LA FEMME BIBLIQUE

 

LIVRE TROISIÈME. — L'ÉPOUSE, LA MÈRE, LA VEUVE

CHAPITRE DEUXIÈME. — INSTITUTIONS MOSAÏQUES.

 

 

Le lendemain des fêtes nuptiales. — La hutte du pauvre. La ménagère. — La maison du riche. La femme forte. — Influence de l'épouse. — L'amour conjugal chez les Israélites et chez les Indiens. — L'homme et la femme égaux dans leur union chez les Hébreux et chez les Égyptiens. — L'époux placé entre la femme de sa jeunesse et la femme étrangère. — Culpabilité de l'épouse. — Moise autorisa-t-il la répudiation de l'épouse fidèle ? Interprétations talmudiques d'un texte douteux. Dieu venge l'épouse injustement bannie du toit conjugal. Difficultés matérielles de l'acte de divorce. Droits de la femme répudiée. Réconciliation et nouvelles fiançailles des époux séparés. — Moise restreint la polygamie. — Âpre besoin de maternité. Hymne de triomphe d'une mère. Le jugement de Salomon. — Pitié de Moise pour les mères d'animaux. — Part de la femme dans l'éducation de son fils. — Autorité de la mère. — Sans la participation de la mère, le père ne peut entraîner devant les juges son fils coupable. Exquise délicatesse de cette loi. — Prospérité de la nation hébraïque basée sur le respect filial. — Rachel pleurant ses enfants. — Jehova et Israël protègent la veuve. — La veuve participe à la seconde dîme de la troisième année. — La veuve appelée aux moissons, aux récoltes. — Jehova, vengeur de la veuve. — Lévirat. Ruth. Théocrite et l'auteur du livre de Ruth. L'églogue grecque et l'églogue hébraïque.

 

Aux coutumes d'une peuplade nomade ont succédé les institutions régulières d'une nation stable. Le gouvernement patriarcal régit encore, sinon l'État, du moins la famille, et, de la tente, a transporté son siège dans la maison.

Naguère, nous assistions aux fêtes des premiers jours de l'hymen. Le chant nuptial nous envoyait en notes mélodieuses les accents émus, passionnés, d'un amour jeune, naïf, tout entier aux sensations du moment, insoucieux des devoirs du lendemain.

Nous avons quitté la nouvelle mariée, cherchons maintenant l'épouse ; cherchons-la aussi bien dans la cabane du pauvre que dans la maison du riche.

 

Une hutte de terre se présente à nous, et étend en surface plane son toit de chaume où serpente une herbe maigre et rare[1]. Sur cette terrasse, le linge nouvellement lavé déploie ses blanches draperies ; là aussi sèchent les grains, les figues, les raisins[2].

Entrons dans cette cabane. Une natte, l'humble couche sur laquelle s'étend le pauvre en s'enveloppant de son manteau, un moulin à bras, tel en est l'ameublement. L'Hébreu ne peut se voir enlever par un créancier ni la couverture qui protège son repos de la nuit, ni le moulin qui lui assure sa nourriture du jour[3].

Une femme tourne la meule du moulin ; le travail est pénible, et le riche le réserve au prisonnier, à l'esclave[4] ; mais l'épouse du pauvre ne lui a pas apporté de servante[5], et c'est elle qui d'une main agite la lourde machine, de l'autre y jette les grains d'orge[6]. Elle se fatigue, et néanmoins elle chante, et sa voix accompagne le bruit criard et monotone du moulin[7].

Elle pétrit la pâte, l'amincit, imprime aux pains cette forme circulaire qui leur donne le nom de kiccar[8], et les passe au four[9].

Elle prépare la laitue et l'endive, fait cuire les fèves, les lentilles et sécher les fruits ; pressant les figues, elle en compose des gâteaux taillés en brique et en tuile[10].

Et quand arrive l'heure à laquelle son époux doit rentrer, elle l'attend.

Le mari n'est-il qu'un cardeur de laine, dit le Talmud, la femme l'appelle néanmoins gaiement devant le seuil de la maison, et s'assied à côté de lui[11].

Plus d'une fois un roi reportera sa pensée sur le plus humble de ses sujets, et sous les lambris de cèdre de son palais il rêvera à la hutte du pauvre. Lui, le monarque absolu, le despote oriental, il se sentira mal à l'aise au milieu de ces trésors tout imprégnés des sueurs de son peuple ; il se sentira affamé au sein de la chère la plus exquise ; il se sentira seul dans cette cour adulatrice, où il ne voit que des esclaves, où il ne compte pas un ami ! Il enviera à l'homme du peuple la fête perpétuelle d'une âme sereine et juste ; et ce morceau de pain, ce plat d'herbes que son travail a payés, et que partage avec lui un être qui l'aime[12]. Et d'ailleurs, souffrir à deux, n'est-ce pas encore jouir ?

Les joies de la famille n'appartiennent pas cependant sans réserve à tous ceux qui achètent le droit de vivre. L'ouvrier peut être obligé dé s'éloigner de sa femme, et d'aller demeurer sous le toit étranger où le retient son salaire. Alors la même pensée de travail réunit les époux séparés. La femme file la rude laine des cordages[13], et remet à son mari le fruit de son travail en échange de la nourriture, des vêtements qu'il lui donne[14].

Où est la femme de harem, esclave payée, indolente, irresponsable ? Nous saluons ici la femme de ménage, compagne de l'homme et lui apportant cette part de travail et de souffrance qui consacre la dignité de l'épouse, imprime au lien conjugal sa véritable valeur, et assied une maison sur les labeurs et les sacrifices égaux et réciproques de ceux qui la fondent.

Le jour du sabbat ramène le travailleur à sa femme, et le repas du soir réunit les époux[15]. L'homme fatigué se repose auprès de sa compagne. Il la voit, et la beauté de la jeune femme éclaire son front attristé d'un rayon de bonheur ; il l'entend, et une voix tendre comme l'amour, austère comme le devoir, pénètre son cœur d'un baume adoucissant, fortifiant, qui en ferme et en guérit les blessures.

La beauté de la femme répand la joie sur le visage de son époux, et la met au-dessus de tous les désirs de l'homme.

Si sa langue répand la miséricorde, la douceur et la guérison, son époux surpassera en félicité les enfants des hommes.

Celui qui possède une femme bonne fonde sa maison ; il a un aide semblable à lui, et son repos est comme une colonne.

Où il n'y a point de haie, une terre est au pillage ; et où il n'y a point de femme, l'homme gémit dans le dénuement[16].

L'ami aide son ami au jour du besoin ; mais une femme unie à son mari l'emporte sur l'un et sur l'autre.

Les frères sont un secours au temps de l'affliction ; mais la miséricorde est un secours plus puissant[17].

Il n'y a rien à ajouter à cette glorification de la mission suprême de la femme, si ce n'est de faire rayonner maintenant cette auréole dans une autre sphère.

Pénétrons aux premières clartés de l'aube[18] dans les rues de la cité israélite, et arrêtons-nous devant la demeure du riche.

La maison de pierre[19], peinte en rouge[20], couronnée d'une plate-forme, est précédée d'une avant-cour qu'un mur sépare de la route[21]. Franchissons cette première enceinte ; une porte qu'ouvre un verrou de bois[22] nous livrera, en tournant sur ses pivots[23], l'entrée d'une cour intérieure que limitent quatre corps de bâtiment, et au milieu de laquelle se trouve une citerne[24]. Des appartements lambrissés de cèdre[25] s'ouvrent sur cette cour. Les salles de réception, couvertes de tapis[26], nous offrent leurs divans[27] ; les chambres à coucher recèlent leurs lits d'ivoire[28]. À la lueur du candélabre à sept branches déposé sur le sol de l'une de ces pièces[29], nous voyons circuler une femme vêtue de bysse et de pourpre[30].

Elle distribue du pain à sa maison et la tâche à ses servantes[31].

Et donnant aux femmes qu'elle surveille l'exemple du travail, elle-même saisit avec un joyeux entrain le fuseau, la quenouille ; et, sous ses doigts agiles, s'enroulent les fibres du lin. Tissus par elle, les fils qu'elle tord lui donneront les précieuses étoffes qui se draperont sur elle, les doubles vêtements qui préserveront sa famille du froid de l'hiver, les lapis qui s'étendront sous les pieds de ses hôtes, et les voiles, les ceintures qu'elle vendra au Phénicien.

Pourquoi chez la femme riche cette activité matinale, cette soif, cette volupté du travail, ce souci de l'argent gagné ? C'est que la mère de famille a le noble et légitime orgueil d'accroître le patrimoine de son époux, de ses enfants ; c'est que, du fruit de ses veilles, elle achètera un champ, une vigne, qui témoigneront de sa 'participation au grand œuvre de la prospérité d'une maison. C'est que la pieuse fille de Jehova a besoin de nourrir son autre famille, le pauvre ! C'est que son labeur, qui augmentera la richesse des fils de ses entrailles, donnera du pain aux enfants de son adoption vers lesquels, bonne et miséricordieuse, elle tend spontanément ses deux mains[32].

Voilà pourquoi, ceignant ses reins de force, elle affermit ses bras[33] ; voilà pourquoi sa lampe nocturne ne s'éteint pas[34].

Apprend-elle qu'un étranger, victime de sa foi courageuse, n'a point de refuge qui l'abrite contre la persécution de l'impie ? Suivons-la, dirigeons-nous avec elle vers l'avant-cour, et montons l'escalier qui conduit de l'extérieur de la maison à ses étages supérieurs et à sa plate-forme. Sur le devant de la terrasse se trouve un kiosque : c'est la chambre haute[35] ; c'est là que l'Hébreu se retire pour se livrer au recueillement ; et quand un étranger lui demande un asile, la chambre de la prière devient la chambre de l'hospitalité.

Par les soins de la maîtresse de maison, un lit, une table, un siège et un luminaire sont placés dans cet appartement. Maintenant, elle peut offrir à l'homme de Dieu une retraite assurée[36].

 

Les occupations de la femme viennent de nous révéler ce caractère énergique et tendre où une éducation pieuse a gravé les trois plus sublimes manifestations de la Divinité : vérité, justice, charité ; et l'épouse imprime une valeur pratique aux idées qu'a reçues la jeune fille.

Des fondements éternels sur un rocher immuable, tels sont les commandements de Dieu dans le cœur d'une femme sage[37].

C'est ainsi que la sagesse de la femme est vraiment le don de Dieu[38].

Le divin sourire de l'espérance sur les lèvres, l'épouse prévoit et attend l'avenir. Calme dans sa force morale, réservée, bienveillante, elle subjugue ceux qui l'approchent par l'ascendant de sa dignité, par la séduction de sa grâce modeste et voilée, par le charme persuasif de sa parole véridique, indulgente. Et, aux yeux du Sage, la beauté qui, dans la jeunesse, resplendit comme une lampe dans un candélabre d'or, semble, quand elle sert d'enveloppe à un cœur de femme, ferme et pur, le soleil qui se lève pour éclairer, vivifier, échauffer[39].

Salomon et le fils de Sirach opposent à la femme forte l'épouse, dont le caractère jaloux et querelleur trahit l'inquiète inactivité. La colère n'est point innée dans son sexe[40], mais jamais cette arme n'offre plus de danger que lorsqu'elle est maniée par une femme qu'aveuglent la faiblesse de sa nature et la violence de ses penchants : Toute malice est légère auprès de la malice de la femme[41].

L'épouse d'un mauvais caractère paraît au Sage sombre comme l'aspect d'un cilice[42]. Elle ne lui rappelle que la première influence de la femme, et c'est devant elle qu'il s'écrie : Par la femme le péché a eu son commencement, et par elle nous mourons tous[43].

..... Que le sort des pécheurs tombe sur elle ![44]

C'est à l'époux de la femme irascible que s'adresse particulièrement cette dernière allusion ; c'est à celui dont le caractère s'aigrit, dont le cœur se ferme par ces dissensions domestiques qu'on ne peut fuir qu'en se fuyant soi-même. Aussi le Sage préfère-t-il la solitude de la chambre haute, celle du désert même, le voisinage du lion enfin, à la compagnie d'une méchante femme[45].

Il établit de frappants contrastes entre les désastres qu'attire sur sa famille l'épouse paresseuse et maligne, et les bienfaits que répand autour d'elle la femme vigilante et aimante. La première est la ruine, le déshonneur d'une maison ; c'est le chemin montant et sablonneux qui fait glisser et chanceler un époux ; c'est la gangrène qui lui ronge les os ; c'est le scorpion qui le brûle d'une piqûre envenimée ; sa langue est le dard qui le déchire[46].

Mais la femme forte, qui la trouvera ?[47] Son prix est au-dessus du prix de l'or, des perles, de tous les trésors de la terre[48] ! Et le Sage exalte le bonheur de celui qui l'a rencontrée.

Ici le renom de l'épouse devient la gloire de l'époux. La femme forte édifie une maison, en soutient l'honneur ; c'est l'héritage d'un mari ; la joie, la force, la sérénité, la prolongation de ses jours ; sa couronne, le don par lequel Dieu récompense et bénit ses vertus[49].

L'époux le comprend ; et avec ses fils, il se lève devant la femme forte ; et, dans un élan d'admiration, de respect, de tendresse, le père et les enfants s'écrient :

Plusieurs filles ont agi avec vertu ; mais toi, tu les as surpassées toutes.

Et le Sage conclut :

La grâce est trompeuse, la beauté est vaine ; une femme qui craint Dieu est seule digne de louange.

Donnez-lui le fruit de son activité, et qu'aux portes de la ville ses œuvres la louent[50].

Il y a loin des tableaux que nous venons d'esquisser aux scènes du Cantique des Cantiques. Quand sont terminées les fêtes nuptiales, l'Hébreu, avec un délicat sentiment de ce respect que lui inspire le foyer domestique, semble craindre de profaner son chaste bonheur en l'exprimant. Mais, de temps en temps, le voile sous lequel il nous dérobe sa vie intime se soulève à demi, et nous fait pressentir ce qu'elle avait de doux et d'enivrant.

Sans doute, nous chercherions en vain chez le Sémite à la parole sobre, contenue, nerveuse, l'expansion des races indo-européennes. Nous ne trouverons pas dans la littérature hébraïque de ces épopées colossales qu'animent tout entières le souffle de la femme et l'inspiration de l'amour conjugal[51]. Une Sîtâ, une Damayantî ne nous entraîneront pas à leur suite dans les forêts où elles suivent un mari exilé ; nous n'assisterons pas à ces scènes gracieuses et dramatiques, où la tendresse émue de l'époux répond au dévouement exalté de l'épouse. Nous ne verrons pas la femme, personnifiant en un mari, vertueux ou coupable, cette idée du devoir qui est l'élément naturel de la poésie sanscrite, n'exister qu'en celui qui est sa vie, son âme, son dieu ! — Il y a dans l'amour conjugal, tel que le comprenait l'Hébreu, moins de beauté humaine peut-être, mais plus de grandeur divine. Pour la femme d'Israël, au-dessus de l'homme il y a Jehova, et son affection pour son mari est, non l'expression complète, mais l'une des manifestations de sa piété religieuse. Et cependant, bien que son individualité soit plus saillante que celle de la femme de l'Inde, la femme d'Israël n'a pas encore appris, nous l'avons vu, à développer complètement toutes ses facultés originales. Elle non plus ne peut avoir une existence indépendante de celle de l'homme qui est à la fois le maître de sa vie et l'ami de sa jeunesse[52]. Mais le mariage qui, sur les bords du Gange, est l'abdication de la femme devant son époux, devant l'incarnation du Devoir, le mariage est, sur la terre de Jehova, la réunion des deux parties du même être, toutes deux égales en valeur morale, en intelligence, toutes deux illuminées au même degré des rayons de cette lumière dont le foyer est au ciel, et à la lueur desquels toutes deux cherchent ensemble le bien, se préservent réciproquement du mal[53]. C'est à ce couple dont chaque membre sent que veiller sur l'autre c'est veiller sur soi, c'est à ce couple animé d'un même cœur, d'un même esprit[54], que Dieu peut dire : Toi ![55]

Au temps où les Hébreux habitaient Misraïm, la terre des Pharaons conservait encore le souvenir de l'égalité primitive de l'homme et de la femme dans leur union[56]. Les monuments égyptiens que nous avons sous les yeux le prouvent éloquemment. Des groupes de granit rose, de grès, de pierre calcaire, représentent la femme, la maîtresse de la maison, enlaçant son bras dans celui de son mari[57] ; et, sur la première tablette d'un coffre funéraire, nous voyons les âmes de deux époux, purifiées par une suite de transmigrations et de souffrances terrestres, revenir animer au même moment et pour toujours les corps qu'elles avaient naguère quittés, et qui reposent dans des cénotaphes[58]. Idée sublime qui unit dans l'éternité ceux qui ont passé ensemble dans le temps !

 

L'harmonie des deux moitiés de l'être humain est la préoccupation du Sage. La domination de la femme ne pèsera pas sur l'époux[59], et la jalousie de l'homme ne troublera pas sa compagne[60]. Ici la confiance de l'époux assure la liberté de l'épouse ; et, de même que dans l'ancienne Égypte, la femme est honorée parce que, avec l'initiative de ses actions, elle en a la responsabilité.

Il y a une sollicitude touchante dans les instances avec lesquelles le Sage, le prophète, recommandent à l'homme le bonheur de sa compagne, ce bonheur qui est le sien. Ils craignent que la voix du calomniateur ou la beauté plus dangereuse encore de la femme étrangère n'éloigne l'époux de l'épouse[61]. Salomon rappelle à l'homme son ancienne affection pour l'amie de toute sa vie ; il lui peint la femme de sa jeunesse, belle et aimante comme au premier jour, gracieuse comme la gazelle aux yeux noirs, à la svelte démarche :

Que ses charmes t'enivrent en tout temps, que son amour te transporte toujours ![62]

Est-ce sur un cœur qui n'a point souffert de ses souffrances, joui de ses joies, frémi de ses inquiétudes, palpité de ses espérances, que l'homme appuiera son cœur avec sécurité[63] ? Et si le souvenir du bonheur que lui a donné sa compagne, et qu'elle lui réserve encore, n'arrête pas l'époux infidèle, n'y a-t-il point dans sa conscience une voix qui lui crie que l'épouse outragée a un vengeur en Dieu[64] ? Il trouvera son châtiment dans sa faute même, dans son amour insensé pour l'étrangère, cette femme qui est elle-même un piège, et dont le cœur est un filet et les mains des liens[65].

Auprès de cette femme qui se rit de tout ce qu'elle profane, comment conserverait-il ce qui soutient et fait -vivre, la croyance au bien, le respect de l'humanité, la crainte de Dieu ? Affaibli, attristé, découragé, il mourra aux rêves bénis de son adolescence, aux saints enthousiasmes, aux chastes amours de sa jeunesse ; et, las de l'existence, il se laissera glisser dans le schéol[66], ce gouffre au delà duquel il n'entrevoit que le néant !

Quant à la femme qui avait sacrifié l'honneur conjugal à une affection illégitime, elle était lapidée avant même d'avoir pu sentir l'aiguillon du remords[67]. A elle plus qu'à son époux il appartenait de sauvegarder la dignité de l'être humain, de l'être complet que par leur union ils représentaient.

Le divorce aurait dû sembler un suicide au législateur qui, posant en principe l'union primitive des deux sexes dans un seul être, savait que l'homme, en repoussant sa compagne, s'arrache une part de sa vie, cette part à laquelle il a donné peut-être le meilleur de son âme : sa tendresse et sa confiance !

Cependant Moïse permit la répudiation sans préciser les causes qui l'autorisaient[68]. L'infidélité de l'épouse étant punie de mort, à quelle situation devait s'adapter le divorce ? L'incertitude du texte biblique qui réglait la répudiation laissait toute liberté aux caprices de l'époux, et le Talmud nous montre jusqu'où l'arbitraire avait interprété la loi.

Une femme a-t-elle servi à son mari, à l'insu de celui-ci, une nourriture qui n'a pas payé la dîme ?

A-t-elle, dans un moment d'exaltation, formé un vœu qu'elle n'a point accompli ? Sa voix, vibrante de colère, s'est-elle fait entendre hors de sa maison ? Irritée contre ses enfants, les a-t-elle maudits en présence de leur père ? S'est-elle, le fuseau à la main, livrée au travail dans la rue ? Est-elle sortie sans avoir emprisonné sa chevelure dans une résille ou un turban ? Répudiée comme une femme coupable, elle n'aura même pas le droit d'emporter son mohar[69], cette dot nuptiale que son fiancé lui avait assurée en échange de la main que son mari repousse aujourd'hui. Et là ne devait pas s'arrêter le despotisme de l'époux. Comme Beth-Shammaï, l'un des docteurs de la loi, fidèle au respect des traditions du foyer, protestait contre ces interprétations de la pensée de Moïse, et ne faisait correspondre la répudiation qu'au déshonneur de la femme, Beth-Hillel déclarait qu'un mets brûlé par l'épouse était une cause de divorce ; et Rabbi Akiva ajoutait qu'il suffisait à un homme de trouver plus de charme à une autre femme qu'à la sienne pour qu'il eût le droit d'expulser celle-ci de la maison conjugale. Il y a loin de ces commentaires, qui désorganisent et détruisent la famille, au livre dont ils altèrent le sens, et qui, en promulguant les lois naturelles et immuables du sanctuaire domestique, leur avait imprimé son divin caractère !

Hâtons-nous de dire que le cœur de l'homme sut se défendre de la subtilité de l'esprit doctoral, et que l'Halaca, le recueil des constitutions judaïques, rejette l'interprétation du Rabbi Akiva[70].

Quant à l'épouse dont la stérilité se prolongeait pendant dix années, elle pouvait être répudiée, mais elle entrait, par le divorce, en possession de son douaire[71].

Il n'est pas jusqu'au Talmudiste qui ne soit saisi de commisération devant la douleur de la femme délaissée[72]. Il se souvient de Malachie évoquant à l'imagination de ses contemporains cet autel mouillé des larmes de l'épouse répudiée, sur lequel Dieu ne veut plus recevoir l'offrande de l'époux coupable. A ce peuple qui, se plaignant de n'être plus entendu de son Dieu, demande pourquoi Jehova l'a abandonné, le prophète crie soudain avec une émotion profonde :

Pourquoi ? Parce que Jehova est témoin entre toi et la femme de ta jeunesse, envers laquelle tu as été perfide, et elle est ta compagne et la femme de ton alliance.....

Car il hait la répudiation, dit Jehova, Dieu d'Israël[73].

Aussi les docteurs de la loi eux-mêmes multiplièrent-ils les difficultés matérielles de la consommation du divorce. L'époux rendait à l'épouse son indépendance par une lettre nommée Get. Cet acte de répudiation, dressé par un lévite, signé de deux témoins, pouvait être invalidé par une multitude d'irrégularités. Examinons-nous en eux-mêmes les défauts de forme qu'énumère un chapitre de la Mishna[74], ils nous feront sourire par leur minutie ; mais considérons-nous ces mêmes illégalités comme autant d'obstacles posés paternellement par la loi pour retarder la séparation de deux êtres qui peut-être s'aimaient encore jusqu'à se réconcilier, notre disposition railleuse cédera à une sympathique émotion.

Ce n'était qu'au moment où l'épouse recevait légalement l'acte de scission que son mariage était rompu. Elle était libre, et avait le droit de chercher auprès d'un autre époux le bonheur que le premier lui avait refusé[75].

Contractait-elle une seconde union, tout espoir de retour vers l'ami de sa jeunesse était perdu pour elle : la loi défendait avec énergie que la femme, veuve d'un second mari ou répudiée par lui, fût reprise par son premier époux[76]. Conservait-elle sa liberté, il lui était permis de céder au repentir de celui qui n'était plus son mari, mais pouvait redevenir son fiancé[77]. Quand Isaïe, Jérémie symbolisent Dieu et Israël sous la figure de l'époux et sous celle de l'épouse, ils font de touchantes allusions à ces secondes fiançailles, moins joyeuses que les premières, moins dorées par les rayons de l'espoir, mais plus remplies d'émotions pénétrantes et de mélancoliques souvenirs.

Sous le voile de ces comparaisons, nous croyons assister à la première entrevue de ceux qui naguère vivaient de la même vie, et qui maintenant devraient être étrangers l'un à l'autre. L'époux, encore sous l'impression de ses anciens griefs, les expose avec sévérité ; puis se souvenant de ce que la femme qu'il afflige a été pour lui, de ce qu'elle a souffert pour lui, il fait succéder à ses reproches des expressions de regret et d'amour qui laissent pressentir la réconciliation.

Je me rappelle, par rapport à toi, la grâce de ta jeunesse, l'amour de tes fiançailles, lorsque tu me suivis dans le désert, sur une terre inculte[78]...

C'est dans un accès de colère qu'il a repoussé sa compagne, mais cette colère n'a duré qu'un moment... Qu'attend-il ? Un cri de détresse qui soulève la poitrine de l'épouse abandonnée.....

Si à présent, du moins, tu m'appelais : Mon père ! tu as été l'ami de ma jeunesse ![79]

Ce cri, il l'entend ; et, ému d'une grande pitié, il saisit sa femme, et la consolant, la garde à jamais dans son sein protecteur[80].

La polygamie devait souvent supprimer l'une des principales causes de répudiation, celle qui naissait de la stérilité de l'épouse. Toutefois la coutume d'acheter les femmes ne rendait la polygamie accessible qu'aux riches Hébreux.

Nous avons vu comment le sentiment exagéré de la paternité, de la maternité même, avait introduit la pluralité des femmes dans la société primitive. sous avons vu aussi que ce sentiment qui, chez les patriarches, s'appuyait sur leur désir de propager le genre humain naissant et de vivre encore dans leur postérité, se fortifia chez leurs descendants par le besoin de multiplier les représentants d'une idée religieuse et d'un droit politique.

Les seconds comme les premiers considérèrent dans la stérilité de la femme le châtiment de l'époux ; dans sa fécondité, la récompense de celui-ci. Souvenons-nous de Moïse, montrant aux Hébreux dans leurs enfants les gages de leur union avec Jehova[81]. Écoutons les pèlerins qui montent vers Jérusalem ; entendons-les évoquer la paisible image de ce bonheur domestique qui est le fruit du labeur de l'homme et de sa confiance en Dieu ; entendons-les chanter avec le Psalmiste :

Heureux tout homme qui craint Jehova, qui marche dans ses voies.

Lorsque tu te nourris du travail de tes mains, le bonheur et la satisfaction sont en toi.

Ta femme sera comme une vigne fertile dans l'intérieur de ta maison ; tes enfants seront comme des plants d'olivier autour de ta table.

C'est ainsi que sera béni l'homme qui craint Jehova[82].

Et ces voix nous feront comprendre pourquoi le législateur qui proclama l'unité primitive du mariage sembla autoriser implicitement la pluralité des femmes.

Moïse restreignit néanmoins cette coutume[83] en défendant à l'homme de s'allier à la sœur de sa compagne, du vivant de celle-ci[84] ; en accordant des droits égaux aux femmes de l'époux polygame, qu'elles fussent entrées libres ou esclaves sous le toit conjugal[85] ; en rappelant enfin au futur souverain d'Israël que le roi qui s'expose à subir les influences d'un harem ne tarde pas à abdiquer, avec sa force d'âme, le sentiment de la justice[86].

Rien de plus contraire à la pluralité des femmes que les chants des Prophètes et les maximes des Sages. L'héroïne du Cantique des Cantiques pouvait être une reine de harem ; mais la femme forte du livre des Proverbes devait être la compagne unique de celui qui l'associait à la souveraineté de la famille. La première est le type de l'amante ; la seconde, celui de l'épouse.

Chez l'une on pressent l'inquiète jalousie de la favorite qui se sait exposée à subir des rivales ; chez l'autre on respire la calme confiance de la mère de famille, de la maîtresse de maison, qui ne soupçonne pas qu'une autre femme puisse jamais être admise au partage de son autorité.

L'histoire d'Anne, mère de Samuel, témoigne du désespoir qui accablait la femme forte quand sa stérilité obligeait son mari de demander à une seconde épouse le bonheur de la paternité. En vain préférait-il la compagne de sa jeunesse à la mère de ses enfants ; la première souffrait et pleurait, car elle sentait qu'un lien plus puissant que l'amour, un fils, unissait sa rivale à son époux.

Aussi, quand le Dieu qui protège l'épouse stérile[87] faisait cesser la cause de sa douleur, on ne s'étonne pas que le premier cri de sa maternité ait été un hymne de reconnaissance ; on ne s'étonne pas que la pensée de celle qui avait tant souffert du passé s'élance dans l'avenir, et que, des lèvres de cette mère, ait pu jaillir une des notes les plus enthousiastes et les plus vibrantes de la poésie prophétique[88] !

D'après ce qui précède, on comprend mieux l'étrange incident qui motiva le célèbre jugement de Salomon. Cette femme qui, ayant involontairement causé la mort de son fils, se lève pendant la nuit, couche le cadavre de son enfant sur le sein de sa compagne de chambre, prend dans ses bras le fils de celle-ci et le nomme le sien ; cette femme qui, devant les angoisses, les cris de la véritable mère, maintient inflexiblement ses droits sur l'enfant qu'elle lui a volé, cette femme provoque plus de pitié que de colère ! Et notre admiration s'accroît encore pour ce jeune souverain qui, sachant pressentir que, devant la vie menacée de son fils, la vraie mère ferait céder son orgueil à son amour, ordonna qu'on lui apportât un glaive, et dit :

Coupez l'enfant vivant en deux, et donnez-en la moitié à l'une et la moitié à l'autre[89].

Frémissante, l'une des femmes criait : De grâce, mon seigneur ! donnez-lui l'enfant vivant, mais qu'on ne le tue pas. Calme et impérieuse, l'autre disait : Il ne sera ni à moi ni à toi ; coupez ![90]

La vraie mère s'était déclarée.

 

Parmi les lois de Moïse, il en est qui détendent notre cœur oppressé par la sévérité générale du code sinaïque, et le pénètrent d'une émotion douce et bienfaisante : ce sont celles qui nous excitent à l'une des manifestations les plus miséricordieuses de la charité : la pitié ! La pitié qui nous fait donner aux pauvres, aux faibles, aux malheureux, plus que l'aumône de notre fortune, plus que le secours de nos soins, la consolation de notre sympathie !

Cette pitié, Moïse l'étend jusque sur les animaux. Le prophète, dont le cœur de bronze semble ne devoir vibrer que sous le choc d'impressions surhumaines, s'attendrit en recommandant au promeneur qui trouve, soit dans le feuillage d'un arbre, soit au bord du chemin, un nid d'oiseaux, de ne point priver la mère de sa liberté au moment où il lui enlèvera les œufs qu'elle couve ou les poussins qu'elle abrite de ses ailes. Moïse défend aussi que le veau et l'agneau soient égorgés le même jour que leurs mères, et que le chevreau soit cuit dans le lait qui l'a nourri[91].

Ce sentiment si exquis de l'amour maternel trahit le cœur affectueux de l'homme à travers l'austère attitude du législateur.

 

Le type de la mère, déjà ébauché dans le premier livre de la Thorah, se dessine avec ampleur dans la suite de l'histoire biblique. Nous la voyons nourrir son fils de son lait[92], surveiller les premiers pas de l'enfant ; et lui donnant enfin deux fois l'existence, faire ruisseler en lui cette vie morale qu'elle-même avait puisée aux sources les plus pures de la foi et du patriotisme[93]. L'esprit de la femme, plus pratique que théorique, plus religieux que philosophique, devait être le véritable dispensateur d'une instruction toute d'application qui avait pour objet l'étude de ce qui est, et pour but la crainte de Jehova, la Vérité suprême.

Cette éducation virile, tempérée par le sourire d'une mère, infusait dans le cœur de l'homme les qualités aimantes et délicates de la femme, et ceignait son front d'une couronne de grâces[94].

Les femmes d'Israël formèrent des citoyens, des héros, des penseurs ; et quand la croyance à l'immortalité de l'âme se fut embrasée au contact de l'esprit prophétique, ces femmes, si fières d'une maternité que leurs vœux et leurs pleurs avaient appelée, ces femmes surent être les mères des martyrs et enfanter leurs fils à la vie éternelle[95].

 

La mère tient de Dieu l'autorité qu'elle exerce sur son fils[96]. Même parvenu à l'âge d'homme et à la dignité royale, celui-ci respecte et écoute la voix maternelle qui le détourne des écueils des passions, et le guide vers le port où le calme l'attend. Se laisse-t-il séduire par la coupe qui lui offre une liqueur excitante, et par la femme étrangère dont la beauté lui cause une ivresse plus dangereuse encore, sa mère accourt et jette le cri d'alarme :

Qu'est-ce, mon fils ? Qu'est-ce, fils de mes entrailles ? Qu'est-ce, fils de mes vœux ?

Ne donne pas ta force aux femmes, ni ta conduite aux corruptrices des rois.

Ce n'est pas aux rois, Lamuel, ce n'est pas aux rois à boire du vin, ni aux princes à goûter ce qui enivre,

De peur que le roi, en buvant, n'oublie ce qui est et fixé et qu'il ne change le droit de tous les fils du malheur.

Donnez des boissons fortes à celui qui périt, et du vin à ceux qui ont l'amertume dans l'âme.

Que le malheureux boive et oublie sa pauvreté et ne se rappelle plus sa misère.

Ouvre ta bouche pour le muet et pour le droit de tous les abandonnés.

Ouvre ta bouche, juge équitablement, et défends la cause du pauvre et du nécessiteux[97].

Et pour le faire rougir des vaines idoles auxquelles il adresse son amour, elle ne les lui peint pas dans leur abjection ; elle ne lui montre pas le péril qu'elles lui font courir : elle se contente de tracer l'idéal de l'épouse, cet admirable portrait de la femme forte devant lequel nous venons de nous arrêter, et qu'il appartenait à une mère de nous dessiner. Pour dissiper les ombres fallacieuses, il suffit que le soleil se lève. Le jeune roi voit la lumière, il est sauvé, et Israël compte un sage de plus.

Moïse, en enlevant au père la juridiction suprême de la famille, l'autorisa à conduire devant les anciens de la cité le fils rebelle aux conseils de ses parents. La lapidation attendait ce dernier. Mais, pour que le témoignage du père fût légal, il fallait que celui de la mère l'accompagnât[98]. C'était placer la miséricorde près de la justice, et donner au fils, dans son second et indispensable dénonciateur, son plus chaleureux défenseur. Moïse sentit que, si le cœur d'un père pouvait sacrifier à tin rigoureux devoir la vie de son enfant, jamais les entrailles d'une mère ne permirent à celle-ci un semblable héroïsme ! Quand la mort plane sur ce fils qui est sa douleur[99], mais sa vie aussi, la mère a oublié la faute qu'il a commise, et ne frémit que du péril qu'il court. Le coupable n'est plus que malheureux ! Sa mère sait le consoler[100], elle ne sait pas le châtier ! Et si, aveuglée par la colère, elle pouvait jamais aider son époux à traîner son fils hors des portes de la ville ; si, devant les juges prêts à rendre une sentence de mort, devant les bourreaux[101] prêts à l'exécuter, le père avait encore la force de dire : Frappez ! Moïse prévit que la mère crierait : Grâce !

Mais jamais la Bible n'eut à enregistrer l'application de cette loi.

Dieu fit du respect filial l'un des statuts de son alliance avec Israël. Quand, sur le Sinaï, il proclama les obligations religieuses, sociales et morales qu'il imposait à l'homme, il ne promit pas à celui-ci d'autre fruit de l'observation de ses commandements que la satisfaction du devoir accompli et la paix de la conscience. Mais quand il érigea en loi le sentiment naturel de la piété filiale, il assura au fils obéissant la seule récompense matérielle que contienne le Décalogue[102].

Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que l'Éternel ton Dieu te donne[103], dit Jehova.

Et Moïse répéta : Honore ton père et ta mère, comme t'a ordonné l'Éternel ton Dieu, afin que tes jours se 'prolongent, et afin que tu prospères sur la terre que l'Éternel ton Dieu te donne[104].

Fonder la longévité de l'homme, la prospérité de sa maison et de son pays sur la vénération qu'il témoignerait à son père, à sa mère, c'était lui rappeler que ses enfants, excités par son exemple, le feraient jouir à son tour des pieux hommages par lesquels il aurait adouci et prolongé la vieillesse de ses parents ; c'était lui rappeler que le respect filial conserve et perpétue les nobles traditions de la race ; c'était lui rappeler enfin que ce devoir est l'application la plus immédiate de cet esprit de discipline qui soutient la famille et qui devient la base de l'ordre social.

De même que les lois de Manou, le code mosaïque place la mère au-dessus du père[105]. Nul reproche ne froisse plus péniblement l'Hébreu que celui qui atteint sa mère[106] : si son père représente l'honneur de sa race, sa mère en représente la pureté.

Les Sages précisèrent les applications de la loi du respect filial. Le fils honorera sa mère aussi bien par la déférence qu'il lui témoignera à elle-même que par celle qu'il aura pour son père. En souvenir de ce qu'elle a souffert pour lui, il la respectera dans ses infirmités, dans sa vieillesse, dans ses défauts même ; et consacrera à son service les jours qu'il lui doit. S'il lui est rebelle, s'il l'aigrit, la méprise, la chasse, maudit soit-il, et de Dieu..... et d'elle aussi peut-être[107] !

La bénédiction du père affermit la maison des enfants, et la malédiction de la mère la renverse jusqu'aux fondements[108].

Quant à celui que sa colère entraînerait à lancer l'anathème contre la femme qui avait été la source de sa vie, ou à lever sur elle une main sacrilège, son sang sur lui ! avait dit Moïse[109].

La loi ne punit pas le parricide : elle ne l'avait pas prévu.

Chez les Hébreux, l'expression de la piété filiale était la même que celle de la piété religieuse ; c'était la crainte, la crainte qui, il est vrai, produit plus de qualités négatives que de vertus actives ; mais qui entourait le sanctuaire de la famille et celui de la foi de cette barrière du respect qui en maintenait l'inviolabilité.

La crainte néanmoins n'excluait pas l'amour ; et si la mère était, plus que le père encore, respectée de son fils, plus que le père aussi elle était aimée et pleurée de lui.

Comme celui qui est en deuil pour sa mère, dit le Psalmiste, j'étais courbé tristement[110].

Quand l'ordre de la nature était interverti, et que la mère perdait ses enfants, alors on voyait contre un rocher une femme exposée tour à tour à l'ardeur dévorante du soleil et à l'humide fraîcheur de la nuit, veillant sur les cadavres de ses deux fils injustement supplicies, sur ceux de leurs compagnons d'infortune, les préservant des oiseaux qui, pendant le jour, s'abattent sur leur proie, et des chacals qui, lorsque vient le soir, cherchent leur funèbre pâture[111]. — Alors on entendait le prophète laisser échapper ce sanglot dont l'écho lamentable devait retentir à l'aurore de la loi nouvelle : Une voix est entendue à Rama ; une plainte, des pleurs amers, Rachel pleurant pour ses enfants ; elle refuse de se laisser consoler au sujet de ses enfants, car ils ne sont plus[112].

 

Nulle loi n'imposait explicitement à l'Hébreu le devoir de soutenir sa mère quand la mort la privait de l'appui d'un époux ; mais le sens du cinquième commandement suppléait à cette lacune[113].

C'était avant tout à la communauté israélite que Dieu confiait la veuve d'un de ses membres ; c'était à cette grande famille qu'il appartenait d'entourer la veuve de cette sollicitude dont l'époux avait abrité l'épouse[114].

Les préceptes du code mosaïque, qui placent la veuve sous la protection de son peuple, témoignent de l'approche d'une époque où les Hébreux allaient passer de la vie pastorale à la vie rurale.

Tous les trois ans l'Hébreu devait abandonner au 1 évite, à l'étranger, à l'orphelin, à la veuve, la seconde dîme qu'il prélevait sur les produits de ses biens. Les fruits nouveaux de ses travaux agricoles sont cités par Moïse avant les premiers-nés de son bétail[115].

Cette dîme du pauvre était l'impôt le plus naturel que l'Israélite payât à Jehova sur la terre qu'il tenait de lui. La fertilité de ses champs, la fécondité de ses troupeaux, devaient répondre à son zèle charitable. Ne semble-t-il pas, en effet, que l'homme qui travaille pour son semblable trouve dans son généreux sacrifice une puissance de dévoilement par laquelle il multiplie les résultats de son labeur ?

De même qu'aux repas des dîmes, la veuve était, nous l'avons vu, admise aux réjouissances de ces solennités religieuses et nationales, qui en même temps étaient les fastes agricoles de la nation hébraïque. Inaugurées par les fêtes de pèlerinage, les moissons, les récoltes appelaient aussi la présence de la veuve.

Quand le moissonneur coupait les blés, sa faux devait respecter les épis qui avaient crû sur la limite du champ dont il faisait la récolte. Oubliait-il de recueillir une gerbe, il lui était moralement interdit de revenir sur ses pas pour la ramasser. — Quand le journalier secouait l'olivier, sa main ne devait pas rechercher sur les branches de l'arbre les fruits que n'avait pas fait tomber son bâton. — Quand, sur les coteaux, les pampres rougis par les feux du soleil fléchissaient sous le poids de leurs grains succulents, et que retentissait le cri joyeux des vendangeurs, des vignerons : Hédad ! hédad ! le vendangeur ne devait pas grappiller, et sa serpe ne pouvait atteindre le cep isolé du vignoble. — Ces épis, ces olives, ces raisins étaient le bien de la veuve et du pauvre[116].

Ne pas tromper la veuve, ne pas l'opprimer, mais plaider pour elle ; lui rendre justice si sa cause est celle du bon droit ; la traiter avec miséricorde et ne pas prendre son vêtement en gage, si l'équité défend de faire triompher ses intérêts ; ce sont là les préceptes dont Moïse et les prophètes élèvent l'accomplissement au-dessus de l'offrande des sacrifices ; ce sont là les lois naturelles qui ne pouvaient être enfreintes sans que leurs violateurs s'exposassent à cette peine du talion qu'ici les lois civiles n'appliquaient pas, mais dont la justice divine s'était réservé l'exercice.

L'appui de Jehova est la force de l'être faible et isolé ; et quand les larmes de la veuve montent vers lui, le Dieu qui est son soutien, son protecteur, son juge, sait être aussi son rédempteur, son vengeur[117].

Vous n'opprimerez point la veuve ni l'orphelin, dit la voix menaçante de Jehova.

Si vous l'opprimez !..... car s'il crie vers moi, j'entendrai bien ses cris,

Alors ma colère s'enflammera, je vous tuerai avec l'épée, vos femmes seront veuves et vos enfants orphelins[118].

Mais dans son déisme, le spoliateur ne croit pas que le regard qui embrasse l'univers puisse distinguer l'atome :

Iah (Dieu) ne le verra pas, se dit-il, le Dieu de Jacob ne s'en apercevra pas.

Ô les plus stupides du peuple ! répond le Psalmiste ; soyez intelligents, insensés ! Quand serez-vous intelligents ?

Celui qui plante l'oreille n'entendra-t--il pas ? est-ce que celui qui ferme l'œil ne verra pas ?

Celui qui châtie les nations ne punira-t-il pas, lui qui enseigne la science à l'homme !

Jehova connaît les desseins de l'homme, sachant qu'ils sont vains[119].

Protégée par la loi, la veuve pouvait, sans être distraite par des préoccupations matérielles, se recueillir dans sa douleur ; évoquer en son âme l'image de son époux, ou la retrouver, vivante encore, dans les enfants issus de leur union. Mais, de même qu'aux temps patriarcaux, la veuve d'un homme qui mourait sans postérité n'avait pas le droit de se livrer à jamais à ses regrets. Il lui fallait donner au mort une preuve suprême de son amour et de sa fidélité, en demandant à un second mariage l'enfant qui devait maintenir en Israël le nom et l'héritage de son premier époux.

C'était au frère du mort qu'était imposé le devoir d'en épouser la veuve[120]. Rebelle à la loi du lévir, il s'exposait à une cérémonie humiliante dont le Deutéronome nous a conservé les curieux détails.

Reproduisons ici ce texte biblique, auquel une simple analyse enlèverait cette naïveté d'expression qui lui imprime un saisissant caractère d'originalité, et qui, dans une simple loi, nous livre un tableau de mœurs locales :

Mais si cet homme n'a pas envie de prendre sa belle-sœur, sa belle-sœur montera à la porte vers les anciens, et dira : Mon beau-frère refuse de rétablir à son frère un nom en Israël, il ne veut pas m'épouser par droit de lévirat.

Les anciens de la ville le feront appeler et lui parleront ; il se présente et dit : Je n'ai pas envie de la prendre.

Sa belle-sœur s'approchera de lui aux yeux des anciens, et lui tirera son soulier du pied et lui crachera à la figure ; elle reprendra et dira : Ainsi est fait à celui qui n'édifie pas la maison de son frère.

Et son nom sera appelé en Israël la maison du soulier tiré[121].

Si le mort n'avait point de frère, la coutume attribuait le droit de lévirat au plus proche de ses parents, de ses rédempteurs du sang[122]. Mais l'exercice de ce droit devenait tout facultatif, et le rédempteur pouvait y renoncer sans être publiquement insulté par la veuve de son parent. La cérémonie du déchaussement, n'étant plus que le symbole de la cession d'une propriété, perdait son caractère ignominieux ; le rédempteur donnait lui-même son soulier à celui que les liens du sang unissaient après lui le plus intimement au mort, et auquel il transmettait ainsi son droit.

C'est à la coutume du lévirat, étendue au rédempteur, que nous devons le dénouement d'un des récits les plus poétiques de l'Histoire sacrée. La figure de Ruth résumant les traits divers que nous avons recueillis dans les annales bibliques pour reconstituer le type de la veuve, nous rappellerons ici l'épisode qui l'encadre. Rien de plus connu sans doute que cette fraîche églogue. Mais nous lassons-nous d'admirer l'agreste paysage qui nous sourit chaque matin ; et les œuvres où se trouve fidèlement reproduite la simplicité rustique de la vie des champs ne participent-elles pas de la jeunesse, à jamais attrayante, de la nature qui les a inspirées

C'était au temps des Juges[123]. Bethléem, Éphrata[124], la fructueuse, n'étendait plus ses pieds sur les moelleux tapis qui naguère recouvraient son sol rocailleux. Ses champs étaient stériles, son peuple manquait de pain. Un homme de Bethléem, Élimélech, quitta alors le lieu de sa naissance ; et, accompagné de Noémi, sa femme, de Mahlon et de Chilion, ses deux fils, il se dirigea à l'est du Jourdain.

Au delà des rives désolées de la mer Morte, au sud de l'Arnon, se trouvait un vallon aux gras pâturages, aux moissons abondantes : c'étaient les champs de Moab, le peuple pasteur[125]. Élimélech abrita sa famille dans ce coin de verdure ; puis il descendit dans le schéol. Ses fils s'allièrent à des filles de Moab ; Mahlon épousa Ruth ; et Chilion, Orpha. Pendant dix années ils vécurent sur la terre étrangère, et, comme leur père, ils y moururent.

Noémi n'eut pas la force de demeurer plus longtemps dans ce pays dont le sol s'était refermé sur ses plus intimes affections. Les liens qui l'avaient soutenue sur une terre inconnue à son enfance, à sa jeunesse, lui manquaient subitement ; et, chancelante, elle sentit que son berceau, sa patrie, était le seul appui auquel elle pût rattacher son existence.

Jehova avait visité son peuple et lui avait donné du pain[126]. Noémi partit.

Ses cieux brus l'accompagnaient sur le chemin de Bethléem. Elles l'aimaient ; et, pour la suivre, elles renonçaient à leur patrie, à leur famille. Mais Noémi repoussait leur généreux sacrifice. Elle avait connu les douleurs de l'exil !

Elle engageait ses brus à retourner auprès de leurs mères, et elle priait Jehova d'étendre sur toutes deux cette miséricordieuse sollicitude dont elles avaient entouré leurs époux, leur belle-mère. La femme privée de son mari, de ses enfants, à l'âge auquel on ne les remplace plus, cette femme pouvait mourir à l'espérance. Mais l'avenir souriait encore à ces deux jeunes veuves qui n'avaient pas connu la maternité, ni épuisé toutes les joies d'ici-bas. Dans la demeure pastorale des fils de Moab, elles pouvaient encore être épouses, elles pouvaient devenir mères ! Le calme de la vie de famille guérirait leurs cœurs froissés et souffrants ; et les replis onduleux de leurs belles montagnes abriteraient encore leur bonheur !

Que Jehova vous permette de trouver le repos chacune dans la maison de son mari[127].

Noémi donna à ses brus le baiser d'adieu ; mais, tout en larmes, les jeunes femmes résistaient, et disaient :

C'est avec toi que nous retournerons chez ton peuple[128].

Retrouvant dans sa tendresse maternelle un éclair de gaieté, Noémi demandait à ses belles-filles si elles espéraient qu'elle-même leur donnerait, par une seconde union, ces beaux-frères qui, selon la loi du lévir, pourraient devenir leurs maris ? Mais, fût-elle assez jeune encore pour avoir des fils, ses brus les attendraient-elles ? Et sacrifieraient-elles à des époux qui n'étaient pas nés encore ceux qui, aujourd'hui, leur pourraient tendre la main ?

Retombant dans sa tristesse, Noémi éloignait d'elle avec plus d'énergie que jamais la pensée d'associer à son existence décolorée la vie pleine de sévie de ses filles d'adoption.

L'image du bonheur domestique qu'avait évoquée Noémi s'offrit-elle alors dans son ineffable attrait à la veuve de Chilion ? Le cœur de la jeune femme se troubla-t-il ?..... Orpha ne résistait plus ; dans une suprême étreinte, elle embrassait celle qui avait été la mère de son époux ; et, sanglotant, elle rentrait sous le toit qui l'avait vue naître.

Voici que ta belle-sœur s'en est retournée à son peuple et à ses dieux, dit Noémi à Ruth, retourne à la suite de ta belle-sœur[129].

Ni les paroles de Noémi, ni l'exemple d'Orpha, n'ébranlèrent la jeune femme. Sentait-elle la supériorité de cette race à laquelle avait appartenu son époux sur celle qui l'avait produite elle-même ? Saluait-elle en Jehova un Dieu plus grand que le dieu national de Moab, le sombre Chemosh ? Une voix intérieure l'entraînait-elle à suivre les inspirations de son dévouement, et lui faisait-elle pressentir qu'il lui serait donné de concourir à la mission surhumaine du peuple élu ? Son affection pour une belle-mère, sa pitié pour une veuve isolée et âgée, eussent-elles suffi à lui faire oublier que sa mère selon le sang vivait encore ?

N'insiste pas auprès de moi pour que je t'abandonne et m'en retourne d'auprès de toi, répondait-elle ; car là où tu iras j'irai ; là où tu t'arrêteras je m'arrêterai ; ton peuple est mon peuple, et ton Dieu mon Dieu.

Là où tu mourras je mourrai, et là je serai ensevelie. Que Jehova me fasse ainsi et continue à me faire, si ce n'est pas la mort seule qui me sépare de toi[130].

Noémi se tut. Elle n'avait plus la force de briser le lien de la seule affection qui lui restât.

Les deux femmes arrivèrent à Bethléem.

Quand Noémi revit cette terre que depuis dix ans ses pieds n'avaient foulée, que de souvenirs durent mêler dans son âme leur douceur et leur fiel ! Sa jeunesse tout entière revivait sur ce sol béni. La jeunesse ! cette jouissance anticipée de l'avenir pendant laquelle on oublie le présent ! la jeunesse ! ce rêve que n'effectue pas, mais qu'interrompt la vie réelle !

Son mariage, sa maternité, ses adieux à sa patrie, toutes ces images durent aussi passer et s'évanouir tour à tour devant Noémi. Naguère elle quittait Bethléem, appuyée sur son époux, entourée de ses enfants. Comment y revenait-elle maintenant ? Veuve, elle n'y ramenait que la veuve d'un de ses fils !

Est-ce là Noémi ?[131] disaient les femmes de Bethléem, se souvenant de ce nom qui symbolisait la félicité[132].

Ne m'appelez pas Noémi, répondait la pauvre veuve ; appelez-moi Mara[133], car le Tout-Puissant m'a donné beaucoup d'amertume.

Je suis partie pleine de biens, et Jehova me ramène vide ; pourquoi donc m'appeler Noémi, moi que Jehova a humiliée et que le Tout-Puissant a affligée ?[134]

 

Noémi s'était éloignée de sa ville natale pendant la famine ; elle y rentrait au temps de la récolte des grains, au mois d'abib, ce premier et radieux sourire du printemps. La moisson de l'orge était commencée.

La moitié d'une année s'était écoulée depuis le temps où, après la pluie hâtive, le laboureur dirigeait et aiguillonnait lés bœufs ou les ânes attelés à cette charrue sans roues, qui, de son soc de fer, déchirait la terre. Depuis, courbé sur le sillon qu'il avait hersé, il l'ensemençait péniblement[135]. Il exécutait alors cette sentence du travail à laquelle la pensée rédemptrice de l'Éternel avait soumis l'homme pour le fortifier et le purifier. Maintenant la terre, fécondée par ses sueurs, les lui payait au centuple. Le moissonneur chantait en coupant les épis, en les recueillant dans un panier, en les liant ; il chantait en élevant les monceaux de gerbes, en les plaçant sur les chariots qui les entraînaient à l'aire[136]. C'était le temps des joies sereines et expansives ; c'était la fête rémunératrice du travail.

Permets que j'aille au champ, dit Ruth à Noémi, et je recueillerai les épis derrière celui aux yeux de qui je trouverai grâce.

Va, ma fille[137], répondit Noémi.

La jeune femme entra dans un champ qui appartenait à Booz, l'un des habitants les plus considérables de Bethléem ; et pria les moissonneurs de lui permettre de ramasser les grains qu'ils laisseraient échapper.

Pendant que, glanant, elle se livrait tout entière à une occupation qu'elle n'interrompait que rarement pour se reposer sous la hutte des moissonneurs, un homme descendait de la colline sur les pentes de laquelle est couchée Bethléem[138]. C'était Booz ; et, saluant les travailleurs, il appela au milieu d'eux la présence de l'Éternel :

Que Jehova soit avec vous !

Et les moissonneurs, attirant sur la tête de leur maître la protection du ciel, répondaient :

Que Jehova te bénisse[139].

La vue de Ruth frappe Booz. A sa chaste et juvénile attitude, il la croit jeune fille. Il demande à celui de ses serviteurs qui surveillait les journaliers le nom de l'étrangère ; et quand il apprend que c'est cette fille de Moab qui a suivi Noémi, il s'émeut, et ressent pour elle toutes les sollicitudes, toutes les inquiètes prévoyances d'un père. Il craint que, dans un autre champ que le sien, la pure et délicate jeune femme ne subisse le froissement d'un accueil inhospitalier ; il craint même que dans son propre domaine la dignité de l'étrangère ne soit atteinte par la rustique familiarité d'un homme de sa maison ; et, allant à Ruth, il lui dit :

Entends-tu, ma fille, ne va pas recueillir dans un autre champ, et ne t'éloigne pas d'ici, et joins-toi ainsi à mes servantes.

Que tes yeux soient fixés sur le champ qu'elles moissonneront, tu marcheras derrière ; voilà que j'ai commandé aux serviteurs de ne pas t'inquiéter ; quand tu auras soif, tu iras vers les vases, et tu boiras de ce que les domestiques auront puisé[140].

Ruth s'était prosternée devant Booz. Elle, fille de ces Moabites que le peuple élu repoussait de son alliance ; elle, pauvre et sans appui, elle entendait une voix plus douce que celle de la pitié lui souhaiter la bienvenue sur la terre de Jehova ; elle voyait une main protectrice sauvegarder jusqu'à la pudeur de son âme ! Et elle demandait à Booz :

Pourquoi ai-je trouvé grâce à tes yeux, que tu me remarques, moi étrangère ?[141]

Booz lui rappelait ce dévouement qui lui avait fait sacrifier et sa patrie, et sa famille, et son bien-être, à un pays que la veille encore elle ne connaissait pas, à une belle-mère dont elle partageait la misère :

Que Jehova te rémunère pour ton œuvre, et que ta récompense de la part de Jehova, Dieu d'Israël, sous les ailes duquel tu es venue te réfugier, soit complète[142].

La jeune femme était consolée : Booz avait parlé à son cœur[143] !

Le noble Hébreu l'invita à partager le repas des moissonneurs, à mouiller son pain dans ce mélange d'eau et de vinaigre avec lequel, pendant les chaleurs, l'homme des champs se rafraîchit[144]. Ruth s'assit auprès des moissonneurs. De sa main même Booz lui offrit ces épis qui, rôtis avant qu'ils ne soient complètement secs et durs, sont un des mets savoureux de l'alimentation orientale[145].

Tout en satisfaisant sa faim, Ruth réservait sur sa collation la part de Noémi. Au moment où elle se levait pour reprendre sa tâche, Booz, confiant la jeune étrangère au respect de ses serviteurs, leur ordonnait de la laisser glaner entre les gerbes, de répandre sur son passage des paquets d'épis, et il insistait encore pour qu'elle fût traitée par eu‘ avec douceur et déférence.

 

Le soir était arrivé. La glaneuse avait fait ample moisson. Chargée de gerbes, elle dut battre son orge dans le champ même de Booz, et la secouant, elle en retira près d'un épha[146] de grains. Puis elle retourna auprès de l'amie dont elle était séparée depuis le malin, Noémi vit la récolte de Ruth, et quand elle reçut des mains de la jeune femme sa part-de nourriture, elle lui demanda à quel maître hospitalier appartenait le champ où elle avait butiné. Ruth le lui nommait, et Noémi bénissait Jehova : Booz était un de leurs rédempteurs.

La veuve d'Élimélech engagea sa bru à continuer de glaner sur la terre de leur parent.

A la moisson de l'orge avait succédé celle du froment, et cette dernière était terminée.

Ruth allait-elle être condamnée à un travail qui n'aurait ni la facilité, ni la poésie de son labeur champêtre ? Son dévouement allait-il l'exposer à briser ses forces dans ces luttes quotidiennes auxquelles la faim excite, et dont le prix est un morceau de pain ?

Ma fille, dit Noémi à sa bru, ne te chercherai-je pas un repos qui te soit bienfaisant ?[147]

Et elle lui rappela les droits qu'accordait à la veuve la loi mosaïque.

Vers le soir qui suivit ce jour, Booz vannait son orge dans l'aire, enceinte arrondie qui avait le ciel pour voûte, et dont le sol aplani était couvert des tas de céréales que les chariots avaient déchargés[148]. La tiédeur de l'atmosphère permettait aux Hébreux de se livrer pendant la nuit au battage des blés, à cette fatigante opération que la chaleur diurne eût rendue plus pénible.

Ce fut dans son aire que Booz prit son repas du soir. Il jouissait de ce calme moral, de cette plénitude d'âme, qui accompagnent la fatigue du travail ; il sentit le besoin du repos ; et, s'étendant au pied d'un monceau de gerbes, il s'endormit.

Au milieu de la nuit, il se réveilla. Une femme, ointe d'aromates[149], enveloppée d'un ample et élégant manteau[150], était couchée à ses pieds.

Saisi d'effroi : Qui es-tu ? demanda-t-il.

Je suis Ruth, ta servante, répondit l'apparition ; étends tes ailes sur ta servante, car tu es notre rédempteur[151].

Booz a compris. Une émotion profonde le saisit devant cette femme qui, lui demandant l'appui de sa maturité, lui offrait en échange le sourire consolateur de la jeunesse, le rayonnement de la vie à son aurore. La fleur recherchait l'ombrage de l'arbre et faisait monter vers lui son parfum !

Sois bénie de Jehova, toi, ma fille ; ta dernière miséricorde a surpassé la première, en ne recherchant pas les jeunes gens, pauvres ou riches.

Et maintenant, ma fille, ne crains pas ; tout ce que tu diras, je le ferai, car tout mon peuple habitant les portes sait que tu es une femme vertueuse.

Et maintenant, quoiqu'il soit vrai que je suis pour toi un rédempteur, il y en a pourtant un plus proche que moi.

Reste ici cette nuit, et au matin, s'il te rachète, bien, qu'il te rachète ; mais s'il ne veut pas te racheter, je te rachèterai, vive Jehova ![152]

Aux premières clartés de l'aube, Ruth s'était éloignée de l'aire. Elle tenait dans son manteau six mesures d'orge que lui avait données Booz, et les apportait à sa belle-mère. Noémi, qui connaissait le cœur généreux de Booz, sa nature active, son caractère ferme et persévérant, attendait avec confiance le succès de l'œuvre qu'elle avait entreprise.

 

Pendant que les deux femmes s'entretenaient de leurs espérances, Booz gravissait la colline de Bethléem, et montait aux portes de la ville. Il s'y assit et attendit. Un homme passa : c'était le rédempteur de ses deux parentes. Booz l'arrêta, réunit dix anciens de la ville ; et, devant ce tribunal, il demanda au rédempteur si celui-ci comptait user de son droit de rachat sur l'héritage d'Élimélech, ou consentait à le lui céder. Déjà le rédempteur maintenait son privilège sur la terre de son parent ; mais lorsqu'il apprit que son droit de rachat s'étendait sur la veuve de Mahlon, il refusa de soutenir la maison d'Élimélech aux dépens de la sienne ; et, tirant sa chaussure, il la remit à Booz.

Le bienfaiteur de Ruth, s'adressant solennellement aux anciens et au peuple, dit :

Vous êtes témoins aujourd'hui que j'ai acheté de Noémi tout ce qui était à Élimélech et tout ce qui était à Chilion et à Mahlon.

Ainsi que Ruth la Moabite, femme de Mahlon, je l'ai acquise pour être ma femme, pour faire subsister le nom du mort sur son héritage, afin que le nom du mort ne soit pas retranché d'entre ses frères et de la porte de son endroit ; vous êtes témoins aujourd'hui[153],

Témoins, répondirent les hommes assemblés qui, unissant leurs voix graves et émues, prononcèrent les bénédictions de l'hymen :

Que Jehova rende cette femme qui entre dans ta maison comme Rachel et Lia, qui toutes deux ont fondé la maison d'Israël, et acquiers de la force à Ephrata, et fais-toi un nom en Bethléem.

Que ta maison soit comme la maison de Pharès, que Thamar a enfanté à Juda, par la postérité que Jehova te donnera de cette jeune femme[154].

Les vœux des habitants de Bethléem devaient recevoir une auguste sanction. Symbole de la participation d'une nation païenne au développement de l'idée messianique, image de la diffusion de la loi évangélique, Ruth la Moabite sera la branche qui, entée sur la lige de Juda, produira le rameau de la dynastie royale du peuple élu, ce rameau où sera fécondée la parole de Dieu, rédemptrice de l'humanité. Et la ville qui accueillit la jeune étrangère est la même que celle où naîtra le Sauveur du monde !

Noémi avait cru ne retrouver que des regrets sur sa terre natale, elle y recueillait des espérances. Rattachée à la vie, elle s'appuyait sur le dévouement de Booz, sur la tendresse de Ruth ; et quand sa bru mit au monde un enfant, quand Noémi, soulevant dans ses bras le nouveau-né, l'approcha de son sein, elle sentit plus que l'émotion de l'aïeule :le tressaillement de la mère !

Il est né un fils à Noémi[155], disaient les femmes de Bethléem.

Avait-il lu cette églogue, le poète de Syracuse, qui, à Alexandrie, avait pu voir les Septante faire de la langue grecque le premier interprète des livres sacrés d'Israël ?

Surpris de rencontrer chez le poète dune société sénile, chez le courtisan de la tyrannie, cette inspiration jeune et ardente, cette observation de la vérité, cette simplicité de style, qui caractérisent les civilisations primitives, un critique de génie[156] a senti que Théocrite avait dû les puiser à la source suprême des poétiques élans, la parole de Jehova !

Mais le Syracusain s'était-il plongé complètement dans cette source ? Il en avait retenu la fraîcheur, la limpidité, l'éclat. En avait-il conservé tout le naturel ? En avait-il surtout ressenti et exercé toute l'influence salutaire ?

Comparons à l'églogue hébraïque les deux idylles que le poète grec a consacrées aux fêtes de la moisson, aux travaux des moissonneurs[157].

Théocrite, homme de cour, tout en peignant avec un saisissant relief, une réalité merveilleuse, les laboureurs et les pasteurs, est cependant étranger aux mœurs rustiques qu'il décalque. En lui, l'art reproduit la nature. — L'auteur inconnu du livre de Ruth participe à la vie rurale qui palpite dans son œuvre. Ici la nature se reproduit elle-même.

L'esprit objectif et panthéiste du poète grec excelle à donner à un paysage la couleur et le mouvement de la vie. A l'ombre de l'orme, le Syracusain se repose sur sa couche de pampres et de joncs ; il note le bruissement des feuilles du peuplier, le chant de l'alouette, la plainte de la tourterelle, le bourdonnement de l'abeille et le murmure de l'onde. Il aspire les senteurs du printemps, il goûte aux fruits de l'automne. Il peuple de nymphes les ondes et les bois : ce sont elles qui, au pied des autels où sont déposées les prémices de la moisson, font ruisseler le vin dans sa coupe. Il salue la blonde déité dont les mains entourent des gerbes d'épis entremêlées de pavots. Il suit les moissonneurs ; celui-ci, triste et abattu, perd de vue son sillon, se traîne languissamment à l'écart ; celui-là se livre gaiement à son labeur, excite à l'ouvrage le journalier paresseux, en provoque les confidences, et les accueille d'une mordante raillerie. Le poète redit avec le premier l'hymne de l'amour, et entonne avec le second le chant du travail :

Ô Cérès, déesse des grains, déesse des blés, seconde les travaux de la moisson, et comble notre attente.

Moissonneurs, liez bien vos gerbes, de peur que le passant ne dise : Ouvriers paresseux, est-ce là gagner son argent ![158]

Le poète continue les couplets du joyeux moissonneur. Avec lui il envie le sort de la grenouille qui n'attend pas que la générosité d'un maître lui permette de se désaltérer ; il attaque l'intendant avare qui se blesse les doigts en coupant le grain de cumin que se partageront les travailleurs. Et, goûtant tout le sel de cette vigoureuse et rustique poésie, il s'écrie avec le malin journalier :

Voilà les chansons qui conviennent à des moissonneurs brûlés du soleil ![159]

Mais ce paysage tout encombré de divinités champêtres, tout animé de passions humaines, ne tarde pas à nous paraître monotone, car nous y cherchons en vain cette idée de Dieu et de l'infini, qui ennoblit le travail, excite la charité, purifie l'amour, et peuple la solitude.

L'esprit subjectif et monothéiste du Sémite donne un tout autre caractère aux scènes de l'églogue hébraïque. Le poète sacré indique, sans l'esquisser, le théâtre de l'action ; mais ce lieu est la vallée aux moissons opulentes qui s'étend au pied de Bethléem ; Bethléem, le futur berceau d'une dynastie royale et d'un Dieu incarné ; Bethléem, la ville des gloires nationales et des espérances humaines ! — Des champs, des moissonneurs, voilà tout le paysage. Mais ces champs appartiennent au Dieu unique qui les a confiés à l'homme, au Dieu unique qui a reçu sur son autel la première gerbe de la récolte. Mais ces moissonneurs reconnaissent, au sein de cette nature souriante dans sa grandeur, la présence de Celui qui est. C'est sous le regard de Jehova qu'ils travaillent, c'est en son nom qu'ils se saluent, et qu'ils accueillent la veuve, pauvre et étrangère, qui glane à leur suite. — La pieuse beauté de cette scène serait profanée par l'expression des faiblesses humaines ; mais elle est admirablement appropriée à la peinture du bonheur domestique. — Dieu, le travail, la charité, le sentiment et le respect de la famille, voilà les idées qu'on respire dans cette solitude champêtre, et qui nous en font goûter les paisibles impressions. — Avec le poète grec, nous nous livrons à un repos artificiel qui n'est que l'oubli momentané de nous-mêmes ; avec le poêle hébreu, nous jouissons du repos véritable qui est la calme et pleine possession de notre être. Le premier nous arrache à nos douleurs, le second nous les fait dompter. L'un agit sur notre imagination, l'autre sur notre âme.

 

 

 



[1] Psaume CXXIX, 6 ; Palestine, par M. Munk ; House, by Henry Wright Philloth (Dict. of the Bible) ; A compendious introduction to the study of the Bible, originally written by the late Thomas Hartzvell Horne and now revised and edited by John Ayre, M. A., 10th edition, London, 1862.

[2] House, étude précitée.

[3] Exode, XXII, 25, 26 ; Deutéronome, XXIV, 12 ; id., 6.

[4] Exode, XI, 5 ; Juges, XVI, 21 ; Lamentations, V, 13.

[5] These are the kinds of work which the woman is bound to de for her husband. She must grind corn, and bake, and wash, and cook, and suckle her child, make his bed, and work in wool. If she brought him one bondwoman (or the value of one, for her dowry), she needs not to grind, bake, or wash : if she brought him two bondwomen, or the value of two, she needs not cook nor suckle her child : if three, she needs not make his bed nor work in wool : if four, she may sit in her easy chair (Catheder, a raised seat or dais). Mishna, Ketuboth, V, 5, translated by D. A. de Sola, and M. J. Raphall. — Telles sont les sortes de travaux qu'une femme est obligée de faire pour son époux. Elle doit moudre le grain, faire du pain, laver, faire la cuisine, nourrir son enfant, faire le lit de son mari, et travailler dans la laine. Si elle lui apporte une servante ou la valeur d'une pour sa dot, elle n'a pas besoin de moudre, de faire du pain ou de laver. Si elle lui apporte deux servantes ou la valeur de deux, elle n'a pas besoin de faire la cuisine ni de nourrir son enfant. Si elle lui en apporte trois, elle n'a pas besoin de faire son lit ni de travailler dans la laine. Si elle lui en apporte quatre, elle peut s'asseoir sous son dais. Mishna, Ketuboth, V, 5.

[6] Ecclésiaste, XII, 4, et note de Cahen ; Matthieu, XXIV, 41 ; Mill, by William Aldis Wright (Dict. of the Bible) ; Robinson's biblical researches. — Le peuple se nourrissait de pain d'orge. II Rois, IV, 42.

[7] Ecclésiaste, XII, 4, et note de Caen ; Mill, by William Aldis Wright.- — Le Dr Robinson n'a pas entendu dans son voyage sur les terres bibliques l'antique chant des meunières.

[8] Palestine, par M. Munk.

[9] Lévitique, XXVI, 26 ; Mishna, Ketuboth, V, 5, alinéa reproduit plus haut.

[10] La femme du pauvre fait la cuisine, Lévitique, XXVI, 26. — Pour la nourriture du peuple, Cf. II Samuel, XVII, 28 ; Proverbes, XV, 17 ; Mishna, Pesachim, II, 6 ; Palestine, par M. Munk, et les articles suivants du Dict. of the Bible : Food, by William Latham Bevan ; Fig, by William Drake.

[11] Ist der Mann auch nur ein Wollkämmer, so ruft ihn die Frau dennoch wohlgemuth vor die Schwelle des Hanses und setzt sich nehenihn. Rabbinische Blumenlese von Leopold Dukes, Leipzig, 1844. II Talmudische Sprichwörter, etc., 222. — L'anthologie rabbinique du savant hébraïsant allemand contient encore deux maximes qui témoignent de l'importance que l'époux le plus vulgaire acquiert aux yeux de sa compagne : Ist der Mann auch nur ein Feldhüter, so ist die Frau zufrieden und verlangt nicht viel von ihm, l. c., 226. — Ist der Mann auch nur so gross wie eine Ameise, so setzt sich die Frau dennoch zwischen die Vornehmem hin, l. c., 227. — Le mari n'est-il qu'un garde champêtre, la femme est contente et n'exige pas beaucoup de lui. — Le mari n'est-il pas plus grand qu'une fourmi, la femme se place néanmoins parmi les gens distingués.

[12] Proverbes, XV, 15-17 ; XVII, 1.

[13] La matière ordinaire des cordages, le chanvre, n'est pas mentionnée dans la Bible. Le chanvre est originaire de la Perse, et la culture n'en fut probablement introduite en Palestine qu'au retour de l'exil de Babylone. Cf. Palestine, par M. Munk.

[14] Mishna, Ketuboth, V, 8, 9.

[15] Mishna, Ketuboth, V, 9.

[16] Ecclésiaste, XXXVI, 24-27, traduction de Genoude. — Dans son éloquent discours sur les prit de vertu décernés en 1862 par l'Académie française, M. le comte de Montalembert appliquait heureusement ce dernier verset aux héroïnes de la charité.

[17] Ecclésiaste, XI, 23, 24, traduction de Genoude.

[18] Proverbes, XXXI, 15.

[19] Isaïe, IX, 9.

[20] Jérémie, XXII, 14.

[21] I Rois, VII, 12.

[22] Palestine, par M. Munk.

[23] Les portes des chambres funéraires du monument connu sous le nom de Qbour-el-Molouk, le Sépulcre des Rois, furent établies d'après ce système. Il en reste une que M. de Chateaubriand a remarquée. Cf. Itinéraire de Paris à Jérusalem, et Palestine, par M. Munk.

[24] II Samuel, XVII, 18.

[25] Jérémie, XXII, 14.

[26] Proverbes, XXXI, 32.

[27] Amos, III, 12.

[28] Amos, VI, 4.

[29] Le candélabre à sept branches du Tabernacle est le type du luminaire des maisons orientales. Cf. Histoire de l'Art judaïque, par H. de Saulcy, et Palestine, par M. Munk.

[30] Proverbes, XXXI, 22.

[31] Proverbes, XXXI, 15, traduction de Cahen.

[32] Cf. la belle description de la femme forte, Proverbes, XXXI.

[33] Proverbes, XXXI, 17, traduction de Cahen.

[34] Proverbes, XXXI, 18, traduction de Cahen.

[35] Cf. Palestine, par H. Munk, et House, by Henry Wright Philloth.

[36] II Rois, IV, 8-10.

[37] Ecclésiaste, XXVI, 24, traduction de Genoude.

[38] Ecclésiaste, XXVI, 17, traduction de Genoude.

[39] Proverbes, XXXI, et Ecclésiaste, I, 16 ; XXVI, traduction de Genoude.

[40] Ecclésiaste, X, 22, traduction de Genoude.

[41] Ecclésiaste, XXV, 26, traduction de Genoude.

[42] Ecclésiaste, XXV, 24, traduction de Genoude.

[43] Ecclésiaste, XXV, 33, traduction de Genoude.

[44] Ecclésiaste, XXV, 26, traduction de Genoude.

[45] Cf. Proverbes, XXI, 9 ; XXV, 24 ; XXI, 19 ; Ecclésiaste, XXV, 23.

[46] Cf. Proverbes, XIV, 1 ; Ecclésiaste, XXV, 27 ; Proverbes, XII, 4 ; Ecclésiaste, XXV, XXVI.

[47] Proverbes, XXXI, 10.

[48] Proverbes, XXXI, 10 ; Ecclésiaste, VII, 21 ; XXVI, 20.

[49] Proverbes, XIV, 1 ; XI, 16 ; XXXI, 12 ; Ecclésiaste, XXII, 4 ; XXVI, 1-3 ; Proverbes, XII, 4 ; XIX, 14 ; Ecclésiaste, XXVI, 3 ; Proverbes, XVIII, 22.

[50] Proverbes, XXXI, 29-31.

[51] Nous avons essayé de reproduire les types féminins de la poésie sanscrite dans notre étude précédente La Femme dans l'Inde antique, études morales et littéraires.

[52] Osée, II, 16, et note de Cahen ; Proverbes, II, 17 ; Jérémie, III, 4.

[53] Cf. Ecclésiaste, XVII, 5-12.

[54] Ecclésiaste, XXV, 2.

[55] Exode, XX, 10 ; Deutéronome, V, 14 ; XII, 18 ; XVI, 11, 14.

[56] La condition de la femme en Égypte, écrit M. le vicomte de Rougé dans la lettre particulière que nous citions plus haut, paraît avoir été bien plus élevée qu'on ne le soupçonnerait maintenant en parcourant l'Orient. Elle était, dès le début de l'histoire, associée à tous les honneurs, même à ceux du sacerdoce. Elle apparaît partout avec son mari ; le fils cite, par préférence, le nom de sa mère, et la princesse possédait un droit spécial à l'hérédité du trône.

[57] Musée du Louvre, salle Henri IV, et la Notice de M. le vicomte de Rougé.

[58] Musée du Louvre, salle funéraire. La sœur de l'époux accompagne son frère et sa belle-sœur.

[59] Ecclésiaste, IX, 2 ; XXXIII, 20.

[60] Ecclésiaste, IX, 1.

[61] Kohéleth, IX, 9 ; Ecclésiaste, VII, 21 ; XXVIII, 19 ; Michée, II, 9, et note de Cahen ; Proverbes, V.

[62] Proverbes, V, 19, traduction de Cahen.

[63] Proverbes, V, 20.

[64] Proverbes, V, 21, 23.

[65] Kohéleth, VII, 26, traduction de Cahen.

[66] Proverbes, VII ; Kohéleth, VII, 26.

[67] Lévitique, XX, 10. La femme simplement soupçonnée était soumise à une épreuve nommée sacrifice de jalousie. Nombres, XI, 11-31.

[68] Deutéronome, XXIV, 1-4.

[69] Mishna, Ketuboth, VII, 6.

[70] Mishna, Gittin, IX, 10, et note des traducteurs anglais.

[71] Mishna, Gittin, et note sur la femme hébreue, insérée dans le tome V de la Bible de Cahen.

[72] Gemara, Gittin, citée par les traducteurs anglais de la Mishna, Treatise Gittin, chap. IX, note de l'alinéa 10.

[73] Malachie, II, 11, 16, traduction de Cahen.

[74] Le traité Gittin, ou des lettres de divorce.

[75] Mishna, Gittin.

[76] Deutéronome, XXIV, 1-4 ; Jérémie, III, 1. — Le Coran contient une prescription radicalement opposée. Le musulman a la faculté de reprendre deux fois la femme qu'il a répudiée ; mais, pour qu'il lui soit permis de se réunir à elle une troisième fois, il faut qu'elle ait été mariée à un autre homme, et répudiée par celui-ci. Coran, II, 229, 230, traduction de M. Kasimirski.

[77] Osée, I.

[78] Jérémie, II, 2.

[79] Jérémie, III, 4.

[80] Cf. Isaïe, LIV.

[81] Deutéronome, VII, 13, 14.

[82] Psaume CXXVIII ; voir aussi le psaume précédent.

[83] De même que le Coran, le Talmud permet à l'homme d'épouser quatre femmes. Cf. Coran, IV, 3 ; et Palestine, par M. Munk.

[84] Lévitique, XVIII, 18.

[85] Exode, XXI, 7-11.

[86] Deutéronome, XVII, 17. Le livre des Rois témoigne des violations de cette loi. Les souverains d'Israël eurent leurs sérails, qu'ils transmettaient à leurs successeurs avec leurs droits au trône. II Samuel, XII, 8 ; XVI, 21, 22 ; I Rois, II. Cf. Michaelis Mosaiches Recht, Erster Theil, vom Könige.

[87] Psaume CXIII, 9.

[88] I Samuel, I-II. — Quand l'Hébreu avait un fils de la femme qu'il aimait, il ne pouvait sacrifier à cet enfant le droit d'aînesse du fils de l'épouse qu'il haïssait. Il devait à ce dernier la double part d'héritage que la loi attribuait au premier-né. Deutéronome, XXI, 16-17.

[89] I Rois, III, 25.

[90] I Rois, III, 26.

[91] Deutéronome, XXII, 6, 7, et note de Cahen ; Lévitique, XXII, 28 ; Exode, XXIII, 19 ; XXXIV, 26 ; Deutéronome, XIV, 21.

[92] I Samuel, I, 22-24 ; Mishna, Ketuboth, V, 5.

[93] Écoute, mon fils, la morale de ton père, et ne délaisse pas l'enseignement de ta mère, car ces leçons sont une couronne de grâce pour ta tête et une parure pour ton cou. — Mon fils, garde les commandements de ton père, et n'abandonne pas l'enseignement de ta mère. Noue-les constamment sur ton cœur, attache-les à ton cou. Proverbes, I, 8, 9 ; VI, 20, 21, traduction de Cahen. Cf. Josèphe, Martyre des Maccabées, chap. XIII et XIV.

[94] Voir la note précédente.

[95] La mère des Maccabées réalisa ce type idéal de la mère.

[96] Ecclésiaste, III, 3.

[97] Proverbes, XXXI, 2-9.

[98] Deutéronome, XXI, 18-21.

[99] Proverbes, X, 1.

[100] Isaïe, LXVI, 13.

[101] L'office de bourreau n'existait pas chez les Hébreux ; c'était le peuple qui exécutait la sentence des juges.

[102] Cf. Aben-Esra, cité par Cahen, Exode, note 7 du chap. XX.

[103] Exode, XX, 12.

[104] Deutéronome, V, 16.

[105] Mânava-Dharma-Sâstra, liv. II, çloka 145 ; Lévitique, XIX, 3.

[106] I Samuel, XX, 30 ; Isaïe, LVII, 3, et notes de Cahen.

[107] Ecclésiaste, III, 5-8 ; VII, 29, 30 ; Proverbes, XXIII, 22 ; Ecclésiaste, III, 16, 17, 18 ; Proverbes, XXX, 17 ; Ecclésiaste, III, 18 ; Deutéronome, XXVII, 16 ; Proverbes, XV, 20 ; XIX, 26.

[108] Ecclésiaste, III, 11.

[109] Exode, XXI, 17 ; Lévitique, XX, 9 ; Proverbes, XX, 20 ; Exode, XXI, 15.

[110] Psaume XXXV, 14, traduction de Cahen.

[111] Cette femme était Ritspa, la mère des deux fils de Saül livrés aux Gabaonites par David. Touché de son dévouement, le roi d'Israël réunit les ossements de ses fils à ceux de Saül et de Jonathan clans le tombeau de Cis, père de Sant. Il accorda les mêmes honneurs funèbres aux cinq fils d'Adriel et de Mérab, fille de Saül, qui avaient partagé le sort de leurs oncles. II Samuel, XXI.

[112] Jérémie, XXXI, 15, traduction de Cahen.

[113] A son veuvage, la femme entrait en possession de son mohar. La propriété entière de son époux lui répondait du paiement de ce douaire. Cf. Mishna, Ketuboth.

[114] Dans tes jugements, sois pour l'orphelin miséricordieux comme un père, et sois comme un époux pour sa mère. Et tu seras comme un fils obéissant du Très-Haut, et il aura compassion de toi plus qu'une mère. Ecclésiaste, IV, 10, 11, traduction de Genoude.

[115] L'Hébreu prélevait deux dîmes annuelles sur ses biens ruraux. Il consacrait la première à Jehova, à la tribu de Lévi ; il devait jouir lui-même de la seconde au sanctuaire central c'était cette seconde dîme que la loi lui prescrivait d'abandonner au pauvre. Deutéronome, XIV, 29 ; XXVI, 12-15.

[116] Lévitique, XIX, 9 ; XXII, 22 ; Deutéronome, XXIV, 19-22 ; Lévitique, XIX, 10.

[117] Jérémie, XXII, 3 ; Exode, XXII, 21 ; Jérémie, VII, 6 ; Zacharie, VII, 10 ; I, 17 ; Deutéronome, X, 18 ; XXIV, 17 ; Isaïe, I, 23 ; Ecclésiaste, XXXV, 17-19 ; Psaume CXLVI, 9 ; Proverbes, XX, 25 ; Psaume LXVIII, 6 ; Deutéronome, XXVII, 19 ; Isaïe, X, 1, 2 ; Malachie, III, 5. Quand le prophète veut exprimer énergiquement la dégradation du peuple élu, il dit que les veuves d'Israël ne méritent plus la miséricorde de Dieu. Isaïe, IX, 16.

[118] Exode, XXII, 21-23, traduction de Cahen.

[119] Psaume XCIV, 7-11, traduction de Cahen.

[120] Ce n'était qu'au cas où les deux frères avaient demeuré dans la même ville que l'un devait épouser la veuve de l'autre. Deutéronome, XXV, 5, 6. — Si la veuve du mort était parente de son beau-frère à un degré prohibé par la loi ; si elle était veuve d'un grand prêtre ou femme divorcée, etc., etc., le frère de son mari était dispensé, non-seulement de s'allier à elle, mais encore d'épouser l'une des autres veuves de son époux. Mishna, Yebamoth. Le traité Yebamoth est consacré au lévirat, dont le nom talmudique est Yebûm, terme dérivé du mot : Yabam, frère du mari. Cf. Marriage by William Latham Bevan, étude souvent citée.

[121] Deutéronome, XXV, 7-10, traduction de Cahen. Le mot khalitzah, dérivé de khalatz, tirer, désignait la cérémonie du déchaussement. Cf. Mishna, Yebamoth ; Marriage, by William Latham Bevan.

[122] Goël en hébreu. C'était au rédempteur du sang qu'il appartenait de poursuivre la vengeance d'un parent assassiné. Palestine, par M. Munk.

[123] La date de cet épisode est incertaine.

[124] Ce mot veut dire fertilité. Palestine, par M. Munk.

[125] Cf. Moab, by George Grove (Dict. of the Bible).

[126] Ruth, I, 6, traduction de Cahen.

[127] Ruth, I, 9, traduction de Cahen.

[128] Ruth, I, 10, traduction de Cahen.

[129] Ruth, I, 15, traduction de Cahen.

[130] Ruth, I, 16, 17, traduction de Cahen.

[131] Ruth, I, 19, traduction de Cahen.

[132] Josèphe, Antiquités judaïques, liv. V, chap. XI.

[133] Mara signifie douleur. Josèphe, Antiquités judaïques, liv. V, chap. XI.

[134] Ruth, I, 20, 21, traduction de Cahen.

[135] Cf. Palestine, par M. Munk, et les textes bibliques cités par le savant orientaliste dont l'œuvre est aussi riche en détails archéologiques qu'en conceptions philosophiques.

[136] Isaïe, IX, 2 ; Psaume CXXIX, 7 ; Amos, II, 13 ; Ruth, III, 7 ; Palestine, par M. Munk.

[137] Ruth, II, 2, traduction de Cahen.

[138] Pour la description du lieu où la tradition place l'entrevue de Ruth et de Booz, cf. Domestic life in Palestine, by Miss Rogers.

[139] Ruth, II, 4, traduction de Cahen.

[140] Ruth, II, 8, 9, traduction de Cahen.

[141] Ruth, II, 10, traduction de Cahen.

[142] Ruth, II, 12, traduction de Cahen.

[143] Ruth, II, 13, traduction de Cahen.

[144] Cf. Palestine, par M. Munk.

[145] Robinson's biblical researches.

[146] Mesure de capacité égale au bath. Le bath équivalait à un métrète attique (38 litres 843 millilitres). Palestine, par M. Munk.

[147] Ruth, III, 1, traduction de Cahen.

[148] L'aire se nommait goren. Palestine, par M. Munk.

[149] Ruth, III, 3.

[150] Ruth, III, 15.

[151] Ruth, III, 9, traduction de Cahen.

[152] Ruth, III, 10-13, traduction de Cahen.

[153] Ruth, IV, 9, 10, traduction de Cahen.

[154] Ruth, IV, 11, 12, traduction de Cahen.

[155] Les voisines de Noémi appelèrent l'enfant Obed, dévoué à Noémi. Ruth, IV, 17, et note de Cahen ; Josèphe, Antiquités judaïques, liv. V, chap. XI. — Loué soit Jehova, qui ne t'a pas laissé manquer de rédempteur aujourd'hui, avaient dit à Noémi les femmes de Bethléem ; que son nom soit invoqué en Israël. Qu'il soit pour toi o le soulagement de l'âme et le soutien de ta vieillesse ; car ta bru, qui t'aime, l'a enfanté, elle qui vaut mieux pour toi que sept fils. Ruth, IV, 14, 15, traduction de Cahen. — Noémi devint la garde de l'enfant.

[156] M. Villemain, Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique dans ses rapports avec l'élévation morale et religieuse des peuples, 1859, chap. XIII.

[157] Idylles, VII et X.

[158] Idylles et autres poésies de Théocrite, traduites par Gall, 1797, idylle X.

[159] Idylles et autres poésies de Théocrite, traduites par Gall, 1797, idylle X.