une planche depuis l'église jusqu'à l'entrée du rocher, et dedans il y avait des autels pour dire messe et une chambre pour l'hermite ; et n'y avoit autre clarté que par la porte où l'on entroit, qui respondoit vers la ville. Ils avoient bien percé l'église, et ne falloit que tirer la planche à eux : tout le monde ne les eut sceu prendre. Ils avaient encore fait un autre fort à quinze ou vingt pas à main droicte et l'avoient fait en manière d'un fossé, et les contre-escarpes fort hautes ; de sorte que comme on venoit sur la contre-escarpe, homme ne pouvoit monstrer un doigt de la teste, sans estre descouvert et tué ; et encores avoient faict une tranchée qui prenoit depuis ce fort jusqu'à l'église. Commentaires, livre II, édit. de M. Baudrillard, citée ci-après.

[16] Montluc (Commentaires, livre II, p. 409) écrit Courteville et décrit bien la localité : Courteville, dit-il, est un château et une petite ville aux Langues. Le château est fort et la rivière passe par le milieu de la ville, sur laquelle il y a un grand pont de bricque et un bourg tout joignant.

[17] Une montagnette, suivant un contemporain.

[18] M. le maréchal mit du ceste de deçà le pont huit ou dix canons pour battre la courtine qui respondoit par devers le monastère dans lequel on se logea durant la batterie. Finalement en.200 coups on ne fit rien contre cette courtine, parce qu'ils avoient fait un grand rampa fort espois, par derrière la muraille. (Montluc.)

[19] Je suis la narration de Boyvin du Villars, laquelle étant simple et sensée, me parait véridique. Montluc orne plus son récit en se mettant en scène : il parle d'une reconnaissance audacieuse et d'un sondage de la rivière opérés deux fois, la dernière en présence du maréchal. Quoique trop particularisée, et assez romanesque, sa relation est à lire : on rira en la voyant écrite par un soldat téméraire : Les gens de ce mestier se soucient des arquebusades comme de pommes cuites.

[20] Montluc en était : son cheval eut plusieurs arquebusades.

[21] Ferdinand de Gonzague, dit Dom Fernand par Boyvin du Villars et par Montluc ; 3e fils de Jean-François II, marquis de Mantoue, il devint duc de Molfetta au royaume de Naples (par achat), quand Philippe II le disgracia en 1556.

[22] Une place d'Astizane ou de l'Astizane, disaient alors les Français, c'est-à-dire du comté d'Asti.

[23] Baudicher près Villeneuve-d'Asti et Tiglioles (Tiole ?)

[24] Une pierre a été trouvée près de la citadelle d'Ajaccio avec cette inscription : Henri II, par la grâce de Dieu, roi de France et seigneur de l'ile de Corse, l'an de grâce 1554.

[25] Autrefois port de Syracuse sous les Génois, dit La Popelinière.

[26] Consultez de Thou, livre XV ; — Histoire de Sampiero ou San Petro (d'Ornano) par Arrighi ; — Brantôme, Colonels italiens. Ce dernier appelle la Corse Corsègue.

[27] De 1.200 hommes au moins.

[28] Le maréchal de Cossé, né en 1507, ne comptait en 1554 que 47 ans d'âge. Outre son commandement du Piémont, il était ou avait été colonel général de la cavalerie légère et grand maitre de l'artillerie.

[29] Le fort de Bard, près la rive gauche de cette rivière, devenu célèbre par l'obstacle qu'il mit en 1800 à la descente des Alpes par Bonaparte, ferme cette vallée dans un passage en coude, avant Ivrée, presqu'en face de Saint-Martin.

[30] Il fallait 25 jours pour obtenir une réponse.

[31] C'est le grand défaut de ce siècle et de nos derniers Valois, on ne saurait assez le répéter : trop de maîtresses, trop de favoris, d'où des fêtes et des dépenses sans nombre qui vidaient continuellement le trésor. Quant au plaisir de payer ses dettes, des tètes aussi futiles l'ignoraient.

[32] Lisez le récit de la fin du siège de Sienne, p. 310 à 322 des Guerres d'Italie par Montluc, texte élucidé, établi par M. Alfred Baudrillart, in-18, Paris, 1886, librairie de la Société bibliographique.

[33] C'est l'inverse de ce qui eut lieu pour la garnison d'Ivrée.

[34] Le roi gratifia divers seigneurs : au mareschal même furent aussi promises 12.000 livres de rentes en terres, qui furent par un long temps assignées sur les glaces du mont Cenis. Boyvin du Villars, édition de 1606, p. 319.

[35] On fait dériver ce nom d'une syncope de Santa-Agutha ; lisez Voyage en Piémont, par Breton, in-8°, Paris, 1803, chez Dion et Deterville, p. 64. Santia, située dans une belle plaine, compte aujourd'hui 5.000 habitants ; 19 kilomètres la séparent de Verceil par la voie ferrée.

[36] Trice (Trissero ?), Balzola (Bozola ?) et Poma (Pomaro ?), d'après Boyvin du Villars ; Bonnivet fut chargé de ces expéditions.

[37] Enseignes françaises, 89 ; enseignes impériales, 93.

[38] Et le roi osait alors offrir aux troupes deux mois d'arriéré sur quatre, à condition qu'elles en foudroient quitter un : c'était une véritable banqueroute.

[39] Le maréchal reçut alors de Henri II, en présent, une épée que ce monarque avait portée à la guerre.

[40] Torre. L'adversaire en voulait à ce château ainsi qu'à Pralonne, autre château sis également au sud-ouest de Valfenière et par conséquent de Villeneuve d'Asti.

[41] On entretenait en Piémont une guerre de sièges ; il y avait seulement deux ingénieurs mal appointés, et comme toute l'armée encore plus mal payés.

[42] Trente à quarante bêtes de bât chargées de poudre, mèche et plomb.

[43] C'est-à-dire sur un front étendu.

[44] Quand le maréchal ne pouvait ainsi venir à la cour, il envoyait son secrétaire Boyvin du Villars défendre ses intérêts de vive voix, comme nous l'avons vu. Cette sage conduite naissait de ce que les princes sont ordinairement circonvenus par leur entourage. Lisez à ce sujet Mémoires de Gaspard de Tavanes, édition Michaud et Poujoulat, p. 208.

[45] Et cependant les intérêts français se trouvaient en mauvaise situation dans la Péninsule. Lisez la fin de Négociations de Henri II arec le duc de Ferrare, de 1555 à 1557 par M. Gustave Baguenault de Puchesse, article de la Revue des questions historiques. Le rôle peu connu de l'évêque de Lodève, Dominique de Gabre, notre ambassadeur à Venise et à Ferrare, se trouve nettement tracé en cet écrit. Citons du même auteur un article du Contemporain : Les ducs François et Henri de Guise, 1867.

[46] Lisez dans Brantôme la Vie du maréchal de Brissac.