CARTHAGE ROMAINE

 

LIVRE SEPTIÈME. — LITTÉRATURE

CHAPITRE VI. — LES POÈTES DE L'ÉPOQUE VANDALE.

 

 

Dans son exposé Ad Trasimundum saint Fulgence louait ce prince de vouloir inculquer le goût des choses de l'esprit à ses barbares sujets, et d'aimer mieux conquérir les âmes que d'étendre son royaume[1]. Ces éloges n'avaient rien d'exagéré. Nous avons déjà vu Thrasamund s'appliquant à bâtir ou à restaurer des monuments grandioses, tandis qu'à leur entrée en Afrique les Vandales pensaient surtout à les détruire. Ses rapports avec saint Fulgence nous ont encore mieux montré qu'il faisait cas de la culture intellectuelle. Sous un roi ami de la civilisation, les lettres, longtemps silencieuses, pouvaient de nouveau faire entendre leur voix. Mais les conquérants manquaient d'aptitude pour la littérature. Tout adonnés au métier des armes, ils n'étaient nullement préparés à la pratiquer pour leur propre compte. Même lorsque la période des guerres fut passée, il fallait un temps assez long à cette soldatesque pour s'habituer à manier le latin, je ne dis pas d'une façon habile, mais correcte. Quant à leur langue gothique, on ne pouvait lui demander d'exprimer des pensées fines et élégantes, ni de se plier aux exigences de la poésie[2]. C'est donc parmi les vaincus seulement que nous avons chance de rencontrer des hommes qui sachent faire œuvre littéraire. Malgré les persécutions exercées contre la noblesse et le clergé catholique, il est certain que l'immense majorité de la population était demeurée dans le pays. Elle n'avait pas perdu, par le seul fait de l'invasion, les brillantes qualités qui la distinguaient jadis, et dans cette multitude d'habitants, il ne manquait ni d'écrivains fiers de leur talent, ni de lecteurs prêts à admirer leurs productions. C'est avant tout à ces Romains de Carthage[3] que les auteurs cherchaient à plaire. Toutefois on ne vit pas de gloire, et la protection des maîtres actuels de l'Afrique pouvait seule leur assurer les moyens de subsister. Ils se trouvaient donc obligés de satisfaire à une double nécessité, situation fâcheuse dont leur œuvre se ressent.

Elle nous est connue, au moins en partie, par l'Anthologie latine dont j'ai déjà prononcé le nom. Quoique la moitié de ce recueil réservée aux Africains ait subi bien des mutilations, elle nous permet encore de nous faire une idée de la poésie qui florissait chez eux, à la fin du Ve siècle et dans le premier tiers du VIe.

Les morceaux qu'elle renferme sont presque tous fort courts ; les plus longs, très rares d'ailleurs, ne vont pas au delà d'une quarantaine de vers[4]. Ces poètes sont vite à bout de souffle. Aussi bien traitent-ils des matières qui ne se prêtent guère à de longs développements. Pour parler de poissons qui prennent leur nourriture à la main, d'un sanglier apprivoisé nourri dans une salle à manger, d'une petite chienne qui accourt au moindre signe de son maître, d'une pie qui imite la voix humaine, d'un chat qui s'est étranglé en avalant une souris[5], il n'est guère besoin de beaucoup de phrases. Ce n'est pas à dire que le règne animal fasse tous les frais de ces petites compositions, mais les autres sujets qu'elles abordent ne sont guère moins futiles. Par exemple, l'auteur se moquera d'un nain qui tempête sans cesse, d'un oiseleur obèse qui revient toujours bredouille, d'un goutteux qui prétend chasser, d'un ivrogne qui ne fait que boire sans manger, d'un mauvais joueur qui voudrait diriger les dés[6]. Nous ne saurions nous étonner qu'il soit souvent aussi question du cirque et de l'amphithéâtre, quand nous savons quelle place les jeux publics et les acteurs de toute espèce tenaient dans les préoccupations des Carthaginois. En parlant à la multitude des pantomimes, des écuyers et des cochers, pour qui elle avait tant de goût, on lui plaisait, à coup sûr. Vanter un conducteur de la faction verte, qui n'avait pas son pareil pour tourner autour de la meta, élever au rang d'Hercule un chasseur nègre et le combler d'épithètes louangeuses, comparer à Dédale cet homme ou plutôt cet oiseau qui franchissait d'un bond le podium, de l'amphithéâtre, était un moyen sûr de devenir soi-même populaire[7]. Si j'en juge par leur nombre, les sujets scabreux ou franchement obscènes emportaient encore plus les suffrages du public que ces panégyriques. Par tous ces traits, l'Anthologie se rapproche des épigrammes de Martial. Il n'y manque même pas les satires littéraires, ni les éloges complaisamment décernés à quelque ami pour sa science ou ses vers[8].

Parmi ces productions, pour la plupart insignifiantes, on en distingue quelques-unes d'un réel intérêt, qui s'adressent à de puissants personnages, Vandales ou Romains ayant fait adhésion au nouveau régime[9]. En première ligne, les poètes célèbrent les rois, et il faut leur rendre cette justice, qu'ils louèrent surtout chez eux ce qui était louable[10], c'est-à-dire leurs efforts pour embellir Carthage et restaurer ses monuments. L'un d'eux raconte les travaux exécutés par Hunéric pour endiguer la mer. Un autre chante avec un enthousiasme lyrique les thermes d'Alianas bâtis par Thrasamund, fondation bienfaisante dont les malades apprécient l'utilité ; Baïes est surpassé ; l'Afrique n'a rien à envier à l'Italie. Puis c'est le tour d'une magnifique salle de réception construite par Hildéric ; le marbre y est employé avec une telle profusion qu'on se mire dans le dallage blanc comme la neige, et que les rayons du soleil, renvoyés par les parois, augmentent l'éclat du jour[11]. Après les rois, leurs conseillers, dont on s'ingénie à gagner la faveur, en décrivant les beautés de leur demeure, en leur dédiant des épithalames[12].

Les auteurs de ces éloges s'appellent Luxorius, Octavianus, Coronatus, Flavius Felix, Florentines, Calbulus, Petrus, Caton[13] ; leurs noms, à défaut des raisons que j'ai déjà fait valoir, prouveraient leur origine romaine. Certaines mentions, conservées dans les manuscrits, nous indiquent, en outre, à quelle classe de la société ils appartenaient presque tous[14]. Calbulus se qualifie simplement de grammaticus ; mais Luxorius est dénommé vir clarissimus et spectabilis ; Coronatus et Flavius Felix, viri clarissimi ; Octavianus, viri inlustris, est fils d'un vin magni ficus. La plupart se rattachaient donc à l'ancienne aristocratie locale et conservaient les titres portés par leurs aïeux[15]. Du patrimoine de leur famille, c'est tout ce qu'ils avaient sauvegardé ; par suite des spoliations brutales de Genséric, lorsqu'il se fut emparé de Carthage, ils se trouvaient réduits à une condition bien précaire. Luxorius parle de sa pauvre demeure[16], Flavius Felix adresse une supplique à un fonctionnaire influent (vir inlustris et primiscriniarius Victorianus), pour obtenir de lui un bénéfice ecclésiastique[17]. Tous cependant ne tendent pas la main, il en est au contraire qui occupent une situation enviable à la cour ; Petrus tient l'emploi de référendaire.

Égaux dans la médiocrité, ces poètes ne diffèrent guère, autant que nous pouvons nous fier au nombre des morceaux conservés, que par leur fécondité plus ou moins grande. De la majorité d'entre eux, l'Anthologie ne confient que deux ou trois pièces qui ne suffisent pas à fonder une réputation. Seul Luxorius occupe une place prépondérante. Dès sa jeunesse, il avait commencé à versifier[18] ; c'était un talent précoce. Est-ce à lui, comme plusieurs l'ont cru[19], que nous devons ce recueil où il se serait taillé la part du lion ? Est-ce à cause de sa notoriété que le compilateur supposé, Octavianus, l'a traité si libéralement[20] ? Ce problème, presque insoluble avec les documents dont nous disposons, n'a ici qu'un intérêt secondaire. L'important est de voir de quelle façon un des principaux écrivains de l'époque entendait la poésie, sur quels thèmes il s'exerçait de préférence. On a déjà pu s'en rendre compte par les exemples donnés plus haut, car beaucoup sont extraits de Luxorius ; il y a bien d'autres choses à relever dans son œuvre.

Virgile était très apprécié en Afrique. Loin de se borner à lire l'Enéide, les Géorgiques, les Bucoliques, on les copiait, ou plutôt on en transposait les vers de manière qu'ils pussent présenter un sens nouveau et s'adapter aux sujets les plus variés. On appelait ces arrangements des centons. C'est par ce procédé que Luxorius forgea un épithalame en l'honneur de Fridus, haut dignitaire vandale[21]. Plus personnelle, mais beaucoup plus prosaïque et, à coup sûr, plus indigente dans son inspiration est la série des distiques, serpentins que Bæhrens lui attribue avec vraisemblance. Au commencement et à la fin se répètent les mêmes mots, souvent au détriment de la pensée[22]. Dans l'épitaphe qui termine ce petit livre, le poète s'en déclare très fier et prononce lui aussi son exegi monumentum :

Nil mihi mors faciet, pro me monumenta relinquo ;

tu modo vive, liber : nul mihi mors faciet[23].

Il en avait bien un peu le droit, après s'être entendu proclamer, par un de ses amis, supérieur aux anciens[24].

Heureusement nous possédons de lui des morceaux d'une meilleure venue, par exemple l'épitaphe de Damira, fille d'Oagès[25]. On y sent une émotion sincère, et même une idée chrétienne s'y fait jour lorsqu'il nous montre l'âme innocente de cette enfant habitant désormais avec la multitude des justes les célestes palais[26]. A vrai dire, ce ton ne lui est pas habituel ; d'ordinaire Luxorius se renferme dans la satire ou l'éloge, ou bien — et c'est le cas des vers serpentins — il se confine dans la mythologie et chante la puissance des dieux, les exploits des héros. Les œuvres d'art, qui n'avaient pas toutes disparu, l'inspirent aussi : il consacre un distique à une statuette de Cupidon, à un Neptune d'où s'échappe le jet d'une fontaine[27] ; il décrit une chimère d'airain[28], une Vénus de marbre sur la tète de laquelle ont éclos des violettes[29] ; il explique des fresques représentant une chasse au sanglier, le meurtre de Remus par Romulus, Diogène folâtrant avec Laïs et bafoué par Cupidon[30]. Les rythmes dont il se sert n'offrent pas moins de diversité que les sujets, hexamètres, distiques, vers iambiques, trochaïques, saphiques, asclépiades, glyconiques, phaléciens..., il use avec dextérité de toutes les ressources que la métrique met à sa disposition. Qu'il en viole plus d'une fois les lois[31], nous ne songerons pas à nous en étonner. Du moins, les difficultés ne l'arrêtent guère, et sa virtuosité est remarquable lorsqu'il traite au pied levé toutes les matières et introduit, comme en se jouant, dans son latin, les noms barbares de Fridamal, Blumarit, Jectofian ou Vatanans[32]. Mais la virtuosité n'est pas la poésie ; pour y atteindre, il faut une langue harmonieuse et riche au service de grandes pensées, deux conditions que ne remplissait nullement Luxorius. Il a donné une exacte définition de ses écrits, lorsqu'il les traite, dans sa préface au lecteur, de bagatelles, de propos légers[33].

Ces mots s'appliquent avec non moins de justesse aux autres membres de cette espèce de Pléiade dont il paraît être le centre. Chez eux, mêmes idées que chez lui : éloge des rois et de leurs ouvrages par Felix, Florentinus et Caton, description licencieuse d'une statue de Vénus par Octavianus[34] ; mêmes procédés de composition, centon virgilien par Coronatus[35] ; même virtuosité, Felix n'a pas moins de cinq pièces sur les thermes d'Alianas[36]. Plus que lui, peut-être, ils confondent le développement verbeux avec l'inspiration ; clans un panégyrique. de Thrasamund Florentinus répète Carthago quinze fois en huit vers, qui commencent tous par ce mot[37]. Leurs tours de force sont plus complets encore que les siens, comme dans ce morceau de Felix où tous les vers ont trente-sept lettres, les premières formant le nom Thrasamundus (acrostiche), les onzièmes les mots conta innovat (mésostiche), les dernières vota serenans (télestiche)[38].

Voilà plus de preuves qu'il n'en est besoin pour faire toucher du doigt tout ce qu'une semblable poésie a de factice et de convenu. Outre ce caractère distinctif, elle en offre encore un autre, non moins évident et général ; la source d'où elle découle est païenne, et la crudité des expressions répond au libertinage des peintures. Çà et là flotte un souvenir chrétien. J'ai mentionné à ce propos un passage de Luxorius ; Calbulus a des inscriptions métriques pour un baptistère et sur la croix[39] ; Petrus, pour l'église de la Théotokos au palais royal[40]. Mais, d'ordinaire, les poètes de ce temps pensent et s'expriment en païens.

Ainsi fit encore, pendant une partie de sa vie, un de leurs contemporains[41] qui les dépassa tous et qui mérite, en raison de son talent, une mention particulière ; je veux parler de Dracontius[42]. Le titre de Romulea, que semblent avoir porté ses poésies de jeunesse[43], n'en donnerait pas une notion exacte, si on l'entendait au sens étroit du mot. Aucune n'est consacrée-à l'histoire de Rome. Après de petites pièces dans le goût de l'Anthologie, sur les mois, sur l'origine des roses[44], Dracontius se hausse à de plus grands sujets : il raconte la fin d'Hylas, l'enlèvement d'Hélène et les fureurs de Médée ; il se fait l'écho-des plaintes d'Hercule, lorsqu'il voyait les têtes de l'hydre renaître à mesure qu'il les coupait ; il représente Achille hésitant à rendre le corps d'Hector. En interprétant Romulea, par contes mythologiques, nous lui donnerons donc, je crois, sa véritable signification. Rome n'avait-elle pas importé en Afrique toutes les vieilles légendes ? Si la plupart d'entre elles remontaient jusqu'à la Grèce, directement elles constituaient pour les Carthaginois un héritage reçu d'Italie. Elles se répandaient par les écoles, qui s'étaient maintenues ou rétablies à travers tous les bouleversements politiques et qui perpétuaient, par leur enseignement presque immuable, la tradition païenne en même temps que la tradition littéraire. Dracontius nous apprend qu'il eut pour maitre un savant homme, le grammairien Felicianus, dont la parole attirait un auditoire compact de Romains et de Vandales[45]. Peut-être avait-il été initié par lui au latin[46] ; il avait au moins expliqué, sous sa direction, les auteurs classiques et s'était imprégné de leurs ouvrages au point de s'en inspirer librement[47]. Il n'est pas rare de trouver dans ses vers des réminiscences de Virgile, d'Ovide, de Stace, de Lucain, de Juvénal[48]. C'est d'eux encore qu'il extrait la substance de ses productions de début, ces fables qui depuis des siècles défrayaient l'imagination des hommes et auxquelles il sut donner un tour assez neuf. Il leur a surtout emprunté leur esprit qui perce même dans ceux de ses premiers écrits dont l'inspiration, sans être chrétienne encore, ne relève pas essentiellement du paganisme. Un mot, une allusion, une comparaison[49], nous avertissent soudain que Dracontius puise sans relâche à la même source que Luxorius et ses émules.

Pourtant, dès l'origine, il est aisé de relever des différences profondes entre leurs ouvrages et les siens. Il sait d'abord toujours, même en des matières assez délicates[50], se garder du cynisme des expressions et de l'immoralité des peintures qui les caractérisent. Eux se complaisent dans des sujets terre à terre, qu'on achève en quelques mots, où la verve poétique ne saurait se donner carrière ; lui les choisit amples et dramatiques, et, comme il a du souffle, il peut les suivre aisément jusqu'au terme. Sans être très habile, ni ordonné dans ses développements, il arrive à tirer d'une situation ce qu'elle contient. En un mot, il tente des épopées en raccourci (epillia), comme celles qui charmaient les Alexandrins. Peut-être faut-il voir, dans ce genre spécial qu'il affectionnait, autant que dans la disgrâce encourue par lui, la cause qui le fit exclure de l'Anthologie.

Un des moyens dont il use le plus volontiers pour élargir un thème donné, c'est l'amplification oratoire, soit qu'il parle en son propre nom, soit qu'il mette des discours dans la bouche de ses personnages Nous saisirons mieux, pense-t-il, l'énormité du crime de Pâtis enlevant Hélène, s'il commence par nous rappeler le rôle important de la mère dans la famille ; puis, après une invocation à Homère et à Virgile dont il recueille les miettes, comme le renard se repaît de ce que les lions ont dédaigné, il envisage, en une longue tirade, toutes les conséquences de la faute qui va être commise[51]. Dans le récit des aventures de Médée, nous entendons tour à tour les harangues de Junon, de la nourrice, de Diane, et les multiples discours de Médée, sans compter les propos fréquemment échangés entre les autres personnages. Qu'est-ce à dire, sinon que Dracontius a un tempérament de rhéteur et qu'il incline par éducation, sans cloute aussi par goût, vers la déclamation. Il y tombe même tout à fait à diverses reprises, et plusieurs de ses poésies ne sont autre chose, on en a déjà fait la remarque[52], que des controverses analogues à celles de Sénèque et de Quintilien. Un puissant personnage a sa statue sur une place de la ville, elle sert de lieu d'asile légal ; un pauvre, son ennemi, se réfugie au pied de la statue pour éviter la colère du riche et démontre qu'on n'a pas le droit de l'en arracher[53]. Ailleurs, Achille se demande s'il cédera le cadavre d'Hector[54]. Cette controversia, cette deliberativa, auxquelles il y a lieu de joindre les plaintes d'Hercule, s'inspirent directement des leçons de l'école ; elles en reproduisent les défauts. La première eut l'honneur d'être débitée en public, dans les thermes de Gar,gilitts, en présence du proconsul ; nouvelle analogie avec les mœurs littéraires du r siècle de l'Empire. Ce simple fait prouve que, sous les Vandales, les habitants de Carthage goûtaient l'éloquence, comme au temps des brillantes conférences d'Apulée.

Bien que les témoignages exprès fassent défaut, on peut supposer, dès lors, que les autres poètes se faisaient applaudir, eux aussi, dans les cercles lettrés. Luxorius déclare à son maitre, le grammairien Faustus, qu'il cultive le genre où se plaisent le mieux ses concitoyens[55] ; ce demi-aveu donne à penser qu'il ne négligeait rien pour s'assurer une publicité aussi large que possible. Quoi qu'il en soit, ce ne serait là, entre Dracontius et ses contemporains, qu'une ressemblance tout extérieure qui tiendrait à l'époque plus qu'au talent des auteurs. Elle ne saurait nous faire perdre de vue les différences que j'ai notées plus haut. Il serait aisé d'en relever d'autres encore. Ainsi, tandis que l'Anthologie est pleine de vers de toute sorte qui témoignent de l'ingénieuse facilité des écrivains, Dracontius, à l'exception de deux morceaux[56], ne se sert que de l'hexamètre. L'emploi presque exclusif du vers héroïque met plus de sérieux et de tenue dans son œuvre ; elle se rapproche davantage de la haute poésie à laquelle elle a su emprunter çà et là quelques-unes de ses qualités.

Mais les facultés vraiment supérieures de Dracontius, par suite l'écart qui existe entre lui et ses rivaux, se manifestent surtout dans la Satisfactio ad Gunthamundum et les Laudes Dei[57]. Voici à quel-propos ces deux ouvrages ont vu le jour. La famille de Dracontius tenait un certain rang à Carthage, il est qualifié lui-même de vir clarissimus[58]. Sans doute, il eût à son tour brillé dans quelque charge considérable, en se résignant, comme tant d'autres, à subir le joug des barbares ; la tranquillité et les honneurs étaient à ce prix. Le ton des Romulea laisse supposer qu'il accepta d'abord le fait accompli. Par suite de quelles circonstances se décida-t-il à changer d'attitude ? Une seule chose est sûre, c'est qu'il se détacha bientôt de ses maîtres, et qu'il poussa la hardiesse jusqu'à chanter un prince inconnu de lui et dont il n'était pas le sujet[59]. On s'accorde à voir dans cet étranger l'empereur de Constantinople[60]. En louant le monarque byzantin, qui n'avait pas perdu l'espoir de reconquérir l'Afrique et vers qui se tournaient les vœux et l'espoir de tous les Africains insoumis, Dracontius se révoltait contre les Vandales. Le châtiment ne se fit pas attendre. Dénoncé par quelque courtisan, il fut dépouillé de ses dignités, de ses biens, bâtonné, emprisonné comme un malfaiteur[61] ; les siens eurent aussi à souffrir les plus dures privations[62]. On se détourna de lui, on l'oublia, pour ne pas paraître tremper dans sa faute[63].

Lui, cependant, n'oublie pas ses amis et ses protecteurs ; c'est dans sa prison qu'il compose, douloureux contraste, un épithalame pour de jeunes époux[64]. Mais surtout il fait amende honorable au roi (Satisfactio) et s'efforce de l'attendrir, lui représentant que, si la faute fut grave, le repentir est complet. Dieu ne veut pas la mort de ceux qui l'ont offensé ; à son exemple, Gunthamund pardonnera au coupable, assez puni par les tourments qu'il a déjà endurés. Un tel acte de clémence grandira son auteur et lui procurera une gloire qu'il ne devra qu'à lui-même. Le poète le chantera et s'efforcera ainsi de payer sa dette de reconnaissance. Ces plaintes, accompagnées de flatteries parfois excessives, ne touchèrent pas le roi ; il voulait faire un exemple[65], Dracontius demeura dans son cachot. N'espérant plus rien du inonde et n'avant désormais de recours qu'en Dieu, il se mit à le célébrer avec amour dans un poème étendu (Laudes Dei)[66].

Ces deux mille vers et plus[67], divisés en trois livres, ne sont pas aussi impersonnels qu'on pourrait d'abord le croire. Le récit de la création remplit la première partie[68] ; mais Dieu y apparaît aussi, pitoyable au pêcheur et ressuscitant, au dernier jour, les corps détruits de tous les hommes ; il n'abandonnera donc pas le malheureux opprimé qui avoue ses fautes et les pleure. Au second chaut, nous voyons tout le trouble que la malice des hommes introduit dans le monde ; pourtant la miséricorde divine est plus forte ; elle s'est manifestée en mainte circonstance et surtout par la Passion du Sauveur. Enfin, après des considérations assez peu ordonnées sur la nécessité d'obéir à Dieu et le mérite de la vertu, Dracontius termine en renouvelant sa confession devant le Seigneur, avec d'humbles instances pour être délivré du cachot où il gémit. Il y a donc plus que des allusions discrètes dans les Laudes Dei ; le prisonnier y insiste sur les idées glissées déjà dans l'Epithalame de Jean et de Vitula, développées dans l'élégie à Gunthamund (Satisfactio). Bien inspiré par un sujet heureusement choisi et fécond, il les revêt, cette fois-ci, d'un style plus brillant dont j'aimerais à donner des exemples, s'il s'agissait en ce moment d'apprécier un travail d'art et de le faire ressortir en le comparant à la barbarie environnante[69]. Mais je me suis surtout proposé, en passant en revue les écrivains carthaginois, de suivre le mouvement des idées dans leur ville. Envisageant les choses de ce point de vue particulier, il me fallait assurément, sans méconnaitre la supériorité des poèmes chrétiens de Dracontius, accorder plus d'attention peut-être à ses Romulea. Plus encore que les poésies fugitives de l'Anthologie, ils caractérisent la renaissance païenne qui se produisit en Afrique, dans la seconde moitié de la domination vandale[70].

Pour justifier son titre, ce dernier chapitre de l'histoire littéraire de Carthage devrait être clos après Dracontius. Je n'hésite pas cependant à mettre Corippus à la suite des poètes qui fleurirent sous les rois étrangers. Sans doute, lorsqu'il publia sa Johannide (549 ou 550)[71], les Byzantins avaient reconquis l'Afrique ; toutefois il est légitime, en un certain sens, de considérer son œuvre comme le prolongement de celles que le gouvernement précédent avait vu éclore. Les maîtres du pays n'étaient plus les mêmes, le besoin de flatter survivait à ce changement de régime. Comme Luxorius, Felix et les autres, Corippus fut un panégyriste.

Modeste professeur[72], il vivait obscur dans quelque municipe, se livrant au plaisir de versifier, quand des événements que nous ignorons, peut-être une révolte des indigènes, le contraignirent de quitter son pays. Il se réfugia dans la capitale où parut la Johannide[73]. Elle célèbre les exploits du magister militum, Jean Troglita, qui, envoyé par Justinien outre-mer, en 546, vint à bout des Berbères coalisés et rendit la sécurité au pays. Deux années de lutte ne furent pas de trop pour obtenir ce résultat. C'est le fond du récit de Corippus. Seulement, afin de mettre en évidence toutes les difficultés de cette tâche, il multiplie les allusions aux événements antérieurs, de telle sorte que l'ouvrage renferme, au moins en raccourci, l'histoire militaire de l'Afrique depuis l'écrasement des Vandales (533) jusqu'à la pacification de 545. L'auteur connaît bien les régions qu'il décrit, les faits qu'il raconte ; il a parcouru les unes, assisté aux autres. Carthage, où s'organisait la guerre, où l'on ressentait plus vivement qu'ailleurs les tristesses de la défaite et les joies de la victoire, occupe le centre du tableau. Peut-être faut-il voir là un indice que le poème y a été coin-posé tout entier. Soit qu'il déplore les ruines accumulées dans cette ville, au cours des récentes séditions[74] ; soit qu'il nous montre les bataillons sortant par les neuf portes de l'enceinte[75] ; soit qu'il rappelle les bienfaits de l'empereur envers les magistrats carthaginois[76], les entreprises de Stotzas contre la cité[77], l'allégresse populaire au retour de l'armée victorieuse[78], la témérité du sénat qui décide de lancer des troupes dans l'extrême sud en plein été[79], le deuil public après la défaite de Marta et l'empressement à organiser les renforts[80] : soit enfin qu'il montre la tète du roi des Marmarides portée, au bout d'une pique, à travers les rues[81], on sent que Corippus ne parle pas comme un étranger ; il a partagé les sentiments qu'il prête aux habitants.

Rien ne démontre mieux que la préface quelle était son intention en écrivant la Johannide ; il l'adresse en effet aux sénateurs (proceres) de la capitale. La paix règne, dit-il, grâce à la valeur de Jean, n'est-ce pas le moment de chanter ses belles actions pour les générations futures ? Homère nous a transmis le nom d'Achille ; Virgile, celui d'Enée. S'il n'a pas le génie de Virgile, son héros laisse Enée loin derrière lui. En cherchant à retracer de pareils exploits, le poète a senti sa verve s'échauffer ; son sujet l'a soutenu et entraîné. Les vers que sa médiocrité-ne lui aurait pas permis d'écrire, la joie de la victoire les lui a inspirés.

Quos doctrina negat, confert victoria versus,

ajoute-t-il en pastichant Juvénal[82]. Sa muse rustique a dû laisser échapper beaucoup de fautes, qu'on veuille bien les lui pardonner. Car il ne s'est proposé qu'un but, plaire à Carthage en lui racontant les triomphes de ses armes.

Une requête si humble ne pouvait manquer d'être accueillie. Ce n'est pas que tout fût excellent dans la suite. Des juges délicats y auraient critiqué l'abus des discours, dont quelques-uns sont interminables[83], l'emploi de la mythologie dans un sujet contemporain et chrétien[84], des expressions précieuses et maniérées à foison[85] ; ils auraient pensé que Fronimuth, Carcasan, Ifisdaias, Vulmirzisacus, Putzintulus, Esputredas n'étaient guère plaisants à l'oreille, et qu'il manquait un peu d'harmonie à des vers tels que :

... Et accitus longis convenit ab oris

Astrices, Anacutasur, Celianus, Imaclas,

Zersilis artatis habuit quos horrida campis[86],

ou :

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . pariterque Melangus

signa regit, Gantal Guentanque, Alacanza, Iutungun

dirus et Autiliten velox fortisque Catubar[87],

ou encore :

... medium sternit mucrone Merasgun,

Suartifanque super celerem, Montana, Gamasdrum,

eripuit, mortemque miser suscepit Isaguas[88].

Mais beaucoup de ces noms étaient alors dans tontes les bouches ; on ne s'étonnait guère sans doute de les rencontrer dans un poème qui, d'ailleurs, se recommandait par une certaine verve créatrice, des descriptions abondantes et des comparaisons parfois heureuses[89]. Aussi bien les Carthaginois du VIe siècle ne devaient pas se montrer difficiles en fait de poésie ; au milieu du tumulte des armes, leur sens littéraire s'était émoussé. Et puis le bonheur rend indulgent, et la paix assurée à l'Afrique par la valeur de Jean Troglita faisait oublier toutes les fautes de goût et de prosodie. On dut accueillir avec faveur la Johannide. Du moins nous avons la preuve qu'elle plut en haut lieu, car l'auteur, mandé à Constantinople, y occupa un poste important[90]. Dès lors il cesse de nous appartenir. C'est à chanter Byzance et l'empereur Justin II que ce panégyriste de profession consacre la fin de sa vie[91].

 

Corippus est le dernier de cette lignée d'écrivains qui donnèrent à Cartilage sa gloire la plus durable, celle des lettres. Pendant les cent cinquante années qui s'écouleront encore jusqu'à sa ruine, au milieu des luttes contre les Berbères révoltés et les Arabes envahisseurs, les subtiles discussions théologiques vont absorber les esprits cultivés ; ils y consumeront ce qui leur reste de vigueur intellectuelle et ne produiront plus rien qui leur survive. Il est vrai que, dans les siècles précédents, cette terre fertile avait vu germer une assez belle moisson d'auteurs pour n'avoir rien à envier à aucune autre cité de l'Empire, Rome exceptée. Après la figure si originale d'Apulée, c'est aussitôt l'inspiration chrétienne qui commence avec Tertullien, non moins étrange en son genre que le Platonicien de Madaura. Elle se perpétue pendant plus de quatre cents ans, représentée par des hommes de talents très divers, apologistes, panégyristes, docteurs, controversistes, que leur foi commune et le désir de la défendre et de la propager réunit en un groupe homogène. Par instants, à travers cette série ininterrompue se glisse un livre issu du paganisme, les églogues de Némésien, l'encyclopédie de Martianus Capella ; puis, tout à fait au terme de cette longue histoire, comme si les dieux ne voulaient pas succomber sans une protestation suprême, les vieilles croyances s'étalent, par une sorte d'ironie et grâce à des conditions politiques toutes spéciales, dans les écrits de quelques hommes qui ne les partagent pas.

On suit donc dans cette littérature carthaginoise deux courants parallèles qui sourdent et disparaissent presque simultanément ; l'un, continu, abondant, majestueux ; l'autre, intermittent, parfois réduit à un mince filet. Le christianisme donne sans cesse naissance à de nouveaux ouvrages ; les souvenirs païens, chaque jour amoindris, en suscitent à peine un petit nombre. Ces deux séries se distinguent du reste par une marque tout extérieure, mais significative. Tandis que la pensée païenne préfère la poésie et revendique Némésien, les auteurs de l'Anthologie, Dracontius, — il y a aussi des vers dans Martianus Capella et souvent Apulée s'exprime en vrai poète des chrétiens, à part deux pièces de Dracontius et la Johannide, se servent presque exclusivement de la prose. C'est qu'eux ne parlent pas pour le vain plaisir de charmer les dilettantes, mais uniquement pour se défendre ou pour instruire. Leur œuvre est sérieuse, nécessaire ; celle de leurs rivaux se réduit d'ordinaire à un simple passe-temps.

 

 

 



[1] I, 2 : Per te... disciplinæ studia moliuntur jura barbaricæ ventis invadere... ut magis desideres animæ spatia dilatare quam regni. Cf. Marcus, Wand., p. 199.

[2] Il est assez vraisemblable que l'on doit rapporter à l'Afrique ces vers ironiques de l'Anthologie :

Inter eils goticum scapia matzia ia drincan

non audet quisquam dignos educere versus.

Calliope madido trepidat se jungere Baccho,

ne pedibus non stet ebria Musa suis.

Riese, Anthologia latina, 285, cf. p. XXIV = Bæhrens, Pœtæ latini minores, IV, 439.

[3] Riese, 289, v. 8 = Bæhrens, 443 ; cf. Papencordt, p. 300-306.

[4] L'Epithalamium Fridi de Luxorius a 68 vers (Riese, 18 = Bæhrens, 208) ; c'est une exception. J'omets la discussion sur un cas de sacrilège (Riese, 21 = Bæhrens, 211), qui compte 285 vers, mais que Bæhrens inscrit sans motif suffisant au compte d'Octavianus.

[5] Riese, 291, 292, 359, 370, 375 = Bæhrens, 445, 446, 513, 524, 529.

[6] Riese, 296, 300, 307, 311, 333 = Bæhrens, 450, 454, 461, 465, 487.

[7] Riese, 293, 310, 324, 327 sq., 336, 346, 353, 334, 373 = Bæhrens, 447, 464, 418, 481 sq., 490, 500, 507 (v. 5), 508 (v. 1-2), 527.

[8] Riese, 287-290, 294, 295, 316, 340, 351, 358 = Bæhrens, 441-444, 448, 449, 410, 494, 505, 512.

[9] Riese, 289, v. 1 = Bæhrens, 413 ; cf. Papencordt, p. 297.

[10] Boissier, Afriq., p. 260.

[11] Riese, 203, 210-215, 316 sq., 387 ; Bæhrens, 382, 389-391, 530 sq., 541.

[12] Riese, 18, 216, 254, 304 = Bæhrens, 208, 395, 421, 458.

[13] Il en est d'autres encore dont nous ne possédons rien, mais dont nous pouvons soupçonner l'activité intellectuelle, comme ce Faustus, grammairien hors de pair — tantus grammaticæ magister artis — (Riese, 257, v. 4 = Bæhrens, 411), à qui Luxorius dédiait un recueil de ses œuvres de jeunesse, ou ce Felicianus que son disciple Dracontius louait d'avoir restauré à Carthage le culte des lettres — qui fugatas Africanæ reddis urbi litteras — (Præfatio, v. 13).

[14] De Rossi, Inscr. U. R., II, 1, p. 241, n. 5.

[15] Riese, p. XXVI ; Bæhrens, p. 30.

[16] Nostri defugiens pauperiem laris... (Riese, 289, v. Bæhrens, 443).

[17] Riese, 254, v. 13-16, 39-40 = Bæhrens, 421 :

Tu mihi numen eris, Phœbeo munere plenus

qui potes infirmos morte levare manu ;

quæque meos domus est proavos miserata patrenique

hæc eadem natis præmia nota ferat...

Adnue poscenti, misero sustolle ruinas ;

clericus ut fiam, dum velis ipse, potes.

Voir aussi Riese, 216, v. 8 = Bæhrens, 395 :

utque soles, largus carmina nostra fove.

[18] Riese, 281, v. 5 ; 288, v. 5 289, v. 5-6 = Bæhrens, 441, 443.

[19] Riese, p. XXV ; Teuffel, p. 1226, 476, 3 ; Ebert, p. 459.

[20] Bæhrens. p. 3, 30, 32 sq.

[21] Riese, 18 = Bæhrens, 208.

[22] En voici un exemple caractéristique :

De Turno et Pallante.

Turnus honore ruit fusi Pallantis in hostem ;

Pallantis fusi Turnus honore ruit.

(Riese, 46 = Bæhrens, 234.)

[23] Riese, 80 = Bæhrens, 268.

[24] Priscos, Luxori, certum est te vincere vates. (Riese, 81 = Bæhrens, 226.)

[25] Riese, 345 = Bæhrens, 499.

[26] V, 13-14 :

Hujus puram animam stellantis regia cæli

possidet et justis inter videt esse catervis.

[27] Riese, 345 sq. = Bæhrens, 501 sq.

[28] Riese, 355 = Bæhrens, 509.

[29] Riese, 356, cf. 367, 371 = Bæhrens, 510, cf. 521, 525.

[30] Riese, 304, 325, 374 = Bæhrens, 458, 479, 528.

[31] Cf. Riese, p. XLII ; Bæhrens, p. 53.

[32] Riese, 304 sq., 326, 328, 333 = Bæhrens, 458 sq., 480, 482, 487.

[33] Riese, 288, v. 4-5 = Bæhrens, 442.

Nostri libelli cur retexis paginam

nugis refertam frivolisque sensibus ?

Riese, 287, v. 6 = Bæhrens, 441.

Versus ex varus jocis deductos.

[34] Riese, 20 = Bæhrens, 210. C'est aussi à lui sans doute qu'il faut attribuer l'étrange préface (Riese, 19 = Bæhrens, 209, cf. p. 28-30) de la seconde partie, d'une intelligence si pénible. Un anonyme a même glissé dans le recueil des vers écrits dans une langue inconnue (Riese, 204, v. 10-12 = Bæhrens, 383).

[35] Riese, 223 = Bæhrens, 190.

[36] Riese, 210-214 = Bæhrens, 389-393.

[37] Riese, 316, v. 29-36 = Bæhrens, 530.

[38] Riese, 214 = Bæhrens, 393.

[39] Riese, 378 sq. = Bæhrens, 532 sq.

[40] Riese, 380 = Bæhrens, 534. De Rossi (Inscr. christ. U. R., II, 1, p. 239), croit qu'une partie des épigrammes du recueil étaient gravées sur des monuments élevés par les rois Vandales.

[41] Il est un peu plus âgé sans doute que la plupart des auteurs de l'Anthologie, qui vivaient sous Thrasamund ; pourtant il semble avoir, lui aussi, connu ce roi ; cf. Teuffel, p. 1221, 3.

[42] Il n'existe pas, à ma connaissance, d'édition complète de Dracontius ; mais on l'a tout entier en réunissant les œuvres publiées par Migne, P. L., LX,. col. 679-932 (Laudes Dei, Satisfactio), F. de Duhn, Bibl. Teubner (Romulea, Satisfactio) et Bæhrens, Pœt. lat. min., V, p. 128-261 (Carmina profana, Orestis tragœdia). Je ne m'occuperai pas ici de l'Orestis, parce que, malgré les très plausibles raisons qui la font mettre au compte de Dracontius (de Duhn, p. VIII ; Teuffel, p. 1224, 7), on n'a pas encore la preuve formelle qu'il en soit l'auteur.

[43] Voir Teuffel, p. 1222, 5 ; W. Meyer, Silzungsber. der Akad. der Wissensch. zu Berlin, 1890, I, p. 267.

[44] Bæhrens, p. 214-217.

[45] De Duhn, I, v. 12-14 :

Sancte pater o magister, taliter canendus es,

qui fugatas Africanæ reddis urbi litteras,

Barbaris qui Romulidas jungis auditorio.

cf. id., III.

[46] De Duhn, III, v. 16 sq. ; cf. W. Meyer, loc. cit., p. 267.

[47] Teuffel, p. 1223, 6 ; L. Friedlænder, éd. de Juvénal, I, p. 83 ; Sat., I, v. 28 sq., 85 ; III, v. 213 ; VI, v. 284 sq. ; VII, v. 88 ; VIII, v. 213 sq. ; X, v. 356 ; XII, v. 57.

[48] Sans compter des écrits plus récents, par exemple les vers damasiens (Weymann, Rev. d'hist. et de littér. religieuses, I, 1896, p. 59-13 ; M. Ihm, Ehein. Museum, LIII, 1898, p. 165 sq.). A son tour, Dracontius fut lu et mis à profit par Fulgentius Planciades (Helm, Rhein. Mus., LIV, 1899, p. 117-119, 125 sq.), Corippus (Rossberg, Archiv fuer lat. Lexik., IV, p. 44), Ennodius, Fortunat et beaucoup d'autres (Manitius, Sitzungsber. der Alked. der Wissensch. zu Wien, CXVII, 1888, Abhandl., XII, p. 15-17, 22-24 ; CXXI, 1890, Abhandl., VII, p. 10) ; on fit des centons avec ses vers, comme Luxorius en avait composé avec ceux de Virgile (W. Meyer, loc. cit., p. 257-296).

[49] A titre d'exemples, je citerai : I, v. 1-11 (comparaison du grammairien Felicianus et d'Orphée) ; VI, v. 80-122 (longue intervention de Vénus dans l'épithalame des deux fils de Victor) ; VII, nombreux souvenirs mythologiques épars.

[50] Excepté peut-être dans l'épithalame des deux fils de Victor (VI) ; encore ses descriptions un peu libres n'ont-elles rien de commun avec les crudités de Luxorius.

[51] VIII 3-10, 11-30, 39-77.

[52] Boissier, Afriq., p. 262.

[53] Controversia de statua viri foras (V).

[54] Deliberativa Achillis an corpus Hectoris vendat (IX).

[55] Nostri temporis ut amavit ætas (Riese, 287, v. 9 = Bæhrens, 441.)

[56] Præfatio Dracontii discipuli ad grammaticum Felicianum (I), vers trochaïques ; Satisfactio, distiques.

[57] Ils ont été remaniés et abrégés au VIIe siècle par saint Eugène de Tolède (P. L., LXXXVII, col. 369-388). La Satisfactio précéda les Laudes Dei (cf. Ebert, p. 411, n. 2).

[58] V, subscriptio.

[59] Satisfactio, v. 19-28, 53 sq., 93 sq., 105 sq.

[60] Ebert, I, p. 410 ; Teuffel, 415, 3 ; Boissier, Afriq., p. 263.

[61] VII, v. 25, 106, 119-129, 134 ; Satisfactio, v. 312.

[62] Satisfactio, v. 283 sq.

[63] VII, v. 119-120.

[64] Epithalamium Joannis et Vitulæ (VII).

[65] Il semble avoir réussi (cf. Helm., loc. cit., p. 123 sq.).

[66] Ou Libri de laudibus Dei. C'est l'ouvrage qu'on appelle d'ordinaire De Deo (cf. W. Meyer, loc. cit., p. 270 sq. : Teuffel, p. 1221, 2).

[67] Exactement 2244, dont 754 pour le premier livre, 808 pour le second, 682 pour le troisième.

[68] La seule que le moyen âge ait connue sous le titre d'Hexameron ; dès le VIIe siècle, on désigne ainsi le poème de Dracontius (Isidore, De virus illustr., 37, § 48).

[69] C'est le but que vise surtout M. Boissier dans les pages qu'il consacre à Dracontius (Afriq., p. 261-269). Ebert (I, p. 409, n. 1) néglige aussi les poèmes autres que la Satisfactio et les Laudes Dei, parce qu'ils n'exercèrent aucune influence sur le moyen âge, où il se renferme.

[70] J'ai essayé d'expliquer cette renaissance dans un mémoire (De la survivance des idées païennes dans la littérature latine de l'Afrique chrétienne), présenté au Congrès d'histoire des religions, qui s'est tenu à Paris, en septembre 1900.

[71] Partsch, p. XLIV.

[72] Africanus grammaticus, dit un manuscrit de Madrid ; ibid., p. XLIII.

[73] Johan., préf., v. 25 sq.

Quid[quid ego] ignarus quondam per rura locutus,

urbis per populos carmina mitto palam.

[74] Johan., I, v. 411-422.

[75] Johan., I, v. 426 sq. ; cf. VI, v. 60, 110, 225 sq. ; VIII, v. 503.

[76] Johan., III, v. 280.

[77] Johan., III, v. 308 sq.

[78] Johan., VI, v. 58-103.

[79] Johan., VI, v. 228-260.

[80] Johan., VII, v. 150-241.

[81] Johan., VI, v. 184-187.

[82] Johan., préf. v. 33.

[83] Je pense surtout à l'exposé fait par le tribun Liberatus des événements d'Afrique depuis la chute du royaume vandale ; il ne comprend pas moins de 654 vers (ibid., III, v. 52 ; IV, v. 246) sur 4.671 que contient le poème dans son état présent, c'est le procédé de Virgile faisant raconter par Enée à Didon ses propres malheurs ; mais il est ici assez inopportun. Le premier livre contient les instructions de Justinien à Jean Troglita (v. 132-154), une prière de Jean (v. 286-305), une harangue de Jean à ses troupes (v. 311-410), un discours d'un envoyé d'Antalas (v. 467-493), une exhortation de Jean à ses officiers (v. 522-578), sans compter quelques paroles détachées.

[84] Corippus a une prédilection marquée pour les souvenirs qui se rattachent aux géants ; est-ce un moyen de grandir son poème ? Il compare même Jean Troglita à Jupiter renversant les Titans (ibid., I, v. 451-459 ; cf. IV, v. 800-802 ; VI, v. 648-660). Ailleurs viennent le souvenir d'Hercule et de Cacus (III, v. 158), une énumération des monstres du Tartare (IV, v. 322-328) : on rencontre même le nom de Minos à côté de celui de Jésus-Christ (IV, v. 588, 606).

[85] Les chevaux ne sont jamais appelés que cornipedes ; pour dire que des combattants meurent en répandant leur sang, Corippus écrit : purpuream fundunt animam (ibid., IV, v. 953 : VI, v. 637) ; pour désigner les larmes, il parle des salsi fontes (VII, v. 197) ; l'inspiration poétique devient laureus furor (préf., 20) ; ces exemples sont pris entre beaucoup d'autres.

[86] Johan., II, v. 74-76.

[87] Johan., IV, v. 641-643.

[88] Johan., IV, v. 860-862 ; voir encore IV, v. 634, 906-910, 926-910, 960-992 ; VI, v. 521 sq. ; VII, v. 425-438 ; VIII, v. 310-427, 549, et passim.

[89] Ainsi, lorsque l'armée de Jean sort de Carthage, Corippus l'assimile à un essaim qui change de ruche (ibid., I, v. 430-439). Je n'en dirais pas autant de toutes ses comparaisons ; par exemple, il rapproche un guerrier maure qui soupire du soufflet des forges de Vulcain (ibid., III, v. 102-105 ; voir encore v. 145-151).

[90] Partsch, p. XLIV sq.

[91] In laudem Justini minonis ; cf. Partsch, p. XLV sq.