CARTHAGE

 

VI. — TOPOGRAPHIE DE CARTHAGE.

 

 

I. Lac de Tunis (El-Bahira). — Il est appelé λίμνη par Polybe et Appien ; stagnum, par Tite-Live ; mare stagnum, par Orose (Tissot, Géographie comparée de la province romaine d'Afrique, t. I, p. 567). A l'époque antique, le stagnum s'étendait au nord probablement jusqu'auprès du village de Douar-Chott, dont le nom signifie le village de la lagune (Delattre, dans le Cosmos du 20 janvier 1894, p. 248). Sur le lac de Tunis, consulter surtout V. Guérin, Voyage archéologique dans la Régence de Tunis, t. I, pp. 10 et suiv.

II. Le Catadas. — Ptolémée place entre Carthage et Maxula l'embouchure du Catadas que les uns ont identifié avec l'oued Miliane, d'autres avec l'ancien chenal naturel de La Goulette. Du moment qu'il est établi que Hadès est l'ancienne Maxula, le Catadas ne peut être, semble-t-il, que l'estuaire de La Goulette. Le lac de Tunis a toujours communiqué, dans les temps anciens comme de nos jours, avec la haute mer, par ce canal naturel, très étroit, plus ou moins creusé et élargi par des travaux d'art ; il était navigable au temps des guerres puniques comme à l'époque byzantine, et il est abandonné seulement depuis quelques années, par suite du percement du chenal du port de Tunis (Tissot, Geogr. comp., t. I, pp. 82, 171 et 567-568).

III. La Goulette (Halk el-Oued), Galabras. —Sur l'identification de Galabras avec La Goulette, voyez Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 170-171. Les murs du fortin turc contiennent, dit-on, des inscriptions qui proviennent de Carthage (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, p. 147). Les inscriptions qu'on a trouvées, en petit nombre, à La Goulette, paraissent également avoir été enlevées aux ruines de Carthage (Corpus inscriptionum latinarum, t. VIII, n° 1010, 1024, 1046, 1050, etc.).

IV. Tænia ou Ligula. — Appien appelle indifféremment Ταινία ou Γλώσσα, l'isthme sablonneux qui sépare le lac de Tunis de lamer ; les auteurs latins lui donnent le nom de Ligula. Appien lui attribue une largeur d'un demi-stade ; aujourd'hui, la largeur moyenne de cette langue de terre est plus considérable et atteint environ 300 à 450 mètres (Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 566).

V. Dar Ouled l'Agha. — En face de cette habitation arabe on distingue presque à fleur d'eau, dans la mer, une ligne de blocs de pierres, jetés à flot perdu. Cette ligne se prolonge jusqu'à l'éperon n° VIII ; près du dar Ouled l'Agha elle présente une largeur de 160 mètres ; au point n° VIII, elle a 90 mètres. On a proposé de reconnaître, dans cette digue d'énormes cailloux les vestiges de la jetée par laquelle Scipion ferma l'entrée des ports, lors du siège de la ville (Tissot, Géogr. comp., t. I ; pp. 611 et 625).

VI. Le Khram. — Près de l'entrée de cette habitation arabe, convertie en hôpital, on a trouvé, en mai 1892, une sépulture païenne de l'époque romaine (Delattre, dans le Cosmos du 2 novembre 1889, p. 386, et du 20 janvier 1894, p. 249).

VII. Dépression de terrain qui représente l'endroit où se trouvait l'entrée des ports. Suivant Appien, cette entrée unique avait 70 pieds de large (Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 609 et suiv.).

VIII. Substructions du môle qui protégeait l'entrée des ports, et où vint s'appuyer la digue de Scipion (Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 611 et 625).

IX. Le port marchand. — Il a actuellement la forme d'une lagune très allongée et d'une petite flaque d'eau séparée de la lagune par une route. Mais la comparaison du plan dressé par le capitaine danois Falbe, en 1830, et du plan de M. l'ingénieur Ph. Caillat en 1868, montre que la flaque d'eau a été récemment isolée par un terrassement artificiel qui eut pour but de créer une avenue au Dar el- Bey construit sur le bord de la mer par le bey Ahmet vers 1835 (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, pp. 157-159 ; Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 598 et suiv. et 607). D'après les mesures prises par Beulé, le port marchand avait une surface de 23 hectares 16 ares. On s'étonne généralement de l'exiguïté de ce bassin, mais Beulé remarque que le vieux port de Marseille n'a que 27 hectares, c'est-à-dire 3 hectares 84 ares de plus que le port marchand de Carthage. Comme le port de Marseille peut contenir jusqu'à onze cents bâtiments de commerce, Beulé conclut que le port de Carthage pouvait donner abri à un bien plus grand nombre de vaisseaux carthaginois, si ces derniers n'avaient, comme il le croit, pas plus de 5m,65 en largeur, hors de bordage (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 116. ; V. Guérin, Voyage archéologique dans la Régence de Tunis, t. I, p. 67 ; Perrot et Chipiez, Hist. de l'art dans l'antiquité, t. III, pp. 380 et suiv.). Il importe, au surplus, d'observer qu'un grand nombre de navires se contentaient d'aborder le long de la côte, où se trouvait un large quai de débarquement et un vaste bassin ou avant-port protégé par des jetées dont on voit encore dei ruines à fleur d'eau. Avant la construction des ports qui furent creusés de main d'homme, la colonie phénicienne n'avait pas d'autre mouillage que la côte qui resta toujours abordable : c'est le long de la côte que vient se ranger la flotte carthaginoise lorsqu'elle est refoulée par la flotte romaine, après que Scipion eut construit sa fameuse digue. Saint Louis et les Espagnols débarquent aussi plus tard sur la côte, sans difficulté.

X et XI. Le port militaire ou Cothon. — Les ports, suivant Appien, communiquaient entre eux ; cette communication existait encore, comme on peut le constater par le plan de Falbe, en 1830, avant les constructions du bey Ahmet. Le marabout de Sidi-Lella-Salka a été construit auprès du canal qui a été comblé pour faire une route directe à la maison arabe indiquée au n° XIII. Le port militaire était en partie circulaire, et au centre se trouvait l'îlot avec le palais d'où l'amiral surveillait toute la flotte. Les bords de cet flot ainsi que la rive opposée, étaient entourés de grandes cales de 5m,90 de large, pouvant abriter 220 vaisseaux. Les cales sont actuellement ensablées ainsi que la plus grande partie du port. L'îlot de l'Amiral est devenu une presqu'île. D'après Beulé, la surface totale du Cothon, y comprit l'îlot central, était de près de 9 hectares (Beulé, Fouilles à Carthage, pp. 98 et suiv. ; Perrot et Chipiez, Hist. de l'art, t. III, pp. 382 et s. ; Tissot, Géogr., t. I, pp. 605 et 672 à 677).

XII. En cet endroit se trouvent quelques substructions et une légère dépression de terrain dans laquelle on a proposé de reconnaitre les traces de la nouvelle entrée des ports, qui fut creusée soudainement par les Carthaginois assiégés, lorsque Scipion eut fermé l'entrée ordinaire par la digue de blocs de pierres que nous avons signalée (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 111 ; Tissot, Géog. comp., t. I, pp. 606 et 625). Peut-être, au contraire, ce chenal mettait-il en communication l'une avec l'autre, les deux parties du Cothon : l'une, circulaire, dont nous voyons encore les vestiges, et l'autre, carrée, qui serait présentement submergée par les flots.

XIII et XIV. Auprès du môle n° VIII, ainsi qu'aux n° XIII et XIV, et bien au delà en remontant jusqu'en face du quartier de Dermèche, on aperçoit de distance en distance, dans la mer, presque à fleur d'eau, des restes de larges quais. Ce sont là suivant nous, les quais où abordaient ordinairement les vaisseaux carthaginois d'un faible tirant d'eau. Ces quais étaient, d'ailleurs, vraisemblablement protégés par des jetées qui formaient comme un avant-port. Ce sont les restes sous-marins de ces constructions qui ont motivé l'opinion récente, mais erronée suivant nous, da M. Cecil Torr. Ce savant, frappé de l'exiguïté actuelle des ports de Carthage, voudrait considérer les ruines de quais que nous venons de signaler, comme les traces des ports eux-mêmes. D'après lui, les ports de l'ancienne Carthage s'étendaient en avant de la côte et seraient présentement submergés (Cecil Torr, dans Classical Review, t. V, 1891, pp. 280-284, et dans Revue archéol., 3° série, t. XXIV (1894, I), pp. 35 et suiv. ; R. Oehler dans le Neue Jahrb. für Philol., 1893, pp. 321 à 332 ; Otto Meltzer, ibid., 1894, pp. 49 à 68 et 119 à 136 ; Gsell, dans Revue africaine, 1894, p. 137 et Mélanges de l'École de Rome, t. XV, 1805, p. 308 et s.). L'opinion de M. Oehler, d'après laquelle l'ensemble des deux lagunes que nous voyons présentement, formerait le Cothon seul, avec sa partie circulaire et sa partie carrée, tandis que le port marchand eût été pris sur la mer, est moins invraisemblable que la théorie de M. Torr. Toutefois, d'après les textes anciens, les deux ports de Carthage ayant été creusés de main d'homme et n'ayant qu'une seule entrée, le bon sens et l'examen des lieux nous ramènent à l'opinion de Beulé, quelles que soient les erreurs que l'on puisse signaler dans les mesures prises par lui sur le terrain. A l'époque byzantine, le port de Carthage s'appelait le Mandracium, et il y avait, dans son voisinage, un couvent fortifié qui fut bâti pour le protéger, par Solomon, sous Justinien (Procope, De bell. Vand., II, 26). Nous remarquerons que Beulé est, jusqu'ici, le seul qui ait entrepris d'étudier les ports de Carthage par des fouilles et des sondages ; il est possible qu'il n'ait retrouvé qu'une restauration du port faite à l'époque romaine ou même byzantine ; voyez la critique de son œuvre par Charles Tissot, Géog. comp., t. I, pp. 598 et suiv., et M. G. Perrot, Hist. de l'art, t. I, pp. 380 et suiv.

XV. Houdiat el-Hobsia. — Des restes de constructions importantes se voient sur ce monticule isolé où des fouilles n'ont pas encore été sérieusement pratiquées. C'était peut-être une tour rattachée aux fortifications de Carthage. Cette opinion de Fable (Recherches sur l'emplacement de Carthage, n° 74) parait vraisemblable, surtout si l'on considère, avec le P. Delattre, que le lac de Tunis s'étendait jusqu'auprès du village de Douar-Chott. Il n'y a pas lieu, dans tous lestas, de considérer, avec Tissot, le Koudiat el-Hobsia comme étant la Byrsa primitive (Tissot, Géogr., t. I, p. 585 et t. II, p. 795 ; S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéologiques en Tunisie, p. 7). On y a recueilli des statuettes en terre cuite, de petites fioles cylindriques et des lampes de l'époque romaine (Delattre, dans le Cosmos du 20 janvier 1894, pp. 247-248).

Au nord du Koudiat el-Hobsia passait le canal qui mettait en communication les ports avec l'Euripe du cirque (n° XXII). On en peut suivre la direction à travers des terrains bas qui portent encore, bien qu'étant à sec, parmi les indigènes, le nom de Gâ-el Oued, lit du ruisseau (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, p. 206).

XVI. Bir Sema. — A 300 mètres au sud-ouest de la gare de Douar-Chott, vers l'abattoir, au lieu dit Bir Sema, on a trouvé, en creusant une cave, huit tombeaux romains de l'époque païenne, des lampes païennes et des vases en poterie rouge. Sur d'autres points du même lieu-dit, on a recueilli aussi plusieurs lampes chrétiennes (Delattre, dans le Cosmos du 20 janvier 1894, p. 249).

XVII. Douar-Chott. — Ce village marque la limite du lac de Tunis dans l'antiquité. On y a trouvé une statue de femme en marbre, mutilée, et des inscriptions funéraires latines, païennes et chrétiennes (C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 1250 ; Delattre dans le Bulletin épigraphique, t. II, 1882, pp. 175 à 177 et t. VI, 1886, p. 142 ; le même, dans le Cosmos du 20 janvier 1894, p. 248). On y a aussi découvert une mosaïque représentant une scène de pêche, aujourd'hui au Musée du Bardo (Bulletin archéologique du Comité, 1887, p. 445).

XVIII et XIX. — Dans le jardin de la maison de M. Fedriani, on a recueilli des inscriptions funéraires chrétiennes (Héron de Villefosse, dans la Revue archéologique, t. II. de 1881, p. 240 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. II, 1832, p. 175) et des débris de sculpture (Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 799).

XX. El-Golla. — Tranchée représentant les fouilles de MM. Reinach et Babelon en 1884. Elle avait 42 mètres de long, avec une largeur moyenne de 5 mètres et une profondeur de 4 à 5 mètres. Cette fouille a mis à découvert des murs en petit appareil régulier et en blocage ; une colonne de marbre de 0m,90 de diamètre qui y est restée engagée ; une statue colossale en marbre de l'un des Dioscures, aujourd'hui au Musée du Louvre ; un pavement de mosaïque, des lampes et divers menus débris d'époque romaine (S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéologiques en Tunisie, pp. 24-25 et 36).

XXI. — Ruines en blocage se composant essentiellement d'un mur qui paraît être dans l'alignement de la spina du cirque. Falbe prétend avoir vu, en cet endroit, des tours destinées à dominer le cirque tout entier (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, p. 223).

XXII. Le cirque ou hippodrome. — La spina se voit encore nettement ; l'arène est marquée par une dépression de terrain, et le circuit ou mur d'enceinte par un talus. Le chemin de fer traverse obliquement cette enceinte dont la longueur est de 675 mètres sur une largeur de 90 mètres ; la spina a 5m,50 de large (Dureau de la Malle, Recherches sur la topographie de Carthage, p. 40 ; V. Guérin, Voyage archéologique dans la Régence de Tunis, t. I, p. 40 ; E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, p. 203 ; Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 645). L'Euripe du cirque était bordé de statues, suivant Tertullien (Tertullien, Adv. Hermog., XXI ; Delattre, dans le Bulletin épigr., t. IV, p. 206).

Près de l'hippodrome on a trouvé l'inscription funéraire punique : Tombeau d'Akbarim, fondeur de fer, fils de Baalsillek, épitaphe du IIIe ou du IVe siècle avant notre ère (M. de Vogüé, dans les Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, séance du 18 mars 1892). On a recueilli aussi, non loin de là deux lamelles de plomb, l'une portant en relief un scorpion, et l'autre une inscription cabalistique (Delattre, dans le Cosmos du 27 janvier 1894, p. 275 ; cf. E. Babelon et Blanchet, Catalogue des bronzes antiques de la Bibl. nationale, p. 491).

XXIII. Le forum. — D'après Appien, le forum était situé dans le voisinage du Cothon en se dirigeant du côté de Byrsa (Appien, Punica, VIII, 127). Il était quadrangulaire et orné de portiques et de statues (Appien, VIII, 133 ; Diodore Sic., XI, 26). Le quartier du forum et celui des ports portent encore aujourd'hui, chez les Arabes, le nom significatif de Cartagenna (Lavigerie, De l'utilité d'une mission archéologique permanente à Carthage, p. 22). L'emplacement du forum est exploité, depuis des siècles, par les chercheurs de pierres qui en ont fait disparaître toute trace au-dessus du sol. Au temps de la Carthage punique, s'élevait sur le forum, la curie, lieu ordinaire des réunions du sénat ; sur l'un des côtés se trouvait le temple d'Apollon ; les maisons qui entouraient cette place étaient très élevées, et trois grandes rues conduisaient du forum à Byrsa. Détruit par Scipion en 146 avant J.-C., le forum de Carthage fut rétabli lors de la fondation de la colonie romaine. D'après Capitolin (Anton. Pius, IX), un incendie le détruisit de nouveau sous Antonin le Pieux. Il fut encore restauré ; saint Augustin y signale le tribunal et, à proximité, les boutiques des changeurs, vicus argentarius. (S. August., Conf., VI, 9, 14 ; Bœswillwald et Cagnat, Timgad, p. 6.)

A la fin de l'empire romain, le forum est appelé la Place maritime, à cause de son voisinage de la mer. Justinien y fit construire deux portiques et les thermes de Théodora. Sur l'emplacement ou dans le voisinage immédiat du forum, on a trouvé quelques stèles puniques, ex-voto à Tanit et à Baal-Ammon, un assez grand nombre dé griffes de lion en pierre rougeâtre, qui paraissent avoir servi de supports à des sièges, des inscriptions funéraires grecques, latines, païennes et chrétiennes, une grande quantité de débris d'amphores, avec estampilles phéniciennes, grecques et romaines ; une inscription, malheureusement mutilée, contenant l'énumération d'un certain nombre de villes africaines ; un fragment de tarif de douane (?), un ex-voto à Mercure, un bas-relief représentant le dieu du commerce. Le P. Delattre raconte qu'en 1875, il vit les Arabes sortir de terre, une jolie tête de statue, barbue comme Jupiter et coiffée d'une peau d'animal (Melkart ou l'Hercule tyrien ?). (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, pp. 162 et 205 ; Tissot, Géogr. comp., L I, p. 658 ; S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéologiques en Tunisie, pp. 9 et 25 ; Delattre, dans le Cosmos du 11 février 1888, pp. 296-299, et 2 novembre 1889, p. 386 ; le même, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, p. 205, et t. VI, 1886, p. 141 ; le même, dans la Revue de l'Afrique française, 1er sept. 1888 ; le même, dans les Mélanges de l'École de Rome, 1890, p. 16).

XXVI. Dar Mustapha ben Ismaïl. — Ce palais qui n'appartient plus à cet ancien ministre du bey, mais qui fut bâti par lui en 1875, se trouve sur les substructions d'un édifice antique qu'on a proposé, sans preuve, d'identifier avec le temple d'Apollon voisin du forum (Dureau de la Malle, Recherches sur la topographie de Carthage, p. 19). Il y a peu d'années, on y conservait une mosaïque, aujourd'hui détruite, qui représentait la toilette de Pégase par trois nymphes (Delattre dans le Bulletin épigraphique, t. IV, p. 207, et dans le Cosmos du 11 février 1888, p. 297). On a aussi recueilli, dans le voisinage immédiat, un certain nombre d'ex-voto à Tanit et à Baal Ammon (S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéologiques en Tunisie, p. 11). MM. de Sainte-Marie et Caillat, qui se trouvaient à Carthage en 1875, ont pu relever les dimensions et le plan de l'édifice antique déblayé pour construire le nouveau. Il mesurait 62m,25 de long, sur 33m,30 de large, et se composait de trois salles ayant chacune 17m,75 sur 28m,81. La salle du milieu se terminait au nord en abside ; les deux salles latérales étaient en contrebas et leurs voûtes étaient soutenues par trois rangées de six colonnes. Une jetée de 12 mètres faisait saillie sur la mer, en avant de l'édifice. La disposition de ces constructions nous porterait à croire qu'au lieu d'un temple il s'agit plutôt de thermes, tels que ceux de Theodora, femme de Justinien, que nous savons avoir été construits sur le forum (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, pp. 166 à 173). Non loin de la maison, on a trouvé une inscription punique énumérant des sacrifices (C. I. Sémit., t. I, p. 239, n° 170).

XXVIII et XXIX. Fouilles de MM. S. Reinach et E. Babelon en 1884. — La tranchée n° XXVIII, orientée nord-sud, et aujourd'hui comblée, avait mis à découvert un grand nombre de murs très enchevêtrés, appartenant à des époques différentes et reposant sur trois sols superposés et séparés par des débris de toutes sortes, avec traces considérables d'incendie (S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéol., p. 35). La fouille n° XXIX est une longue tranchée encore visible, orientée est-ouest, entre le Bir Messaouda et le Bir ez-Zerig ; elle mesure en longueur 135 mètres, en largeur et en profondeur, de 5 à 7 mètres. On y voit des substructions de maisons, des citernes voûtées et des puits ; on y reconnaît la direction de plusieurs rues. Au cours des fouilles, on a recueilli de nombreuses lampes romaines, païennes et chrétiennes, des fragments de poteries et d'inscriptions latines, des débris très mutilés de statues en marbre, un beau masque en terre cuite représentant Tanit, une quantité énorme de balles de fronde en terre cuite, des débris carbonisés, de toute nature ; les traces d'incendie étaient partout visibles (S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéol. en Tunisie, pass.).

XXXII à XXXVIII. Fouilles de M. de Sainte-Marie et de MM. Reinach et Babelon. — Dans les diverses fouilles entreprises sur ce vaste emplacement, M. de Sainte-Marie a découvert, à des profondeurs variant de 2 à 7 mètres, 2133 stèles puniques, ex-voto à Tanit et à Baal Ammon ;de nombreuses inscriptions grecques et latines, d'intéressants fragments d'architecture et de sculptures en marbre et en pierre du pays appelée suouan, parmi lesquels nous citerons deux têtes de Jupiter, une tête d'Apollon, une tête de l'empereur Hadrien, des torses d'hommes et de femmes, des bras, des jambes, des pieds, des inscriptions votives en grec et en latin (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, passim). Au n° XXXV, lieu dit Feddan el-Behim, déjà en partie fouillé par M. de Sainte-Marie, MM. Reinach et Babelon ont ouvert une grande tranchée de 56 mètres de long sur 13 mètres de large et de 6 à 9 mètres de profondeur ; on y a exhumé 330 nouvelles stèles votives à Tanit et à Baal Ammon, des débris de sculptures en marbre, des substructions de maisons, des citernes voûtées, des lampes païennes et chrétiennes, des fragments d'inscriptions latines, et enfin une citerne punique, dont l'entrée, ayant la forme d'un caveau sépulcral, est protégée par d'énormes dalles appuyées en angle aigu l'une contre l'autre (S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéol. en Tunisie, pp. 9, 37 et suiv.). Dans la même région, le P. Delattre a aussi trouvé plus de 200 stèles puniques votives à Tanit et à Baal Ammon, ainsi que des épitaphes, des lampes et des poteries chrétiennes. Le fameux temple de Tanit-Astarté devait se trouver non loin de là

XL à LX. Colline de Saint-Louis ou Byrsa. — Le plateau supérieur de la colline de Saint-Louis, l'ancienne Byrsa, haut de 63 mètres, a la forme d'une pyramide tronquée dont les angles correspondent aux quatre points cardinaux (Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 587). Cette plate-forme compte actuellement 1.400 mètres de circuit. Le côté sud-ouest fut une nécropole pendant tout le temps de l'indépendance de Carthage, c'est-à-dire jusqu'au siège de l'an 146 avant J.-C. Quand les Carthaginois firent de Byrsa une forteresse, et qu'ils voulurent, en conséquence, l'environner de remparts, ils en nivelèrent le sommet, rejetant les terres sur les pentes. Il en résulta qu'un grand nombre des anciens tombeaux se trouvèrent profondément ensevelis sous les terres de déblai ; mais on continua néanmoins à enterrer des cadavres et à creuser des chambres sépulcrales sur le flanc sud-ouest de la colline, comme le prouvent, en particulier, les monnaies des IVe au IIe siècles trouvées dans les tombeaux. Les constructions qui s'élevèrent sur le plateau, ainsi que les remparts qui entouraient l'acropole furent détruits par les Romains en 146 avant J.-C. ; Orose dit même qu'ils furent réduits en poussière. Il en existe pourtant encore des traces souterraines, comme Beulé l'a prouvé par ses fouilles de 1859, et le P. Delattre en a retrouvé, dans ses sondages, des vestiges qui permettent d'en indiquer la direction générale et les principales lignes. Suivant le P. Delattre, l'enceinte murée du plateau supérieur de Byrsa n'avait pas plus de 300 mètres de profondeur ; mais, en contrebas, il existait d'autres lignes fortifiées ; l'une d'elles s'éloignait même de la colline pour aller rejoindre la grande muraille d'enceinte, dans la direction du lac de Tunis, au lieu dit El-Gsour (n° LXI). C'est à cette ligne inférieure des fortifications que s'appliquent les mesures données par les Anciens aux fortifications de Byrsa, savoir : 2.000 pas par Orose (IV, 23), c'est-à-dire 2.945 mètres, et 22 stades ou 3.960 mètres d'après Servius (in Aeneid., I, 4). Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 570 et suiv. ; E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, p. 163 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. V, 1885, p. 84.

Démantelée par les soldats de Scipion en 146 avant J.-C., Byrsa ne fut fortifiée de nouveau que sous Théodose II en 424. En 553, Bélisaire, ayant repris Carthage à Gélimer, répara les fortifications que les Vandales avaient laissées se dégrader. Elles furent de nouveau restaurées par le patrice Jean qui succomba sous l'invasion arabe.

Actuellement, les principales constructions modernes qui s'élèvent au-dessus de la colline de Saint-Louis sont : la chapelle bâtie, en 1841, sur l'emplacement où l'on croit que mourut saint Louis en 1270 ; le séminaire des religieux Missionnaires d'Alger et enfin la cathédrale construite par les soins du cardinal Lavigerie en 1890. — Les détails qui précèdent étaient nécessaires pour faire comprendre l'intérêt des fouilles exécutées sur Byrsa par Beulé et surtout par le P. Delattre, fouilles que nous allons passer en revue sommairement.

XL. — En contrebas de ce mur, sur le versant Est de la colline, on a découvert, le 26 novembre 1890, une mosaïque dont le motif central représente l'Amour et Psyché, avec une inscription (Delattre, dans les Mélanges de l'École française de Rome, t. XII, 1892, p 252 ; le même, dans le Cosmos du 27 février 1892, p. 363-364). Le mur lui-même est signalé par Beulé (Fouilles à Carthage, p. 39). A quelque distance au sud, on a déterré une chapelle chrétienne, sorte de crypte souterraine ornée de fresques (Héron de Villefosse, dans le Bulletin de la Soc. des Antiquaires de France, 1895, p. 159 à 161).

XLI. — Huit citernes voûtées. En vidant ces citernes qui recevaient les eaux pluviales du palais situé au n° XLII, on a trouvé de beaux morceaux de sculpture, tels que la tête d'un Jupiter Sérapis, celle d'une Minerve, un buste de vieillard, des bas-reliefs mutilés, parmi lesquels on reconnaît le serpent d'Esculape (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 39 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. V, 1885, p. 90).

XLII. — A 15 mètres au-dessous de la plate-forme de la chapelle de Saint-Louis, Beulé a découvert les restes d'une construction très considérable et en bel appareil, qu'il a appelée, sans preuve, le palais du proconsul romain (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 68 et suiv. ; Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 649 à 653). Cette construction était adossée au large mur du péribole du temple d'Eschmoun ou Esculape, dont la chapelle actuelle parait occuper l'emplacement. Beulé a déblayé là une suite de sept salles parallèles, terminées en absides ; au fond de l'une de ces absides était une estrade destinée à supporter une statue. Les murs étaient revêtus de plaques de marbre et de stuc colorié ; la salle du milieu a sa vote ornée de caissons. Le P. Delattre a déterré une nouvelle salle qui a, comme les autres, la forme d'un fer à cheval, et mesure 10 mètres de haut, 7m,80 de profondeur et 6m,80 de large. Au fond de l'abside se trouvait aussi une estrade avec un piédestal destiné à une statue. Dans une autre salle, déblayée seulement en partie, on aperçoit des traces de dorure et de peintures murales, des morceaux de mosaïques, de beaux marbres taillés, de diverses couleurs, des fragments de colonnes corinthiennes, une croix grecque sculptée en relief ; des débris de chancels, des lampes chrétiennes, une tête d'ange, etc. Ces derniers morceaux portent le P. Delattre à conjecturer que là était peut-être la chapelle que l'empereur Justinien fit bâtir en l'honneur de la Mère de Dieu (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. V, 1885, p. 89).

Quant au nom de palais proconsulaire donné, depuis Beulé, à l'ensemble des salles terminées en abside, ce n'est qu'une hypothèse, jusqu'ici non justifiée.

Les prisons étaient annexées au palais proconsulaire, probablement dans les soubassements ; nous savons que certains soupiraux de ces cachots regardaient le midi et que, par eux, on pouvait voir les ports.

XLIII. Chapelle de Saint-Louis, bâtie sur l'emplacement du temple d'Esculape. — Les substructions du temple d'Eschmoun (Esculape) qui, suivant des indices qu'on peut considérer comme certains (Strabon, XVII, III, 706), se trouvait en arrière du palais ci-dessus, ne sauraient être déterrées, à cause des constructions modernes qui s'élèvent sur son emplacement (Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 593). Des fragments de bas-reliefs sur lesquels on voit le serpent d'Esculape, ainsi qu'un fragment de cratère, en marbre blanc, avec une inscription votive où on lit [Aes]VLAPIO, permettent de croire que la chapelle de Saint-Louis et une partie du couvent des Missionnaires recouvrent les ruines du temple le plus somptueux de Carthage (Appien, VIII, 130), de sa cella, de ses vastes portiques, de la bibliothèque publique et de son area. En temps de paix, dit Appien, on accédait au temple d'Eschmoun par un escalier de soixante marches, et l'expression en temps de paix, de l'auteur grec, prouve qu'on pouvait supprimer l'escalier au moment d'un siège : c'est, en effet, ce que firent les transfuges et la femme d'Asdrubal, lors du siège de l'an 146. Nous savons que le sénat se réunissait parfois en secret dans le temple (Tite-Live, XIII, 24) ; une des annexes du sanctuaire était la salle des Archives publiques ou la Bibliothèque, que parait désigner une inscription : Apulée donna des leçons dans cette salle (Apulée, Florid., IV, XVIII. Cf. Beulé, Fouilles à Carthage, pp. 9, 49 et 75 ; Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 649 ; E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, p. 165 ; Delattre, dans le Cosmos du 11 janvier 1890, p. 161 ; le même dans le Bulletin épigraphique, t. V, 1885, pp. 87 et 305, et dans les Mélanges de l'École française de Rome, 1890, p. 317).

XLIV. Emplacement de fouilles importantes de Beulé. — Le sol vierge n'a été atteint qu'à 19 mètres de profondeur. En arrière de ce sondage, on a découvert le mur d'enceinte de la place Qu'on se figure, dit Beulé, un mur épais de 1m,10, entièrement construit en grosses pierres de tuf. Cette épaisseur n'est point massive : elle contient des parties pleines et des parties vides, qui se succèdent ainsi qu'il suit : Si l'on se place en dehors de Byrsa, on a d'abord, devant soi, le mur qui faisait face à l'ennemi ; il a 2 mètres d'épaisseur. Derrière, règne un corridor large de 1m,90, qui passe devant une série de chambres demi-circulaires, séparées du corridor par un mur épais d'un mètre. De sorte qu'à proprement parler, le rempart qui s'offrait aux coups de l'ennemi était un massif de 4m,90, dans lequel on avait évidé, à des hauteurs réglées, un passage couvert qui servait aux communications. Il restait donc une profondeur de 6m,20 pour les salles en forme de fer à cheval. Elles étaient adossées à la colline de Byrsa, et leur centre, appuyé et déguisé par un mur droit, épais d'un mètre, regardait l'intérieur de la citadelle. Ce mètre déduit, les salles avaient 4m,20 de profondeur, parce qu'il faut compter encore 1 mètre pour le mur du fond. Leur largeur était de 3m,30, séparées les unes des autres par des murs transversaux de 1m,10 ; elles formaient une série continue et leurs petites dimensions laissaient à la muraille gigantesque dans laquelle elles avaient été évidées, toute sa massive puissance (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 59-60 ; Victor Guérin, Voyage archéologique dans la Régence de Tunis, t. I, p. 53 ; Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 583 ; Perrot et Chipiez, Hist. de l'art dans l'antiquité, t. I, p. 343 et suiv.).

XLV à XLIX. Fouilles du R. P. Delattre. — Dans ces fouilles considérables, entreprises en 1892, sur le flanc sud-ouest de la colline de Saint-Louis, on a découvert : 1° Un cimetière musulman, remontant au moyen âge. — 2° Une maison byzantine formée de trois corps de bâtiments entourant une cour rectangulaire de 14m,70 de côté ; les décombres, accumulés dans les chambres et les cours, se composaient de tronçons de colonnes en marbre blanc et en cipolin, de chapiteaux en onyx, de pilastres cannelés, de fragments de mosaïques et d'inscriptions monumentales, de lampes chrétiennes, etc. — 3° Des citernes romaines placées derrière le mur en blocage qui forme le fond de la maison byzantine ; le radier de ces citernes se trouve en surélévation de 4 à 5 mètres par rapport au sol de cette maison. — 4° Une rue romaine, de 5 mètres de large, pavée de dalles ; elle montait en rampe de la ville basse, et venait longer le mur de la forteresse. — 5° Le mur de fortification élevé par Théodose II, en 424, suivi sur une longueur de 80 mètres ; dans la construction de ce mur, large de 4m,25 à 4m,50, entraient de nombreux débris architecturaux de l'époque romaine. Cette muraille a été déblayée, depuis l'une des portes dont elle était percée, à l'ouest, et qui correspond au sentier qui descend actuellement au village de Douar-Chott, jusque dans le voisinage des fouilles de Beulé où, découverte aussi par lui, elle disparut plus tard sous la pioche impitoyable des chercheurs de pierres. — 6° A 3 mètres derrière cette muraille, une longue suite d'absides appartenant à une série de salles contiguës ; quinze absides déblayées occupent un espace de 48 mètres et elles forment, en ligne droite, la suite des absides pareilles que Beulé avait découvertes, plus à l'Est, et qu'il a considérées comme étant les vestiges des murs creux et couverts dont parle Appien (voyez ci-dessus, n° XLIV). Ch. Tissot a pensé que ces salles en absides, égales et parallèles, s'ouvrant sur un corridor commun, ne seraient autre chose que des citernes (Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 589) ; mais comment croire qu'il y eut ainsi des citernes sous toute la longueur des murs sud de Byrsa ? Il faut y reconnaître simplement des murs de soutènement. Le P. Delattre remarquant que la construction des murs est en opus reticulatum, trouve là un argument pour affirmer que ces murs sont de l'époque romaine. Quoi qu'il en soit, on ne saurait suivre le savant religieux lorsque, entraîné par une opinion d'Aug. Castan, il considère les absides

Manque les pages 138 et 139

On a enfin déterré les assises inférieures des fortifications puniques de la citadelle, construites en grand appareil de nombreux débris de sculpture et d'architecture, des fragments d'inscriptions, entre autres un texte qui mentionne une AEDES CONCORDIAE, d'où le P. Delattre a cru pouvoir conjecturer que la cathédrale s'élève sur l'emplacement d'un temple de la Concorde (Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 800 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. V, p. 302 et suiv. ; le même, dans les Mélanges de l'École française de Rome, 1892, p. 239).

LII. — A quelques pas de la face longitudinale sud-ouest de la cathédrale, près de la petite porte de l'édifice, on a trouvé des citernes à moitié rasées par les travaux de nivellement de l'époque byzantine. La terre qui les remplissait a fourni quantité de morceaux de marbre numidique taillés et provenant de colonnes, de chapiteaux, de corniches, etc., des milliers de fragments de tablettes en marbre de Chemtou, en porphyre, en cipolin, en brèche africaine ; quelques fragments d'inscriptions monumentales (Delattre, dans le Cosmos du 27 février 1892, p. 363 et suiv. ; le même, dans les Mélanges de l'École de Rome, 1892, p. 238-242 ; C. I. L., VIII, 14-56).

LIII. — Une autre citerne située au nord, du côté opposé de la cathédrale ; a fourni de même des fragments de grande architecture, des débris de bas-reliefs et d'inscriptions monumentales (Delattre, dans le Cosmos du 27 février 1892, p. 364 : le même dans les Mélanges de l'École de Rome, t. XII, 1892, p. 245).

LIV. — En ce point, voisin de la borne géodésique, le P. Delattre a découvert des fragments d'architecture et de sculpture : un morceau d'une grande et belle corniche et des fragments de colonnes cannelées, une tête colossale mutilée, une tête de. femme diadémée, d'autres débris de sculpture et d'inscriptions monumentales, des vestiges de murs construits en grand appareil ; deux grands bas-reliefs représentant des figures ailées portant des cornes d'abondance et mesurant 3 mètres de haut ; une autre figure colossale représentant une Victoire qui porte un trophée d'armes romaines : cette statue de Victoire, d'un grand style, remonte au commencement de la Carthage romaine : c'est le plus bel ornement du Musée de Saint-Louis. Là se trouvait un édifice considérable ; ce pouvait être le Capitole romain, ou un temple de la Victoire (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans les Mélanges de l'École de Rome, t. X, 1890, pp. 8 et suiv. ; et même recueil, t . XII, 1892, p. 237 et suiv. ; Comptes rendus de l'Acad. des inscript. et belles-lettres, 1894, pp. 176 et 197 à 201).

LV. — En creusant les fondations du perron de l'entrée principale de la cathédrale, on a fait sortir du sol plusieurs débris d'inscriptions : une main de statue et une portion de torse humain (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans les Mélanges de l'École de Rome, t. X, 1890, p. 8 et s.).

LVI. — Citernes romaines.

LVII. — Dans la tranchée que forme le dernier coude de la route carrossable qui monte à la cathédrale, on a trouvé des fragments de sculpture et d'architecture monumentale, notamment une grande frise, un chapiteau de pilastre à feuilles d'acanthe, de dimensions considérables. Il y avait là un édifice important (Delattre, dans le Cosmos du 27 février 1892, p. 363 ; le même, dans les Mélanges de l'École de Rome, t. XII, 1892, p. 251).

LVIII. Citernes romaines. — Deux grandes citernes voûtées, larges de 4 mètres, longues de 27 mètres dans l'état actuel ; des Arabes y ont installé leurs demeures (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 36).

LIX. Ruines en blocage d'une tour byzantine. — (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 38.)

LX. Ruines en blocage d'une tour byzantine. — (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 38.) Non loin de là on a découvert deux salles pavées de mosaïques représentant des quadrupèdes, des poissons, des oiseaux et des fruits (Delattre, Inscriptions trouvées de 1886 à 1888 et communiquées à l'Académie d'Hippone, n° 23, pp. 7 et suiv.).

LXI. El-Gsour. — C'est le point que désigne le P. Delattre, quand il dit : Une ligne fortifiée s'éloignait de la colline, au point d'aller rejoindre la grande muraille d'enceinte vers le lac... Cette ligne atteignait, vers le sud-ouest, un amas de ruines (El-Gsour), d'où les Arabes ont extrait, par milliers, des pierres de grand appareil, puis se dirigeait vers le village de Douar ech-Chott, dont le nom même rappelle par son sens le stagnum du texte d'Orose (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. V, 1885, pp. 84-85). L'amas de ruines appelé El-Gsour forme l'extrémité d'un monticule peu élevé, le Koudiat el-Heurma, sur lequel on voyait encore, au temps de Falbe et de Daux, une longue ligne de décombres (Falbe, Recherches sur l'emplacement de Carthage, n° 75 et 76). Il y avait là une tour ou un bastion faisant partie du mur d'enceinte de la ville. (Ch. Tissot, Géographie comp. de l'ancienne province d'Afrique, t. I, p. 578.)

LXII. L'Amphithéâtre. — Les ruines de l'amphithéâtre, encore considérables, se voient à peu de distance de la station du chemin de fer et de la route de La Malga à Tunis. Des blocs de maçonnerie émergent du sol, conservant dans leur disposition la forme elliptique qui était celle du monument debout. Les deux axes mesurent actuellement 90 et 30 mètres. Au moyen âge, El-Bekri et Edrisi signalent ce monument sous le nom de El-Thiater. Il avait encore, à cette époque, cinq rangs d'arcades, des colonnes, des sculptures, et les géographes arabes ajoutent qu'il n'a pas son pareil dans l'univers. Au centre des ruines, le cardinal Lavigerie a fait ériger une colonne surmontée d'une croix, en mémoire des nombreux martyrs qui sont morts dans l'amphithéâtre, en particulier les saintes Perpétue et Félicité.

Près de l'amphithéâtre et aussi dans ses ruines, on a trouvé des lampes, des épitaphes et même des fragments de bas-reliefs chrétiens. (El-Bekri, trad. de Slane, dans le Journal Asiatique, déc. 1858, p. 520 ; Edrisi, Géographie, trad. d'Amédée Jaubert, dans le Nouveau Journal Asiatique, t. I, 1828, p. 375 ; Dureau de la Malle, Recherches sur la topographie de Carthage, p. 189 ; Victor Guérin, Voyage archéol. dans la Régence de Tunis, t. I, pp. 37 et suiv. ; E. de Sainte-Marie, Mission, p. 202 ; Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 643).

LXIII. Puits appelé Bir el-Djerab. — On a trouvé auprès de ce puits une grande quantité de lampes chrétiennes. Il marque de ce côté la limite extrême de Carthage (Delattre, dans les Mélanges de l'École de Rome, t. XII, 18 ?2, p. 258).

LXIV. Damous Darouts. — Avant d'arriver au Bir Djerab, on laisse, à droite du chemin, un terrain dénommé Damous Darouts. Les côtés nord-ouest et nord-est de ce terrain marquent un des angles des anciennes murailles de la ville. On y voit, dans l'angle nord, une construction antique, romaine, émergeant du sol à la hauteur de 1m,50. Cette ruine, de forme rectangulaire, mesure 9m,30 de longueur et 8m,80 de largeur. Chaque face est percée de deux ouvertures dont la voûte aboutit intérieurement à un pilier central... Non loin du chemin, des Arabes chercheurs de pierres tombèrent sur une rangée de piliers longue de 175 pas. Chaque pilier mesurait Im,50 de côté. Un intervalle de 2 mètres les séparait l'un de l'autre. La direction de cette galerie était presque parallèle au chemin... A 3m,25 de cette série de piliers, vers la route, passait un mur épais de 0m,50, bâti sur des fondations larges d'un mètre. Enfin, à 7 mètres plus près encore de la route, les Arabes rencontrèrent, en deux endroits, un autre mur parallèle au précédent... Ce double mur et ces piliers sont détruits aujourd'hui (Delattre, dans les Mélanges de l'École de Rome, t. XII, 1892, p. 258 ; cf. Falbe, Recherches sur l'emplacement de Carthage, n° 77).

LXV. — En arrière de l'amphithéâtre pour l'observateur placé sur la colline de Saint-Louis, et à proximité de Damous Darouts, on a trouvé de nombreux et importants débris de sculpture : un torse de Bacchus, une grande statue de la Victoire, un torse de Diane, une statue de femme, un remarquable torse de cheval, une mosaïque, des textes épigraphiques, parmi lesquels une dédicace en l'honneur de l'empereur Valens, par Julius Festus Hymetius, proconsul en 366-367 (C. I. L., t. VIII, n° 12527 ; Tissot, Fastes de la province romaine d'Afrique, pp. 246 et 306), et une autre inscription qui mentionne Q. Aurelius Symmachus, proconsul entre 373 et 375 (Ch. Tissot, Fastes, p. 258 ; H. Saladin, dans le Bulletin archéol. du Comité, 1890, p. 449 ; Delattre, dans le Cosmos du 27 janvier 1894, pp. 276-279).

Près du lieu de ces découvertes, se trouve un enclos de cactus, à l'angle duquel on voyait, naguère encore, un mur en grand appareil et des salles voûtées. Ce mur avait l'épaisseur énorme de 10 mètres. La direction de cette muraille peut être indiquée, dit le P. Delattre, par une ligne partant de l'angle nord de l'enclos et se dirigeant vers le poteau télégraphique planté sur le sommet du Koudiat Soussou (n° LXXI), colline voisine de La Malga. Le long de cette muraille, à l'opposé des voûtes, passait un égout haut d'un mètre et large d'environ 0m,40. Tout cela a été démoli par les arracheurs de pierres (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. III, p. 296 ; le même dans les Mémoires de la Société archéol. de Constantine, 1894, p. 173 ; le même, dans le Cosmos du 27 janvier 1894, p. 276). Ailleurs, le P. Delattre donne encore les détails suivants : Un Arabe chercheur de pierres m'a affirmé avoir démoli autrefois deux énormes piles carrées mesurant 12 à 13 mètres carrés de côté, et ayant fourni chacune de trois à quatre cents pierres taillées. Une troisième pile, semblable aux deux premières, a été largement entamée. L'ensemble de ces renseignements porte à croire qu'il y avait là une sorte d'arc de triomphe ou du moins une porte monumentale (Delattre, dans les Mélanges de l'École de Rome, t. XII, p. 259).

LXVII. Bir el-Djebbana. — Ce lieu-dit qui signifie le puits des cimetières est situé non loin de l'amphithéâtre, de l'autre côté de la route de La Malga à Tunis. Le P. Delattre y a découvert quatre cimetières, deux païens et deux chrétiens. Les deux cimetières païens étaient réservés aux officiales, c'est-à-dire aux gens de la maison impériale mis par l'empereur au service du procurateur impérial résidant à Carthage (procurator Africæ). Le nombre des épitaphes qu'on y a retrouvées jusqu'à ce jour s'élève à près de 600 ; elles sont conservées, partie au Cabinet des Médailles (Bibliothèque nationale) à Paris, partie au Musée de Saint-Louis de Carthage.

Le plus important de ces cimetières est un enclos de 1.000 mètres carrés, entouré d'un petit mur. Cet enclos, dit le P. Delattre, est tout rempli de sépultures qui ont la forme particulière de cippes carrés, ayant ordinairement, 50 de hauteur et 1 mètre de largeur... Tous ces cippes sont construits en maçonnerie et renferment une ou plusieurs urnes contenant des ossements calcinés, et recouvertes d'une patère percée d'un trou au centre et mise en communication avec l'extérieur au moyen d'un tuyau de terre cuite Ce conduit, qui fait de chaque cippe un véritable autel, était destiné à recevoir les libations des parents et amis du défunt. Les libations parvenaient ainsi jusqu'à l'urne funéraire, qui, elle-même percée d'un trou, permettait aux liquides, après avoir traversé les ossements, de pénétrer jusqu'à la niche inférieure qui existe souvent dans la base de l'autel funéraire et dans laquelle on trouve les monnaies, les lampés, poteries et autres objets déposés avec les cendres et débris de bois brûlé provenant du bûcher. Cette disposition toute particulière rendait très faciles les sacrifices aux dieux mânes, et chaque tombe ainsi construite était un autel qui leur était consacré (diis manibus sacrum). Le tube de terre cuite servait aussi, dans certains cas, à faire glisser jusque dans les urnes maçonnées à l'avance ou renfermant déjà les restes de quelque autre défunt, les os calcinés et les cendres, résidu de la crémation d'un nouveau cadavre.

Chaque cippe est revêtu, à l'extérieur, d'un enduit sur lequel sont moulés des ornements architecturaux et même des bas-reliefs ; la plaque de marbre qui porte l'épitaphe est scellée sur la face principale. L'urne funéraire, masquée dans la maçonnerie, est parfois une amphore mesurant f mètre de haut ; dans cette urne ou dans le tube qui y aboutit, il n'est pas rare de rencontrer des lamelles de plomb portant des inscriptions magiques et imprécatoires (voyez ces tabulæ execrationum dans le C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 12504 et suiv.). Dans la niche ménagée à la base du cippe, sous l'urne funéraire, on trouve de nombreuses poteries, des aiguilles et épingles de cuivre et d'ivoire, des figures de terre cuite, des unguentaria de verre et une grande quantité de lampes ; il y a aussi des monnaies, des miroirs. Mais tous les corps déposés dans ces deux cimetières n'ont pas subi la crémation. On rencontre aussi quelques squelettes ; mais alors la tombe n'a plus la forme de cippe ou d'autel : elle se compose d'un demi-cylindre reposant sur une base rectangulaire. On peut voir au Musée de Saint-Louis une tombe d'enfant que le P. Delattre y a fait intégralement transporter. Sur la tombe émergeant au-dessus du sol, est peint un génie funéraire aux ailes bleues, couché, la tête un peu surélevée et tenant une tête de coq. Dessous, à la profondeur de 1 ni,15, on découvrit un bloc de plâtre dans lequel était moulé le cadavre de l'enfant paraissant avoir été du même âge et dans la même position que le génie peint sur la tombe extérieure. A côté du cadavre, une lampe et deux unguentaria en verre.

Les épitaphes nous révèlent les noms et les qualités des hommes et des femmes, qui sont des esclaves, des affranchis, des hommes libres. Leurs fonctions sont les suivantes, entre autres : Adjutores tabularii, tabularii, tabellarii, adjutores ad instrumentum commentariorum, librarii, notarii, cursores, pedisequi, medici, milites, agrimensores, etc. L'âge des défunts étant généralement indiqué, il se trouve dans le nombre plusieurs centenaires (Lavigerie, De l'utilité d'une mission archéol., pp. 19 et suiv. ; Delattre, Fouilles d'un cimetière romain à Carthage, dans le Bulletin épigraphique, t. II, 1882, pp. 293 et suiv. ; 1883, t. III, pp. 25 et suiv. ; le même, dans la Revue archéol., 1888, 3e sér., t. XIII, pp. 151-159 ; Tissot, Géogr. comp., t. Il, p. 803 ; Th. Mommsen, dans les Mélanges Graux, 1884 ; R. Cagnat, L'armée romaine d'Afrique, pp. 102-103 ; cf. C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 12590 et suiv.). M. Gauckler a récemment (1895) déblayé de nouvelles tombes dans l'un de ces cimetières des officiales.

A côté de ces deux cimetières, distant l'un de l'autre d'une centaine de mètres, le P. Delattre a découvert la villa d'un Romain, nommé Scorpianus ; la station du chemin de fer n'en est éloignée que de quelques pas ; les belles mosaïques de cette villa ont été transportées au Musée de Saint-Louis (Delattre, loc. cit. ; cf. dans le Cosmos du 27 janvier 1894, p. 279 ; C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 12589).

Au Bir el-Djebbana, on a trouvé aussi des épitaphes funéraires chrétiennes et un bas-relief représentant un agneau couché au pied d'arbustes (Delattre, dans le Cosmos du 19 mars 1892, p. 462).

A l'extrémité du terrain appelé Bir el-Djebbana, il existe un monticule, le Koudiat Tsalli. Le P. Delattre pense que là il y avait, peut-être, une basilique, et il remarque que Tsalli rappelle le nom de Sailli, pays d'origine des martyrs de Carthage connus sous le nom de martyrs scillitains ; on sait qu'on leur dédia une basilique hors de la ville. Quoi qu'il en soit, on a recueilli au Koudiat Tsalli des lampes et des inscriptions chrétiennes (Delattre, dans le Cosmos du 27 février 1894, p. 279).

LXVII. — En ce point, situé entre le village de La Malga et la station de Saint-Louis, on a trouvé, le 19 avril 1884, une dédicace en l'honneur de Dioclétien, par un curator de la république de Carthage nommé Caius Valerius Gallianus Honoratianus (S. Reinacii et E. Babelon, Recherches archéol. en Tunisie, p. 13 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. VI, 1886, p. 188 ; C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 12522).

LXX. Grandes citernes de La Malga. — Ces citernes se trouvent à 700 mètres au nord-ouest de Byrsa. Le village arabe qui est installé, en grande partie, dans les citernes mêmes, rappelle par son nom les anciennes magalia ou mapalia des Libyens qui venaient faire le commerce avec les premiers colons phéniciens. Les citernes, dont la construction primitive remonte probablement à l'époque punique, furent réparées et en grande partie reconstruites sous la domination romaine. Au temps du géographe arabe Edrisi, elles comprenaient vingt-quatre réservoirs parallèles, surmontés d'une voûte en plein cintre, et mesurant chacun 100 mètres de long sur 22 de large ; on en compte encore quatorze aujourd'hui (Edrisi, Géographie, trad. A. Jaubert, dans le Nouveau Journal Asiatique, t. I, 1828, p. 375 ; Dureau de la Malle, Recherche, pp. 79 et suiv., V. Guérin, Voyage, t. I, p. 41 ; E. de Sainte-Marie, Mission, pp. 180-184 ; Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 591 à 597 ; Perrot et Chipiez, Hist. de l'art dans l'antiquité, t. III, p. 360 et suiv.).

LXXI. Koudiat Soussou. — A l'est des grandes citernes, se voit un monticule élevé, de forme arrondie, connu sous le nom de Koudiat Soussou. En y faisant pratiquer des sondages, le P. Delattre y a découvert des débris de poterie, des statuettes en terre cuite, de nombreuses lampes païennes et surtout chrétiennes (Delattre, dans le Cosmos du 7 décembre 1889, p. 19). C'est près de ce monticule qu'on doit chercher, croit-il, la propriété du procurateur Macrobius Candidianus, dans laquelle fut enterré le corps de saint Cyprien, et où, plus tard, fut érigée une basilique en son honneur. En effet, les Actes des Martyrs nous disent que le corps du saint fut déposé dans la villa de Macrobe située près des citernes, juxta piscinas, sur une colline et près de la voie des Mappalia. C'est dans les environs des citernes qu'on retrouve les inscriptions chrétiennes les plus anciennes. Des feuilles au Koudiat Soussou, par M. de Sainte-Marie et le P. Delattre, n'ont pourtant abouti à aucun résultat important (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, pp. 35-36).

LXXII et LXXIII. — L'aqueduc du Zaghouan à Carthage. — Cet aqueduc amenait à Carthage les eaux des sources du Djebel Zaghouan (mons Zeugitanus) et du Djouggar (Zucchara). Le Zaghouan a une élévation de 1.343 mètres ; de son sommet, qui est le plus élevé de la Zeugitane, on peut apercevoir, à la fois, Sousse (Hadrumète) et Tunis ; sur son flanc, on voit les ruines imposantes du Nymphæum qui formait le bassin des eaux amenées à Carthage. L'aqueduc, qui a peut-être existé dès l'époque punique, mais qui, sous sa forme actuelle dans tout son parcours, ne remonte que jusqu'à l'époque romaine, avait intérieurement une largeur de 0m,80, et ses pieds-droits une hauteur de 1m,50 ; il était recouvert par une voûte en plein cintre, percée, de 40 mètres en 40 mètres, par des ouvertures formant regards ; sa longueur totale était de 61 milles romains, soit 90 kilom. 431 mètres. Dans la plaine de la Manouba les arcades de l'aqueduc ont encore une hauteur de 15 mètres au-dessus du sol. Après avoir traversé l'isthme qui rattache Carthage au continent, l'aqueduc, dont les arcades gigantesques dominent la plaine, passe immédiatement au nord des citernes de La Malga, et descend, du nord au sud, vers ces citernes qu'il limite au sud-est. Là il se ramifie en plusieurs branchements ; l'un de ces branchements devait alimenter l'amphithéâtre du n° LXIII.

Cet aqueduc, qui déversait à Carthage trente-deux millions de litres d'eau par jour, a été construit ou reconstruit vers 136 de J.-C., sous le règne d'Hadrien, et il semble avoir été restauré une première fois sous Septime Sévère (193-211). Il subit des détériorations graves lors du siège de Carthage par les Vandales de Genséric, en 439, mais il fut restauré par Bélisaire, en 534. Détruit en partie, une seconde fois, en 698, lors de la prise de Carthage par les Sarrasins, l'aqueduc cessa d'être utilisé, mais quelques années plus tard (vers 700), les khalifes Fatimites le rétablirent ; cette restauration porta principalement sur les arcades qui traversaient la plaine de la Manouba.

Enfin, vers 1574, époque à laquelle cessa la domination espagnole pour faire place à la domination turque, l'aqueduc de Carthage fut une dernière fois détruit, et les eaux du Zaghouan et du Djouggar, détournées de leurs sources, servirent à l'irrigation des jardins et des plantations voisines de ces montagnes.

En 1859, sous le règne de Mohammed Bey, un ingénieur français, M. Cohn, entreprit une restauration partielle de l'ancien aqueduc. Elle fut continuée et achevée par M. Ph. Caillat en 1873 ; enfin M. Jean Vernaz, en 1887, a été chargé d'en étudier les diverses ramifications, sur le sol même de l'ancienne Carthage, afin de remettre ces canaux secondaires en état d'être utilisés de nouveau (Ph. Caillat, Notice sur l'ancien aqueduc de Carthage et sa restauration, Paris, 1873 ; E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, pp. 193 à 202 ; J. Vernaz, dans la Revue archéologique, 3° série, t. X, 1887, pp. 12 à 23).

LXXIV. A une vingtaine de mètres de l'angle légèrement obtus que forme l'aqueduc, au nord des citernes de La Malga, M. Vernaz a découvert l'orifice d'un branchement souterrain conduisant dans la direction de l'Est. Auprès de cet orifice se trouvait un système de portes et de vannes permettant de régler, suivant les besoins, l'admission de l'eau dans l'aqueduc principal et dans l'aqueduc souterrain. Du point de branchement, l'aqueduc souterrain traverse la chaîne des hauteurs situées au nord de Byrsa, et débouche au pied de la colline de Junon, après un parcours en souterrain de 788 mètres. La largeur de cet aqueduc rectiligne varie de 0m,50 à 0m,65, avec une hauteur sur l'axe allant de 1m,60 à 1m,80. Sur cet aqueduc étaient greffés les branchements secondaires. A l'angle Est de la base même de la colline de Junon, le radier du g rand canal effleure le sol, et l'aqueduc disparaît, sans qu'on puisse savoir si, continuant à ciel ouvert, il allait à gauche regagner les grandes citernes de Bordj-Djedid (n° CI), ou s'il atteignait directement les Thermes publics du quartier de Dermèche (n° XCIX), ou s'il alimentait d'eau simplement les parties basses de la ville (Vernaz, dans la Revue archéologique, 3e série, t. X, 4887, pp. 12 à 23 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. VII, 1887, p. 80).

LXXVIII. En cet endroit, appelé Ard-Souiria, à 27 mètres du coude que forme l'aqueduc du Zaghouan pour gagner les citernes, on voyait, naguère encore, les ruines d'une tour de 29 mètres de diamètre. D'après Beulé, elle était revêtue intérieurement d'une mosaïque blanche appliquée en opus reticulatum. On a trouvé un fragment d'inscription à la base de cette tour aujourd'hui détruite (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 48 ; V. Guérin, Voyage archéolog., t. I, p. 41 ; E. de Sainte-Marie, Mission, p. 217 ; Delattre, Inscriptions trouvées de 1886 à 1888 et communiquées à l'Académie d'Hippone, p. 13 ; le même, dans les Mélanges d'archéol. de l'École française de Rome, t. XII, 1892, p. 259).

LXXIX. Saniat el-Khodja. — Sur ce terrain, aujourd'hui planté de vignes, près de la route qui va de La Malga à La Marsa, on a trouvé des épitaphes funéraires chrétiennes et celle de Fortunatus procurator fundi Benbennensis (Delattre, dans le Cosmos du 19 mars 1892, p. 461, et du 28 janvier 1894, p. 280 ; le même, dans les Comptes rendus du Congrès scientifique des Catholiques, p. 14, n° 17 ; le même, dans les Mémoires de la Société archéologique de Constantine, 1894, p. 177).

LXXX. — En ce point, comme sur une ligne qui passe par nos n° LXXII, LXXX, CV, CVIII, nous avons indiqué des traces de murailles, d'après la carte levée sur le terrain par le colonel Perrier, pour le Corpus inscriptionum semiticarum (t. I, p. 243). C'était le rempart qui séparait le faubourg de Megara (La Marsa) de la cité proprement dite.

Au point qui se trouve le plus rapproché des ruines de la basilique de Damons el-Karita, on voyait naguère les substructions d'une ancienne porte de ville, et cet endroit est encore appelé par les Arabes, Kab er-Rih' la porte du vent. Dans le voisinage de cette porte, on a trouvé de nombreuses inscriptions funéraires chrétiennes, comme autour de la basilique de Damous el-Karita. Le long de cette ligne de remparts, qui porte, sur la carte de Falbe, les nos 80, 81 et 82, cet auteur signale des ruines qui indiquent de vastes constructions et qui bordent la Carthage des Vandales (Falbe, Recherches sur l'emplacement de Carthage, p. 10 ; Lavigerie, De l'utilité d'une mission archéol., p. 49 ; Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 805).

LXXXIV et LXXXV. Colline dite de Junon. — Cette colline est située au nord-est de celle de Saint-Louis et un peu moins élevée que cette dernière. Le P. Delattre y a fait pratiquer des fouilles intéressantes que nous allons analyser sommairement.

A. — Dans une double tranchée en croix, sur le plateau supérieur de la colline, on a déblayé :

1° Une construction en forme d'abside, de 13m,50 de diamètre, dans laquelle se trouvait une colonne en marbre, un chapiteau corinthien et un cadran solaire ;

2° Plusieurs citernes voûtées et contiguës ; on en a retiré trois têtes de marbre, des lampes et des poteries chrétiennes ;

3° A peu de profondeur, 7 mosaïques romaines ;

4° Quelques tombeaux postérieurs à la dernière destruction de Carthage ;

5° Dans un puits de 8m,50 de profondeur, un 'masque égyptien en terre cuite et un scarabée au nom de Thoutmès III.

B. — Dans trois grands puits carrés, creusés à 15 mètres de l'arête qui regarde la mer, on trouva, à des profondeurs variant entre 7 et 13 mètres, des tombeaux puniques analogues à ceux de Byrsa. Les chambres sépulcrales, formées de pierres de grandes dimensions, renfermaient, avec les squelettes, le mobilier ordinaire des tombes puniques : vases, lampes, statuettes en terre cuite, bijoux, pierres gravées. Il faut signaler particulièrement un fragment d'une poutre en cèdre, un anneau en électrum, aux emblèmes de Tanit et de Baal Ammon, des moitiés d'œufs d'autruche couverts de peintures, des poteries grecques, des scarabées égyptiens et des monnaies puniques. Dans la même couche du sol, on a recueilli plusieurs milliers de balles de fronde en terre cuite.

C. — Une excavation pratiquée dans le flanc de la colline qui regarde Saint-Louis, a fait découvrir une mosaïque de très grandes dimensions (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, p. 315 et suiv. ; le même, dans le Cosmos du 28 janvier 1888, p. 243 ; du 26 octobre 1889, p. 358 ; du 5 mars 1832, p. 395 ; du 13 janvier 1894, p. 211 ; le même dans les Mélanges de l'École française de Rome, t. XII, p. 343 ; Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 591 et 653 et t. II, p. 802).

Quelques bas-reliefs, des têtes et des débris de statues, des fragments de textes funéraires, des amphores, de nombreuses marques de potier, des monnaies, beaucoup de citernes, des mosaïques et des colonnes y représentent la période romaine. L'époque chrétienne y a laissé des épitaphes, des monnaies, des briques, des lampes et des vases ornés de symboles.

Sur le sommet de la colline, couronné aujourd'hui par la vaste maison des Sœurs de Notre-Dame des Missions d'Afrique, une couche de terre peu épaisse, variant de 0m,50 à 1 mètre, recouvre les mosaïques, tandis que sur les pentes, elles sont parfois ensevelies à 5 mètres de profondeur. Dans la cour du Petit Séminaire et dans le jardin du Carmel, on a exhumé divers débris d'architecture et de sculpture, des lampes et des poteries chrétiennes et païennes, des fragments d'inscriptions et de mosaïques. Dans un champ voisin du Carmel, à gauche, sur le bord du sentier qui conduit aux ruines de la basilique de Damons el-Karita et passe entre la chapelle du Carmel et la maison du sieur Nappa, on voit des citernes, dont ce dernier a fait un dépôt de paille, bien qu'elles soient incomplètement déblayées ; on y a trouvé de nombreuses lampes chrétiennes et une statuette de la déesse mère, assise, tenant un enfant sur ses genoux, et rappelant les statuettes égyptiennes qui représentent Isis allaitant Horus (Delattre, dans le Cosmos du 5 mars 1892, p. 395).

Mais au milieu de tous ces débris recueillis sur la colline dite de Junon, aucun ne parait provenir d'un temple de cette déesse. Ce n'est que par conjecture que Dureau de la Malle, Beulé, V. Guérin placent sur cette colline le temple de cette déesse, l'Astarté des Phéniciens, la Tanit des Carthaginois, la Junon céleste des Romains d'Afrique (cf. E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, p. 173). A l'époque romaine, Juno Cælestis, qu'il faut se garder de confondre avec Juno Regina qui avait son sanctuaire au Capitole avec Jupiter et Minerve, était en très grande vénération à Carthage et dans toute l'Afrique. Tertullien l'appelle pluviarum pollicitatrix, et Ulpien lui donne le surnom assez obscur de Salinensis. Une rue, qui conduisait probablement au temple, s'appelait via Cælestis (Victor de Vita, De persec. Vand., I, ch. III).

Nous savons que le temple avait 2.000 pas de circonférence et qu'il rappelait, par son isolement, le temple de Junon à Samos. Un témoin oculaire anonyme, qui assista, le jour de Pâques 399, à la consécration du temple de Cælestis au culte chrétien, nous donne de l'édifice la description suivante : Apud Africam, Carthagini Cælestis inesse ferebant templum nimis amplum, omnium deorum suorum ædibus vallatum, cujus platea lithostrata, pavimento ac pretiosis columnis et mœnibus decorata, prope in duobus fere milibus passuum protendebatur (Anonyme, dont les Œuvres sont jointes à celles de Prosper d'Aquitaine, Lib. de promissis, XXXVIII, 44 ; cf. Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 653). Ainsi, ce temple était très vaste, précédé d'une grande place revêtue de dalles de pierres, entourée de portiques, enclose de murs, et encadrée des sanctuaires de tous les dieux du pays, c'est-à-dire que sur cette cour s'ouvraient, outre le somptueux sanctuaire de la déesse, une infinité de chapelles latérales, c'est la disposition de tous les temples phéniciens. Le jour de Pâques, continue l'Anonyme, une multitude de prêtres de Carthage et de tous les points de l'Afrique s'y assembla et le saint évêque Aurelius plaça son siège à la place où était Cælestis : cathedram illic loto Cælestis et habuit et sedit.

Mais les païens, encore nombreux à Carthage à cette époque, réclamèrent leur temple, envahirent même la nouvelle église, et il s'ensuivit de graves désordres auxquels le tribun Ursus, sous le règne de Constance et Placidie, mit un terme en ordonnant que l'édifice fût rasé et l'emplacement converti en cimetière (agrum reliquit in sepulturam scilicet mortuorum) ; les Vandales, achevant l'œuvre de destruction, allèrent jusqu'à détruire la rue elle-même, pour effacer jusqu'au souvenir de Cælestis (ipsamque viam sine memoria sui nunc Vandalica mauus evertit). (Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 654 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, pp. 315 et suiv. ; le même, dans les Mélanges de l'École française de Rome, t. XII, 1892, p. 243).

C'est vraisemblablement dans l'area du temple de Junon Céleste que se trouvaient, fixées dans le sol, les stèles votives à Tanit et à Baal Ammon qu'on a retrouvées par milliers dans le quartier du Forum et au lieu dit Feddan el-Behim, c'est-à-dire dans la ville basse, arrachées à leur emplacement primitif. On n'en a recueilli aucune sur la colline dite de Junon. Ces ex-voto, enlevés lors de la démolition du temple, n'ont pas dû être transportés bien loin de leur place primitive. C'est pourquoi nous chercherions plus volontiers l'emplacement du temple de Junon Cælestis dans les terrains compris entre Byrsa et la colline de Junon d'une part, le dar Mustapha ben Ismaïl et le dar Ahmed Zarouk d'autre part. Outre les ex-voto puniques, nous avons, nous même, recueilli en cet endroit une inscription latine portant le nom TAINTIDA et un beau masque en terre cuite offrant le portrait de la déesse (S. Reinach et E. Babelon, Recherches archéologiques en Tunisie, pp. 14 et 28 et pl. I. ; C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 144494 et 13327). M. Cagnat, à propos de l'épithète de Salinensis donnée par Ulpien (Reg., 22, 6) à Junon Cælestis, observe que ce nom vient des salines du bord de la mer. Par là se trouve confirmée notre conjecture qui rapproche du voisinage de la mer le temple de la fameuse déesse. Apulée dit, en parlant de Junon Cælestis : sive celsæ Carthaginis quæ te... percolit, beatas sedes frequentas. Le mot celsa, remarque M. Cagnat, indique sans doute que le temple de la déesse était sur une hauteur (Cagnat, dans la Revue archéol., 3e série, t. XXIV, 1894, pp. 188-195) ; mais dans le quadrilatère que nous venons de délimiter, le terrain est assez élevé par rapport aux ports, pour justifier le mot celsa, sans qu'il soit nécessaire de songer à Byrsa ou à la colline voisine.

Quelle que soit l'opinion qu'on adopte, on ne saurait toutefois tenir compte de l'hypothèse de A. Castan qui a prétendu que le temple de Junon Céleste et le Capitole étaient tout un, et que l'un et l'autre occupaient le sommet de Byrsa (Comptes rendus des séances de l'Acad. des inscriptions et belles-lettres, 1885, pp. 112 et suiv.). Il est vraisemblable que le Capitole de Carthage était sur Byrsa ; il parait certain, d'autre part, que le Capitole et le temple de Céleste avaient une disposition analogue, c'est-à-dire une area entourée de portiques, avec un sanctuaire principal environné de sanctuaires secondaires. Mais cette disposition est commune à tous les temples des divinités orientales. Le Capitole de Carthage comprenait, comme tous les capitoles des colonies romaines, les sanctuaires de Jupiter, Junon et Minerve. Mais, comme nous l'avons déjà dit, la Junon des temples capitolins est Junon Regina, la déesse reine de l'Olympe gréco-romain, épouse de Jupiter ; elle n'a rien de commun avec Junon Cælestis, l'ancienne Tanit ou l'Astarté orientale qui se rapprocherait plutôt de Vénus (Aphrodite Ourania). Et ce qui prouve qu'on ne saurait confondre l'une avec l'autre les deux Junons, c'est que jamais la Junon Regina ne reçoit l'épithète de Cælestis, et que de plus, dans certaines villes africaines, comme l'a remarqué M. Cagnat, on trouve la mention des deux divinités à côté l'une de l'autre. A Dougga, par exemple, Junon Régina était honorée au Capitole et Junon Cælestis dans un sanctuaire tout à fait différent qui lui était propre (Cagnat, dans la Revue archéol., 3e série, t. XXIV, 1894, pp. 188 à 195).

LXXXVII. Bir el-Bey. — Dans le terrain qui avoisine ce puits, on a trouvé les restes d'un baptistère avec mosaïque, un bénitier orné d'une croix latine entre deux poissons et les lettres A, B, C, un début d'inscription chrétienne : Hic sunt reliquiæ... (?), enfin des colonnes et des pierres de grand appareil. Il y avait là peut-être, une basilique chrétienne (Delattre, dans le Cosmos du 19 mars 1892, p. 461).

XC. Emplacement supposé des thermes de Gargilius. — Suivant une conjecture du P. Delattre, les ruines qui s'étendent sous la maison d'été des Sœurs de Sion et sous le jardin des Carmélites, seraient les thermes Gargiliens où se tint la fameuse conférence de l'an 411, entre les évêques catholiques et les évêques donatistes. Saint Augustin (Patrol., Migne, t. XLIII, pp. 679 et 689) dit que ces thermes étaient : in urbe media in tam spatioso et lucido et refrigeranti loco. On a retrouvé, à 4m,20 de profondeur, le dallage de l'hypocauste de ces thermes ; on l'a mis à nu, sur une superficie de 16 mètres carrés ; en outre, sur un bandeau de marbre blanc, on lit les lettres APO..., dans lesquelles le P. Delattre voudrait voir le commencement du mot apodyterium, nom de la salle où les baigneurs quittaient leurs vêtements. Le canal souterrain découvert par M. Vernaz qui, du déversoir des eaux du Zaghouan, à La Malga, se dirige du côté de Bordj-Djedid, passe contre ces thermes et il servait à les alimenter (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans le Bulletin épigraphique, 1886, t. VI, pp. 81-82 ; le même, dans le Cosmos du 28 janvier 1888, p. 20 ; le même, Inscriptions de Carthage, 1889-1890, dans les Mélanges de l'École française de Rome, 1890, p. 11-12 ; le même, dans le Cosmos du 13 janvier 1894, p. 211).

XCIV. — Victor Guérin a placé en cet endroit, où l'on voit des ruines, le temple de Saturne, et nous ne sommes pas éloigné d'adopter cette hypothèse, malgré l'avis con traire d'autres archéologues (Victor Guérin, Voyage archéol., t. I, p. 60 ; E. de Sainte-Marie, Mission, p. 175). En effet, nous savons par les Actes du martyre de saint Cyprien, que le temple de Saturne se trouvait situé à proximité du temple de Junon Céleste, et entre ce dernier et celui d'Esculape. Saint Cyprien passa la dernière nuit de sa vie, in vico Saturni, chez le strator du proconsul Galerius Maximus : in hospitio ejus, cum eo, in vico qui Saturni dicitur, inter Veneriam et Salutariam mansit. D'autre part, et ceci vient à l'appui du texte que nous venons d'invoquer, Saturne était l'ancien Baal Ammon ou Moloch, des Carthaginois, et les stèles votives puniques associent constamment le nom de ce dieu à celui de Tanit, de sorte qu'il est certain que les temples de ces divinités parèdres se trouvaient voisins. Or, nous avons vu qu'il y a de sérieuses raisons pour placer le sanctuaire de Tanit dans les terrains mamelonnés qui s'étendent au sud-est de Byrsa : c'est là aussi, par conséquent, qu'on doit chercher l'emplacement du temple de Saturne.

XCV à CII. Quartier de Dermèche. — Ce quartier doit son nom à d'anciens thermes romains dont nous parlerons tout à l'heure ; Thermis ou Thermas a passé dans la langue arabe sous la forme Dermèche (Delattre, dans le Cosmos du 11 février 1888, p. 294). Le quartier de Dermèche est peut-être celui de Carthage où l'on rencontre le plus d'antiquités de tous les âges. Des tombeaux, des citernes, des stèles et des poteries y représentent l'époque punique. Des mosaïques, des débris de bas-reliefs et de statues, des portions de textes lapidaires, quelques cadrans solaires appartiennent à la période romaine. On y trouve des lampes de toutes les époques. Il y en a de phéniciennes, de grecques, de romaines, de juives et surtout de chrétiennes. Il en est de même des monnaies : on en rencontre des puniques, des romaines, des vandales et des byzantines (Delattre, Inscript. de Carthage, dans le Bulletin épigraphique, L. IV, 1884, p. 106 et t. VI, 1886, pp. 8i et suiv.).

Parmi les inscriptions les plus intéressantes trouvées dans le quartier de Dermèche, nous citerons le fragment d'une dédicace à l'empereur Valentinien (Delattre, Inscript. trouvées de 1886 à 1888 et communiquées à l'Acad. d'Hippone, p. 11, n° 40) ; l'épitaphe funéraire de Q. Domitius Juventus, soldat de la première cohorte urbaine (Delattre, dans le Cosmos du 12 mars 1892, p. 428). A signaler aussi un vase liturgique ayant servi dans l'administration du baptême (Delattre, dans le Cosmos du 24 mars 1888, p. 463), et enfin, plusieurs centaines de pastilles ou de macarons en terre cuite portant l'empreinte de gemmes gravées. Les sujets gravés sont de style égyptien, ou de style grec de la bonne époque ; on y reconnaît Isis, Horus, l'uræus égyptien, des hiéroglyphes égyptiens, Pan, Minerve, Mercure, Achille et Penthésilée, des athlètes, des têtes de divinités ou des portraits d'hommes, etc. Ces curieuses empreintes en terre glaise ont été cuites par l'incendie de Carthage, en 146 avant J.-C. ; on les a recueillies dans les cendres de la ville punique (Delattre, dans le Cosmos du 13 janvier 1891, pp. 213-215).

XCV à XCVII. Le Serapeum et ses environs. — Près du jardin de la maison de Si Ahmed Zarouk, M. de Sainte-Marie a trouvé une statue colossale en marbre de l'impératrice Sabine (au Musée du Louvre), des inscriptions votives à Jupiter Sérapis, en grec et en latin (E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, pp. 20 et 114, et C. I. L., t. VIII, 1re partie, p. 134, et Suppl., n° 12492). On a aussi découvert, au même endroit, une tête colossale de ce dieu, un cynocéphale mutilé sur la poitrine duquel était gravée une dédicace à Sérapis. Le temple de Sérapis, dont l'emplacement est ainsi désigné par ces trouvailles au n° XCVII, était vraisemblablement le centre du vicus Isidis signalé par Tertullien, De Idololat., XX. Comparez Tacite qui, parlant de Rhacotis, dit : fuerat illic sacellum Serapidi algue Isidi antiquitus sacratum (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, pp. 107 et suiv. ; le même, dans le Cosmos du 11 février, 188i, pp. 294-295).

XCIX. Ruines des Thermes d'Antonin. — Ces ruines sont encore imposantes par leur masse, bien qu'elles ne présentent plus que l'aspect de gigantesques éboulis en blocage. Il parait que, naguère encore, on voyait là de superbes colonnes. Les Arabes de Carthage, nous dit le P. Delattre, se rappellent en avoir vu un grand nombre encore debout. Ils se souviennent aussi des fouilles de sir Thomas Read quia fait transporter en Angleterre les colonnes de marbre veiné qu'il a trouvées. On venait exprès de Tunis pour assister à l'embarquement de ces colonnes qui, portées sur des chalands, étaient ensuite chargées sur des vaisseaux de guerre mouillés vis-à-vis de Carthage (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, p. 107).

Voici comment, au XIe siècle de notre ère, un géographe arabe, El-Rekri, décrit les ruines des Thermes d'Antonin : Le château, nommé Dermèche, est à plusieurs étages appuyés sur des colonnes de marbre d'une grosseur et d'une hauteur énormes. Sur le chapiteau d'une de ces colonnes, douze hommes pourraient s'asseoir les jambes croisées, et avoir au milieu d'eux une table pour y manger et pour y boire. Elles sont cannelées, blanches comme la neige et brillantes comme du cristal ; quelques-unes restent encore debout, les autres sont tombées à terre (El-Bekri, trad. de Slane, dans le Journal Asiatique, décembre 1858, p. 521).

On a donné successivement, par conjecture, des noms différents à ces ruines imposantes : thermes Gargiliens, gymnase, thermes ou basilique de Thrasamond, etc. (V. Guérin, Voyage, t. I. p. 63), jusqu'à ce qu'une inscription récente, découverte dans les ruines mêmes par M. Vernaz et portant le mot THERMIS avec le nom de l'empereur Antonin le Pieux, soit venue nous fixer sur la véritable destination du monument primitif (Bulletin des Antiquités africaines, 1885, p. 245 ; Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 799 ; J. Vernaz, dans la Revue archéologique, 2e série, t. X, 1887, p. 173).

CI. Citernes de Bordj-Djedid. — Ces citernes, construites ou réparées de fond en comble sous le règne d'Hadrien, sont un des monuments les plus remarquables qu'on puisse visiter sur le sol de Carthage. Elles se composent de dix-huit grands réservoirs voûtés et parallèles, larges de 7m,50, et profonds de 9 mètres, depuis le sommet de la voûte qui est percée d'un orifice circulaire. En outre, deux bassins latéraux, larges de 2m,50 et longs de 145 mètres, s'ouvrent sur chacun des réservoirs, de même que six chambres circulaires à coupoles, qui servaient de filtres. En les vidant pour les utiliser de nouveau et les faire servir à l'alimentation de la région, on y a découvert des lampes chrétiennes, des seaux en bronze, un pied et un bras d'une statue colossale en marbre (le bras a 1m,68 de tour), une inscription en l'honneur de Septime Sévère. En novembre 1888, on a retiré du béton formant le radier du neuvième réservoir, au cours des travaux de restauration, une brique romaine avec marque de fabrique. Tout le radier étant formé d'un béton uniforme, ajoute le P. Delattre, cette brique fournit la preuve de l'origine romaine et non punique de ces vastes citernes. Sous le fortin turc voisin des citernes et converti récemment en batterie, on a découvert un autre groupe de citernes formé de réservoirs analogues à ceux que nous venons de décrire. Les citernes de Bordj-Djedid sont signalées, comme il suit, au XIe siècle par El-Bekri : Une grande voûte, dont l'extrémité échappe aux regards, renferme sept vastes réservoirs nommés Mouidjel-es cheïatin, les citernes des démons ; ils contiennent une eau très ancienne qui y est restée de temps immémorial. Dans le voisinage du château de Dermèche, est une prison obscure formée de voûtes posées les unes sur les autres et dont l'entrée inspire l'effroi. On y trouve des cadavres qui conservent encore leur forme primitive, mais qui tombent en poussière aussitôt qu'on les touche. (El-Bekri, trad. de Slane, Journal Asiatique, déc. 1858, p. 522. Cf. Perrot et Chipiez, Hist. de l'art dans l'antiquité, t. III, p. 360 et suiv. ; Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 597 et 647 ; Delattre, dans les Mélanges de l'École française de Rome, 1891, p. 6 du tirage à part ; le même, dans le Cosmos du 11 février 1888, p. 294, et du 20 janvier 1894, p. 245 ; le même dans les Mémoires de la Société archéol. de Constantine, 1894, p. 167).

Les aqueducs voisins des citernes de Bordj-Djedid. — Autour des citernes de Bordj Djedid, M. Vernaz a découvert une canalisation compliquée de neuf branchements particuliers ; ils sont situés, partie à l'est, partie à l'ouest des citernes. En déblayant celui de ces branchements, long de 270 mètres, qui desservait les thermes d'Antonin, on a trouvé une nécropole punique dont nous allons parler tout à l'heure, et quatre tombes chrétiennes.

Dans l'angle sud-ouest des citernes, M. Vernaz a découvert l'orifice d'un nouvel aqueduc dallé et non voûté, placé à peu près sur l'axe de la galerie qui longe les citernes, à l'ouest ; il débouche dans la troisième citerne, dont il paraît avoir été chargé de conduire les eaux vers un édifice situé à faible distance, dans la direction de Byrsa (Vernaz, dans la Revue archéol., 3e sér., t. X, 1887, p. 23 à 27). Au-dessus des grandes citernes, il existe une construction, aujourd'hui souterraine, connue des Arabes sous le nom de Koubba bent el-ré, et à laquelle des archéologues ont donné l'appellation pompeuse de Bains de Didon. Au commencement de ce siècle, d'après Thomas Maggil, on voyait encore des peintures sur les murs de l'une des chambres (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, p. 108 ; C. I. L., VIII, Suppl., n° 12578).

La découverte la plus intéressante qu'ait faite M. Vernaz, auprès des citernes de Bordj-Djedid, est celle d'une vaste nécropole punique, antérieure, semble-t-il, à celles de Byrsa et de la colline de Junon. Au sommet de la colline de Bordj-Djedid, à la profondeur de 10 mètres, on a trouvé le rocher percé de puits aboutissant à des chambres funéraires puniques. A 14 mètres de profondeur, l'un de ces caveaux, creusé dans le roc, était encore rempli des ossements et du mobilier funéraire. Entre autres objets précieux, on a recueilli dans cette nécropole un bandeau d'or large de 17 millimètres disposé encercle mesurant 95 millimètres de diamètre. Le pourtour est orné de parties saillantes qui ont renfermé des pierres précieuses, les unes de forme rectangulaire, les autres de forme oblongue. Le bord supérieur du bandeau est muni de trois petits anneaux d'or (Delattre, dans le Cosmos du 20 janvier 1891, pp. 245-246 ; le même, dans les Mémoires de la Société arch. de Constantine, 1891, pp. 167-168).

En déblayant l'aqueduc de 270 mètres qui, de l'angle sud-est des citernes, va rejoindre les thermes d'Antonin, M. Vernaz a découvert encore de nombreux tombeaux taillés dans le grès tendre, sans maçonnerie, et se rapportant à deux types généraux : Les uns forment de petites chambres rectangulaires, où l'on ne peut accéder que par une ouverture percée dans l'un des petits côtés et fermée par une dalle placée verticalement ; les autres, semblables aux auges funéraires dont parle Daux, sont recouverts de grandes dalles posées à plat. Ces dalles, surtout celles qui sont placées verticalement, ont des dimensions parfois considérables ; elles atteignent 2 mètres de hauteur, 1 mètre de largeur et 0m,50 d'épaisseur. Elles proviennent, sans aucun doute, des latomies d'El-Aouaria ou des carrières voisines de la presqu'île du cap Bon, qui fournissent seules des matériaux de cette nature ; et l'on se demande au prix de quels efforts, des blocs du poids de plusieurs tonnes, ont pu être transportés et mis en place avec lès moyens primitifs dont disposaient les colons phéniciens. Des puits rectangulaires, taillés eux-mêmes dans la roche, et dont la profondeur atteint jusqu'à 4 mètres, donnent accès à ces caveaux funéraires. C'est au fond de ces puits que se trouvent les grandes dalles qui recouvrent les tombeaux ou qui ferment les ouvertures.

Dans ces tombeaux, Vernaz a recueilli des vases phéniciens et d'autres en plus petit nombre, de fabrication grecque, une lance, un vase en bronze, des fragments d'œufs d'autruche décorés de peintures triangulaires au vermillon ; une stèle plate avec l'image de Tanit, en relief ; elle lève la main droite et relève de la main gauche les plis de sa tunique.

Les nécropoles de la Phénicie ont offert des tombeaux analogues à ceux-ci (Vernaz, dans la Revue archéol., 3e série, t. X, 1887, pp. 151 à 159).

A proximité de cette nécropole, le P. Delattre en a découvert une autre dont il poursuit présentement l'exploration avec autant d'intelligence que de bonheur. Tout, dans ces tombes curieuses, nous prouve que la Carthage antérieure aux guerres puniques n'était que le prolongement de la civilisation phénicienne et cypriote du côté de l'Occident. Ces sépultures sont, en effet, pareilles à celles de la côte de Phénicie, et elles renferment des objets identiques : grains de colliers et de pectoraux, par milliers, pareils à ceux des Égyptiens ; cylindres creux en argent, scarabées montés en bagues ; bracelets en argent avec un décor de fleurons identique aux motifs préférés de l'art cypriote ; masques funéraires en terre cuite, modelés sur la figure du défunt ; statuettes en terre cuite ; fibules, chaînettes et autres menus objets en bronze ; objets en verroterie égyptienne représentant des chiens, des oiseaux et d'autres animaux, des divinités telles qu'Isis, Osiris, Phtah, Bès, parfois accompagnés de caractères hiéroglyphiques. A côté de l'influence égyptienne et cypriote, on trouve aussi l'art indigène dans Divers monuments : une inscription phénicienne qui, selon M. Philippe Berger, remonte jusqu'au VIe siècle, nous donne le nom d'une divinité hermaphrodite appelée Astarté-Pygmalion. On y a également recueilli des monuments de provenance grecque et rhodienne, entres autres, des vases peints, parmi lesquels il en est un sur lequel sont figurés Achille et Troïlos (Delattre, Les tombeaux puniques de Carthage, 1890, p. 83 et suiv. ; le même, dans le Cosmos du 27 janvier 1894, pp. 244 et suiv. ; le même, dans les Comptes rendus de l'Acad. des inscript. et belles-lettres, 1893, pp. 394-397 ; A. Héron de Villefosse et Ph. Berger, ibid. Année 1894 : pp. 405 à 406 ; 426 à 427 ; 432 à 410 ; 445 à 453. Année 1835, p. 61 ; voyez aussi séances des 7 et 14 février 1896).

CIV. Plateau de l'Odéon. — On a découvert, sur le point le plus élevée de ce plateau des restes de constructions importantes et des murs de diverses époques (Delattre, dans le Cosmos du 20 janvier 1894, p. 247). Il y eut, là aussi, une nécropole punique (Delattre, Les tombeaux puniques de Carthage, 1890, pp. 81 à 83).

Il y a quelques années, on y remarquait encore les ruines importantes d'un édifice circulaire qu'on a appelé temple de Saturne ou temple de Cérès ou Proserpine ; Falbe en avait dégagé la partie centrale, et Davis, tout le pourtour. Le centre de cette singulière construction, dit Tissot, est une rotonde dont la voûte, complètement effondrée, était soutenue par douze piliers massifs, épais de 3m,46 et séparés par un intervalle régulier de 1m,37. Cette salle circulaire est entourée de trois anneaux concentriques formés de douze piliers correspondant à ceux de la rotonde centrale et également séparés par autant de couloirs. L'épaisseur des piliers est de 1m,22 au premier anneau, de 1m,83 au second, et de 3m,66 au troisième. Les trois galeries ont 4m,89, 5m,48 et 6m,92 de largeur. L'ensemble de l'édifice, en d'autres termes, se compose d'une rotonde centrale entourée de trois galeries concentriques et communiquant avec l'extérieur par les douze avenues que forment les piliers des quatre enceintes circulaires (Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 656 ; cf. E. de Sainte-Marie, Mission, p. 176 ; N. Davis, Carthage and her remains (1861), p. 175).

On pense à présent, mais sans preuve décisive, que ces ruines étaient celles de l'Odéon qui fut construit sous le proconsulat de Vigellius Saturninus (180-183 après J.-C.), et où l'on célébrait les jeux Pythiques. Tertullien parle de l'Odéon en ces termes : Sed et proxime in ista civitate quum Odei fundamenta tot veterum sepulturarum sacrilega collocarentur ; quingentorum fere annorum ossa adhuc succida et capillos olentes populus exhorruit (Tertullien, Scorpiace, ch. XXXII ; cf. Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 654). Ainsi, Tertullien constate qu'en creusant les fondations de l'Odéon on trouva d'antiques sépultures puniques. Or, les fouilles du P. Delattre ont mis au jour, comme à Byrsa et sur la colline de Junon, de nouveaux tombeaux de l'époque punique, circonstance qui confirme l'hypothèse d'après laquelle le monument circulaire qui couronnait la colline est l'Odéon (Delattre, Inscriptions de Carthage, dans le Bulletin épigraphique, t. VI, 1886, p. 83 et suiv.). C'est dans le quartier de l'Odéon que fut découvert un important fragment d'inscription punique qui mentionne les redevances dues aux prêtres pour différentes sortes de sacrifices (Corpus inscr. semiticarum, t. I, n° 169, p. 257).

CV. Damous El-Karita. — Tel est le nom du champ dans lequel le P. Delattre a découvert les restes d'une vaste basilique chrétienne. D'après le plan publié par le savant missionnaire, l'édifice se composait de trois parties :

1° Au milieu, la basilique proprement dite ;

2° A gauche, l'atrium demi-circulaire, avec son trichorum et son nymphæum ;

3° A droite, une seconde basilique contiguë à la première et renfermant le baptistère.

I. La basilique. — Elle est rectangulaire avec absides, et mesure 65 mètres de long et 45 mètres de large. Il y a neuf nefs, séparées par huit rangées de piliers près desquels ont été retrouvées les colonnes et chapiteaux. La nef centrale avait une largeur de 12m,80. A l'extrémité sud de la grande nef, une abside ; à l'extrémité est du transept, une autre abside. La première était pavée d'une mosaïque ; la seconde était fermée par un iconostase composé de quatre colonnes, taillées chacune avec son stylobate et son chapiteau dans un monolithe de marbre gris. Le chancel de cet iconostase était formé de panneaux de marbre blanc, ornés, d'un côté, d'une croix latine pattée, avec double tige sortant du pied, et de l'autre, qui regardait l'abside, d'un monogramme du Christ (I et X) dont l'ensemble limite une rosace à six cœurs. Sous l'abside, une série de tombes parallèles.

En avant de l'iconostase, une crypte contre laquelle on a adossé, à une époque postérieure, une abside bâtie avec de mauvais matériaux.

Au point de rencontre de la grande nef et du transept, c'est-à-dire au point central de la basilique, les quatre bases et les autres éléments du ciborium qui abritait l'autel. Les colonnes étaient de beau marbre vert ; leur base et leur chapiteau étaient de marbre blanc.

En entrant par la porte latérale de l'ouest, on a, à droite, les restes d'un trichorum ou triforium bâti sur un columbarium païen, dont on a trouvé en place les urnes funéraires et les ossements calcinés.

Plus de cent colonnes en granit ou en marbre soutenaient le toit de l'édifice.

Dans l'intérieur de la basilique, plusieurs réservoirs souterrains, servant de caveaux funéraires ; il y avait aussi des citernes romaines antérieures à la construction de la basilique.

Outre la porte latérale de l'ouest et les issues communiquant, du côté opposé, avec les bâtiments adjacents, on avait surtout accès dans la basilique par la façade. Il y avait là une ou trois portes s'ouvrant sur la cour semi-circulaire ou atrium.

II. L'atrium. — L'area ou atrium semi-circulaire était à ciel ouvert, entouré d'une galerie couverte formée par des colonnes. Au point saillant de sa courbe, c'est-à-dire vis-à-vis de la porte centrale de la basilique, l'area donne accès dans un trichorum dont la voûte était revêtue de mosaïques de diverses couleurs, et dont chaque absidiole renfermait une tombe. Celle du milieu laisse encore voir la place d'un sarcophage à strigiles. Il y avait là une mensa martyrum. Sur l'enduit intérieur des murs, des traces de graffiti ; auprès de la mensa, des tombes à plusieurs étages.

Au milieu de l'atrium, on a mis à jour la base octogonale d'un nymphæum entouré d'un cancel. L'atrium communiquait avec l'extérieur, au nord-ouest, par un corridor dans lequel on a trouvé cette inscription : (intro)ITVS ADITVS AD SACR....

III. Le baptistère. — Le baptistère formait une seconde basilique contiguë à la basilique principale, mais plus petite. Au centre, se voit le baptistère de forme hexagonale, avec trois degrés sur deux de ses côtés.

Cette basilique communique directement avec plusieurs chambres qui ont dé servir de vestiaires. Mais la petite chapelle située à l'angle sud-ouest a une abside, deux niches et deux armoires à droite et à gauche : c'était l'endroit où l'on conservait les saintes huiles, ainsi que les vases et les linges liturgiques nécessaires pour l'administration du baptême.

Au sud-est, constructions non encore déblayées, qui étaient la demeure de l'évêque et de son clergé.

Dans les ruines de cet édifice, on a recueilli plus de quatorze Aline inscriptions funéraires chrétiennes, des centaines de bas-reliefs provenant, pour la plupart, de sarcophages et représentant, entre autres sujets, Adam et Ève, le Bon Pasteur, le miracle de la multiplication des pains, saint Pierre et le coq, la Vierge présentant l'Enfant Jésus à l'adoration des Mages, l'Ange annonçant aux bergers la naissance du Sauveur.

L'étendue de la basilique de Damous el-Karita, l'importance de ses ruines portent le P. Delattre à penser qu'il a retrouvé la Basilica major, dans laquelle furent inhumées les saintes Perpétue et Félicité[1] (Delattre, dans le Cosmos du 14 janvier 1888, p. 185 ; du 19 mars 1892, p. 463 ; du 27 janvier 1894, p.276, et du 3 février 1894, p. 306 ; C. I. L., VIII, Suppl., pp. 1285 et suiv. ; le même, dans le Bulletin archéol. du Comité, 1886, pp. 220 à 237).

Le cimetière catholique moderne est installé à l'extrémité nord-est des ruines de la grande basilique de Damons el-Karita, et l'on y trouve souvent des inscriptions funéraires. Le 29 juillet 1840, mourait le P. Maurel, le premier missionnaire prêtre décédé à Carthage. En creusant sa tombe, on exhuma un marbre sur lequel était gravé le monogramme du Christ (X et P) avec la formule IN PACE (Delattre, dans le Cosmos du 26 mars 1892, p. 494).

CVI. — Non loin de la maison de feu le général Baccouche, on a trouvé, vers 1874, une grande mosaïque représentant l'apprêt d'un festin. On y voit des serviteurs succincti (c'est-à-dire dont le costume sommaire est retroussé sur les reins), qui portent des plats, des paniers, des gâteaux, des flacons, un réchaud, etc. Elle était probablement sur l'emplacement du triclinium d'une riche villa romaine du Ier ou du IIe siècle de notre ère (S. Reinach, dans le Bulletin archéol. du Comité, 1889, pp. 356 et suiv.).

Près de la même maison, on a trouvé aussi plusieurs inscriptions funéraires, dont une chrétienne en grec (Delattre, dans le Bulletin trimestriel des Antiquités africaines, t. III 1885, p. 251), et un sarcophage païen (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, p. 26).

CVIII. — Sur le plateau situé à l'est, au-dessus des grandes citernes, vers le fort, on a découvert deux salles pavées de belles mosaïques. L'une représente des chasseurs, à pied et à cheval, accompagnés de leurs chiens et poursuivant des taureaux, des sangliers, des tigres et des lions ; l'autre représente Cérès entourée de fleurs et d'oiseaux (Delattre, dans le Cosmos du 11 février 1888, pp. 294-295).

Une autre mosaïque a également été découverte auprès de Bordj-Djedid : elle représente les figures allégoriques des douze mois de l'année et les quatre saisons. Les mois sont disposés en cercle autour d'un personnage central, et les quatre saisons occupent les angles de la mosaïque ; les noms sont inscrits au-dessus des personnages. Février porte deux canards, Mai une corbeille de fruits, Juin un aigle, Septembre des fleurs, Octobre un lièvre, Novembre des fruits, Décembre des colombes. L'Hiver plante un arbre, l'Été tient des oranges, le Printemps des fleurs (Delattre, dans le Cosmos du 7 décembre 1889, p. 21 ; C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 12588).

CIX. Fort de Bordj-Djedid. En 1893, en établissant sur cet ancien fortin turc, les plates-formes d'une batterie, le service de l'artillerie a mis au jour des tombeaux de l'époque punique, creusés dans le grès, et auxquels donnaient accès des puits de 4 à 5 mètres de profondeur (Bull. archéol. du Comité, 1894, pp. 281 à 285).

Près de Bordj-Djedid, dans un terrain appelé Ard-el-Koubba, on a découvert une crypte à coupole centrale, entourée d'une galerie circulaire (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, p. 108 ; E. de Sainte-Marie, Mission, p. 37).

CX. Ruines de l'escalier de la Platea nova. — Victor de Vita nous apprend qu'il y avait à Carthage une Place neuve avec un escalier qui y donnait accès : platea nova cum gradibus in media civitate (De persec. Vandal., p. 35, édit. 1535). Au moment de l'occupation de la Tunisie par la France, on admirait encore cet escalier gigantesque dont il ne subsiste .plus guère que les rampes. Je l'ai vu détruire, en 1884, par des chercheurs de pierres ; le P. Delattre dit, de son côté, que des ouvriers italiens ont extrait plus de 100 mètres cubes de morceaux de marbre cipolin provenant de cet escalier (Delattre, Bulletin épigraphique, t. VI, 1886, p. 86).

Beulé, qui a pu voir cet escalier encore en place, en parle avec un véritable enthousiasme : Rien n'était plus magnifique : du rivage on montait par cent vingt ou cent trente marches à la Place neuve. Celte place dominait la mer ; on y jouissait d'une vue admirable, et, si le spectateur se tournait vers la droite, il embrassait du regard toute la ville de Carthage avec ses ports, son forum, ses temples, son acropole. Sur sa gauche, au contraire, et derrière lui, il voyait la nouvelle ville, le riche quartier de Megara... La place était dallée... (Beulé, Fouilles à Carthage, p. 29 ; Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 658).

CXI. — Maison de bains du général Baccouche ; on a trouvé dans le voisinage immédiat des restes de sépultures romaines.

CXII. — Dans le village arabe de Sidi-Bou-Saïd et les alentours, on a recueilli un certain nombre d'inscriptions funéraires païennes. Le P. Delattre dit que les tombeaux qu'il a vu découvrir sur cette montagne appartiennent à des sépultures de famille et non à des cimetières communs, ce qui permet de croire que cette partie de Carthage était, comme le quartier de Megara (La Marsa), occupée par des villas, à l'époque romaine. Le phare remplace une ancienne tour carrée qui servait probablement de vigie (Falbe, Recherches sur l'emplacement de Carthage, p. 42, n° 88 ; Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, p. 26 et suiv., et t. VI, 1886, p. 266 ; le même, dans les Mélanges de l'École de Rome, t. XII, 1892, p. 266).

CXIII à CXV. Megara (La Marsa). — Une route carrossable conduit de La Malga à La Marsa. Ce dernier quartier, dont le nom ancien, Megara, signifie la ville neuve, était, suivant Appien (VIII, 117), séparé du reste de la ville par un rempart dont on pouvait encore, naguère, retrouver des substructions (Dureau de la Malle, Topographie de Carthage, p. 43 ; E. de Sainte-Marie, Mission, p. 179 ; Ch. Tissot, Géogr. camp., t. I, p. 583). C'était le faubourg riche de la Carthage punique et romaine. On y trouve, un peu partout, dans les champs en culture et les jardins, d'énormes quantités de minuscules débris d'inscriptions et de sculptures. Les restes chrétiens, lampes, tessons, épitaphes funéraires, mosaïques, y abondent, en même temps que les vestiges de l'époque païenne qui prouvent que ce quartier fut habité par de riches colons dès les commencements de la colonie romaine (Delattre, dans le Cosmos du 28 décembre 1889, p. 104 ; le même, dans le Bulletin épigraphique, t. III, 1883, p. 296, et t. VI, 1886, p. 268 ; le même, dans les Mélanges de l'École française de Rome, 1890, pp. 23-24).

Il y a une vingtaine d'années, on a retiré du fond d'un puits, situé au milieu du village, une grande et belle statue de Vénus marine, en marbre, qui fut acquise par Charles Tissot. En 1880, on découvrit à La Marsa un baptistère, un tombeau, une mosaïque, des lampes et des bas-reliefs chrétiens et un vase en terre cuite orné de symboles chrétiens, qui parait avoir servi dans l'administration du baptême. On y a signalé également un grand nombre de tombeaux de familles, c'est-à-dire des sépultures de riches Romains qui se faisaient inhumer dans leur propriété plutôt que de laisser déposer leurs restes dans les cimetières communs, qui étaient :réservés aux esclaves et aux pauvres (tenuiores) (Delattre, Cosmos du 24 mars 1888, p. 463).

Sur le mamelon appelé Koudiat Zater, auprès du palais archiépiscopal, on a recueilli, en 1887, une très curieuse figurine en terre cuite représentant un dieu punique, sans doute Baal Ammon, barbu, coiffé d'une haute tiare et tenant une hache sur son épaule (Delattre, dans le Cosmos du 24 mars 1888, p. 465). Plusieurs tombeaux ont aussi été déterrés sur le même monticule. Chaque squelette reposait dans une auge formée de pierres plates. Un fragment de marbre, sur lequel est gravé le chandelier à sept branches, avec le mot hébreu שלם, paix, tendrait à démontrer qu'il y eut là un cimetière juif (Delattre, dans le Cosmos du 21 mars 1888, p. 465). Des inscriptions funéraires, païennes et chrétiennes ont été recueillies sous les oliviers qui avoisinent la résidence archiépiscopale et aux abords du pensionnat de. Sainte-Monique, dirigé par les Sœurs franciscaines (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. IV, 1884, pp. 30 et suiv. et t. VII, 1887, p. 101 ; le même, dans le Cosmos du 26 mars 1892, p. 496).

Le 15 mars 1883, on a découvert, non loin du palais archiépiscopal, sur un terrain appartenant à Sidi-Salah-Bey, entre deux grands caroubiers, un magnifique cippe funéraire d'une matrone romaine morte à la fin du IIe siècle. Le P. Delattre donne à ce sujet les détails suivants : La défunte était figurée en stuc sur trois faces de son tombeau. La première face la représentait faisant faire sa toilette par une esclave, la seconde filant la quenouille, la troisième faisant une lecture. Très beau style. La quatrième face représentait un génie funèbre s'appuyant sur une torche renversée. Pas d'épitaphe. Un conduit de terre cuite placé verticalement dans l'axe même du cippe mettait le sommet en communication directe avec une niche intérieure dont les parois sont formées de briques fabriquées en Italie par Agathobulus et Diomèdes, l'un esclave, l'autre affranchi de Cn. Domitius Tullus, proconsul d'Afrique en 93 de notre ère. Ces briques nous donnent la date approximative du tombeau dont la niche ne renfermait qu'une lampe funéraire sans sujet ni marque de fabrique et un peu de cendre humaine. A quelques mètres seulement de ce tombeau et dans le même groupe de construction antique, on découvrit aussi un caveau souterrain voûté, long et haut de 2m,50, large de 1m,20. On y pénétrait par une entrée large de 0m,63. C'est un tombeau ; l'intérieur était entièrement revêtu d'un enduit de plâtre très blanc et parfaitement conservé. On y trouva, près des restes du squelette, un unguentarium de verre et trois autres vases funéraires de belle et fine terre cuite (Delattre, dans le Bulletin épigraphique, t. III, 1883, p. 297 ; le même, dans le Cosmos du 24 mars 1888, pp. 463-466 ; S. Reinach et E. Babelon, dans la Gazette archéologique, 1885, p. 135 ; Tissot, Géogr. comp., t. II, p. 804 ; Bulletin de l'Académie d'Hippone, n° 20, pp. 17 et suiv.).

CXIV. Maison de campagne du consulat anglais. — Dans le jardin de cette maison on a trouvé une épitaphe funéraire païenne (Delattre, Inscript. trouvées de 1886 à 1888 et communiquées à l'Académie d'Hippone, p. 21, n° 90 ; le même, dans le Cosmos du 24 mars 1888, p. 466).

CXV. — Sur la propriété de M. Cesana on a trouvé un beau sarcophage chrétien en pierre kadel, monolithe. Il est orné de strigiles et porte, au centre, un rectangle en relief, à queues d'arondes et sans inscriptions. Le couvercle imite une toiture formée de tuiles (Delattre, dans le Cosmos du 24 mars 1888, p. 463-466).

CXVI. La nécropole de Gamart. — Le Djebel Khaoui ou la montagne creuse doit son nom à une vaste nécropole souterraine, de plusieurs kilomètres carrés, qui renferme des milliers de chambres sépulcrales, presque toutes violées à une époque ancienne, sans doute par les Vandales ou les Arabes. Toutes ces chambres, creusées dans un calcaire très tendre, se ressemblent et ne diffèrent que par l'ornementation intérieure. Elles sont identiques aux tombeaux de l'époque romaine qu'on a trouvés en Palestine et en Syrie. Qu'on se figure donc, dit le P. Delattre, une chambre à laquelle donne accès un escalier descendant dans le sol à une profondeur d'environ 2 mètres. L'entrée est juste suffisante pour le passage d'un homme de petite taille. Après l'avoir franchie, on se trouve dans une salle rectangulaire, ordinairement plus longue que large. A droite et à gauche, dans chaque grand côté, sont pratiqués trois, quatre ou six trous de dimension suffisante pour donner place à un cadavre d'adulte. Ces trous sont rectangulaires et pénètrent dans le tuf de la montagne perpendiculairement à la paroi. Généralement, il existe au fond de la chambre, trois autres trous identiques, et vis-à-vis, il y en a deux autres, un de chaque côté de l'entrée. Ces derniers pénètrent dans le tuf parallèlement à l'escalier. On a souvent désigné ces trous sous le nom de fours à cercueils. La hauteur de la chambre est d'environ de 1m,50. Le plafond est percé d'un soupirail circulaire, long de 0m,50, qui aboutit à la surface du sol. Tout l'intérieur de ces chambres, plafond et parois, est enduit d'un stuc fort blanc. Souvent, le revêtement s'est détaché. Mais dans les tombeaux où il s'est conservé, il porte parfois des inscriptions ou des ornements en relief, tels que personnages, rosaces, guirlandes, etc.

Sur le stuc au-dessus des loculi, le P. Delattre a trouvé des inscriptions funéraires, une, entre autres, avec le chandelier à sept branches ; il est certain que des juifs ont été enterrés là. Cependant d'autres épitaphes funéraires paraissent appartenir à des chrétiens (Beulé, Fouilles à Carthage, pp. 121 et suiv. ; Delattre, dans le Cosmos du 7 avril 1888, pp. 14-18 ; 4 janvier 1890, pp. 131 et suiv. ; 26 mars 1892, p. 496 ; Ch. Tissot, Géogr. comp. de l'anc. prov. d'Afrique, t. I, p. 613 ; E. de Sainte-Marie, Mission à Carthage, pp. 32 et suiv.).

Une dernière exploration de la nécropole de Gamart, faite aux frais de M. le marquis de Vogüé, a conduit aux constatations suivantes : Il est certain, dit M. de Vogüé, que la nécropole de Gamart, qui forme un tout homogène et limité, est le cimetière de la colonie juive de Carthage à l'époque romaine De même, les juifs avaient aux portes de Rome, sur la voie Appienne, un cimetière souterrain qui a été décrit par le P. Garrucci (en 1862). Ce cimetière renferme des sarcophages à personnages, des décorations peintes où figurent des génies, des animaux, des hommes et des femmes, tout un symbolisme plastique que l'on croyait banni des usages judaïques : or, les inscriptions nombreuses, qui accompagnent cette décoration, ne laissent aucun doute sur son origine judaïque. Il faut donc admettre que les juifs établis dans les villes de l'empire romain, s'étaient relâchés de la stricte observance des prescriptions mosaïques et avaient adopté, au moins dans des tombeaux souterrains, les motifs de l'art païen... Il ne serait pas impossible, d'ailleurs, que quelques-unes de ces tombes décorées fussent chrétiennes ; c'est donc dans les colonies juives que se rencontrèrent les premiers adhérents de la foi nouvelle, et la trace de ces premières conversions pourrait se trouver jusque dans les cimetières.

M. de Vogüé est d'avis que toute cette nécropole, comme les tombeaux de Syrie et de Palestine qui ressemblent à ceux de Gamart, n'est pas antérieure à l'époque romaine (M. de Vogüé dans la Revue archéol., 1889, t XII, pp. 163-186. — Inscriptions trouvées à Gamart, C. I. L., t. VIII, Suppl., n° 14097 à 14114). Sur la nécropole, voir surtout la récente publication du P. Delattre, Gamart ou la nécropole juive de Carthage (Lyon, 1895, in-8°).

CXVII. Sinus Uticensis (Sebkha er-Riana ou de Soukhara). — Cette sebkha ou lac salé, aujourd'hui séparé de la mer par un cordon de dunes, faisait, dans l'antiquité, partie du golfe d'Utique (Tissot, Géogr. comp. de l'ancienne province d'Afrique, t. I, pp. 565 et suiv.). Notre carte indique approximativement le contour de l'ancien littoral vers le temps de la chute de la Carthage punique.

 

FIN DE L'OUVRAGE

 

 

 



[1] M. S. Gsell dit, avec raison, que la basilique de Damous el-Karita semble avoir été reconstruite avec une modification d'orientation ; de là elle aurait porté le nom de Basilica restituta qu'on trouve dans Victor de Vita appliqué à l'une des basiliques de Carthage (Gsell, dans la Revue africaine, 1893, p. 56, note, et 1894, p. 218).