CARTHAGE

 

IV. — LA CONSTITUTION SOCIALE DE CARTHAGE.

 

 

I. Organisation politique et militaire. — De même que Venise au moyen âge, Carthage fut une république aristocratique ; mais la noblesse y était fondée sur la fortune plutôt que sur la naissance, et le parti populaire sur lequel s'appuyaient certaines familles nobles, comme celle des Barca, y était puissant et tomba souvent dans la démagogie. On pense à Carthage, dit Aristote qui écrivait vers 330, que celui qui peut exercer une fonction publique doit avoir non seulement de grandes qualités, mais encore de grandes richesses. Les fonctions publiques n'étant pas rétribuées, les riches seuls pouvaient les exercer ; elles se perpétuaient parfois dans les familles. C'est ainsi que celles des Magon et des Barca fournirent, de père en fils, des magistrats et des généraux : c'était la ploutocratie.

Dans l'administration, le parti aristocratique était représenté par deux suffètes et le sénat, le parti démocratique par l'assemblée populaire. Les suffètes (sofetim), que certains auteurs appellent rois, en les comparant aux rois de Sparte et aux consuls de Rome, étaient, comme les juges des Hébreux, choisis dans l'aristocratie, mais il fallait que leur élection fût ratifiée par le peuple[1]. Ils présidaient le sénat, et avaient en main l'administration civile ; par occasion ils commandaient les armées ; la durée de leurs fonctions paraît avoir été d'une année, mais ils étaient rééligibles indéfiniment, car Annibal fut suffète pendant vingt-deux ans. Après les suffètes, les généraux occupaient le premier rang ; le sénat ou le conseil des Cent les nommait ; parfois aussi les troupes se permettaient de se choisir un chef dont la nomination devait toutefois être régularisée par le sénat et l'assemblée populaire. Dans la nomination des généraux comme dans celle des suffètes, dit Aristote, les Carthaginois s'attachent à deux choses, au crédit et aux richesses. Maitre absolu des opérations militaires, le général en avait aussi la responsabilité personnelle et entière : vaincu : il était condamné à mort.

Le sénat, composé, comme celui de Tyr, de 300 membres de l'aristocratie, représentant les tribus entre lesquelles les citoyens étaient répartis, avait la haute direction de toutes les affaires publiques et il délibérait sur toutes les questions intéressant l'État ; il décidait de la paix ou de la guerre. Cette assemblée souveraine était partagée en différentes sections[2] Une première section de trente membres réglait l'ordre du jour des délibérations du sénat, préparait les projets de loi. Une seconde section, le conseil des Dix, se composait, comme son nom l'indique, de dix sénateurs chargés d'assister et de contrôler les suffètes dans leur exercice du pouvoir. Cette sorte de conseil des ministres était très puissante, et ce furent ses membres que Malchus fit mettre à mort, après avoir forcé les portes de Carthage vers l'an 520 avant notre ère.

A l'époque où les généraux de la descendance de Magon devinrent tout-puissants par leur ascendant sur les soldats, le sénat ombrageux créa un nouveau conseil chargé de contrôler la conduite des commandants d'armées : La famille de Magon, raconte Justin, menaçant la liberté par sa trop grande puissance, on choisit parmi les sénateurs, cent juges qui eussent à demander compte de la conduite des généraux à leur retour. Ce conseil des Cent devint permanent et c'est lui que les écrivains grecs appellent gerousia ; il avait en quelque sorte la police de l'État ; il grandit sans cesse en importance, se transforma, comme celui de Venise, en un tribunal d'inquisition et d'oppression tyrannique ; souvent il délibérait la nuit, dans des réunions secrètes appelées syssities (συσσίτις τών έταιριών) par Aristote, qui se tenaient non plus à la curie, le palais sénatorial du forum, mais dans le temple même d'Eschmoun, à Byrsa. Annibal eut à lutter contre ce tribunal, qu'il parvint à réformer.

L'assemblée du peuple se composait, non point de tout le peuple, mais seulement de timuques, c'est-à-dire des citoyens qui possédaient le degré de fortune auquel était attachée la jouissance des droits politiques. Cette assemblée ne pouvait, dans l'origine, qu'approuver ou rejeter les propositions que le sénat voulait bien lui faire. Mais, turbulente et ambitieuse, elle empiéta graduellement sur les prérogatives d'un sénat égoïste, et cette compétition contribua puissamment à la chute de la république. Une autre cause de la ruine de Carthage est le régime tyrannique qu'elle imposait à ses colonies. Ne considérant que ses propres intérêts, elle les condamnait à fermer leurs ports aux navires étrangers, et à ne recevoir que. de Carthage exclusivement, tous les produits extérieurs. Ce monopole enrichit Carthage, mais la rendit odieuse à ses propres colonies : la même raison souleva. l'Amérique contre l'Angleterre à la fin du siècle dernier.

Sauf dans les moments d'extrême détresse, les citoyens de Carthage ne servaient pas dans les armées, qui étaient exclusivement composées de mercenaires étrangers. Le recrutement de ces troupes se faisait par des sénateurs qu'on envoyait dans les emporia les plus lointains, et qui débattaient, avec les chefs indigènes, la solde des hommes et des officiers. Carthage, sans scrupule ni pudeur, essaya souvent de manquer aux engagements qu'elle avait pris envers ces aventuriers qui versaient leur sang pour l'enrichir. On l'a bien vu dans la guerre inexpiable. Une autre fois, après une expédition en Sicile contre les Syracusains, six mille mercenaires rentrés à Carthage, réclamaient leur solde qu'on différait de leur payer. Déjà, ils poussaient d'insolentes clameurs et parlaient de se faire rendre justice par les armes, lorsque le sénat combina un plan criminel pour se débarrasser des mutins. A ces hommes qui demandaient de l'argent ou la guerre avec le pillage, on promit la guerre : on simula une nouvelle expédition maritime et on les embarqua. Les vaisseaux, dit Diodore de Sicile, abordèrent dans une île qui avait été désignée comme le but de l'expédition, et les soldats furent débarqués sur le rivage ; mais les Carthaginois regagnèrent promptement la haute mer, abandonnant à terre ces réclamants importuns qui, malgré la rage dont ils étaient animés, ne purent se venger des Carthaginois, et finirent par mourir de faim jusqu'au dernier. L'îlot, voisine de la Sicile, où périrent ces malheureux, demeura couvert de leurs cadavres et s'appela depuis cette époque l'île des Ossements[3]. Une autre fois encore, ce sont quatre mille Gaulois que les Carthaginois abandonnent à la vengeance des Romains, pour ne pas avoir à les payer ; ou bien, ce sont les mercenaires italiens qu'on massacre parce qu'on suspecte leur fidélité ; Xantippe lui-même qui avait sauvé Carthage, a peut-être péri de la main des Carthaginois[4].

Les Libyens de toutes tribus formaient le noyau des forces de cette odieuse république ; ils servaient à pied ou à cheval, armés de longues piques auxquelles Annibal substitua des armes romaines. Les Ibères portaient des habits blancs avec des ornements rouges ; ils combattaient à pied, avec une longue et lourde épée ; le blond Gaulois avait un grand bouclier et une épée courte à pointe arrondie ; le Baléare plus habile avec sa fronde qu'un autre avec l'arc ; le Maure vêtu d'une peau de lion ou de panthère ; le Gétule et le Numide, cavaliers incomparables ; le Nasamon, le Garamante, le Lotophage, presque nus, armés de boucliers de peau et de longs javelots ; le Grec, espion rusé, les transfuges des armées ennemies : telle était cette cohue bigarrée et turbulente qui ne devait bien se battre que si un chef habile et ferme savait la tenir dans sa main.

Carthage n'eut des éléphants qu'après la mort d'Alexandre, à l'imitation des rois de Syrie et d'Égypte. C'était l'éléphant africain (elephas capensis), différent de l'éléphant asiatique (elephas indicus). Ce dernier a le front plat et les oreilles plus courtes que le premier qui, petit de taille, se distingue par l'ampleur des oreilles et la proéminence du front. A la guerre, pour donner aux éléphants un aspect terrible, ou les parait d'ornements éclatants et bizarres ; on leur peignait de diverses couleurs le front et les oreilles ; on leur mettait des clochettes au cou et des panaches, on les recouvrait de plaques métalliques, et même, nous dit Arrien, on attachait des pointes d'acier à leurs défenses, à leur poitrail, à leur trompe[5].

Avec une organisation politique sur laquelle planait la jalousie ombrageuse, l'égoïsme étroit, la cupidité sans entrailles et l'aveugle soif de l'or, aussi mauvaise conseillère que la faim, Carthage ne pouvait échapper au sort qui la menaça dès qu'elle se trouva aux prises avec une rivale telle que Rome. Le pouvoir, à Carthage, est aussi fragile et instable que celui du sénat romain est fort et traditionnel ; les éléments de ses armées sont disparates, et la solde seule retient tous ces mercenaires dans les rangs, tandis que ce qui distingue les armées romaines, c'est la cohésion, l'unité, le patriotisme et ce que nous appellerions aujourd'hui le sentiment national. Carthage, comme aujourd'hui l'Angleterre, et comme l'Espagne il y a trois siècles, étend ses conquêtes pour s'enrichir sans cesse ; Rome s'agrandit pour la gloire de dominer : tu regere imperio populos, Romane, memento, dit le poète. Carthage, suivant l'expression de Charles Tissot, était comme une pieuvre gigantesque étendant ses bras démesurés sur toutes les côtes de la Méditerranée[6] ; elle exploitait sans pitié les villes qui lui étaient soumises, et les Liby-Phéniciens qui formaient le principal élément de la population de la côte africaine étaient astreints aux plus dures conditions. Aussi s'explique-t-on aisément la haine que leur inspirait la domination avare et cruelle de Carthage. Les armées d'Agathocle, de Regulus, de Scipion furent accueillies par eux comme des libératrices, et les emporia des Syrtes, qui payaient à la métropole de si lourds impôts, virent avec joie la domination romaine se substituer pour elles au joug punique.

II. Religion. — La religion de Carthage était celle de la Phénicie. Comme toutes les religions de l'antiquité, elle était polythéiste ; au-dessus de tout un peuple d'alonim et de baalim, dominait une triade suprême composée de Baal Ammon, Baal le brûlant ou Moloch, identifié avec Cronos ou Saturne par les Romains[7], de Tanit, la Vierge céleste et lunaire, correspondant à l'Astarté phénicienne et appelée Junon Cælestis à l'époque romaine[8], enfin d'Eschmoun, le dieu sauveur, protecteur de l'acropole, qu'on a rapproché d'Esculape[9]. On honorait aussi d'un culte spécial, un dieu enfant, Iolaos, le Tammuz-Adonis des Phéniciens, que les Romains identifièrent à leur Mercure ; le dieu Pygmée ou Patèque, monstre difforme et nain, à figure simiesque, que les Phéniciens avaient emprunté à l'Égypte et dont l'image hideuse était placée à la proue des navires pour effrayer l'ennemi[10] ; enfin, le Melkart tyrien, assimilé à Hercule à l'époque classique.

Chaque année, Carthage envoyait à Tyr une députation chargée d'aller offrir un sacrifice solennel au vieux temple de Melkart, et de consacrer, dans ce sanctuaire de la métropole, la Mme du butin pris sur l'ennemi. La statue que Melkart avait à Carthage fut, après la prise de la ville en l'an 146, transportée à Rome où elle vint orner le portique des Nations, et Pline dit à son sujet : Il est maintenant sans temple et sans honneurs, cet Hercule auquel les Carthaginois sacrifiaient annuellement une victime humaine[11].

Nous connaissons encore, mais seulement de nom, d'autres divinités carthaginoises : Rabbat Umma, la grande mère, Baal haedrat, la maîtresse du sanctuaire, Astoret, Illat, Sakôn, Tsaphon, Çid, Aris (l'Arès grec ?) qui ne sont peut-être que d'autres vocables de Tanit, d'Eschmoun, de Melkart, de Baal Ammon, de Moloch. Une inscription récemment découverte dans un tombeau de Bordj-Djedid, qui remonte peut-être jusqu'au VIe siècle, nous fait connaître une sorte de divinité hermaphrodite appelée Astarté-Pygmalion[12].

A partir du IVe siècle, les rapports constants des Carthaginois avec les Grecs de Sicile introduisirent certains éléments helléniques dans leur culte. Apollon eut, sur le forum de Carthage, un temple dont la statue colossale fut transportée à Rome après le siège de l'an 146. Les Carthaginois envoyèrent, une fois au moins, des offrandes à Delphes, et Tanit fut assimilée à Déméter, Perséphone ou Cérès[13]. Voilà pourquoi la tête de Tanit ou de l'Astarté punique paraît couronnée d'épis sur les monnaies de Carthage imitées de celles des colonies grecques de Sicile.

Tanit ou Astarté, la Vénus des Sémites, est la divinité poliade de Carthage et elle tient le premier rang, passant même avant Baal Ammon. Elle a pour symbole le croissant lunaire ; on conservait dans son temple son fameux voile ou peplos que les Carthaginois considéraient et vénéraient comme le palladium de leur ville. Des prophétesses, analogues aux pythies grecques, se consacraient à son service et rendaient des oracles. Plusieurs milliers de stèles votives associent Tanit à Baal Ammon, et portent à croire que ces deux divinités avaient des sanctuaires voisins dont l'emplacement doit être cherché, semble-t-il, non loin des lieux où l'on a recueilli ces ex-voto puniques. C'est le terrain qui s'étend au nord du dar Mustapha ben Ismaïl, au pied de Byrsa. On les a trouvées pêle-mêle, au milieu de terres de déblais et d'éboulis de toute sorte, à une profondeur moyenne de 4 mètres. Il est visible que ces stèles ont été bouleversées. Originairement, un grand nombre d'entre elles, sinon toutes, étaient enfoncées dans le sol, de façon que la partie inscrite émergeât seule, car elles ont le pied à l'état brut et à peine dégrossi au marteau, tandis que la partie supérieure, destinée à être en vue, est toujours très régulièrement taillée et même polie avec soin.

Un des symboles les plus fréquents sur les stèles de Carthage est le bélier de Baal Ammon, généralement figuré de profil, au trait et par une main assez inhabile. La laine est représentée par de petites hachures au marteau, et la queue, longue et très large, ressemble à celle du mouton tunisien de nos jours. On voit, sur une stèle, un enfant monté sur un mouton ; une autre représente un éléphant ; d'autres enfin ont un bœuf, un chien, un cheval, un oiseau, un poisson. Les arbres et les fleurs s'y rencontrent non moins fréquemment : ce sont des palmiers, la fleur de lotus, des roses épanouies, des grenadiers ; les vases qui y sont aussi reproduits nous donnent les types principaux de la céramique carthaginoise. Quant aux symboles divins, il est exceptionnel de ne pas les rencontrer : la main ouverte est le plus souvent figurée de face, quelquefois de profil ; on sait que dans tous les pays orientaux, c'est encore la coutume de peindre une main ouverte sur les maisons ou les monuments afin d'éloigner le mauvais œil ; rappelons, à cette occasion, que, dans la symbolique chrétienne, la main ouverte représente Dieu le Père. La trinité carthaginoise est représentée sur les stèles par trois cippes placés côte à côte, ou plus souvent par une figure géométrique affectant la forme d'un triangle surmonté d'un cercle et accosté de deux appendices latéraux ; qu'on se figure un homme vêtu d'une longue robe, écartant les jambes et élevant de chaque côté les bras à la hauteur de la tête, et l'on aura exactement l'image de ce symbole qui n'est peut-être que la dégénérescence de la représentation de la figure humaine.

Parfois, on voit un homme dans l'attitude de l'adoration ; il lève la main ouverte à la hauteur du visage ; d'autres fois, ce sont des figures ailées de face, l'ange d'Astarté. Outre le croissant et le globe, symboles de Tanit, on rencontre le caducée, symbole du dieu-enfant Iolaos ; le gouvernail, l'ancre, la proue, symboles probables du Neptune carthaginois, dont on ne con- : naît pas encore le nom punique ; l'image de la galère carthaginoise, qui sillonnait la Méditerranée, s'y remarque également. Le scarabée et l'épervier qui se rattachent au culte des morts sont sans doute d'importation égyptienne. Une stèle représente un pontife sacrifiant devant un petit édicule à fronton triangulaire. Signalons, enfin, un guerrier armé, un chariot, un soc de charrue, une hache bipenne.

La formule des inscriptions, presque toujours la même, répond à ce type : A la grande dame Tanit, la face de Baal (Tanit-Péné-Baal), et à notre seigneur Baal Ammon, vœu fait par Bomilcar fils de Magon, fils de Bomilcar, parce qu'ils ont écouté sa prière. Qu'ils le bénissent ![14]

Baal Ammon ou Moloch, le grand dieu de toute la Libye, est représenté sous l'aspect d'un vieillard dont le front est muni de cornes de bélier, et cet animal accompagne souvent la statue du dieu[15] ; on le représentait aussi avec une faux à la main (falcem ferens senex pingitur)[16]. A Carthage, ce dieu sanguinaire auquel on immolait des enfants, avait dans son temple une colossale statue de bronze avec les bras étendus et abaissés ; ses mains, dit Diodore, étaient inclinées vers la terre, la paume tournée en dessus, pour que les enfants qu'on y plaçait tombassent plus facilement dans la fournaise[17]. Ces immolations barbares, qui suffiraient, à elles seules, pour, faire maudire Carthage, se renouvelaient chaque année ; mais on les multipliait lors des dangers publics. Les bras étendus de Moloch, l'horrible roi, comme le qualifie Milton, recevaient, l'une après l'autre, des centaines de ces tendres victimes, qu'elle laissait glisser dans un gouffre de feu, aux applaudissements frénétiques d'une foule en démence, et les mères devaient, sous peine de châtiment, assister, sans verser une larme, à ces atrocités qui se prolongèrent même sous la domination romaine et ne disparurent définitivement que sous l'action du christianisme. Tertullien en raconte l'abolition en ces termes : En Afrique, dit-il, on immola publiquement des enfants à Saturne, jusqu'au proconsulat de Tibère qui fit attacher les prêtres de ce dieu aux arbres mêmes du temple dont l'ombre abritait ces affreux sacrifices, comme à autant de croix votives : j'en prends à. témoin les soldats de mon pays qui assistèrent le proconsul dans ces exécutions. Et malgré cela, ces détestables sacrifices se continuent encore en secret[18]. Saint Augustin ajoute que les Carthaginois redoutaient tellement leur dieu Moloch qu' ils n'osaient prononcer son nom ; ils se contentaient de l'appeler le Vieux, et le quartier de son temple, situé non loin du temple d'Eschmoun et du sanctuaire de Tanit, était dénommé le quartier du Vieux, vicus Senis[19].

Les sacrifices humains avaient encore lieu à l'occasion du lancement d'un nouveau navire. Après avoir rappelé la férocité des Carthaginois envers leur prisonnier Regulus, Valère Maxime ajoute que ces immolations, sorte de baptême des vaisseaux, s'accomplissaient en faisant écraser des prisonniers de guerre entre la carène du navire et la jetée du port[20].

III. Industrie et commerce. — Comme les Phéniciens, les Carthaginois ne faisaient le commerce que par voie d'échanges : c'était le simple troc. Aussi, ne commencèrent-ils à frapper monnaie qu'au IVe siècle, lorsqu'ils se trouvèrent en contact avec les Grecs de Sicile. Au delà des colonnes d'Hercule, dit Hérodote, sur la côte de Libye, il y a des hommes avec lesquels les Carthaginois trafiquent. Ils débarquent leur cargaison, la rangent sur la plage, remontent sur leur navire, et font une grande fumée. Les habitants, à l'aspect de la fumée, se rendent auprès de la mer et, pour prix des marchandises, ils déposent de l'or ; puis ils se retirent au loin. Les Carthaginois reviennent, examinent, et si l'or leur semble l'équivalent des marchandises, ils l'emportent et s'en vont. S'il n'y en a pas assez, ils retournent à leur navire et restent en place. Les naturels approchent et ajoutent de l'or, jusqu'à ce qu'ils les aient satisfaits ; jamais, de part et d'autre, ils ne commettent d'injustice : les uns ne touchent pas à l'or, avant qu'il n'égale la valeur des marchandises ; les autres ne touchent pas à la cargaison, avant qu'on n'ait enlevé l'or[21].

Au temps où Carthage toute-puissante était la reine de la Méditerranée , elle prétendit en accaparer la navigation pour elle seule. Tout navire étranger surpris entre la Sardaigne et les colonnes d'Hercule, était capturé et son équipage jeté à la mer : voilà comment Carthage respectait le droit des gens. Tous les moyens étaient bons à ces marchands pour parvenir à la richesse : chez les Carthaginois, dit Polybe, de quelque manière qu'on s'enrichisse on n'est jamais blâmé. Les matelots cachaient avec un soin ombrageux, la route qu'ils suivaient sur les flots, et l'on raconte qu'un jour, un vaisseau de Carthage, se voyant suivi jusque dans l'Atlantique par une galère romaine, préféra s'engager dans une fausse direction et se faire échouer, plutôt que de révéler à un concurrent la route des Cassitérides (îles Sorlingues) où il allait chercher de l'étain ; le patron s'étant sauvé, le sénat carthaginois le fit indemniser sur le trésor public de tout ce qu'il avait perdu[22].

Comme Tyr et Sidon, Carthage dont la population dépassa peut-être un million d'habitants, possédait dans son sein et dans ses environs, d'innombrables manufactures qui exportaient leurs produits chez les peuples barbares, et mettaient en œuvre les matières premières importées de l'extérieur. La fabrication des tissus y était des plus prospères. Athénée nous informe qu'un écrivain grec, du nom de Polémon, avait rédigé un traité spécial sur la fabrication des étoffes carthaginoises qui étaient répandues sur toutes les côtes de la Méditerranée. En Sicile et en Italie, les Carthaginois vendaient surtout des esclaves noirs, de l'ivoire, des métaux et des bois précieux, des pierres fines, des tissus ; en Espagne, Carthage allait chercher le cuivre et l'argent, et les mines actuelles de Huelva et des environs furent exploitées pour son compte, de même que celles des environs d'Osca et de Carthagène. L'Afrique centrale lui fournissait des éléphants, de la poudre d'or, des épices et des dattes. Sur la côte occidentale de l'Afrique elle échangeait, contre les produits du Soudan et du Congo, des armes, des poteries, du sel. Enfin, ses navires allaient chercher le cuivre, l'étain et même l'ambre jaune sur les côtes dé l'Angleterre et, dit-on, jusque sur les bords de la mer Baltique.

L'agriculture était très développée dans la Zeugitane et la Byzacène. Cette contrée fut le grenier de Carthage avant de devenir celui de Rome. Les armées d'Agathocle et de Regulus, en parcourant la presqu'île du cap Bon, étaient émerveillées de la fertilité de la contrée, de la richesse et du luxe des splendides villas où les Carthaginois avaient installé tout ce qui peut servir au bien-être et à l'agrément, au milieu de vignobles, de bois d'oliviers, de figuiers et d'orangers, de prairies bien irriguées où paissaient d'immenses troupeaux : comme le répétait cyniquement Caton, ce site enchanteur n'était qu'à trois journées de Rome.

IV. Littérature et beaux-arts. — Les Carthaginois avaient une littérature considérable qui a presque entièrement péri, Après la prise de la ville par les Romains en 146, la bibliothèque qui était une, annexe du temple d'Eschmoun, fut répartie entre les différents princes africains, alliés de Rome, qui parlaient ou comprenaient la langue punique. Une exception fut faite pour le traité de Magon sur l'agriculture et l'économie rurale, qui fut emporté à Rome et traduit en latin par Decimus Silanus. Cette traduction même est perdue en grande partie ; mais tous les auteurs romains qui traitent d'agronomie, Caton, Pline, Columelle, parlent de l'ouvrage de Magon ; ils en font les plus grands éloges et ils en citent des passages qui justifient cette réputation[23]. Carthage eut un philosophe, Asdrubal, qui alla étudier en Grèce sous le nom de Clitomaque ; elle eut aussi des historiens nationaux dont Salluste consulta les écrits dans la bibliothèque du roi Hiempsal : il ne nous en reste que quelques citations en traduction latine. La relation officielle du voyage d'Hannon sur la côte orientale de l'Afrique, avait été gravée sur une colonne dans le temple de Baal Ammon ; elle nous a été conservée en entier dans une version grecque, et de nombreux savants modernes se sont exercés à la commenter. Le périple d'Himilcon, sur les côtes européennes de l'Atlantique, ne nous est parvenu qu'en de misérables fragments traduits et insérés dans le poème latin de Festus Aviénus.

Les Carthaginois, dit M. Philippe Berger, avaient l'habitude de graver dans leurs temples, sur des colonnes ou sur des plaques de marbre ou de bronze, le récit de leurs expéditions lointaines. Tite-Live nous a conservé le souvenir de la grande inscription bilingue, phénicienne et grecque, qu'Annibal avait déposée dans le temple de Junon Lacinienne, près de Crotone, et qui contenait le récit de ses campagnes, lors de la deuxième guerre punique. Annibal, d'ailleurs, était versé dans les sciences grecques et phéniciennes, et avait composé des ouvrages dans les deux langues... La littérature des Carthaginois portait l'empreinte de leur esprit tout entier dirigé vers les connaissances pratiques. Ils avaient beaucoup écrit sur la géographie ; Aristote, Salluste et Servius mentionnent aussi des livres d'histoire écrits en langue punique. Enfin, leurs traités sur l'agriculture avaient une grande renommée. Le plus célèbre était celui du général Magon, qui fut traduit quatre fois en latin, dont la première par ordre du sénat romain, puis aussi en grec ; celui d'Amilcar avait été également traduit en grec. Ces ouvrages ont servi de base aux travaux de Virgile et de Columelle[24]. En fait de monuments qui nous ont conservé la langue de Carthage, il nous reste les légendes des monnaies, malheureusement bien peu variées, et les inscriptions puniques recueillies au nombre de plusieurs milliers, soit sur le sol même de Carthage, soit dans les pays soumis à la domination carthaginoise. Ces textes sont, en général, des ex-voto à Tanit et à Baal Ammon ; la rédaction en est très courte, très formulaire, et la nomenclature onomastique en est très pauvre ; ils sont en grande partie rassemblés au Musée de Saint-Louis de Carthage et au Cabinet des médailles (Bibliothèque nationale). Mentionnons encore la comédie de Plaute, intitulée Pœnulus (le petit Carthaginois), dans laquelle se trouvent transcrites en latin des phrases de la langue punique[25]. Les philologues constatent que le carthaginois ne différait du phénicien que par quelques particularités grammaticales et dialectales.

Il suffit de parcourir les salles du Musée de Saint-Louis de Carthage pour constater que les Carthaginois, hommes de négoce, ne se préoccupèrent guère des beaux-arts autrement que pour en colporter les produits ou s'approprier les œuvres de sculpture qu'ils rencontrèrent en pays conquis. Sans doute, ils eurent des ateliers actifs et nombreux, où l'on fabriquait des bijoux, des étoffes, des vases de terre et des statuettes, mais la préoccupation industrielle et mercantile y régnait en souveraine. Les plus belles œuvres antérieures à la domination romaine qu'on puisse admirer au Musée des Pères Blancs n'ont été puniques que par adoption. Le style des images gravées surfes trois mille stèles puniques que l'on connaît ne serait pas digne de nos maçons de village. Il n'y a pas, à proprement parler, d'art carthaginois, et l'histoire ancienne n'enregistre pas un seul nom d'artiste, en quelque genre que ce soit, qui soit né ou qui ait fleuri à Carthage. Les Phéniciens déjà, presque exclusivement courtiers de commerce, se sont bornés, dans leurs produits manufacturés, à copier les œuvres de l'art ou de l'industrie de l'Égypte ou de l'Assyrie. Carthage, colonie phénicienne, fit comme sa métropole : ses vaisseaux semèrent à profusion, sur tous les rivages méditerranéens, les produits de l'Égypte, de l'Assyrie, de la Grèce, ou bien des œuvres bâtardes sorties des ateliers de la Phénicie ou des siens propres. Mais dans les ouvrages qu'on peut lui attribuer, l'imitation égyptienne, phénicienne ou grecque est si flagrante qu'on pourrait les appeler des contrefaçons, car ils ne se distinguent des modèles que par les différences qui caractérisent une copie médiocre ou maladroite.

Le mobilier funéraire des tombeaux primitifs de Carthage, déterrés sur le flanc sud-ouest Ide Byrsa, sur la colline dite de Junon et à Bord-Djedid, confirme cette impression. Ces colliers, ces masques, ces pendants de cou, ces bagues, ces vases de terre, ces statuettes peintes, ces pierres gravées, recueillis par le P. Delattre, sont d'origine égyptienne, cypriote, ou rhodienne, ou imités des produits orientaux quand on peut les considérer comme étant de fabrication indigène. Les lampes ont, à la vérité, une forme assez particulière, mais elle est si rudimentaire ! Les vases de terre cuite sont, le plus souvent, d'origine grecque : ils sont décorés de lignes géométriques, de fleurs ou de zones d'animaux comme les vases primitifs sortis des ateliers de Cypre, de Rhodes ou de Naucratis en Égypte ; sur l'un des plus récemment découverts on voit représentés Achille et Troïlos[26]. Ceux qui sont de fabrication carthaginoise n'ont point d'ornements : ce sont de grandes amphores, des patères, de petites fioles, de larges cruches en terre grise on rougeâtre, destinées à renfermer des ossements ou des parfums ; les vases en verre, unguenturia, alabastra, qui ont pris, avec le temps, parfois une si charmante irisation, ne se distinguent pas de ceux qu'on recueille dans les tombeaux de la Phénicie. Les statuettes en terre cuite sont d'un style lourd et même grossier ; elles ne sont pas, certes, inspirées de celles de la Grèce ; mais les types qu'elles représentent, Tanit, Baal Ammon, des Pygmées ou patèques grimaçants, Isis, Osiris, Anubis, avec des ornements au pinceau, sont parfois d'un grand intérêt archéologique.

Grâce aux fouilles si méthodiques du P. Delattre, nous connaissons bien, à présent, l'architecture funéraire des anciens Carthaginois[27]. Les plus importants des tombeaux puniques déterrés à Saint-Louis se composent, en général, d'une chambre rectangulaire longue d'environ 2m,70 et large de 1m,60, avec une hauteur de 1m,80. Cette chambre est soigneusement dallée ; les parois en sont faites d'énormes blocs de pierres parfaitement taillés et juxtaposés ; un toit à double pente, formé de deux grandes dalles, recouvre la construction ; une autre dalle enfin, appliquée debout contre la façade, servait de porte au mausolée. Parfois une sorte d'obélisque, formé de pierres équarries et superposées, était érigé sur le caveau, et émergeant au-dessus du sol supérieur, en indiquait l'emplacement. La Phénicie a fourni aux explorateurs, des tombeaux qui répondent au même type. A l'intérieur de ce vaste hypogée, on trouve le cadavre avec les objets dont on a cru devoir le parer ou l'entourer : colliers, amulettes, armes, bagues et bijoux, statuettes enterre cuite, amphores, lampes et vases de toute forme et de toute dimension. A côté de ces grands monuments, le P. Delattre a découvert des sépultures plus modestes : sarcophages monolithes isolés ou grandes auges faites de plusieurs dalles juxtaposées. Le Musée de Saint-Louis possède quelques squelettes et le mobilier recueillis dans ces tombeaux. A signaler encore, sur le flanc sud-ouest de Byrsa, une vaste fosse dans laquelle se trouvaient entassés des centaines de cadavres : c'était probablement la fosse commune où l'on enfouissait les esclaves.

Nous ne savons pas ce qu'étaient les temples et les autres édifices de la Carthage punique. Sans même la destruction systématique dont la ville fut l'objet, le tuf coquillier qu'employaient les Carthaginois dans leurs édifices, et qui s'effrite et s'altère vite au contact de l'air, n'aurait pu se conserver que dans les substructions. Les vaisseaux allaient chercher cette pierre facile à travailler, de l'autre côté du golfe de Tunis, aux Latomiæ de Diodore de Sicile et de Strabon (aujourd'hui El-Haouria) ; on employait aussi dans les constructions le marbre, le porphyre, avec toutes leurs nuances et variétés, qu'on allait chercher au loin dans les carrières de Numidie, et dont les touristes recueillent à présent les minuscules débris épars sur le sol. Au témoignage de Pline, les terrasses des maisons étaient enduites de poix ou de bitume, d'où ce dicton : A Carthage, toit de poix, vin de chaux, car, ajoute Pline, c'est avec la chaux que les Carthaginois préparent leurs vins[28]

Il est remarquable aussi qu'il ne subsiste plus une pierre émergeant au-dessus du sol, des temples que les Carthaginois avaient élevés en Sicile, en Sardaigne, en Espagne. On connaît seulement de nom le fameux sanctuaire de Tanit à Éryx en Sicile, celui de Baal Ammon à Marsala (Lilybée), ainsi que les temples sardo-puniques de Baal Samaïn, d'Astarté, d'Eschmoun, de Baal Ammon, signalés dans des inscriptions puniques recueillies à Sulcis, en Sardaigne. Le temple de Melkart à Gadès (Cadix), si fréquenté au temps de Strabon, n'a pas laissé de traces. Ce n'est donc pas seulement à Carthage que le delenda Carthago a eu son effet radical et complet : c'est partout où Rome s'est substituée à la domination punique.

V. Les monnaies. — Les monnaies des Carthaginois, nombreuses dans les collections publiques et privées, se partagent en deux grandes classes, selon qu'elles ont été frappées à Carthage même, ou bien en Sicile et en Espagne, pour la solde des troupes en expédition dans ces contrées. Nous ne parlons pas, bien entendu, des monnaies des colonies et des emporia puniques qui, eux aussi, avaient leur monnayage, comme la métropole. Les métaux monnayés par les Carthaginois sont l'or, l'argent, l'électrum (mélange d'or et d'argent), le cuivre, le potin ou billon (mélange d'argent, de cuivre et d'étain).

En Sicile, les Carthaginois monnayèrent durant un siècle, environ de l'an 410à l'an 310 avant notre ère. Les types de ces monnaies, tétradrachmes d'un style gréco-sicilien très remarquable, sont les suivants.

Au droit : Tète de Perséphone couronnée d'épis, parfois entourée de dauphins, comme sur les plus belles médailles de Syracuse. — Tête de Vénus, coiffée du bonnet phrygien. — Tête imberbe d'Hercule coiffé de la peau de lion. — Cheval au galop, couronné par la Victoire.

Au revers : Palmier — Cheval et palmier. — Tête de cheval et palmier. — Lion et palmier. A l'exergue ou dans le champ, une inscription en caractères puniques, ainsi qu'on peut le voir par les quelques exemples que nous avons cités plus haut.

Toutes ces médailles sont des tétradrachmes d'argent, de poids attique, c'est-à-dire pesant environ 17 grammes. Elles ne se rencontrent presque jamais en Afrique où elles n'ont sûrement pas circulé : ce sont proprement des monnaies siciliennes.

Parmi les monnaies frappées à Carthage même, il en est qui sont plus communes en Espagne qu'en Afrique ; mais leur légende, Barçat (Byrsa) parait s'opposer à. ce qu'on les considère comme étant d'origine hispanique. Frappées à Byrsa, elles auront servi à constituer le trésor des armées qui allaient combattre en Espagne, ou bien elles auront été répandues dans ce pays par des mercenaires licenciés et rapatriés.

Les monnaies d'or ou d'électrum de Carthage ont les types suivants :

Tête de Perséphone, couronnée d'épis, identifiée à Tanit ; elle est de style oriental, avec un nez très fort, des yeux renfoncés, ne rappelant que de loin la tête de Perséphone des pièces frappées en Sicile. Au revers, on voit un cheval au repos, ou bien un cheval levant une jambe, ou détournant la tête, ou courant au galop. Parfois ce cheval est devant un palmier. Les plus petites pièces ont seulement une tête de cheval ou un petit palmier. Les plus grandes pièces d'or ou d'électrum, très rares, sont des quadruples statères dont le module atteint 30 milli, mètres et qui pèsent 22 gr. 60 ; les plus petites ne pèsent que 50 centigrammes.

Les monnaies d'argent ou de potin répondent à la description qui suit :

Tête de Perséphone (Tanit) couronnée d'épis, du même style que sur les pièces d'or et d'électrum. Au revers, le cheval et le palmier, avec les variétés que nous avons signalées aussi dans le monnayage de l'or et de l'électrum. Dans le champ, il y a souvent des lettres puniques isolées, qui sont des indices d'ateliers ou d'émissions ou encore des initiales de magistrats monétaires. Les plus grandes pièces d'argent ou de potin ont un module de 40 millimètres et pèsent 38 grammes ; les plus petites sont des hémi-drachmes de 2 grammes.

Les monnaies de bronze, qu'on recueille en grand nombre dans la presqu'ile carthaginoise, sont aux mêmes types de la tête de Perséphone (Tanit), et du cheval ou de la tête de cheval, qu'accompagne souvent un palmier. Dans le champ, des lettres puniques isolées, le triangle, symbole de la trinité punique, le globe solaire entre deux uræus. Il existe de rares médaillons de bronze qui ont 45 millimètres de diamètre ; les pièces plus communes ont 23 millimètres et au dessous. Celles qu'on rencontre le plus souvent sur le sol de Carthage sont des bronzes peu épais, aux types de la tête de Perséphone-Tanit et du cheval, avec ou sans palmier, et des lettres dans le champ : ces pièces très communes atteignent à peine le module d'une pièce de un franc. En dehors de ces monnaies de la période de l'indépendance, ce sont surtout des monnaies romaines et byzantines que fournit le sol carthaginois.

 

 

 



[1] Aristote, Polit., II, 8 ; Tite-Live, XXX, 7 ; Cornelius Nepos, Annibal, 7 ; Zonaras, VIII, 8.

[2] Justin, XIX, 2, 5 ; Tite-Live, XXX, 16 ; XXXIII, 46.

[3] Diodore Sic., V, 11

[4] Voyez Duruy, Hist. des Romains, t. I, p. 457, note.

[5] Voyez Armandi, Histoire des éléphants, passim ; E. Babelon, Les rois de Syrie, Introd., p. XXVIII ; Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, pp. 364 et suiv ; S. Reinach, art. Elephas dans le Dictionn. des antiquités gr. et rom. de Daremberg et Saglio. Le nom de l'éléphant en punique parait avoir été Caisar. Voyez Clermont-Ganneau, Caesar est le nom punique de l'éléphant, dans la Revue critique, 1887, II, pp. 56-58.

[6] Ch. Tissot, Géogr. comp., t. I, p. 532.

[7] Cette identification est rendue certaine par la découverte, sur le sommet du Bou-Kornaïn, du sanctuaire de Saturnus Balcaranensis, cette épithète de Saturne signifiant Baal cornu. J. Toutain, dans les Mélanges de l'École française de Rome, t. XII, 1892, pp. 1 à 124 ; le même, De Saturni dei in Africa romana cultu (thèse de doctorat, 1896).

[8] Sur Juno Cælestis, voyez le Ausfürl. Lexicon der Mythologie de Roscher, t. II, p. 612-615.

[9] Sur la trinité carthaginoise, voyez Ph. Berger, dans la Gazette archéologique, 1880 à 1884, et dans la Revue archéologique, t. I de 1884, p. 209.

[10] Sur les Patèques phéniciens et le dieu Pygmée, voyez Ph. Berger, dans les Mémoires de la Société de linguistique, t. IV, p. 347 et suiv. ; L. Heuzey, Papposilène et le dieu Bès (in-8°, 1884) ; G Perrot et Chipiez, Hist. de l'art, t. I, p. 805 et 821 ; t. III, p. 417 à 423 ; E. Babelon, Les Perses achéménides, Introd., p. LXV.

[11] Pline, Nat. Hist., XXXV1,12, 39.

[12] Ph. Berger, dans les Comptes rendus de l'Acad. des inscript. et Belles-lettres, séance du 7 déc. 1894. Le même savant, a publié aussi une intéressante étude sur les dieux Sakon et Iolaos, dans les Mélanges Graux (1884).

[13] Sur le culte de Déméter ou Cérès importé à Carthage au IVe siècle, voir l'art. Kora, dans Roscher, Ausfürl. Lexicon der Mythologie.

[14] Toutes ces stèles puniques sont publiées dans le Corpus incriptionum semiticarum, et leur caractère est analysé au tome Ier (pp. 276 et suiv.) de cette grande publication. Voyez aussi les articles de M. Philippe Berger, dans la Gazette archéologique de 1816-77, et Perrot et Chipiez, Hist. de l'art dans l'antiquité, t. III, pp. 51 et suiv. et 457 à 464.

[15] Ph. Berger, dans la Gazette archéol., 1879, pp. 133 et suiv. ; Perrot et Chipiez, loc. cit., p. 73.

[16] S. Cyprien., De idolorum vanitate, ch. II.

[17] Diodore Sic., XX, 14. Voyez aussi Justin, XVIII, 6 ; XIX, 1 ; Plutarque, De superst., XIII ; De sera numinis vindicte, 6.

[18] Tertullien, Apologétique, CIX.

[19] Le P. Delattre, Inscriptions de Carthage, 2e fasc., p. 15-16. (Extrait du Bulletin épigraphique, t. IV, p. 317.)

[20] Val. Maxime, IX, 2 ; cf. Gaidoz, dans la Revue archéol., t. II de 1886, p. 192. Voir aussi, sur les sacrifices d'enfants à Carthage, l'art. Kronos dans le Lexicon de Roscher, et V. Bérard, De l'origine des cultes arcadiens, pp. 59 et suiv.

[21] Hérodote, IV, 196.

[22] Strabon, III, V, 11.

[23] Ch. Tissot, Géogr. comp., t. 1, p. 285 ; J. P. Mahaffi, The work of Mago, dans l'Hermathena, t. XV, pp. 29-35.

[24] Ph. Berger, La Phénicie (in-8°, 1881). Extrait de l'Encyclopédie des sciences religieuses.

[25] Voir surtout P. Schröder, Die phœnizische Sprache, pp. 1 et suiv.

[26] Héron de Villefosse, dans les Comptes rendus de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, séance du 7 déc. 1894.

[27] Le P. Delattre, Les tombeaux puniques de Carthage (Lyon, 1890, in-8°) ; le même, dans le Bulletin archéologique du Comité des travaux historiques, 1893, pp. 94 à 123.

[28] Pline, Hist. nat., XXXII, 48 ; cf. Tissot, Géogr. comp., t. I, p, 263.