Une grande cité, capitale de province, séjour de fonctionnaires nombreux, habitée par une population dense, où la richesse est fréquente et l'amour du luxe très répandu, est un terrain propice pour les productions de l'art. Tout dominés qu'ils étaient par la soif de l'or, les commerçants de la Carthage phénicienne ne manquaient pas, d'un certain sentiment de la beauté plastique. Les découvertes du P. Delattre et de M. Gauckler dans leurs nécropoles nous ont révélé chez eux un goût prononcé pour les objets travaillés avec adresse. Incapables de créer eux-mêmes rien de tel, ils acquéraient des nations plus habiles, des Egyptiens et des Grecs, ces bijoux, ces terres cuites finement modelées que recèlent les tombes de Byrsa, de Douïmès et de Bordj Djedid. Moins exclusivement a donnée au négoce, sûre de l'avenir et jouissant comme l'Afrique entière de cette tranquillité que l'Empire lui assura pendant deux siècles et demi[1], la colonie romaine avait plus de motifs et plus de loisirs pour cultiver les œuvres de la paix. Ses habitants en profitèrent pour l'embellir de monuments grandioses, temples, thermes, basiliques, amphithéâtre, cirque, et tous les autres dont le souvenir ou les restes sont arrivés jusqu'à nous. Ils variaient l'aspect des rues, tranchaient sur la banalité des maisons ; les architectes y faisaient montre de leurs qualités techniques. Il fallait décorer l'intérieur de ces édifices ; c'est à quoi s'employaient peintres, sculpteurs, mosaïstes, étalant leurs fresques sur les murs, dressant leurs statues de marbre, tapissant le sol d'un pavage multicolore. Parler de l'art à Carthage, ce n'est donc pas prononcer des mots vides de sens. |