HISTOIRE DE HENRI II

 

CHAPITRE III.

 

 

ÉVÉNEMENTS D'ITALIE DE 1551 À LA CONCLUSION EN AVRIL 1552 DE LA PAIX AVEC LE PAPE.

 

Le voyage de Henri II à Turin et les massacres des Vaudois, deux événements dont nous avons parlé, ne furent pas les seules affaires d'Italie auxquelles la France fut alors mêlée.

L'avènement à la tiare du cardinal del Monte donna occasion aux Français de reparaître en Italie. Le nouveau pape rendit le duché de Parme à Octave Farnèse, petit-fils de son prédécesseur ; ce dernier voulait faire la guerre à ce prince afin de le déposséder et de remettre le Saint-Siège en possession de ce duché. Mais Octave dépouillé une seconde fois par Charles-Quint, quoique ce souverain fut son beau-père, en appela à Henri II, juste au moment où celui-ci, satisfait du résultat atteint par ses armes en Écosse et de la restitution de Boulogne, montrait des dispositions moins timides. La France occupait alors le Piémont, que Brissac administrait sagement, et les Guises désiraient figurer en Italie, le chef de leur famille, François de Guise, ayant épousé une princesse de la maison d'Este, et son frère, le cardinal de Lorraine, commençant à porter ses vues sur Rome et à y intriguer. Octave fut donc favorablement écouté. Le pape, brouillé dès lors avec la cour de France, implora l'appui de l'Empereur et rétablit le concile à Trente. Henri II refusa d'y envoyer ses prélats, et Jacques Amyot, abbé de Bellozane, le traducteur de Plutarque, y signifia à ce sujet ses intentions.

Les Français réussirent à maintenir Octave Farnèse dans la possession du duché de Parme[1] et continuèrent à occuper le duché de la Mirandole. Ferdinand de Gonzague bloqua ces deux villes. Brissac prit dans le Piémont divers forts dont il nous faut parler.

Ce maréchal s'était préparé à la lutte[2] qu'il allait soutenir en sortant les 4.000 Français répartis dans les garnisons du Piémont de leurs longues habitudes pacifiques et en leur faisant exécuter des marches militaires de deux lieues, étant armés de toutes pièces ; pendant lesdites marches il n'était permis à nul soldat de se reposer ou de donner ses armes à porter, et de plus personne ne devait porter avec soi gourde ou bouteille afin de se désaltérer. Les soldais s'habituèrent à cet exercice non sans s'être plaints au début.

En vain Brissac eut, par ordre du roi, à donner secours aux assiégés[3] de Parme, et dans ce but, établit, pour six semaines, un petit camp à Poyrin ; cette démonstration n'opéra point la diversion désirée. Afin d'accomplir ses instructions, le maréchal se disposa à entrer en guerre, mais avec le soin d'en laisser le prétexte et l'ouverture aux Impériaux. Dans ce but, il fit fortifier l'église de Saint-François-de-Barges, bourg situé le long des hauteurs qui courent depuis Pignerol jusqu'à Ravel. Le gouverneur espagnol de Milan se plaignit que ces constructions gênaient l'approvisionnement des guerriers du château ; il lui fut répondu que les conditions de la paix permettaient à chaque souverain de fortifier les places soumises à sa juridiction. On en vint à l'aigreur et la guerre dût éclater ; cela ne tarda pas ; Brissac était prêt, et de l'avis de son conseil[4], qui se rangea à sa propre opinion, on dût commencer par le siège de Quiers, parce que Asti était trop loin, gardée par une rivière (le Tanaro) et protégée par Alexandrie. Durant l'attaque contre Quiers, Vassé devait donner l'escalade à Saint-Damian dont seize soldats seulement occupaient le château, et Gordes agit de même contre Cairas (Queras ou Queyras).

L'entreprise sur Quiers (Chieri) fut préparée secrètement ; quatre colonnes, douze échelles, dix canons furent dirigés contre cette place, mais les habitants avaient eu vent de l'affaire et il fallut faire jouer l'artillerie. Huit cents coups furent tirés ; de plus, afin de faire croire les assiégeants très nombreux, on fit, ruse habituelle, un grand tintamarre de trompettes et de tambourins. L'adversaire effrayé, calculant que le secours à espérer était éloigné, battit la chamade le troisième jour du siège. Montluc et Vimercat leur furent dépêchés en compagnie de Boyvin du Villars ; arrangement pris, les 450 hommes formant la garnison sortirent le jour même, et, satisfaits de leur sort, firent, à peine l'évacuation achevée, des réjouissances et un festin. Cinq cents des nôtres les remplacèrent[5]. Il était temps que la reddition de ce fort eut lieu, car dès le lendemain il survint des pluies qui eussent rendu l'assaut très difficile, vu que l'ouverture obtenue dans la muraille ne dépassait pas deux pieds en largeur.

Au sujet de la prise de Quiers, Boyvin du Villars se livre, en ses Mémoires, à une digression : Ie ne veux obmettre vn poinct digne d'être remarqué : c'est qu'ainsi que la reddition s'exécutoit, ie m'accostai d'vn Gentil-hôme Espagnol d'assez bonne apparence, nommé Davila, auec lequel, deuisant de cette ouverture de guerre, il me dit en son langage ces mots : Vous auez bien sceu, messieurs les François, commencer la guerre à vostre aduantage, mais iéspere bien toutes-fois que la continuation sera celle qui nous fera emporter le dessus, par l'impatience auec laquelle vous conduisez tousiours vos affaires : A quoi ie lui respondis, que le chef et les membres estoient pleins de telle prudence et valeur, et la iustice de la cause si bône, que Dieu seroit tousiours de nostre costé, et qu'à vn si genereux commencemet qu'auoit esté le nostre il donneroit encore plus glorieuse fin. l'en fis après le discours au Mareschal (de Brissac), qui le receut certe, à vn sinistre augure pour l'yssué de la guerre, comme il aduint depuis, par la mesme impatièce ou imprudèce que cestuy avoit pronostiquée.

Vassé, pour préparer l'entreprise sur Saint-Damian, s'entendit avec les capitaines commandant les châteaux de la Cisterne et de la Valfenières ; ces derniers s'étaient ménagés des intelligences dans Saint-Damian. Vassé s'y porta avec 800 fantassins choisis dans les bandes françaises, accomgnés des volontaires piémontais èt des 50 cavaliers de sa compagnie. Le matin du 4 septembre, deux heures avant le jour, ces troupes, munies d'échelles, abordaient le pied de la muraille et donnaient subitement l'escalade. La porte était seulement gardée par des paysans ; les Français pénétrèrent dans la petite place, aux cris de France ! France ! Liberté ! s'y conduisirent sans piller, el, voyant les habitants se renfermer prudemment chez eux, coururent au château, commencèrent à l'investir de retranchements et braquèrent contre lui deux couleuvrines amenées de la Cisterne[6]. Dès que le feu de ces pièces fut aidé par un feu d'arquebuserie dirigé contre les défenseurs, ces derniers, qui avaient le cœur et les oreilles mal ferrés à si dure glace, se rendirent incontinent à bagues sauves sans attendre le secours qui pouvait venir d'Ast. Cette action nous coûta 2 tués et 4 blessés. Le maréchal dépêcha Monbazin, capitaine de ses gardes, vers le roi, afin de lui apprendre les deux redditions.

Quant à Cairas, Gordes fit partir les siens de nuit en trois détachements, de façon à se trouver près du fort vers minuit, en costume de camisade, c'est-à-dire une chemise sur l'armure et munis d'échelles. Des fusées lancées exprès devaient servir de signal entre les détachements pour donner l'escalade. Deux des détachements parvinrent à temps, mais le troisième perdit son temps à déjeuner, et de plus les défenseurs résistèrent bravement, en sorte que l'attaque manqua, et malheureusement, car depuis ce fort nous coûta cher. Cette mauvaise nouvelle parvint au roi de France en même temps que l'autre, et provision de deniers lui fut demandée pour payer les gens de guerre, et aussi pour améliorer Quiers, Saint-Damian (San Damiano) et autres places du Piémont, fortifiées en général en terre ou gazons, le tout étant très éboulé. Le maréchal sollicitait aussi de Henri II le privilège de pouvoir nommer lui-même aux places vacantes, dans sa petite armée, en qualité de lieutenant général de par les monts. En attendant, il fit de sa propre autorité travailler aux deux premières forteresses, leva 3.000 nouveaux soldais piémontais, enfin envoya Bonnivet contre Moncuc, laquelle céda après 100 volées de canon, et où Cadillan fut mis en qualité de gouverneur. D'autres petites places du Montferrat et de l'Astizane cédèrent également à nos armes.

Saluge, bourgade sur la Doria-Baltea, était un de nos postes qui couvraient Milan et la mettaient à l'abri des incursions. Ludovic de Biragues, notre commandant à Chinas, trouva cette position de Saluge très avantageuse, en l'augmentant d'un fort, parce que de là il entretiendrait des relations avec plusieurs villes, notamment avec Ivrée et Verceil, ce qui obligerait les Impériaux à y faire stationner de plus grandes garnisons. Avec l'autorisation du maréchal, il groupa 600 hommes et 300 prisonniers, vint se jeter dans Saluge et y fit travailler en donnant le premier l'exemple de manier la pelle. Les paysans des environs mis de force à ce travail, la besogne avança peu néanmoins il borna ses efforts à remparer un vieux château, afin d'y poster de l'infanterie, et se rendit près du château de Brusac dont il s'empara. Par ce petit succès, il devint maître de la rivière depuis Castillon jusqu'à Verrue, c'est-à-dire dans son parcours au-dessus et au-dessous d'Ivrée, jusque dans les montagnes de l'extrémité orientale de la vallée d'Aoste.

Par ces opérations éparpillées de 1555, le maréchal de Brissac n'obtint pas de résultats importants, mais il opéra une diversion en faveur de Parme, et de plus, dans toutes ces petites places, trouva et amassa vivres, argent, soldats et pionniers, équipages aussi dont il manquait, point capital puisque la France ne lui avait encore envoyé les deniers qu'il désirait, et que dès la réception de ces sommes il pourrait mettre en état les forteresses nouvellement acquises par ses armes.

Brissac voulait agrandir son cercle d'action : il envoya donc le gouverneur de Pignerol, Terride, avec sa compagnie renforcée de 500 hommes de pied, aidée en outre de deux canons, contre le château de Barges — on se rappelle que la lutte avait commencé près de ce bourg et à l'occasion de son église que les Français voulaient fortifier —, lequel château, très à court de vivres, se rendit dès les premières volées d'artillerie, et fut aussitôt rasé par son vainqueur.

Aux nouvelles des succès partiels des Français, Ferdinand de Gonzague[7] avait quitté Parme et s'approchait avec 6.000 fantassins et 1.200 chevaux, ayant laissé 1.200 hommes sous Parme avec mission de continuer le siège, Charles de Gonzague et 1.000 soldats à Montechio, et le marquis de Mion au bourg Saint-Doin avec 300 fantassins et 1.200 chevaux.

Brissac, en recevant cet avis, apprit que le colonel Strozzi avait attaqué l'arrière-garde de Ferdinand de Gonzague et l'avait fortement entamée.

A ce moment on sut par un gentilhomme appartenant au duc de Savoie que ce prince se trouvait en des dispositions pacifiques, mais la cour de France, trop éloignée pour bien juger de la situation, et assez jalouse du maréchal de Brissac, qu'elle voulait empêcher d'atteindre à une élévation trop haute, fit rejeter cette ouverture.

A la fin du mois d'octobre 1551, le maréchal sut que les Impériaux venaient de loger dans Asti 300 chevaux, provenant de la Hongrie et de la Bohême, afin d'y enlever le roi et la reine de Bohême attendus d'Espagne à Gênes ; il fit reconnaître et surveiller les alentours. Puis il envoya 500 fantassins et 300 chevaux s'embusquer de nuit au pont de Rusignan[8]. La cavalerie devait se placer dans la bourgade d'au de là du pont, tandis que l'infanterie serait dans des métairies et des cavités voisines : comme cette bourgade affectait la forme d'un croissant on ne pouvait découvrir nos forces, en venant de la ville à moins d'être parvenu contre elles. Trente chevaux sortirent alors sous le commandement de Biron, et vinrent ravager aux abords d'Asti sans voir nos troupes en arrière ; aussitôt les Hongrois sortent et poursuivent nos cavaliers qui les appètent, tantôt faisant tête, tantôt fuyant, et les amènent, ainsi à passer le pont, puis à tomber dans l'embuscade, ce dont ils s'aperçurent trop tard. Alors se retournant, et soutenu par le gros de nos forces, Biron les chargea vigoureusement. Peu échappèrent sans un horion, 80 passèrent pour morts et on leur fit 40 prisonniers ; en outre un riche butin nous resta en chevaux, armes, chaînes d'or, casques et beaux habillements, dont le maréchal reçut les objets les plus précieux.

Le 31 octobre on sut que l'on améliorait les esplanades, et que l'on faisait des approvisionnements dans Alexandrie et Asti, à cause de la prochaine arrivée de Ferdinand de Gonzague vers ces villes. Déjà même les Impériaux avaient envoyé de ce côté 400 cavaliers, ayant chacun un arquebusier en croupe, qui furent en partie postés en Albe, cité du Montferrat, pour laquelle on craignait notre attaque ; l'ennemi avait également des visées contre Saluge et Saint-Damian. Aussitôt le maréchal de Brissac renforça cette dernière place de munitions de guerre et aussi de quatre canonniers[9].

Les Impériaux semaient à dessein le bruit que Ferdinand de Gonzague, dont on apprit le départ de Parme par un cordelier faisant le service d'espion, comme le relate Boyvin du Villars[10], que ce chef d'armée amenait avec lui 50.000 hommes, faux bruit qui alarma un instant, mais que Brissac fit tomber en visitant lui-même plusieurs de nos postes. A ce moment Vassé avertit que les vivres lui manqueraient s'il devait soutenir un siège ; le maréchal le blâma, car il avait eu le temps de s'approvisionner pour un an, tandis qu'il ne s'était assuré que pour quatre mois de subsistances. Il en fut à peu près de même pour Beyne (Bene), petite place sise entre la Stura et le Tanaro, non loin de Fossano et de Queras le comte de ce nom, qui s'était volontairement donné au roi et y commandait, fit entendre qu'il se trouvait dans de mauvaises conditions le maréchal, surpris de sa négligence, lui envoya une compagnie d'infanterie italienne, lui prescrivit d'en lever une autre et aussi, afin de mettre ses fortifications en état, d'y faire travailler les soldats à tour de rôle[11] ; en outre il lui expédia Gordes, commandant de Mondevis, lequel trouva les choses en bon état à Bene et promit d'ailleurs au comte de venir se jeter dans la place si elle était menacée.

Le maréchal attendait des renforts pour se mettre en campagne ; il employa ce temps d'attente à publier des ordonnances destinées à resserrer la discipline parmi les gens de guerre.

Ferdinand de Gonzague atteignit Alexandrie au début du mois de novembre ; il demanda au maréchal la délivrance des Hongrois faits prisonniers. Ces derniers furent rendus, sous charge de réciprocité bien entendu, mais Brissac refusa de donner la liberté à un capitaine nommé Jérôme Pal-voisin, déjà coupable de perfidie envers le roi de France et qui trompa encore le maréchal en promettant de lui livrer Asti : mais, repris plus lard à l'attaque d'une ville, il fut pendu.

Comme la saison était avancée, Ferdinand de Gonzague renonça à tenter une action d'importance et borna ses coups au ravage des territoires occupés par les Français. Ce ravage pouvait devenir redoutable pour nous : aussi le maréchal renouvela-t-il sa demande de renforts. Le conseil du roi fit encore la sourde oreille et Brissac, quittant la campagne, se retira vers Quiers. Plusieurs petites places furent alors assaillies par l'adversaire, et se rendirent, notamment Ville de Dya, Chuzan, Passeran et Montechiar. Sous prétexte de réclamations sur les échanges, des porteurs ennemis se présentant encore, ordre fut donné aux postes avancés de prendre les lettres remises par les Impériaux, sans laisser pénétrer les porteurs, en assurant qu'il y serait répondu. A une réclamation de la marquise de Montferrat contre la guerre faite à ses possessions, il fut en même temps riposté que ses domaines, ayant été remis aux mains des Impériaux, étaient en état d'hostilité avec nos armes.

Enfin la France permit le départ d'une foule de seigneurs, venant de leur propre volonté combattre en Piémont ; Brissac se souciait peu de leur arrivée, car il les savait malaisés à contenir, cependant il leur fit bon visage. Huit jours après leur venue, ils se voulurent aller renfermer dans Saint-Damian. Averti à temps, le maréchal les en empêcha, leur promettant une prochaine occasion de se distinguer, et défendit à tout gouverneur français de recevoir aucun prince ou seigneur qui ne fut muni d'une lettre spéciale de lui.

Le gouverneur de Foussan, nommé La Trinité, frère du comte de Bene, mais resté avec les Impériaux, ayant ravagé le pays durant deux jours plus en brigand qu'en soldat, le maréchal dut en avertir Ferdinand de Gonzague et lui proposer d'arrester quelques capitulations pour la campagne à l'asseurance du panure peuple, mais ce dernier n'y voulut consentir, peut-être parce qu'il espérait obtenir bonne rançon des seigneurs français qui devenaient plus facilement prisonniers, s'exposant assez comme simples soldats, ce que faisaient rarement les seigneurs italiens, espagnols, et même allemands.

L'un de ses lieutenants proposa en ce moment au maréchal une entreprise contre Saint-Baleing, bourg situé à une demi-lieue de Vulpian et par conséquent au nord de Turin ; il n'y avait en ce poste que 2 cornettes de cavalerie et 4 enseignes de gens de pied. Brissac la reconnut possible et résolut de la tenter afin de donner satisfaction à la fougue des volontaires accourus de la cour de France. Après avoir sermonné ces impatients, remontrance à laquelle le prince de Condé répondit, au nom de tous, dans les termes les plus courtois, après leur avoir surtout recommandé le secret, si utile dans les actions militaires, il prit ses mesures, prescrivit de soigneusement reconnaître avant l'attaque les localités, organisa les corps chargés de concourir à l'affaire que devait, en son lieu et place, conduire le duc d'Aumale, tira notamment 400 fantassins de Chinas, passa le tout en revue, et fit partir l'expédition. Celle-ci prit par le chemin se dirigeant vers Gasso, passa sur trois grands bacs préparés exprès à Settimo Tornese, se partagea en ordre de combat, puis, les seigneurs ayant mis pied à terre, choqua furieusement la muraille. Déjà l'enceinte offrait deux brèches, élevées seulement jusqu'à ceinture d'homme. Les défenseurs résistèrent de leur mieux, mais ils furent passés au fil de l'épée, à l'exception d'une quarantaine qui se réfugia dans une grosse tour, où ils furent en partie grillés, car on y mit le feu : les plus heureux s'échappèrent emportant deux drapeaux. Cette action nous coûta un officier italien et quatre fantassins ; Bonnivet reçut quelque dragée, suivant sa noble habitude, blessures ou contusions dont il fut rapidement guéri. Après ce petit succès, le prince de Condé revint en France.

 

Vers le 15 novembre, le Saint-Père, trop surchargé par le fardeau du siège de Parme, abandonné à ses soins par les Impériaux, regretta de s'être mis en guerre avec la France, et envoya le cardinal Verallo vers Henri II. Cette démarche pouvait être trompeuse, car Charles-Quint se préparait à envoyer des renforts en Italie et même à y passer de sa personne dès que la goutte, qui le clouait malade à Insprück, lui permettrait de se faire transporter en litière.

 

Le maréchal adopta diverses dispositions pour passer l'hiver : dans la répartition de ses garnisons, il recommanda aux officiers et aux volontaires de garder seulement chacun un cheval de service avec un valet, puis de renvoyer le reste en France afin de soulager d'autant le Piémont déjà appauvri par la lutte.

Une fois hivernés, les Français essayèrent vainement d'engager une escarmouche avec les Hongrois attirés à Villeneuve, mais ceux-ci ne voulurent sortir d'Asti. Le maréchal, retiré à Turin, ayant appris que la place de Quiers, sur quelque bruit de bavardage, craignait qu'on ne vint à l'abandon, puis à la destruction de ses remparts, eut soin d'y envoyer près de 600 pionniers, qui la mirent promptement en bon état de défense.

Les Impériaux, après la prise de plusieurs postes, notamment de Chuzan et de Passeran, se mirent aussi en quartier d'hiver dans ce qu'on appelle le pays des langues[12] et y souffrirent beaucoup de la disette.

Le maréchal réclama des renforts à nouveau ; il lui fut répondu de se montrer plus sévère pour les monstres (revues) de l'infanterie, ce qui fournirait plus d'hommes et serait plus économique que de faire de nouvelles levées. Mais le produit à retirer de ce moyen extrême était chose casuelle, et, si l'on comptait sur lui, les affaires du roi devaient rester stationnaires. Brissac répondit donc qu'il considérait comme un mauvais présage pour la continuation de la guerre de voir dès le commencement corner si fort l'espargne, en un faict qui ne pouuoit estre mesuré a pris d'argent certain et arresté. Sa remontrance déplut au connétable, et un de ses amis, vu l'opiniâtreté de ce dernier, avertit le maréchal de déduire à l'avenir et d'avance toutes ses réponses aux objections pouvant être faites contre ses demandes.

A la fin de décembre, le sieur de la Chiuza, seigneur italien, se rangea dans le parti de la France et reçut en compensation divers avantages pécuniaires, mais Henri II prescrivit dorénavant de raser divers châteaux, comme celui de ce seigneur, ces maisons fortifiées requérant garnison et obligeant ainsi à conserver de nombreuses forces engagées et à faire plus grande dépense.

Le 9 décembre, un combat naval avait eu lieu près des îles d'Hyères, au port de Villefranche, et presque sous le canon de ce port, entre les galères du roi et 14 gros navires qui venaient d'Espagne, sous la protection d'André Doria, et amenaient le roi et la reine de Bohême, avec de nombreux chevaux et un riche mobilier : les Français obtinrent le dessus, Doria ayant pris le parti de s'éloigner, et un butin considérable, ainsi que 800 chevaux, restèrent entre leurs mains.

Peu après deux capitaines amenèrent à Brissac 1.600 hommes de renfort. C'était quelque chose en présence des projets prêtés à l'Empereur de réunir Parme au duché de Milan et de brider ses ennemis en France comme en Allemagne. Charles-Quint obtint même la convocation du Concile à Trente : Henri II protesta, les Suisses l'imitèrent, et laissèrent la France continuer à faire des levées chez eux. Cette dernière puissance envoya de divers cotés des ambassades afin de rétorquer les accusations portées contre elle par l'Empereur. Le Pape eut l'idée de se rapprocher de nous, ouverture qui fut bien reçue, et dépêcha vers la cour de Fontainebleau le cardinal Verallo, son légat. Toutefois Jules III ne voulait rien faire sans la participation de l'Empereur et cela rendait douteuse la suite de ses propositions pacifiques.

Le maréchal craignait que les vivres ne vinssent à manquer dans le Piémont, non seulement dans les villes fermées, mais en rase campagne, car ce pays était en partie désert et stérile, et de plus y amener des blés de Bourgogne offrait des difficultés. Les Impériaux disposaient à ce sujet de plus de ressources, pouvant par l'Astizane et la rivière de Gênes faire venir des blés siciliens, lesquels blés conduits vers Alexandrie s'y embarqueraient sur le Tanaro et de là gagneraient le Pô ; du reste la Lombardie, contrée fertile, se trouvait à leur portée.

Dans ces circonstances et l'Empereur menaçant déjà la France, à cause de l'approche du printemps, la neutralité des Vénitiens fut pour nous un fait heureux. Par ordre du roi, Brissac améliora et ravitailla nos 12 places du Piémont, dans lesquelles il fallait entretenir 12.100 hommes de garnison, non compris les postes laissés dans 24 châteaux ; en outre, il passa une revue exacte de ses troupes.

L'année se termina de notre côté par la prise de Passerais sur les Impériaux : ce fut La Motte Gondrin qui eut charge d'accomplir ce coup de main avec deux couleuvrines, un millier d'arquebusiers et deux compagnies de chevau-légers ; cette ville ne tint pas, ses remparts furent aussitôt rasés.

L'année 1552 débuta par notre entreprise contre la citadelle de Lanz. D'après les renseignements recueillis, le maréchal, par l'emploi d'une nombreuse artillerie, espérait la forcer en peu de jours. L'importance de cette place, sise dans la province de Turin, au sud-ouest de la place de Chivas, entre Viu et la Piève, au confluent de la Stura et d'un petit cours d'eau prenant sa source près de Monasterol, son importance, disons-nous, consistait en ce qu'elle commandait les avenues venant de France en sorte que les convois, ceux d'argent surtout, ne pouvaient traverser que sous bonne et solide escorte. Elle se trouvait abordable par le chemin sis au-devant de la ville, chemin si étroit qu'il pouvait à peine contenir quatre pièces ; cependant on pouvait également dresser une batterie par le bas de la vallée. Sur ces explications, le conseil de guerre, rassemblé par les soins de Brissac, approuva les entreprises contre Lanz et contre Viu, château placé également sur la rive gauche de la Stura, un peu plus en amont. Le maréchal rassembla donc 5.000 Français et 1.200 Italiens prélevés sur toutes les garnisons (18 janvier 1552). Deux cents chevaux et quatre cents arquebusiers furent envoyés en avant pour occuper dans la ville l'avenue de la citadelle ; dix canons et deux couleuvrines suivirent. On fut promptement maître de la cité et déjà l'avant-garde escarmouchait quand le gros de nos forces parut ; la garnison ne se doutait pas, paraît-il, du siège qu'elle allait subir.

Le maréchal alla lui-même reconnaître la citadelle ; il constata que le mieux serait de monter deux pièces sur un rocher d'où l'on dominerait une courtine ; son frère Gonnor se chargea de cette mission qu'il parvint à remplir en vingt-quatre heures à force de bras. Deux autres batteries furent dressées et toutes mises en jeu à la fois. La muraille en ce point était épaisse, en sorte qu'il fallut un peu de temps : cependant l'adresse de notre tir obtint plein succès ; les assiégés battirent la chamade. La capitulation fut signée le 28 et 150 combattants sortirent. Une garnison de 100 hommes, aux ordres du capitaine Breul les remplaça et l'ingénieur Nicolo Bonnet fut chargé de réparer les brèches, d'améliorer les flancs. Cette prise nous coûta 16 soldats ; elle entraîna la reddition de Viu, qui entra volontairement en pourparlers.

Le marquis de Pescaire avait été dépêché avec 1.200 chevaux et 4.000 gens de pied au secours de Lanz dont les Impériaux ne supposaient pas la reddition aussi prompte ; ce secours partit trop tard ; d'ailleurs il y avait des partis courant la campagne afin d'être averti des remuements de l'ennemi. Laissant donc un détachement dans sa nouvelle conquête, pour y faire rentrer l'artillerie du château, le maréchal envoya en plus le duc d'Aumale vers Saint-Georges, avec 1.200 arquebusiers et 800 chevaux, comptant l'y rejoindre et lui recommandant de ne pas engager d'action ; il serait temps de ce faire après l'arrivée des Suisses qu'on attendait de jour en jour. D'Aumale s'avança avec prudence, apprit que l'ennemi occupait Rivarol, près de Valpergue, au nord-est de Lanz ; en chargeant un groupe de 25 cavaliers il fit 8 prisonniers qui donnèrent des renseignements ; par eux l'on sut que Ferdinand de Gonzague stationnait avec le gros de ses forces vers le gué de Riveroute, sur la droite. Aussitôt le duc d'Aumale prit une forte position, que le maréchal, dès qu'il l'eut joint, approuva ; mais Pescaire effectua sa retraite, la couvrant par une alarme assez vive donnée à notre logis, et qui eut pu mal tourner sans la vigilance déployée par Gonnor et par Biron.

Au début de février le maréchal fut averti de l'intention des Impériaux de fortifier Rivarol ou Fauria, dans le but d'aider en son rôle contre nous la petite place de Vulpian. Craignant une tentative pour reprendre Lanz dont les réparations allaient lentement à cause des grands froids, il envoya du renfort et en fit ramener l'artillerie sur Turin. En même temps il dépêcha une reconnaissance qui rencontra l'ennemi mal gardé, et lui prit un enseigne outre une quarantaine d'hommes qui furent terrassés. On apprit par cet enseigne que l'ennemi, trouvant ces localités mal fortifiées, se retirait, la rudesse de l'hiver[13] ne permettant guère d'améliorer les défenses qu'avec beaucoup de temps et d'argent. Cette saison de glace amena le maréchal à distribuer toutes ses forces dans les garnisons et à ne rien garder sous sa main de disponible pour la guerre en rase campagne ; par ce moyen il rendait d'ailleurs plus fraîches et réconfortées les troupes françaises en vue du moment où les hostilités pourraient recommencer.

Ferdinand de Gonzague résolut alors de ruiner entièrement le pays, avec le dessein de nous plonger ainsi dans l'embarras. Le maréchal riposta au bruit de ce projet en semant adroitement le bruit de son intention fictive de se transporter par eau jusqu'à Parme[14], ou tout au moins de courir jusqu'aux portes de Novare et de Milan, et d'y mettre tout à feu et à sang, comme aussi dans le pays entre la Sesia et la Doire. A ces on-dit les Impériaux se calmèrent, car, le Milanais ruiné, c'était leur perte ; ils se contentèrent de vivre aux dépens de l'habitant, ce qui, avec le temps, surtout si nous évitions d'agir de la même façon, devait les rendre odieux.

Le maréchal expédia en ce moment près du roi, afin de lui rendre compte, malgré l'infériorité de nos forces vis-à-vis de l'ennemi, de l'état heureux de nos conquêtes et de la guerre en Piémont, son frère Gonnor qui ne rapporta de cette mission aucune récompense, quoiqu'il l'eût méritée et en fût très digne. Ses actions furent louées, on lui fit des promesses de quelque grande faveur, mais il n'eust autre marque que l'espérance qui est la seule chose qui ne peut estre ostée aux misérables, observe à ce sujet le chroniqueur Boyvin du Villars. Pareil oubli, en dehors de l'ingratitude habituelle aux puissants et des trahisons qui se trament à leur alentour[15], montre déjà que la cour de France portait toute son attention et tous ses écus vers la prochaine guerre d'Allemagne que le monarque devait diriger en personne.

A la fin de février, au moyen de préparatifs secrets, habilement conduits, le maréchal parvint à ravitailler Saint-Damian contre lequel il craignait une tentative ; la garnison de cette place et celle de plusieurs villes voisines furent augmentées. C'est alors que huit enseignes suisses vinrent nous rejoindre ; la revue en fut faite à Rivolles, et elles furent réparties entre diverses garnisons[16].

Un projet de trahison fut découvert à Saviglan et les deux traîtres châtiés. Dans le voisinage de Mondevis se fit une escarmouche qui obligea les Espagnols à battre en retraite et où ils perdirent plusieurs fantassins. A Primel les fortifications s'accrurent par nos soins : Polens et Sainte-Victoire tombèrent entre nos mains.

Un moine retiré à Cairas, et y exerçant le métier des armes, promit sur ces entrefaites au maréchal de lui livrer la place et de faire pénétrer nos soldats par une brèche de la muraille, bouchée en apparence seulement, c'est-à-dire avec de la terre. Ce moine jouait double jeu ; l'entreprise échoua, mais, grâce aux précautions adoptées, nous y perdîmes peu de combattants.

Saint-Damian étant menacé, Vassé alla s'y jeter, et en fit améliorer encore les remparts sur tous les flancs, qui reçurent chacun un éventail placé au-dessous afin de faciliter l'évaporation de la fumée produite par le tir de la mousqueterie. Cela fait le commandement de cette place fut remis à Briquemaut. Les autres places françaises du Piémont furent aussi améliorées puis, approvisionnées en vivres et en fourrages[17], pour soutenir un siège de cinq à six mois.

Le maréchal en ce temps éventa une trahison méditée par un sieur de Saint-Aubin, venu à Milan dans ce but coupable et dont la compagnie fut aussitôt cassée à Marseille, cité que devaient atteindre les intentions de ce misérable. Cela fait, tous nos efforts tendirent à porter la guerre dans le Milanais, afin d'attirer le plus possible les troupes impériales de ce côté, au grand avantage de nos armes en France et en Lorraine. De concert avec les Biragues, une entreprise contre le château de Milan fut même projetée. Tout était habilement concerté, et Henri II prévenu, afin qu'une fois le château enlevé des renforts y fussent envoyés ; 120 soldats déterminés, des officiers parlant l'espagnol[18] furent envoyés par petits groupes[19] s'embusquer dans la maison d'un Siennois qui était complice, près de la citadelle ; là on les exerça à l'emploi d'une échelle de corde qui les devait mener dans la citadelle. Le coup fut tenté pendant la première nuit de carême, mais l'ouverture de la canonnière, par où l'on devait pénétrer, se trouva fermée solidement, et quand on voulut monter plus haut avec les échelles, ces dernières se trouvèrent trop courtes, à cause du talus de la muraille[20], lequel talus, vu la hauteur, mangea une assez grande longueur de corde, et il fallut renoncer à l'entreprise. Les Français se retirèrent avec bonheur[21], tout en maugréant ; quant au Siennois, bientôt découvert à cause de ses gants et d'une échelle qu'il avait laissés pendant la nuit sur le bord du fossé, il fut tiré à quatre chevaux.

Bonnivet signala au maréchal que l'adversaire groupait ses troupes afin de tenter un coup de force contre Villeneuve-d'Asti, cité où ils croyaient posséder une bonne intelligence avec les Italiens. Ces derniers les trompaient au point qu'ils avaient aussi prévenu leur gouverneur La Motte Gondrin. Avertis à temps, les Impériaux renoncèrent à leur projet ; de la sorte nous ne pûmes leur causer du dommage, mais la réussite de cieux engagements nous indemnisa. L'un d'eux fut livré au moulin de Cermeris, sur le chemin de Cairas par le capitaine Tavernier, lieutenant à Saint-Damian, lequel, avec 12 salades et 50 arquebusiers à cheval, découvrit et battit 120 cavaliers espagnols qui furent tous pris ou tués : parmi ces derniers figurait le capitaine ennemi. Le second engagement fut livré par le lieutenant de La Motte-Gondrin près le village de Lesset au delà du Tanaro ; là nous surprîmes l'adversaire presque au dortoir et il s'en sauva fort peu.

Incontinent après ces deux affaires vint l'escalade par surprise de Costiglioles, où nous pénétrâmes si sûrement par des mesures bien concertées et approuvées à l'avance par le maréchal, que toute la troupe et une centaine de bons chevaux tombèrent entre nos mains. Evidemment dans ce poste les Espagnols avaient négligé les règles de surveillance vulgaire dont on ne doit jamais se départir à la guerre. Néanmoins don Alphonse Pimentel, leur chef, et don Pierre de la Vera, son lieutenant, furent promptement échangés.

A la fin de mars La Motte-Gondrin chargea le capitaine La Garrigue d'essayer un coup sur la Piova, fort voisin qui le gênait dans le recouvrement de ses contributions : la mission fut remplie au moyen de deux échelles, 20 soldats de la garnison périrent, mais, le donjon étant solidement pourvu et secouru à temps, il fallut évacuer cette conquête.

En faisant mine de vouloir assaillir Ormée près Gênes, les Impériaux détournèrent notre attention et renforcèrent d'artillerie Toussan et Cairas.

Henri II avait fait alliance avec les princes protestants qui ne voulaient subir le joug puissant de Charles-Quint, mais, au moment où le roi de France allait marcher avec son armée, comme protecteur de la liberté germanique, titre que prendra également plus tard Gustave Adolphe dans des circonstances analogues, il reçut un avis de ses alliés qui l'engageaient à ne point passer outre et le remerciaient de ses intentions. Cela prouve qu'un grand monarque ne doit pas s'engager et promettre un secours efficace, sans exiger une garantie, par exemple la remise d'une ou plusieurs places de guerre.

Toujours est-il que le bruit d'une lutte en Allemagne avec les Français suspendit l'envoi de renforts en Italie, et dès la fin de mars, le maréchal sut que Ferdinand de Gonzague devait mener à bien les affaires de Parme et de Piémont sans compter sur aucun secours.

Le sieur de La Roche-Pozay, ayant mis sur pied, dans le territoire vénitien, une compagnie d'infanterie italienne forte de 200jiommes réussit avec ces soldats à pénétrer dans Lamiraude assez bien fortifiée cependant. L'ennemi tenta bientôt de reprendre cette ville, il fut repoussé ; en même temps les Français se jetèrent contre un petit fort sis sur le canal et l'emportèrent ; dans cette action La Roche-Pozay fut atteint à la jambe par une mousquetade, blessure dont il resta boiteux.

Enfin, au début d'avril 1553, le Saint-Père accepta les conditions précédemment posées par Henri II, et la paix fut conclue avec lui. A cette même date l'Empereur rappelait d'Italie vers lui tous les vétérans espagnols ; tel est le commencement de la guerre d'Allemagne dont nous allons nous occuper et que le cardinal de Lorraine désirait, car c'est lui qui disposa favorablement à la Papauté le fils et successeur de François Ier.

 

 

 



[1] Le duc Octave ne fut guère reconnaissant de ce résultat envers la France, grâce à laquelle ce maintien en possession dura et à laquelle il coûta plus de douze cent mille écus, qui ne furent jamais remboursés. Voyez Brantôme, Vie du grand roy Henri II.

[2] Pour ces guerres, consultez la carte intitulée : Théâtre de la guerre en Italie, par Dheulland et Julien, Paris, 1748 : elle est exacte et suffisamment détaillée.

[3] Douze mille cavaliers.

[4] On y comptait le colonel de Bonnivet et de Vassé, lieutenant du roi au marquisat de Saluces, les deux Bivagues (le président qui était commissaire général des vivres et le gouverneur de Chivas), Terridas, de Saviglan, Montluc, La Motte-Gondrin, etc.

[5] Mémoires du sieur François de Boyvin, chevalier, baron du Villars, bailli de Gez, sur les guerres demeslées par Charles de Cossé, conte (sic) de Brissac, mareschal de France, et lieutenant général de là les monts, pour le roi Henry second, en Piedmont, Montferrat, conseiller et maistre d'hostel ordinaire de la Royne, duché de Milan, petit in-4°, Paris, 1606, p. 43 à 50.

[6] Distance d'une lieue.

[7] Ce chef d'armée avait été compromis dans l'accusation de l'empoisonnement exécuté contre le Dauphin, frère aîné de Henri II, mais s'était disculpé. Voyez Brantôme, Grands capitaines étrangers, XXVI.

[8] Sis à deux mille d'Ast (Asti).

[9] Ce faible chiffre montre la petite échelle de cette guerre et aussi combien alors les troupes d'artillerie comptaient peu de soldats.

[10] Ce cordelier reçut cinquante écus et renouvela trois fois son voyage, mais il finit par être découvert et fut pendu.

[11] Ceci montre que les soldats n'étaient pas encore obligés de travailler à la terre, si ce n'est dans des cas pressants ; Montluc commencera l'un des premiers la réforme, comme nous le verrons dans cette histoire.

[12] On appelait ainsi une contrée montueuse, appartenant presque au Montferrat, s'étendant de Cette et d'Albe à Savonne et Asti, puis gagnant par un recourbement jusqu'aux montagnes de Gênes, contrée assez peuplée et dont les habitants sont travailleurs.

[13] Durant cinq mois il y eut cette année (1887) jusqu'a trois pieds de neige en Piémont.

[14] En hiver la rivière de Parme offre assez d'eau pour cela.

[15] Il y en a toujours eu, il y en a encore, il y en aura éternellement. Cette remarque suffit : l'historien, malgré son impartialité, malgré son désir constant de présenter la vérité, ne doit pas pousser ce désir jusqu'à faire haïr la France du passé, laquelle, en dépit de ses erreurs, de ses fautes, a su accomplir de grandes choses ; abandonnons, si l'on veut, plusieurs de nos monarques et bon nombre de nos prétendus grands hommes à la vindicte publique, mais aimons, respectons la France, en d'autres termes restons sévères dans les détails, apprécions l'ensemble avec hauteur d'esprit et grandeur d'âme.

[16] Henri II avait renouvelé en 1549 le traité de François Ier avec les Suisses, et ce traité dura jusqu'à cinq ans après sa mort. Au moment du renouvellement on avait fait revivre en Helvétie les arguments pour ou contre cette alliance. Voyez un passage curieux à ce sujet dans l'ouvrage : La république des Suisses par Josias Simler, traduction française, S. L. 1577, p. 240 et 336. Charles IX renouvellera encore ce traité à peu près aux mêmes conditions. Henri III agira de même en 1582. La Suisse se trouvait ainsi liée par un grand nombre de traités avec diverses puissances, ce qui devait lui attirer de nombreuses difficultés. Lisez p. 16 de Henri IV, les Suisses et la haute Italie par M. Edouard Rott, 1882, chez Plon.

[17] Pareille mention seule, répétons-le, indique la présence de la gendarmerie et de la cavalerie légère au milieu des places forte : ces cavaliers agissaient principalement dans les sorties.

[18] Le contact continuel des troupes des diverses nations, car il y avait guerroyant des Français, des Espagnols, des Italiens, des Allemands, devait à la longue rendre familière à nos jeunes officiers une langue étrangère.

[19] Cinq par cinq.

[20] Les escarpes recevaient alors, pour augmenter leur solidité, une inclinaison assez forte.

[21] Sauf deux qui s'échappaient et furent faits prisonniers en rase campagne ; l'un s'évada, l'autre, le capitaine Salveson, fut gardé, puis rendu par ordre de l'Empereur.