Nous avons retracé jusqu'à présent l'histoire de la chrétienté carthaginoise, il est temps de pénétrer plus avant dans son organisme et de rechercher de quelles forces vives elle se composait. Autant que le permettent les textes, j'essaierai maintenant de montrer l'état hiérarchique de cette église, de Tertullien à Grégoire VII, d'en suivre les transformations et les progrès. Voyons tout d'abord quels étaient ses chefs et de quelle autorité ils jouissaient[1]. I L'épiscopat est institué à Carthage avant la fin du ne siècle ; l'élection d'Agrippinus remonte, croit-on, à 197. Vers la même époque (194 ou 200), Tertullien, dans le De baptismo, attribue à l'évêque le droit exclusif de conférer le baptême. Il le nomme au singulier, en face des prêtres et des diacres ; il lui décerne l'épithète de summus sacerdos[2]. Ce langage et le nom particulier d'Agrippinus révèlent un état monarchique déjà solidement établi. Saint Cyprien dut lutter pour raffermir ce pouvoir central[3] ; mais, remarquons-le, les novatiens et les partisans de Felicissinus qui cherchaient à le renverser ne s'en prenaient qu'à lui-même, nullement à la hiérarchie existante. Le supplanter était le but de leurs efforts conjurés, ils n'allaient pas jusqu'à vouloir morceler l'autorité. Leur intention se manifesta clairement quand ils installèrent de part et d'autre une chaire rivale de la sienne. Malgré leur hostilité contre le gouvernement d'alors, ils ne concevaient donc pas, eux non plus, une église sans un chef unique. Ce chef, quelle était, selon saint Cyprien, sa situation, ses droits et ses devoirs ? L'élection se fait d'une manière très solennelle : les titulaires des églises voisines se réunissent, aussi nombreux que possible, dans la ville à pourvoir et proposent un nom à l'assemblée des fidèles, ceux-ci l'acceptent ou le rejettent. Pourtant les évêques règlent les suffrages du peuple lorsqu'ils ne tombent pas sur des personnes dignes de ce sacré ministère[4]. Ces observances en vigueur à Carthage l'étaient, du reste, dans l'Eglise presque entière[5]. Régulièrement proposé par le clergé, élu par le peuple, accepté puis consacré par les évêques, le nouveau dignitaire a le droit de se considérer comme choisi par Dieu pour être son représentant et le dispensateur de ses vérités[6]. Il est le successeur des Apôtres[7]. Prêtre par excellence de son église, on le désigne aussi souvent par le titre de sacerdos[8] que par celui d'episcopus. Il offre chaque jour le sacrifice eucharistique[9] ; il impose les mains aux baptisés et leur confère le Saint-Esprit[10] ; il doit, par ses exhortations et ses exemples, faciliter aux âmes leurs relations spirituelles avec Dieu[11]. La vigueur dans la répression des abus, l'intégrité dans la conduite, le zèle pour l'instruction des fidèles[12], voilà les principales qualités qu'on attend de lui. La charité, qui est le propre du chrétien, ne saurait être absente d'une fume épiscopale. Cyprien prend sur ce qui lui reste de sa fortune personnelle pour soulager les misères de son peuple[13] quand la peste éclate en Afrique, non content de raffermir le courage des siens par les exhortations du De mortalitate, il paie de sa personne, dirige les secours, multiplie les aumônes ; les païens n'échappent pas à sa miséricorde[14]. Si l'évêque est tenu d'associer autant que possible à sa gestion son clergé et son, peuple d'abord, parfois aussi ses collègues des autres églises[15], s'il est obligé d'admettre les conseils, les observations, la discussion même de ses idées, qu'il se garde avant tout de laisser l'autorité s'énerver entre ses mains. Joignant l'exemple au précepte, Cyprien engage un évêque voisin à frapper un diacre rebelle[16] ; il s'élève contre ses prêtres turbulents, qui oublient qu'ils ont un évêque au-dessus d'eux, et qui outragent son épiscopat[17]. L'Eglise repose sur les évêques, dit-il ailleurs[18] ; il leur appartient d'en diriger tous les actes ; quiconque n'est pas avec l'évêque, celui-là est hors de l'Eglise[19]. Mieux que les paroles, ses actes proclament assez haut comment il envisageait les devoirs et les droits de sa charge. S'il s'acquitte des premiers, il entend qu'on respecte les autres et exige les honneurs même extérieurs qui sont dus à son rang[20]. Dans les règles de l'élection épiscopale telles que les formule saint Cyprien, l'intervention du clergé et du peuple est fort claire, mais le nombre des évêques étrangers dont on demandait le concours n'est donné nulle part. En pratique, on en convoquait sans doute le plus possible. On comprend qu'une pareille latitude ait pu amener quelque jour des difficultés ; elles se produisirent quand Cæcilianus prit la place de Mensurius. Les évêques de Numidie lui adressaient deux reproches : d'avoir été ordonné par le traditeur Félix d'Abdulgni, puis, de ne s'être fait accepter et assister que par ses collègues du voisinage. La première question, de fait, fut résolue à la confusion des accusateurs, Félix étant reconnu innocent : l'autre de droit, était plus délicate à démêler. En qualité de primat, disent les donatistes à la conférence de 411, Cæcilianus ne pouvait être consacré que par le plus haut dignitaire après lui, c'est-à-dire par le primat de Numidie, Secundus de Tigisi[21]. Saint Augustin répond en invoquant la pratique constante de l'Eglise : l'évêque de Rome ne reçoit-il pas l'imposition des mains de son voisin d'Ostie ? Pourtant, comme l'évêque de Carthage n'était pas seulement primat de la Proconsulaire, mais encore patriarche d'Afrique[22], les numides, ses subordonnés à ce titre, avaient des motifs de réclamer lorsqu'on les excluait de la cérémonie de son institution. L'usage, à défaut de prescription formelle, les y autorisait sans doute. Et l'élection de Cæcilianus, dont on attaquerait vainement la validité, puisqu'elle réunit les suffrages du peuple entier[23], l'acquiescement de presque tout le clergé et l'intervention légitime d'un certain nombre de prélats, manqua peut-être de quelques formalités plus solennelles, nullement indispensables. En rejetant sur les prêtres factieux, Botrus et Cælestius, la responsabilité de cette procédure[24], saint Optat nous invite à la qualifier d'insolite. Il importe d'ajouter qu'aucun de ceux qui y participèrent, et qui n'avaient guère d'intérêt à faire le jeu des deux prêtres, ne fut choqué de son irrégularité au point de protester. Néanmoins, pour éviter le retour de semblables incidents, il devenait urgent de fixer le chiffre des évêques dont la présence serait requise. Les troubles du donatisme retardèrent le règlement de cette question, c'est seulement au concile de 397 qu'Aurelius fit admettre, conformément aux ordonnances de Nicée, que trois évêques suffisent pour en ordonner un autre[25]. Ce même Aurelius, passé, comme Cæcilianus, du diaconat à l'épiscopat[26], remplit exactement le rôle de surveillant (superintentor, έπίσκοπος) que saint Augustin attribue à l'évêque[27] ; il s'applique à répandre la doctrine salutaire et à réfuter les adversaires de la foi[28]. Aussi, quand, chaque année, il fête avec son peuple la date anniversaire de sa promotion[29], on peut lui rendre cette justice qu'il n'a point failli à ses engagements. Sans atteindre à la même hauteur que lui, ni que saint Cyprien, les autres évêques de Carthage se sont guidés sur leurs exemples. Saint Fulgence, qui pourrait presque prendre rang parmi eux, dit que les évêques sont les serviteurs du Père de famille, les dispensateurs du Seigneur[30], les prédicateurs de la parole divine[31], qu'ils doivent veiller sur le troupeau commis à leur garde, être sans cesse sur la brèche, dépouiller tout orgueil, se régler sur les Apôtres, et à leur tour servir de modèle à tous[32]. Si, dans cette suite d'hommes remarquables, quelques-uns seulement réalisèrent ce programme en son entier, tous y tendirent et souvent au milieu de difficultés pressantes. Est-il louange plus belle à leur décerner ? L'importance de la ville qu'il administrait devait mettre de bonne heure le chef spirituel de Carthage en relation avec ceux des autres chrétientés africaines[33]. Tant d'occasions attiraient les habitants de l'intérieur dans la capitale, qui était en même temps le principal port du pays ! N'était-ce pas elle, du reste, qui, ayant reçu la première le flambeau de la foi, l'avait ensuite, grâce à la facilité des rapports quotidiens, communiqué aux cités prochaines et, par leur intermédiaire, à toutes les provinces méridionales ? Les conditions géographiques et politiques de la contrée, l'histoire des progrès du christianisme en Afrique, disposaient donc son évêque à obtenir bien vite une supériorité sur tous ses collègues. Elle se manifeste dès Agrippinus, qui réunit un synode chargé d'examiner la question baptismale. Peu après, Donatus adresse une lettre de blâme à l'hérétique Privatus de Lambèse. Saint Cyprien, qui la signale, ne parait faire aucune distinction entre la réprimande de Donatus et celle que le pape infligea en même temps[34]. Cette prééminence s'affirma plus encore avec saint Cyprien. Faut-il rappeler les six conciles présidés par lui, les nombreuses lettres synodales ou autres qu'il signe le premier[35], les avis que lui demandent de toutes parts les chefs d'églises ? Sa correspondance nous montre l'Afrique entière tournée vers lui, attendant de lui direction et encouragement. Malgré la valeur de ce grand homme, on ne saurait prétendre que cette suprématie s'attache à sa seule personne, puisqu'elle éclate déjà sous ses prédécesseurs. Elle est donc inhérente au siège qu'il occupe ; ses vertus propres la renforcent, elles ne la créent point. Pourtant, en divers endroits de ses écrits, surtout dans son discours d'ouverture du concile de 256, il repousse énergiquement toute idée de subordination des évêques entre eux[36]. Continent expliquer cette contradiction ? Je ne me contenterai pas de dire, avec le P. de Smedt[37], qu'il parle ici plus en orateur et en avocat pro domo sua qu'en juriste. Le reproche serait fondé si l'on pouvait supposer que saint Cyprien prétend soustraire tout évêque au jugement de ses collègues réunis. Mais tel n'est pas le sens de ce texte. Il ne combat que l'autorité dont se flatterait de jouir l'un d'entre eux à lui seul, les décisions qu'il s'arrogerait le droit de prendre contre les autres. Je n'aperçois- qu'une solution à la difficulté, c'est d'avouer que le titulaire de Carthage ne jouit pas encore à l'époque qui nous occupe de pouvoirs canoniques plus étendus que ses pairs, mais seulement d'une prépondérance morale ; il est vraiment leur égal en dignité ; il ne porte comme eux que les deux titres de sacerdos et d'episcopus. L'épithète de papa, qui est parfois décernée à Cyprien 'mises correspondants, ne doit pas nous faire illusion[38] ; la correspondance de saint Augustin nous permet de constater que ce qualificatif s'applique aux personnages particulièrement révérés, par exemple à Attraits et à Augustin lui-même[39], sans impliquer en soi une condition plus haute. La puissance primatiale proprement dite et légalement constituée n'existe donc pas encore pour l'évêque de Carthage, au milieu du IIIe siècle. Tout se réduit à une influence morale qu'expliquent le plus souvent ses qualités personnelles, et à une prééminence d'honneur dans les réunions synodales d'évêques, qu'il semble présider de droit[40]. L'établissement d'une autorité formelle se produisit peu de temps après la mort de saint Cyprien, en tout cas, avant que le concile de Nicée se fût occupé des droits des métropolitains et en eût réglé l'exercice[41]. En effet, dès 305, nous voyons la Numidie dotée d'un primat, qui est alors l'évêque de Tigisi ; il préside, comme tel, le concile de Cirta. Cette institution des primats provinciaux (primas, episcopus primæ sedis ou primæ cathedræ, senex)[42] ne se fit certainement pas au détriment de Carthage. Toute la suite de son histoire ecclésiastique est là pour prouver que le prestige de ses évêques, loin de diminuer, s'affermit de plus en plus. Par conséquent, du jour où le plus ancien évêque d'une province devint supérieur aux autres, celui de la capitale, sous peine de déchoir, dut gagner, lui aussi, quelque privilège. De fait, tandis que la primatie, en dehors de la Proconsulaire, était toujours réservée au doyen de l'épiscopat et se transmettait d'une chrétienté à l'autre, Carthage ne la perdit jamais, quel que fût l'âge du titulaire[43]. Cette église, désormais, n'est assimilable à aucune, elle les domine toutes, elle a rang de métropole, comme Antioche et Alexandrie. Quand Cæcilianus entendit à Nicée proclamer et maintenir les droits des métropolitains que l'usage avait établis, quoique son siège ne fût point expressément désigné, il put voir dans ce sixième canon la confirmation complète de sa dignité. D'ailleurs, en réclamant contre son élection, les Africains avaient reconnu implicitement cet état de choses. Pourquoi prétendaient-ils intervenir dans sa nomination, sinon parce qu'il était leur chef à tous[44] ? Vers la fin du IVe siècle et au début du Ve, cet aveu se retrouve à plusieurs reprises dans les actes de l'épiscopat. Le premier canon du concile d'Hippone (393) décrète que toute l'Afrique doit, au sujet de la fête de Pagnes, se régler sur Carthage, et le quatrième porte que les primats des autres provinces, en cas de conflit, seront institués d'après le conseil de l'évêque de cette ville[45]. Le concile de 397 renouvelle ces dispositions et mentionne le droit qui lui appartient de faire passer, pour le bien de l'Église, des clercs d'un diocèse dans un autre[46]. Les assemblées de 401, 407 et 418 décident que les lettres synodales seront dictées et signées par Aurelius[47] ; celle de 403 prend la même résolution pour la correspondance avec les magistrats civils[48]. Enfin Possidius nous apprend qu'il fallut le consentement d'Aurelius, pour qu'Augustin pût devenir le coadjuteur de Valerius[49]. Gratus, Genethlius, Aurelius président toujours les conciles, ils en signent les décisions les premiers ; Aurelius dirige la délégation catholique à la conférence de 411. Il ne s'agit donc plus pour l'évêque de Carthage d'une fonction honorifique, désormais il est investi d'une juridiction certaine et constitué le gardien de la discipline dans toute l'étendue de l'Afrique. Toutefois aucun titre ne le distingue encore des primats provinciaux, il continue de s'appeler episcopus, sacerdos ou senex[50]. Le nom de métropolitain, prononcé pour la première fois à Nicée, demeure inconnu, tout au moins inusité outre-mer[51]. Les preuves de ce pouvoir effectif ne s'arrêtent pas à la conquête vandale. En 525, l'épiscopat, revenu d'exil, le confirme de la manière la plus solennelle contre le primat de Byzacène qui avait pu le contester au milieu du désarroi produit par la persécution[52] ; Bonifatius l'exerce en indiquant au primat de Numidie la date de la fête de Paques[53]. Entre 530 et 532, les évêques africains proposent au Saint-Siège un arrangement en vue de faire confirmer l'autorité primatiale de Reparatus que certains esprits turbulents s'obstinent à méconnaître[54], et le pape Agapit soutient énergiquement sa cause[55]. Universa præterea, quæ inimicorum perversitas invaserat, caritati tuæ metropolitana jura reparantes hortamur, ut ea, quæ tuo vel aliorum nomine rescripsimus, universis debeas innotescere, metropolitani quippe auctoritate suffultus, ne quis se excusabiliter asserat ignorare, quod sedis apostolicæ principalitas canonum consideratione perscripsit. Ces droits (jus pontificis) sont aussi attestés, peu d'années après, par l'empereur Justinien, à la suite d'une démarche des évêques de Byzacène (541 et 542)[56]. C'est dans la seconde moitié du VIe siècle, si je ne m'abuse, que le titre d'archiepiscopus est, pour la première fois, appliqué par Victor de Tonnenna à Reparatus[57]. Il n'entraîne aucun changement dans la situation de celui qui le porte ; et quand le pape saint Grégoire, en 592, écrit à Dominicus[58] au sujet des privilèges canoniques : Sicut nostra defendimus, ita singulis quibusque ecclesiis sua jura servamus, il consacre, en ce qui regarde Carthage, l'état de choses ancien admis de tout le monde. Depuis lors, en dépit des bouleversements qui marquèrent le vite siècle et de la catastrophe qui le termina, les droits du siège demeurèrent imprescriptibles. Nous avons entendu à ce sujet les déclarations expresses de Léon IX. Au XIe siècle, l'archevêque de Carthage est le seul prélat à qui le pape confère le pallium en Afrique[59]. Des faits que je viens de grouper, il découle que l'autorité de l'évêque était double. Elle s'exerçait d'abord et d'une manière continue sur la ville même et son étroite banlieue[60] ; dans ce champ relativement borné, son zèle agissait chaque jour. C'est, au contraire, d'une manière intermittente que son action atteignait l'Afrique entière, domaine plus vaste confié aussi à sa sollicitude. Non pas que son droit fût discutable, ou sa puissance précaire, mais elle n'avait pas toujours occasion de se manifester. Tant qu'il subsista à Carthage un peuple catholique, l'évêque l'instruisit et le dirigea avec le même pouvoir ; en revanche la juridiction du métropolitain fut restreinte à diverses l'éprises. Après que les Vandales eurent conquis la Proconsulaire, les églises de Mauritanie demeurées soumises à l'Empire se trouvèrent, par la force des choses, séparées de leur centre et rattachées à Rome[61]. Plus tard, lorsque les incursions successives des Arabes isolèrent presque la capitale du reste du pays, les chrétientés, même prochaines, ne reçurent plus d'elle l'impulsion ordinaire. Ce ne sont là que des éclipses ; à envisager dans son ensemble l'histoire de Carthage chrétienne, il est exact de dire que les églises d'Afrique, organisées en corps, sous la direction de son évêque, forment un groupe d'une physionomie toute spéciale qui rappelle les églises du diocèse suburbicaire, serrées autour du pape, ou celles d'Egypte, centralisées autour d'Alexandrie[62]. Les Pères du concile de l'année 403 voulaient apparemment indiquer cette subordination et ce groupement, quand ils décernèrent à la communauté carthaginoise le nom d'ecclesia catholica par excellence[63], tout comme le concile général d'Afrique est appelé concilium catholicum[64]. Ce qualificatif subsista[65] : Aurelius signe plusieurs lettres comme episcopus ecclesiæ catholicæ carthaginensis[66] ; le compte rendu de la conférence de 411 lui attribue aussi ce titre[67]. Dans la suite, les évêques espagnols le reconnaissent à Capreolus[68], Eugenius le porte[69], et le pape Martin le donne à l'un de ses successeurs[70]. L'Occident tout entier s'associe donc aux Africains pour saluer en l'évêque de Carthage le métropolitain incontesté des provinces transméditerranéennes. II La hiérarchie catholique, dit saint Optat, se compose des évêques, des prêtres, des diacres, des ministres et de la foule des fidèles[71]. Nous venons d'étudier la première catégorie. Les trois suivantes, qui forment proprement le clergé, servent d'intermédiaire entre l'évêque et les laïques. Elles doivent être réunies dans un même cadre. Durant les deux premiers siècles, les prêtres (presbyteri, præpositi)[72] n'ont joué dans l'Eglise qu'un rôle secondaire, quoique honorifique[73] ; il en fut assurément à Carthage comme ailleurs. Nous n'y connaissons, pour cette période, qu'un seul homme revêtu de cette dignité : c'est Tertullien. Personne ne niera qu'il l'ait illustrée par son génie plutôt qu'il n'en reçut lui-même un nouveau relief. Si son nom est parvenu jusqu'à nous, ses ouvrages n'y ont-ils pas plus contribué que ses fonctions sacerdotales ? Il ne parait pas disposé, du reste, à s'en prévaloir[74], et je ne suis guère surpris qu'il ne nous ait transmis sur elles que de rares détails. Il faut le lire de près pour les découvrir ça et là. Le prêtre, écrit-il, n'est que le suppléant de l'évêque ; s'il administre le baptême, par exemple, c'est en vertu d'une délégation de son supérieur[75]. Son rôle principal est d'instruire les catéchumènes ; de là le nom de doctor qui lui est réservé[76]. Ces prêtres-docteurs, analogues aux catéchistes d'Alexandrie[77], formaient-ils une classe à part dans le presbytérat carthaginois ? ou bien le soin de l'enseignement était-il dévolu à tous sans distinction ? Tertullien se tait là-dessus. Par contre, il revient à plusieurs reprises sur l'obligation où étaient les prêtres, tout comme l'évêque et les membres du clergé en général, de ne contracter mariage qu'une seule fois. Il affirme que les contrevenants étaient destitués[78]. L'influence des prêtres s'accrut au IIIe siècle. Par une singulière coïncidence, saint Cyprien en fut la cause, lui qui, plus que personne, maintenait les droits de l'épiscopat. A deux reprises, exilé volontaire ou contraint, nous l'avons vu préoccupé sans cesse des intérêts de son peuple et dirigeant par lettre ceux qui ne jouissaient plus de sa présence ; mais la correspondance n'a ni l'à-propos, ni l'énergie d'une action directe. Saint Cyprien le comprenait, aussi l'entendons-nous multiplier les exhortations à ses prêtres et à ses diacres pour qu'ils le suppléent et veillent avec ardeur à l'intégrité de la discipline[79], à observation des lois religieuses, au soulagement des pauvres[80], en un mot à tous les détails de la vie chrétienne[81]. Quoique participant avec l'évêque au sacerdoce[82], les prêtres n'avaient pas, jusqu'alors, l'habitude d'offrir le sacrifice eucharistique[83] ; ce privilège appartenait, sauf exception, à celui qui était, par excellence, le sacerdos de chaque église, à l'évêque[84]. En son absence, il devenait indispensable d'assurer la célébration des saints mystères. Le collège presbytéral était tout désigné pour cet office. Non seulement dans les réunions régulières des fidèles, mais dans les prisons où de nombreux confesseurs attendaient l'arrêt du juge, les prêtres consacrèrent le pain et le vin[85] ; saint Cyprien leur en accorde la licence. Il leur concède, en outre, le pouvoir de réconcilier, en cas de mort, les lapsi repentants[86]. Selon toute apparence, cette situation anormale et transitoire[87] ne se prolongea pas au-delà du temps de son exil ; j'ai peine à me figurer néanmoins qu'il n'en soit pas résulté un accroissement d'attributions pour ceux qui en bénéficièrent. Leurs fonctions antérieures subsistent du reste tout entières, et ils continuent à enseigner la foi en qualité de presbyteri doctores[88]. Plusieurs d'entre eux sont encore engagés dans les liens du mariage[89]. Le P. de Smedt, après avoir constaté combien les persécutions de Dèce et de Valérien, en frappant surtout les évêques, avaient donné d'importance au presbytérat, se demande si le régime des paroisses dirigées par de simples prêtres prit pas naissance dès cette époque[90]. La supposition n'a rien d'invraisemblable, quoique, en réalité, l'obscurité la plus complète règne sur les origines et le développement de l'organisation paroissiale. Je me borne donc à supposer, avec le même auteur[91], qu'il pouvait y avoir quelques prêtres dispersés dans les campagnes autour de Carthage, en faveur de quelques groupes de fidèles qu'ils trouvaient moyen d'y réunir plus facilement, et je ne hasarde pour la cité même aucune conjecture[92]. En dehors de la correspondance de saint Cyprien, il est à peine fait mention des prêtres de Carthage du IIIe au VIIe siècle. Les décisions des conciles africains qui visent cette fraction du clergé s'appliquent à toutes les églises et n'apprennent rien de particulier sur celle dont je traite. Ce silence des auteurs ne doit cependant pas être interprété de manière défavorable. En effet, quand, par hasard, on s'occupe de notre corps presbytéral, c'est pour louer son zèle. Valerius, évêque d'Hippone, permit, le premier en Afrique, à saint Augustin, alors simple prêtre, de prêcher en sa présence[93]. Aurelius introduisit bientôt après cet usage dans son diocèse, et ses deux amis, Augustin et Alypius, en le félicitant de sa résolution, célèbrent l'ardeur des saintes fourmis, des saintes abeilles qui le secondent ; ils demandent, en outre, à leur collègue de leur adresser quelques-uns des discours prononcés par les nouveaux prédicateurs[94]. Ces éloges, décernés par de tels hommes, sont la plus belle récompense des efforts et de la vertu des prêtres carthaginois. Les diacres, qui viennent après eux dans la hiérarchie, ont laissé des traces plus durables, ce qui s'explique par la nature des fonctions dont ils étaient investis. Tandis que les prêtres veillent surtout à la vie spirituelle de la communauté, l'action des diacres est plus extérieure. Ils sont les intermédiaires immédiats entre l'évêque et les fidèles... S'ils ne formaient pas, comme les prêtres, son conseil officiel et d'honneur, ils étaient ses conseillers intimes et assidus pour tout le détail de l'administration... n'ayant d'importance qu'en leur qualité d'instruments et d'organes de l'évêque[95]. En effet, dit saint Cyprien, le Seigneur a choisi les Apôtres, c'est-à-dire les évêques et les præpositi ; quant aux diacres, ce sont les Apôtres qui, après l'Ascension du Seigneur, les ont établis pour les assister dans leur charge épiscopale et pour servir l'Église[96]. Moins encore que les prêtres, les diacres ne sauraient donc jouir, à aucun degré, des prérogatives sacerdotales sans permission expresse de leur chef. Tertullien le marque avec beaucoup de netteté en ce qui concerne le baptême[97]. Tant que durèrent les persécutions, indépendamment de leurs travaux ordinaires, ils s'employèrent à des œuvres aussi délicates que nécessaires. Visiter les prisonniers, leur porter le réconfort et les encouragements et obtenir, si possible, un adoucissement à leurs maux, ces soins leur incombaient. Nous les surprenons plus d'une fois au milieu de ce charitable ministère. Deux diacres interviennent en faveur de Perpétue et de ses compagnons et leur procurent, à prix d'argent, d'être transférés dans une partie de la prison moins affreuse ; l'un d'eux est envoyé par la martyre à son père pour réclamer son enfant[98]. Sous l'empereur Dèce, ils accompagnent les prêtres qui vont offrir le sacrifice eucharistique au milieu des confesseurs[99] et prodiguent à tous ceux qui sont incarcérés pour la foi des consolations précieuses. Ils escortent saint Cyprien lorsqu'il va mourir[100]. La collaboration féconde entre les prêtres et les diacres, que l'évêque exilé institue pour le bien de son peuple, ne cesse pas au seuil de la prison, elle se continue dans le fonctionnement général de l'administration. Les lettres où il renferme ses conseils s'adressent aux diacres tout comme aux prêtres (presbyteris et diaconibus fratribus)[101] ; à diverses reprises il les réunit les uns et les autres dans des phrases qui attestent leur action parallèle[102], sans ligne de démarcation précise entre le domaine propre à chacun d'eux. Enfin il va jusqu'à permettre aux diacres, en l'absence d'un prêtre, de recevoir l'exomologesis des lapsi en danger de mort[103]. Les diacres, eux aussi, quelque étendues que fussent auparavant leurs attributions, acquirent donc plus de relief à Carthage par l'exil de saint Cyprien[104]. Dire que leur intervention dans le temporel seul de l'église s'affirma davantage, ce serait, à mon avis, ne tenir compte que d'une partie des textes que je viens d'invoquer. A les bien envisager tous, on est obligé de reconnaitre que le rôle spirituel des diacres continence et qu'ils tendent à se rapprocher des prêtres. Ce mouvement dut se continuer pendant les années suivantes, car, dès le début du IVe siècle, Cæcilianus passe directement du diaconat à l'épiscopat[105] ; Aurelius fut traité de même moins de cent ans plus tard[106]. Saint Augustin avait écrit, à la demande du diacre carthaginois Deogratias, son traité De catechizandis radibus. Vous m'informez, dit-il en le lui adressant, que souvent on vous amène des personnes qui ont besoin d'être instruites des premiers éléments de la religion, car votre science des vérités de la foi et le charme de votre parole vous font regarder comme mieux doué que tout autre pour catéchiser[107]. Ces lignes ne démontrent pas que, désormais, l'initiation des néophytes est entre les mains des diacres ; en règle générale, elle demeurait encore réservée aux prêtres. Mais, dans certains cas, les diacres, qui, jadis, n'y participaient nullement, furent admis à la donner. Même restreinte dans ces limites, l'innovation ne laisse pas d'être considérable. Cette extension d'autorité permit à quelques diacres, d'un rare mérite, de s'illustrer, sans s'élever plus haut dans les ordres sacrés. J'ai cité à diverses reprises Ferrandus, que saint Isidore vante comme très versé dans les Ecritures[108] et que ses lettres pleines de doctrine ont rendu célèbre. Liberatus, son contemporain, est connu surtout pour avoir défendu la cause de son évêque, Reparatus, dans l'affaire des Trois chapitres. A l'occasion de ces controverses théologiques, il composa son Breviarium causæ nestorianorum et eutychianorum[109]. Entre des mains aussi sûres et dévouées, l'instruction des fidèles ou des catéchumènes ne risquait pas de péricliter. Le pape Agapit, écrivant aux évêques d'Afrique et à Reparatus de Carthage, les remercie d'avoir délégué vers lui deux de leurs collègues, accompagnés du diacre Liberatus[110]. D'autre part, le Breviarium de ce dernier est dit collectum a Liberato archidiacono ecclesiæ carthaginensis regionis sextæ. Gardons-nous de prendre pour de purs synonymes les deux qualificatifs donnés à ce personnage. Le second indique que, tout en restant dans la même catégorie du clergé, il a vu croître sa dignité. Dès les premiers âges de l'Eglise, les évêques choisissaient parmi les diacres un homme de confiance qu'ils associaient d'une manière plus intime à leur gouvernement : on le nommait diaconus episcopi[111]. Je ne découvre aucun vestige de cette habitude dans les origines de notre chrétienté, à moins qu'on ne veuille penser au diacre Pontius, compagnon de saint Cyprien jusque dans l'exil et auteur probable de sa biographie[112]. Le nom d'archidiacre, pour désigner ce collaborateur assidu de l'évêque, est un peu postérieur. Il se rencontre pour la première fois dans le livre de saint Optai, appliqué au futur évêque Cæcilianus[113]. Quelques lignes plus loin, l'auteur le qualifie de diacre[114], et ce nous est une nouvelle preuve que les mots diaconus et archidiaconus correspondent à des degrés divers d'un même ordre de la cléricature. Au-dessous de lui les autres diacres occupaient des rangs bien déterminés[115]. Il se dévouait tout spécialement à l'entretien des clercs, aux pauvres, aux veuves, aux pèlerins, gérait les revenus de l'église, surveillait la tenue des fidèles pendant les cérémonies et leur conduite au dehors. Cette sorte de censure exigeait beaucoup de tact en même temps que de fermeté ; elle attirait plus d'une fois des désagréments à ceux qui l'exerçaient. La haine de Lucilla contre Cæcilianus eut pour cause une réprimande infligée par cet archidiacre, parce qu'avant de communier elle baisait des reliques d'authenticité douteuse[116]. Victor de Vita[117] et Grégoire de Tours[118] mentionnent encore, sous Hunéric, deux dignitaires analogues, Salutaris et Octavianus. De tous les passages relatifs aux archidiacres carthaginois, le plus intéressant est celui que j'ai rappelé et qui nomme Liberatus archidiaconus regionis sextæ. Il marque un changement assez considérable dans leurs fonctions. La ville, on le verra bientôt, était divisée en un certain nombre de régions ecclésiastiques, depuis la fin du IVe siècle. Le titre dont se pare Liberatus donne à penser que l'évêque, au lieu de garder comme jadis un seul archidiacre auprès de sa personne, en avait préposé un à chacune de ces régions pour l'y représenter, avec plusieurs diacres assistants. Nous connaissons en effet encore un Gaudiosus, diaconus regionis quintæ[119] et un diacre du titre de saint Etienne[120]. Saint Jérôme, il est vrai, déclare que chaque église possède un seul évêque, un seul archiprêtre, un seul archidiacre[121] ; mais cette phrase concerne surtout les églises d'Orient[122]. Du reste, bien des changements ont pu survenir entre l'année 411, date de la lettre de saint Jérôme, et la seconde moitié du VIe siècle, où vivait Liberatus. Enfin saint Optat, en racontant que Majorinus avait été lecteur in diaconio Cæciliani[123], nous fournit peut-être un argument à l'appui de cette hypothèse. Les ministres, que saint Optat place après les prêtres et les diacres, ne constituent pas à proprement parler une classe spéciale. Cette dénomination collective comprend plusieurs sortes de personnes affiliées aussi au clergé, toutes soumises aux diacres, aux prêtres et à l'évêque, sans hiérarchie bien apparente entre elles. Leur situation semble même parfois indécise, ou tout au moins elles ne sont pas un des éléments essentiels de la communauté ; si bien qu'en un autre endroit saint Optat, reprenant l'énumération des membres qui la composent, ne parle plus que des évêques, des prêtres, des diacres et des fidèles[124]. Ce sont là, suivant son expression, les quattuor genera capitum in ecclesia ; et, à voir les choses de haut, les ministres peuvent à la rigueur se confondre avec les fidèles. Cependant, à cause de leurs fonctions particulières, je dois dire quelques mots de ces serviteurs modestes de l'Église. Les lecteurs apparaissent les premiers à Carthage, Tertullien prononce leur nom vers l'an 200[125] ; mais ils ne deviennent pour nous personnes agissantes que dans les lettres de saint Cyprien. Il crée lecteurs près de lui deux confesseurs, l'un romain, l'autre carthaginois, Celerinus et Aurelius, qui s'étaient distingués pendant la persécution de Dèce[126]. En annonçant à son peuple cette double élévation, l'évêque déclare qu'il regrette de ne pouvoir porter encore plus haut ces deux chrétiens, leur jeunesse s'y oppose ; quand le temps sera venu, ils monteront aux degrés supérieurs de la cléricature. Des expressions dont il se sert en parlant d'eux : adulescens... in annis adhuc novellus... non de annis suis sed de meritis æstimandus[127], on conclura qu'il n'existait aucune limite d'âge pour tenir cet emploi. Victor de Vita cite de nombreux lecteurs tout enfants exilés par les Vandales[128]. Une douzaine d'entre eux, soumis à des tourments cruels, méritèrent d'être honorés pour leur courage par leurs concitoyens[129]. Parmi ces jeunes gens ou ces enfants, les uns gravissaient tôt ou tard de nouveaux échelons de la hiérarchie ; tel fut, selon toute apparence, le cas d'Aurelius et de Celerinus[130]. Ils pouvaient peut-être atteindre directement le diaconat ou la prêtrise, mais le scandale fut grand quand Majorinus, simple lecteur, obtint l'épiscopat contre son ancien diacre Cæcilianus[131]. Outre qu'elle était schismatique, il semble que son élection violait encore les règles canoniques pour l'avancement des clercs. D'autres ne changeaient pas de condition, comme l'indique l'épitaphe du lecteur Mena, mort à trente-huit ans[132]. Le rôle des lecteurs ressort de leur titre même, saint Cyprien le décrit avec une heureuse précision dans les deux lettres qu'il consacre à la louange d'Aurelius et de Celerinus. C'est à eux que l'on confiait l'honneur de monter à l'ambon (pulpitum) et de lire les Ecritures devant l'assemblée. Comme souvent, ces hommes avaient été de vaillants défenseurs de la foi, on pouvait contempler l'exemple, tandis qu'on entendait le précepte[133]. Ils annonçaient aussi à l'auditoire le texte sur lequel on allait prêcher ; ils le chantaient lorsqu'il s'agissait d'un psaume. Saint Augustin, qui nous fournit ces renseignements, raconte qu'un jour le lecteur se troubla, prit un psaume pour l'autre et le contraignit à improviser séance tenante un long discours[134]. Victor de Vita appelle les douze petits lecteurs persécutés par les Vandales vocales strennos atque altos modulis cantilenæ, et il ajoute qu'un ancien lecteur passé à l'arianisme avait jadis été leur maître[135]. Ces enfants ne se bornaient donc pas à lire les saints livres ; peut-être même ce soin incombait-il exclusivement aux plus âgés. Eux formaient un chœur de voix fraîches qui se faisaient entendre pendant les offices, sous la direction d'une sorte de maître de chapelle, la maîtrise de quelque basilique. Chaque église de la ville possédait-elle une semblable schola cantorum ? On n'a pas de motifs pour l'affirmer. Ce qui ne fait pas doute, c'est que les lecteurs étaient distribués dans les diverses régions ecclésiastiques et leur appartenaient en propre comme les diacres ou archidiacres. L'épitaphe de Mena[136] nous le garantit. Une ordination que conférait l'évêque, entouré de plusieurs collègues, introduisait les lecteurs dans le clergé[137]. Parfois néanmoins on n'attendait pas que cette cérémonie fût accomplie ; saint Cyprien fait préluder Saturus à son futur emploi en lui accordant, une ou deux fois, la lectio publique. C'est ce qu'il appelle rapprocher un fidèle du clergé[138]. L'ordination était précédée d'un examen sérieux des titres de chaque candidat fait par l'évêque et les presbyteri doctores, à la personne de qui, si je saisis bien la pensée de saint Cyprien, certains lecteurs étaient spécialement attachés[139]. Optatus, dont il est question dans la lettre à laquelle je me réfère, était agrégé aux lecteurs en vue d'obtenir le sous-diaconat. Le premier grade ne devait être que provisoire et connue un acheminement vers le second. Si donc les sous-diacres (hypodiaconi, subdiaconi), dont l'existence ne se révèle à nous qu'au milieu du IIIe siècle, le cèdent en ancienneté aux lecteurs, ils occupent un rang supérieur dans la hiérarchie. Bien que saint Cyprien cite à mainte reprise des clercs de catégorie, une seule chose demeure certaine, c'est qu'ils remplissaient un ministère surtout extérieur, et, par conséquent, se rapprochaient des diacres non pas uniquement par le nom, mais aussi par le genre de vie et les occupations[140]. Ceux dont il subsiste une mention sont presque toujours en voyage, seuls ou accompagnés d'un lecteur, d'un ou de plusieurs acolytes, pour porter à destination les messages ou les secours de leur évêque et lui transmettre les réponses[141]. Ce qui donne à supposer que ce rôle leur est presque réservé, C'est que nous rencontrons, au commencement du Ve siècle, un autre sous-diacre de Carthage qui s'acquitte d'une mission identique pour le compte du diacre Paulinus de Milan[142]. Si je rappelle encore le sous-diacre qui assistait saint Cyprien au moment de son martyre[143], deux autres qui avaient failli pendant la persécution de Dèce, on même temps que l'acolyte Favorinus[144], j'aurai dit presque tout ce que nous savons sur ces deux ordres peu sédentaires[145]. Quoi qu'on ait prétendu[146], les exorcistes paraissent aussi sous l'épiscopat de saint Cyprien : l'un d'eux est aux côtés du confesseur Lucianus quand il écrit son insolent billet sur la réconciliation des lapsi[147], et dans une de ses lettres l'évêque nous représente le démon torturé par les exorcistes, instruments de la puissance divine[148]. Je n'ai découvert aucune trace des portiers[149]. En revanche, il y a des raisons de croire que l'enterrement des morts était confié à des clercs inférieurs[150], analogues, j'imagine, à ces fossores de Cirta que nous révèlent, en 303, les Gesta apud Zenophilum[151]. Le clergé de Carthage, au milieu du me siècle, se répartit donc au moins en huit ordres depuis l'évêque jusqu'aux fossores. Nos documents ne nous fournissent pas les moyens d'évaluer l'importance numérique de chacun d'eux, à peine sommes-nous autorisés à dire, par hypothèse, que l'ensemble atteignait et peut-être dépassait la centaine[152]. Cette appréciation ne risquera pas de sembler exagérée, si l'on réfléchit aux besoins spirituels d'une ville aussi peuplée que celle-là, et si l'on n'oublie pas qu'en 484, lors de la persécution d'Hunéric, cinq cents personnes et plus prirent le chemin de l'exil. Elles représentaient, d'après Victor de Vita, tout le clergé de la capitale[153]. Il se recrutait parmi ses habitants surtout. Cette loi souffrait néanmoins quelques exceptions : saint Cyprien n'hésita pas à introduire dans son église deux étrangers, le laïque Celerinus, dont il fit un lecteur et le prêtre Numidicus[154]. Mais ces dérogations à la coutume s'appliquaient à des hommes d'élite, l'évêque déclare qu'elles lui ont été comme imposées par Dieu. Dans les autres cas, on pesait soigneusement les mérites des candidats[155]. Grâce à cette précaution très sage, les défections furent rares, même aux plus tristes jours, et le corps ecclésiastique fit en général bonne contenance en face des persécuteurs. Les petites gens lui fournissaient, comme au peuple chrétien tout entier, son plus sûr contingent ; c'est dire que la richesse n'était pas l'état habituel de ces hommes de Dieu. Si leur condition matérielle s'améliora avec le triomphe du christianisme au IVe siècle, il n'en reste pas moins avéré que le gros patrimoine dont saint Cyprien fit un si bel usage[156] est une véritable anomalie durant la première période de cette histoire religieuse. Alors les clercs étaient pauvres, ils vivaient des aumônes des fidèles. Dès l'époque de Tertullien, ceux-ci avaient l'habitude d'apporter tous les mois une offrande proportionnée aux ressources de chacun. Un tronc établi dans les basiliques recevait cette cotisation mensuelle (stips menstrua)[157] toute spontanée. Outre ces versements réguliers à la caisse (arca) commune, on pouvait encore faire état des dons extraordinaires, des legs, etc. Saint Augustin cite un généreux chrétien qui, n'ayant pas d'enfants, fit cadeau de toute sa fortune à l'Eglise en ne retenant que l'usufruit. Les enfants vinrent ; Aurelius rendit ses biens au donateur, ne voulant pas que son imprudente largesse lui causât le moindre regret[158]. Quelle qu'en fût la provenance, tout cet argent était réuni de manière à constituer une masse, sur laquelle on prenait sans doute pour les frais matériels du culte, mais dont la plus forte partie allait au clergé. Chaque mois, se distribuait une sorte de traitement (sportula, divisio mensurna) plus ou moins élevé selon la dignité du personnage. Tous les clercs émargeaient, si je puis dire, au modique budget de la communauté. Quand l'un d'entre eux avait commis une faute grave, on le condamnait pour quelque temps à la portion congrue, ou même son traitement était tout à fait supprimé[159]. Au contraire, pour honorer un de ses collaborateurs, l'évêque pouvait lui attribuer une sportula supérieure à celle dont son rang lui permettait régulièrement de jouir. Aurelius et Celerinus, simples lecteurs, touchent la même somme que les prêtres[160]. Saint Cyprien les faisait ainsi participer en quelque manière aux privilèges de la prêtrise qu'il leur destine et que leur jeunesse lui interdit de leur conférer sur-le-champ. III Quiconque n'appartient pas aux ordres que je viens d'énumérer est proprement hors du clergé et compte au nombre des fidèles. Cependant certaines personnes ne me paraissent assimilables à aucune de ces deux catégories : les vierges, les veuves et les moines tiennent en quelque façon le milieu entre les simples laïques et les clercs. Si une vie plus austère les élève au-dessus des premiers, ils n'en demeurent pas moins sous la tutelle des autres. De bonne heure, Carthage vit des âmes poussées par une piété singulière renoncer au monde et se consacrer à Dieu[161]. Elles n'avaient pas attendu qu'un Tertullien célébrât la gloire de la chasteté pour chercher dans cette condition un refuge tranquille. Quand ce montaniste exhortait les vierges à. se voiler pendant les cérémonies dans les basiliques[162], il s'adressait d'abord aux jeunes filles sous la garde de leurs parents[163] ; néanmoins plusieurs de ses expressions[164] ne permettent pas de douter qu'il ne visât aussi des femmes ayant fait profession de virginité perpétuelle. Il nous les montre révérées, conduites à Dieu par l'Eglise[165], protégées, secourues par leurs frères[166]. Les chefs spirituels devaient surtout prodiguer une tendre vigilance aux servantes de Dieu dont la pudeur avait tant de sujets de s'alarmer au contact des païens. Elles n'étaient point recluses alors, mais on ne les voyait que dans l'assemblée des fidèles ; et quand elles avaient pris leur engagement définitif[167], elles adoptaient la mitra ou mitella, sorte d'écharpe dont les femmes mariées se ceignaient la tête et qui convenait bien aux épouses du Seigneur[168]. Saint Cyprien célèbre aussi[169], avec l'abondance d'images qui lui est familière, les vierges, ces fleurs des parterres de l'Eglise, cette portion glorieuse du troupeau du Christ[170]. A celles qui se sont vouées à Dieu, chair et esprit[171], il recommande la modestie qui convient à leur état. Quelques-unes, parait-il, étaient riches et prétendaient vivre dans un luxe que leur permettait leur fortune ; l'évêque les réprimande et déclare que leurs biens doivent avant tout servir aux malheureux[172]. Le relâchement qui s'était introduit pendant les quarante années de paix avait-il amolli jusqu'aux âmes de choix[173] ? Il serait difficile de le nier, quand saint Cyprien leur reproche encore avec beaucoup de vivacité de se farder, de ne pas fuir les compagnies dissolues, de fréquenter les bains publiés[174]. Les vierges continuent donc, au milieu du IIIe siècle, à vivre dans le inonde sous la surveillance de l'Eglise. Volontairement condamnées au célibat dès leur jeunesse, elles y vieillissent, et les plus âgées prennent peu à peu un grand ascendant sur les débutantes[175]. Toutefois, elles conservent leur chevelure, comme cette Victoria, martyrisée sous Dioclétien, avec les confesseurs d'Abitina[176], et chacune demeure libre de ses actions. Les religieuses soumises à une règle, groupées sous un même toit, dépendantes d'une seule volonté, n'existent, pas encore[177]. Quand saint Optat nous raconte les vexations que leur infligent les donatistes[178], leur genre de vie ne semble point modifié. Mais, en 434, avant l'entrée de Genséric, dans la ville, l'auteur anonyme du Liber de promissionibus parle d'un monastère de femmes qui possédait des reliques de saint Etienne et mentionne un præpositus, sans s'expliquer davantage sur ses fonctions[179]. C'était, je suppose, quelque homme d'âge, connu pour sa prudence, qui gérait le temporel de la communauté. Il ne devait pas être revêtu du caractère sacerdotal, puisque nous voyons, au cours du récit, un prêtre qui vient du dehors offrir chaque matin le saint sacrifice. A côté des vierges, l'Eglise rangeait encore les orphelins (pupilli)[180], dont l'évêque est le protecteur naturel[181], et les veuves, dont la douleur demande consolation et respect. Celles-ci forment une sorte de confrérie à part, analogue à celle des vierges[182], et Tertullien s'indigne qu'un évêque, qui pourrait bien être le sien, ait admis dans leurs cadres (in viduatu) une vierge de vingt ans[183]. Il se répand en éloges magnifiques sur elles[184] et avec son exagération habituelle, il va jusqu'à comparer leur état à un sacerdoce (sacerdotium viduitatis). Elles sont le type primitif de la femme consacrée à Dieu[185] ; elles exercent, en donnant l'exemple des vertus, une sorte de ministère moral parallèle à celui du clergé. C'est pourquoi Tertullien les met encore, avec les vierges, à côté de l'évêque, du prêtre et du diacre[186]. Mais ce poste d'honneur leur fut bientôt ravi. Les veuves deviennent insensiblement de simples assistées, en perdant le caractère de sainteté particulière qu'elles avaient eu au début, et la vierge, renonçant à la vie charnelle, devient la véritable héroïne de la vie chrétienne[187]. Nous venons de suivre les progrès des vierges ; les veuves, au contraire, ne se rencontrent plus guère après le milieu du IIIe siècle. L'épiscopat de saint Cyprien marque leur décadence. Certes l'évêque les nomme avec beaucoup de déférence et réclame pour elles des soins empressés[188]. Qu'il y a loin cependant des quelques lignes qu'il leur accorde à l'enthousiasme du traité De habitu virginum ! Dans sa lettre à l'évêque d'Antioche, le pape Cornelius énumère, après les 155 membres du clergé romain, 1500 veuves et pauvres[189] ; le rapprochement est instructif. Désormais, c'est parmi les indigents, les malades, les besogneux, qu'est marquée la place des veuves. L'église de Carthage, comme celle de Rome, ne leur en connaît plus d'autre[190]. La floraison de la vie monacale en Afrique ne remonte pas au-delà de la fin du IVe siècle[191]. Jusqu'alors la pratique rigoureuse de la loi morale avait séduit plus d'un fidèle ; le montanisme répondait à ce besoin des cœurs ardents, et quand Tertullien quitta la toge pour le pallium, il est vraisemblable qu'il marquait par ce signe extérieur sa résolution de mener une vie plus austère. On a pu dire qu'en revêtant ce manteau inusité chez les chrétiens il s'affichait comme une sorte de moine avant les moines[192]. Pourtant, personne n'imaginait encore de se retirer loin des hommes pour se tenir en union plus directe avec Dieu. Saint Augustin, qui avait, pu voir en Italie les essais de la vie cénobitique occidentale, fut le premier il implanter dans son pays, à Hippone, cette nouvelle création de la foi[193]. Carthage l'imita promptement ; au déclin du IVe siècle, elle aussi possédait ses monastères[194]. Il est à supposer, vu les relations existantes entre Aurelius et Augustin, que le grand docteur en conseilla ou en favorisa en quelque manière l'établissement. Cette institution monastique se développa en dépit des obstacles dont le plus sérieux, fut les moines eux-mêmes. Le désaccord, en effet, s'était glissé bien vite parmi eux. Les uns, s'en tenant aux préceptes de l'Apôtre, gagnaient leur pain par le travail des mains ; les autres voulaient vivre des offrandes des fidèles et ne pas peiner pour se procurer le nécessaire ; ils se souvenaient, prétendaient-ils, du conseil évangélique : Voyez les oiseaux du ciel et le lys des champs ; le Père céleste les nourrit sans qu'ils aient à se soucier de rien. Des laïques prirent fait et cause pour chaque parti, et l'église fut troublée de leurs dissensions[195]. Pour terminer cette querelle, Aurelius appela à son aide Augustin, qui écrivit dans ce dessein le De opere monachorum, vers l'année 400[196]. Il y blâme très franchement ces oisifs qui s'enferment tout vivants et s'abîment dans la prière[197]. Il veut un travail modéré, sans intention de faire fortune, simplement pour se conformer à l'Evangile. Seuls les prédicateurs de la foi peuvent être exempts du labeur corporel. Ces moines étaient pour la plupart de basse extraction, hommes du peuple, artisans, agriculteurs, affranchis, soit antérieurement, soit du fait de leur entrée en religion, esclaves même[198]. Leur origine explique l'allure négligée de certains d'entre eux qui laissaient croître leur chevelure, par affectation d'humilité et fausse intelligence de l'Ecriture[199]. Augustin les éclaire sur ces travers ; il les supplie, en outre, de ne pas suivre les traces de ces vagabonds, vendeurs de fausses reliques, charlatans et menteurs, dont les pratiques criminelles jettent le discrédit sur le monachisme tout entier[200]. Salvien nous avertit que les Africains, et les Carthaginois en particulier, professaient pour les moines un véritable mépris. Quand l'un d'eux passait dans les rues, vêtu du pallium, la tête rasée, le teint pale, il était accueilli par des rires et des quolibets ; plus d'un étranger, venu des couvents d'Égypte ou de Palestine, ou des solitudes de la Thébaïde, eut à souffrir ces moqueries. L'auteur attribue ces sentiments hostiles à la sainteté même de ces personnages, qui était comme un perpétuel reproche pour les chrétiens dépravés[201]. Ne serait-il pas plus exact de les interpréter comme un résultat des manœuvres des moines errants ? Ainsi qu'il arrive souvent, la haine suscitée par quelques-uns retombait injustement sur tous. Les exhortations de saint Augustin durent porter leurs fruits, car chaque fois que les chroniqueurs parlent des moines, dans la suite, ils les traitent en termes honorables. Victor de Vita et un anonyme célèbrent les sept victimes de la persécution d'Hunéric, ensevelis dans le monastère de Bigua[202]. Procope est plein d'estime pour ces hommes si appliqués au service divin que renferme le monastère fortifié du Mandracium[203]. Et l'on n'a pas oublié de quel crédit a joui au VIIe siècle, en cette ville, l'abbé Maxime, le bouillant champion de l'orthodoxie. IV Dans la communauté, les laïques forment le groupe de beaucoup le plus compact. Ils se distinguent du clergé surtout en ce qu'ils sont exclus de toute fonction sacerdotale[204]. Ils lui demeurent toujours subordonnés, ils lui doivent obéissance et respect. L'épithète christianus s'applique à quiconque professe la foi en Jésus-Christ ; mais le chrétien est catecuminus ou fidelis, suivant qu'il a reçu ou non le baptême[205]. En thèse générale, ces trois termes suffisent, l'un qui sépare les chrétiens des païens, les autres qui expriment le degré d'initiation. Les catéchumènes (catecumini, neophyti, audientes, auditores, novitioli, tirones)[206] se préparaient au baptême ; ils recevaient l'instruction des prêtres-docteurs et plus tard des diacres. Sans faire encore partie intégrante de l'Eglise, ils ne lui demeurent pas indifférents ; la correspondance de saint Cyprien montre qu'ils ont place dans les préoccupations des pasteurs, surtout pendant les jours d'épreuve[207]. Leur éducation religieuse comprend l'explication et le commentaire de l'Ecriture, on y rattache les éléments doctrinaux du christianisme[208]. Grâce au livre De catechizandis rudibus, qui est une véritable méthode à l'usage des catéchistes carthaginois, nous saisissons avec quel soin et dans quel esprit l'Evangile s'enseignait. Saint Augustin y descend jusqu'aux plus minutieuses recommandations et, ne perdant jamais de vue à quelles personnes s'adresse le diacre qui l'a consulté, il lui fait toucher du doigt les moyens les plus propres à les atteindre et à les éclairer. Fidelis désigne le chrétien baptisé, Tertullien et saint Augustin viennent de nous l'apprendre[209]. C'est ainsi qu'il y a lieu d'interpréter les très nombreuses épitaphes exhumées du sol de Carthage, spécialement de la basilique de Damons el Karita, qui présentent la formule fidelis in pace. Distingués de leur vivant par l'épithète fidelis, les chrétiens s'en parent jusque dans la mort comme de leur titre le plus glorieux. Ces fidèles portaient d'ordinaire des noms assez simples : Aemilianus, Agrippina, Attalus, Columba, Cresconius, Dalmatius, Emerita, Felix, etc.[210] Plusieurs cependant, peut-être par humilité, s'attribuaient des dénominations dégradantes : Asinarius, Gulosa, Mendicus, Bernaclus (pour Vernaculus)[211]. On trouve aussi Veneria et Venus[212], qui surprennent davantage. Mais le fait le plus remarquable qu'on observe dans cette onomastique, c'est la fréquence des composés rappelant une idée religieuse ou la pensée de Dieu, tels que Adeodatus, Benenatus, Deogratias, Deumbabet, Deusdedit, Habetdeus, Quodvultdeus, Vincemalus[213]. Ils font aussitôt penser aux composés puniques, si fréquents eux aussi dans l'épigraphie de la première Carthage : Baalsillec, Bodmelkarth, Baalhannon, Hannibaal, Abdmelkarth, Aderbaal, Jatonbaal, Azrubaal, Maharbaal, Abdeshmoun, etc.[214] Sommes-nous donc en présence d'un usage local, conservé soigneusement par les populations africaines et qui se serait perpétué à l'époque chrétienne ? Je me le persuaderais malaisément. En effet, on ne commit aucun exemple de composés de ce genre créés et portés par les colons romains ou romanisés, entre 146 avant Jésus-Christ et l'établissement du christianisme ; il faudrait avant tout rendre compte de cette lacune. Fait plus étrange encore, les noms de ce type, rares au IIIe siècle, se multiplient sous le Bas-Empire[215], c'est-à-dire dans un temps où les traditions puniques s'effacent de plus en plus. Enfin ces formes ne sont pas propres aux régions jadis possédées par les Phéniciens. Elles se montrent en Italie, au plus tard à partir du IVe siècle, dit M. de Rossi[216]. Il convient donc, je pense, d'abandonner l'hypothèse d'une origine punique ; toutefois, il est indéniable que les Africains, quelle que fût leur religion, ont toujours aimé ces noms qui contiennent l'expression d'une piété spéciale et une sorte d'hommage incessant rendu à la divinité[217]. L'onomastique ne nous renseigne guère sur la condition sociale des chrétiens carthaginois ; l'absence des tria nomina sur les épitaphes des cimetières[218] n'est pas une raison de croire que personne parmi les défunts n'appartenait aux classes moyennes ou même élevées de la cité. Par les écrivains ecclésiastiques nous avons des indications plus précises : le De corona militis prouve que, de bonne heure, les fidèles avaient pénétré dans l'armée ; les conseils de Tertullien aux artisans, aux boutiquiers[219], nous montrent le commerce conquis ; les allusions aux amis et parents du proconsul Scapula[220] laissent entendre que les hauts fonctionnaires eux-mêmes et les riches commençaient à être atteints. Le groupe de sainte Perpétue et de ses compagnons, où sont réunis autour d'une noble femme des petites gens et des esclaves, offre comme un tableau en raccourci de cette importante communauté au début du Me siècle. Dans les lettres de saint Cyprien, hommes, femmes, enfants, sont qualifiés de martyrs, de confesseurs, de lapsi, etc. ; mais leur profession ou leur état-civil s'efface en quelque sorte derrière ces épithètes. J'y trouve seulement un fabricant de nattes et une couturière, excommuniés tous deux par les représentants de l'évêque, lors de la persécution de Dèce[221]. Une inscription exhumée dans la plaine, entre La Malga et La Marsa, nous a révélé un procurator fundi Benbennesis[222], qui rappelle cet autre procurateur impérial, Macrobius Candidianus, dans le terrain de qui fut déposé le corps de saint Cyprien. Outre ces deux personnages, nous ne connaissons pas de fonctionnaires du Haut-Empire à qui nous puissions appliquer avec certitude le qualificatif de chrétiens[223]. Au IVe siècle, saint Augustin nous l'apprend, dans cette église de citadins[224], les gens instruits se rencontrent fréquemment ; par leur science comme par leurs vertus, ils la font briller d'un vif éclat. La charité qui animait les cœurs se manifestait surtout pendant la persécution. La police a-t-elle arrêté quelques frères ; aussitôt à prix d'argent, à force d'habileté, d'autres se glissent dans la prison et apportent aux détenus des secours matériels[225], tandis que les prêtres et les diacres leur donnent les consolations de l'âme. A toutes les époques où le nom chrétien est proscrit, sous Septime Sévère[226], sous Dèce[227], sous Valérien[228], sous Hunéric[229], nous constatons le même empressement. Les étrangers reçoivent aussi le meilleur accueil ; quand ils sont munis d'une recommandation du chef de leur chrétienté, ils jouissent de l'hospitalité la plus touchante[230]. Au contraire, le fidèle s'écarte, sans les haïr pourtant, des païens ennemis de sa foi, et aussi de ceux qui, reçus jadis dans le sein de l'Eglise, l'outragent et la déshonorent, histrions[231], hérétiques, schismatiques[232], tous ces antichrists[233], indignes de pitié jusqu'au jour où ils auront accompli une sérieuse pénitence. Les écrivains catholiques se plaisaient à opposer le genre de vie des disciples du Christ et de leurs adversaires, à mettre en relief tous les mérites des premiers[234]. Ils savaient pourtant condamner ce qui, dans leur conduite, était répréhensible. Nous avons entendu déjà les violents reproches que Tertullien, saint Cyprien, saint Augustin, Salvien, d'autres encore, adressent à leur coquetterie ou à leur mollesse[235]. Sans nous indigner autant qu'eux de ce que les femmes compliquent trop leur chignon ou mettent des perruques[236], ou de ce que les hommes se rasent[237], nous avouerons que ces chrétiens ne savaient pas tous se contenter des simplices et sufficientes munditiæ dont Tertullien fait l'éloge[238]. Si, du moins, aucun n'avait donné prise à d'autres accusations ! Mais quelques-uns, par leur amour de l'argent, par leur sensualité, par leur goût des spectacles et des fêtes païennes, ne méritaient que trop les censures des moralistes. Saint Cyprien se plaint que les riches, surtout les dames, sont peu généreux ; seuls les pauvres contribuent assidûment, dans la mesure de leurs forces, à l'entretien du clergé et apportent chaque mois leur offrande volontaire (deposita pietatis)[239]. Tertullien, au contraire, proclame hautement, devant les magistrats romains, le désintéressement de ses frères et concitoyens, qui, ne gardant- rien pour eux, mettent tout en commun sauf leurs femmes, et l'union de tous ces cœurs qui se retrempent dans leurs assemblées fréquentes[240]. Cette différence d'appréciation s'explique par l'introduction d'éléments nouveaux pendant la première moitié du IIIe siècle. Le nombre, comme il arrive le plus souvent, avait fait tort à la qualité. A tout prendre cependant et malgré des écarts fâcheux, le bien l'emportait de beaucoup sur le mal. Dans cette église où circulait un large courant de vie religieuse, l'esprit de foi ne fut tari ni par l'hérésie, ni par le schisme : Outre les manifestations coutumières de la piété, cérémonies rituelles, prières, jeûnes, aumônes, secours aux malades et aux prisonniers, il éclatait encore mieux, dans certains cas extraordinaires, par les sacrifices des confesseurs et des martyrs et la résistance invincible à l'erreur. Et de même, à côté des grâces qui l'alimentaient chaque jour, il recevait un accroissement nouveau par les faveurs mystiques dont se prévalaient quelques âmes d'élite, des visions comme celles de sainte Perpétue et de son compagnon Saturus[241], de saint Cyprien[242], de Celerinus et de quelques jeunes enfants[243], du martyr Montanus et de ses amis[244], ou des prodiges tels qu'en racontent saint Cyprien[245], saint Augustin[246] et, plusieurs chroniqueurs[247]. |
[1] En ce qui concerne
l'organisation générale des églises primitives, je me borne à renvoyer aux
ouvrages spéciaux tels que : Duchesne, Culte ; de Smedt, 1888 et 1891 ;
Jean Réville, Les origines de l'épiscopat, 1 vol. in-8°, Paris, Leroux,
1894 ; P. Batiffol, L'Eglise naissante (Revue biblique, 1895, n°
2 et 4).
[2] De bapt., 11 ; De
monogamia, 11.Dans ces deux passages Tertullien ne nomme pas en termes
formels l'évêque de Carthage ; mais croire qu'il eût parlé de la sorte si
Carthage n'avait pas eu d'évêque, ne serait-ce pas aller contre l'évidence ?
[3] Cf. Epist., LIX, 5.
[4] Tillemont, Mém., IV, p.
54. M. Havet (p. 49) dit que les évêques du dehors étaient
ses véritables électeurs, mais appelés et choisis par les anciens et les
diacres qui rendaient témoignage ; puis il fallait encore que le peuple ou les
laïques, réunis en assemblée générale par les évêques, rendissent l'ordination
définitive en s'y associant par acclamation. C'est là, je pense,
restreindre à l'excès la portée de l'intervention des fidèles et le sens du mot
suffragium qui la désigne. Epist.,
XLIII, 1 : contra suffragium vestrum ;
LV, 8 : Factus est episcopus... de clericorum pæne omnium testimonio, de plebis quæ tune
adfuit suffragio, de sacerdotum antignorum et bonorum virorum collegio
; LIX, 5 : post populi suffragi uni, post
cœpiscoporum consensum ; ibid., 6 : quando populi universi suffragio in pace deligitur
(il s'agit de l'élection même de Cyprien, et il ne nomme que le peuple) ;
LXVII, 3 : quando (plebs) ipsa maxime habeat potestatem
vel eligencli dignos sacerdotes vel indignos recusandi ; cf. ibid.,
4, 5 ; LVI, 1. On trouve le récit d'une élection populaire de ce genre fort
tumultueuse, une cinquantaine d'années après Cyprien, dans les Gesta apud
Zenophilum, 21b, 23a, 24a (C. S. E. L., XXVI, p. 192, 194, 196).
[5] Cyprien, Epist., LXVII, 5.
[6] Cyprien, Epist., III, 1, 3 ; XLVII, 4 ; LV, 8 ; LIX, 4-5 ; LXVI,
1, 9.
[7] Cyprien, Epist., XLV, 3
; LXXV, 16.
[8] Cyprien, Epist., LXI, 3
: cum episcopo presbyteri sacerdotali honore
conjuncti, 4 : episcopo confessore
Domini et sacerdote ; cf. ibid., 1, 2 ; XXXVIII, 2 ; LV,
8 ; LIX, 5 ; LXII, 5 ; LXVII, 2-4 ; Sententiæ
episcoporum, 8 et 26 : et en général l'index de Hartel, s. v. episcopus
et sacerdos ; Passio s. Montani, 23 (Ruinart, p. 238).
[9] Cyprien, Epist., LVII, 3 ; cf. LXVII, 2 ; LXXII, 2.
[10] Cyprien, Epist.,
LXXIII, 9.
[11] De lapsis, 6.
[12] De lapsis, 14 ; Epist.,
LIX, 1 ; LXXII, 2 ; LXXIV, 10 ; LXXV, 1.
[13] Epist., VII ; cf. XIII,
6, n. 2, dans Hartel.
[14] Vita, 9-10.
[15] Voir ses déclarations. Epist., XIV, 4 ; XVII, 1 ; XIX, 1-2 ; XXIX ; XXXII ; XXXIV,
3-4 ; XXXVIII, 1 ; cf. XXX, 5.
[16] Epist., III, 1 et 3.
[17] Epist., XV, 1-2.
[18] Epist., XXXIII, 1.
[19] Epist., LXVI, 5 et 8.
[20] Epist., III, 2 ; LXVI,
3. Il rappelle (Testim., III. 83) qu'on doit se lever en présence de
l'évêque ou du prêtre.
[21] Augustin, Brev. collat., III, 29 : ut
princeps a principe ordinaretur.
[22] Héfélé, I, p. 170.
[23] Optat, I, 18 : suffragio totius populi.
[24] Optat, I, 18.
[25] Mansi, III, col. 925 ; Héfélé,
II, p. 252.
[26] Augustin, Epist., XXII,
4 ; De civ. Dei, XXII. 8 ; cf. Tillemont, Mém., XII. p. 555.
[27] Enarr. in psalm., CXXVI. 3 ; Sermo,
XCIV.
[28] Augustin, Sermo,
CLXXVIII, 1 : potentem esse exhortari in doctrina
sana et contradicentes arguere.
[29] Augustin, Sermo, CXI,
in fine. L'usage de fêter cette date devait être répandu en Afrique. Saint
Augustin a deux sermons (CCCXXXIX et CCCXL) pour son propre anniversaire ; il y
expose ses idées sur la charge épiscopale. Voir d'autres exemples dans P. L.,
XXXVIII, col. 1480, note b.
[30] Sermo, I, 3.
[31] Sermo, I, 1.
[32] Augustin, De veritate
prædestinationis, II, 38. Sur les devoirs d'un évêque, voir un sermon du
même, d'ailleurs suspect (P. L., LXV, col. 950 sq., Sermo,
LXXIX).
[33] Sur l'influence prépondérante
des grandes chrétientés. cf. de Smedt, 1891, p. 424 sq.
[34] Cyprien, Epist., LIX, 10 : cf. Morcelli, I, p. 30 sq.
[35] Epist., IV ; LVII ; LXI, 4 ; LXII, 5 :
LXIV ; LXVII ; LXX : LXXII.
[36] Voir en particulier Epist.,
LXXI. LXXII, 3 : Sententiæ
episcoporum (Hartel), p. 436.
[37] 1891, p. 426.
[38] Epist., VIII, 1 :
XXIII, titre ; XXX, titre et 8 : XXXI, titre : XXXVI, titre. Notons que, sur
ces six exemples, c'est cinq fois le clergé de Rome qui parle et une fois les
confesseurs africains.
[39] Epist., XXXIX ; XLI ; LX ; LXVIII ;
LXXII ; LXXV ; LXXXI ; CXIX ; CLXXII CLXXIV ; CXCV ; CCXVI ; CCXX. Papa doit être l'équivalent de pater, qui se rencontre très souvent en tête des
lettres adressées à saint Augustin. De même, deux évêques d'Espagne appellent
Capreolus : domine pater, domine sancte,
venerabilis et beatissime papa, domine sancte ac venerabilis papa (P.
L., LIII, col. 841-849).
[40] De Smedt, 1891, loc. cit.
Je crois que M. l'abbé Beurlier exagère en parlant (Essai sur le culte rendu
aux empereurs romains, p. 310) de la juridiction de l'évêque de Carthage
sur tous les évêques d'Afrique, dés le début du IIIe siècle. M. l'abbé Duchesne
(Culte, p. 16) ne dépasse pas la mesure quand il écrit : Dès le commencement du IIIe siècle son évêque était déjà
comme un primat ou un patriarche. La comparaison qu'il institue ensuite
entre l'évêque de Carthage et le proconsul est juste, à condition qu'on
n'attribue pas au premier comme au second un pouvoir nettement défini sur toute
la région.
[41] Canons, 4-7 ; cf. Héfélé, I,
p. 159 ; Duchesne, Culte, p. 22.
[42] Augustin, Contra Crescon.,
III, 30 : le 25e canon du concile d'Hippone (393). Mansi. III, col. 920, 923 ;
Héfélé, II, p. 242. 244, 246. Mgr Toulotte (p. 54 sq.) parle des primats
provinciaux antérieurs même à saint Cyprien ; je ne sais sur quoi repose cette
hypothèse.
[43] Morcelli, I, p. 33 ; Duchesne,
Rev. des quest. hist., 1884, II, p. 409. n. 1 ; Héfélé, II, p. 242,
note.
[44] Héfélé, I, p. 170.
[45] Mansi, III, col. 894, 919, cf.
133 ; Héfélé, II, p. 241 sq., 246 ; cf. Cyprien, Epist., XL-XLIII, pour
le prêtre Numidicus.
[46] Héfélé, II, p. 252 ; Mansi,
III, col. 889, 916 sqq.
[47] Mansi, IV, col. 494, 503, 508
; Héfélé, II, p. 262, 279 sq., 298.
[48] Mansi, III, col. 787 ; IV, 497
; Héfélé, II, p. 276.
[49] Vita, 8. Sur les
pouvoirs de l'évêque de Carthage, cf. Tillemont, Mém., XII, p. 559-561 ;
Beurlier, op. cit., p. 315 sq.
[50] Augustin, De gratia Christi,
II, 15 ; Retract., II, 21 ; Epist., LXIV. 2 ; Mansi, IV, col. 447
sq.
[51] De Smedt, 1891, p. 425, n. 2 ;
Héfélé, II, p. 253.
[52] Mansi, VIII, col. 635, 656 ;
Héfélé, III, p. 317-319.
[53] Mansi, col. 637 sq. ; Héfélé,
p. 317. Dans sa lettre au concile de Junca, il annonce la date de Pâques pour
524 ; Héfélé, III, p. 319.
[54] Duchesne, Lib. pont.,
I, p. 281 et 283, n. 13.
[55] P. L., LXVI, col. 45 ;
Avellana collectio, n° 87 (C. S. E. L., XXXV, p. 333).
[56] Mansi, IX, col. III sq. ;
Héfélé, III, p. 385 ; Novelle, CXXXI, 4. Carthage est indiquée comme
métropole d'Afrique dans une liste d'évêchés de la seconde moitié du VIe siècle
ou du commencent du VIIe ; cf. H. Gelzer, Byzantinische Zeitschrift, II,
1892, p. 2244 ; Gsell, 1893, p. 198, n° 168.
[57] Chron. min., II, p.
203, a. 554 cf. a. 551, 552. Voir un plomb sigillaire de Carthage avec le mot archiepiscopus (Miss. cath., 1887, p. 524
; Bull. Ant., 1897, p. 394). Les inscriptions (C. I. L., VIII,
13391-13402) donnent seulement episcopus.
[58] Epist., II, 52. Il le
nomme toujours episcopus dans sa
correspondance.
[59] Léon IX, Epist., LXXXIV (P. L., CXLIII, col. 130).
[60] Duchesne, Culte, p. 13
; de Smedt, 1891, p. 422 sq.
[61] Duchesne, Bull. arch.,
1892, p. 314-316 ; Blanchère, Musée d'Oran, p. 26 sq.
[62] Duchesne, Lib. pont.,
I, p. CXXIX
; Culte, p. 30.
[63] Mansi, III, col. 791 ; IV,
col. 498.
[64] Héfélé, II, p. 276.
[65] Il y a lieu de le distinguer
d'expressions comme christianus catholicus
(Augustin, Sermo, CCLXVII, 4 ; De hæres., 88 ; Epist.,
XVII, 5), Domino catholicæ servire (id.,
Epist., XXIV, 6), Catholica, s.-e. Ecclesia
(ibid., XCIII, 17), qui sont destinées uniquement à s'opposer aux mots hæreticus ou schismaticus.
[66] Augustin, Sermo,
CXXVIII, 4 ; CXXIX, 7.
[67] Mansi, IV, col. 66, 70, 71,
81, 84, 85, 89, 129, 130, 134. Aurelius et son compétiteur donatiste,
Primianus, sont les seuls dont le siège soit indiqué quand ils prennent la
parole.
[68] P. L., LIII, col. 847.
[69] Victor de Vita, II, 42.
[70] Epist., IV (P. L., LXXXVII. col. 145).
[71] Optat, II, 14.
[72] Cyprien, Epist., III, 3 ; Passio s. Montani, I, 9, 14,
23 (Ruinart, pp. 232-238).
[73] De Smedt, 1888, pp. 381-383.
[74] Boissier, Pagan., I, p.
283 sq., d'après le De exhortatione castitatis, 7.
[75] De bapt., 17 : non tamen sine episcopi auctoritate.
[76] De præseript., 3 ;
Passio s. Perpetuæ, 13 ; de Smedt, 1888. p. 369 sqq. ; Duchesne (C.
R. Inscr., 1891, p. 45) : Le presbyter doctor
était en Afrique comme le maître des novices de la communauté chrétienne.
[77] Ruinart, p. 114 ; Duchesne, Orig.
chrét., p. 411.
[78] De exhort. castit., 7
et 11 ; De monogamia, 11 et 12.
[79] Epist., V, 1 ; VI ; V11 ; XIII ; XIV, 4
; XLI-XLIII.
[80] Epist., XIV, 2.
[81] Le P. de Smedt, qui a mis ces
faits en pleine lumière (1894, p. 402-403) exagère quelque peu, ce me semble,
quand il écrit que les prêtres de Carthage prirent résolument
en mains le gouvernement de leur église. L'analogie qu'il établit
avec le clergé de Rome n'est pas complète. Rome n'avait pas d'évêque depuis la
mort de Fabianus : celui de Carthage vivait encore, et il prétendait bien
exercer toute son autorité, autant que la distance le permettrait. C'est
seulement lorsqu'il vit les difficultés croissantes de l'entreprise qu'il
délégua pour le représenter une commission d'évêques et de prêtres munie de
pouvoirs spéciaux. Et même alors il ne laissa pas de s'adresser par écrit à son
peuple. Cf. Epist., XL-XLIII.
[82] Epist., LXI, 3 : cum episcopo presbyteri sacerdotali honore conjuncti.
[83] De Smedt, 1888, p. 332 ; 1891,
p. 398.
[84] Epist., LXI, 4 : episcopo confessore Domini et sacerdote.
[85] Epist., V, 2 ; XVI, 1
et 2 ; XVII, 2 ; Passio s. Montani, 9, 23 (Ruinart, p. 233, 238).
[86] Epist., XVIII, 1 ; XIX,
2 ; XX, 3 ; de Smedt, 1891, p. 403 sq.
[87] De Smedt, loc. cit., p.
407.
[88] Epist., XXIX.
[89] Témoins Cæcilius, qui
convertit Cyprien et lui recommande en mourant sa femme et ses enfants (Vita
Cyprien, 4), Felix (Epist., XXIV) et Numidicus (ibid., XL),
tous deux confesseurs de la foi : plus tard encore Saturninus, l'un des martyrs
d'Abitina (Ruinart, p. 382, 2 sqq.). Sur le mariage des membres du clergé, cf.
Allard, Rev. des quest. hist., LVIII, 1895, p. 27-29. Un passage qui
concerne Félix est fort obscur : Felix qui
presbyterium subministrabat sub Decimo. Doit-on en conclure qu'il
existait des degrés parmi les prêtres ?
[90] De Smedt, loc. cit., p.
407.
[91] De Smedt, loc. cit., p.
405.
[92] Le P. de Smedt (ibid.,
p. 416) conclut, contre l'opinion généralement admise, que le régime paroissial
n'exista pas dans les grandes villes avant le milieu du Ve siècle. Prêtres
mentionnés par les inscriptions, C. I. L., VIII, 13403-13114, 14115.
[93] Possidius, Vita, 5.
Jusqu'alors l'évêque seul annonçait la parole de Dieu.
[94] Augustin, Epist., XLI ; cf. P. L., XXXVIII, col. 141,
note a.
[95] De Smedt, 1888, p. 383. Aux
conciles, les diacres sont souvent mentionnés auprès des évêques, par exemple
en 256 (Cyprien, éd. Martel, p. 435), en 525 (Mansi, VIII, col. 636).
[96] Epist., I II. 3. Le Martyrologe
hiéronymien (p. LXX, 91), nomme, parmi les martyrs
de Carthage le diacre Catulinus, et la Passio s. Montani (12, 20 et
passim, Ruinart, p. 234, 236...) le diacre Flavianus ; d'autres sont
mentionnées au C I. L., VIII, 13-115-13419, 14115 sq., et dans la Novelle
XXXVII, 1.
[97] De bapt., 17.
[98] Passio, 3, 6 ; cf. 10,
et Ruinart, p. 106.
[99] Cyprien, Epist., V ; XIV, 2 ; XV, 1.
[100] Acta procons., 5.
[101] Epist., V ; VII ; XI ; XII ; XIV ; XVI ;
XVIII ; XIX ; XXVI ; XXIX ; XXXII ; XXXIV ; XXXVIII ; XXXIX ; XL ; LXXXI. Cf.
Allard, Rev. des quest. hist., LVIII, 1895, p. 24.
[102] Epist., XIV, 3 ; XVI, 3 ; XVII, 2 ; cf.
LXXII, 2.
[103] Epist., XVII, 1.
[104] Cf. de Smedt, 1891, p. 406, n. 5.
[105] Optat, I, 16, 18, 19.
[106] Augustin, Epist., XXII,
4 ; De civ. Dei, XXII, 8, 3 : XII, p. 535. Il avait un frère,
Fortunatus, lui aussi diacre de Carthage : cf. Vita s. Ambrosii, 54 (P.
L., col. 46).
[107] De cat. rud., I, 1.
[108] De viris illustr., XII
(P. L., LXXXIII, col. 1089) : cf. Victor de Tonnenna, a. 546 (Chron.
min., II, p. 201).
[109] P. L., LXVIII, col.
969-1052.
[110] Epist., II et III (P.
L., LXVI, col. 44 et 45) ; cf. Avellana collectio, p. 328-333 (C.
S. E. L., XXXV).
[111] Heuser, s. v. άρχιδιάκονοι,
dans Kraus, Encycl.
[112] Cf. Vita, 12 et 19.
[113] I, 16.
[114] I, 19.
[115] Je tire ces indications de
Victor de Vita, III, 36 : Dum primo presbyteri
suppliciis macerandi ondine citarentur, post anchidiaconum Salutarem artatus
pœnis memoratus Muritta (diacre) : fuit enim
secundus in officio ministronum. La situation de l'archidiacre était un peu fausse ;
inférieur aux prêtres en dignité, il leur était supérieur en autorité, à tel
point que saint Jérôme (In Ezech., 48) écrit qu'un archidiacre ordonné
prêtre peut croire qu'il recule, injuriam putat si
presbyter ordinetur. C'est pourquoi l'Eglise prescrivit plus tard
que l'archidiacre devait recevoir l'onction sacerdotale. Cf. Heuser, loc.
cit.
[116] Optat, I, 16.
[117] III, 35.
[118] Hist. Fr., II. 2.
[119] Mansi, VIII, col. 648.
[120] Liber de promiss., IV,
6, 10 (P. L., LI, col. 843).
[121] Epist., CXXV, 15.
[122] L'archiprêtre est particulier
à l'Orient ; cf. Kraus, Encycl., s. v. Erzpriester.
[123] I, 19.
[124] II, 24. Mais on peut mettre en
regard ces expressions de saint Cyprien (Epist., XXIII). Præsente de clero et exorcista et lectore ; (XXXVIII,
2) Merebatur talis clericæ ordinationis ulleriores
quadas à propos d'un lecteur ; et de même (XXXIX, 1) : Celerinum... clero
nostro... conjunctum. Victor
de Vita (III, 39) range aussi les lecteurs parmi les clercs.
[125] De præscript., 41 : cf.
de Smedt, 1891, p. 399 ; Peters, s. v. lector, dans Kraus, Encycl.
[126] Cyprien, Epist., XXXVIII ; XXXIX, 3-4.
[127] Cyprien, Epist., XXXVIII, 1-2 ; XXXIX, 4-5.
[128] III, 34. Le quatrième canon du
concile de 391, qui exige vingt-cinq ans pour être admis au nombre des lecteurs,
comme des diacres et des vierges (Mansi, III, col. 880), était donc tombé en
désuétude : cf. C. I. L., VIII, 453, un lecteur d'Ammædara mort à cinq
ans.
[129] III, 39-40.
[130] Cf. Tillemont, Mém.,
III, p. 400.
[131] Optat, I, 19 ; cf. Cyprien, Epist., XXXIX, 5.
[132] C. I. L., VIII, 13423 ;
autres lecteurs, ibid., 13422-13725. A Thysdrus (ibid., 55) on
trouve un lecteur de cinquante-six ans : cf. Miss. cath., 1886, p. 101
sq., 137.
[133] Cyprien, Epist.,
XXXVIII, XXXIX, 4-5 ; cf. Duchesne, Culte, p. 333-336.
[134] Enarr. in psalm., CXXXVIII, 1.
[135] III, 39. Je
vois dans saint Augustin (Enarr. in psalm., XXXII, 5) non pas, comme
Peters (loc. cit.), une preuve de la science des lecteurs en général,
mais seulement un hommage rendu à leurs connaissances musicales.
[136] C. I. L., VIII, 13423 :
Mena lect(or) reg(ione) qu(arta) ou qu(inta).
[137] Cyprien, Epist., XXXVIII, 2.
[138] Cyprien, Epist., XXIX : clero
proximos feceramus.
[139] Cyprien, Epist.,
XXXVIII, 2. Parmi les qualités requises, on n'exigeait pas une grande science ;
Aurelius, dont on a lu tout à l'heure le nom, ne savait pas écrire. Cyprien, Epist.,
XXVII, 1 : quod litteras ille non nosset.
Du moins était-il obligé de savoir lire pour justifier son titre et remplir sa
charge.
[140] Duchesne, Culte, p. 332
: Il y a lieu de considérer les fonctions de
sous-diacre et d'acolyte comme un développement de celles du diacre.
[141] Epist., VIII, 1 ; IX, 1-2 : XX, 3 ; XXXV
; XLV, 4 ; XLVII ; LXXVII, 3 ; LXXVIII, 1. Pourtant on employait parfois
des prêtres (XLIV, 2 ; XLVIII, 1 ; LV, 2) et des diacres (LXXV, 1 et 13). C'est
à ces messagers qu'on attribuait sans doute le nom de responsales à l'époque de saint Grégoire le Grand
: cf. Epist., éd. Ewald, I, p. 155 sq., et les notes : II, p. 282 sq.
[142] Avellana collectio (C.
S. E. L., XXXV), p. 111.
[143] Acta procons., 5.
[144] Epist., XXXIV, 4.
[145] Outre les textes cités
ci-dessus, cf. Epist., VII ; XLIX, 3 : LII, 1 : LIX, 1 et 9 : Bull.
arch., 1897, p. 440, n. 224 ; Passio s. Montani, 9 (Ruinart. p. 233)
; C. I. L., VIII, 13420 sq., 13426.
[146] De Smedt, 1891, p. 400.
[147] Cyprien, Epist., XXIII.
[148] Cyprien, Epist., LXIX,
15. J'ajoute qu'au concile de Carthage, en 256, il fut plusieurs fois question
des exorcismes pratiqués sur les candidats au baptême (I, 8, 31, 31).
Firmilianus, dans sa réponse à saint Cyprien (ibid., LXXV, 10) mentionne
aussi les exorcistes de son église.
[149] Duchesne, Culte, p.
331, n. 4 : Le silence sur cet ordre s'explique par le
peu d'occasions que saint Cyprien et ses correspondants pouvaient avoir de les
mentionner.
[150] Epist., VIII, 3 : c'est
le clergé de Rome qui parle, mais la façon dont il s'exprime montre assez que
le clergé de Carthage auquel la lettre est adressée connaissait fort bien cette
pratique. Cf. Tillemont, Mém., IV, p. 74 ; de Smedt, 1891, p. 400 sq.
[151] C. S. E. L., VII, p.
186-188, cf. p. 193 ; de Rossi, Roma sott., III, p. 535 sqq.
[152] Je raisonne sur deux
documents, dont l'un, relatif à Rome (lettre du pape Cornelius à l'évêque
d'Antioche) est de 251, et l'autre (Gesta apud Zenophilum) reproduit la
situation de l'église de Cirta en 303. Rome contenait 155 membres du clergé
(Eusèbe, H. E., VI, 43) ; pour Cirta, l'énumération, qui n'est pas
complète, donne vingt-quatre noms. Je crois ne pas m'éloigner beaucoup de la
vérité en comparant Carthage à Rome plutôt qu'à Cirta. Cf. Duchesne, Culte,
p. 331 et 333, n. 3.
[153] III, 34.
[154] Epist., XL ; XLIII, 1.
[155] Epist., XXIX ; XXXIV, 4
; XXXVIII, 1.
[156] Epist., VII ; LXXIX ;
cf. XIII, 6 (note de l'éd. Hartel).
[157] De jejun., 13 : 39 :
cf. Le Nourry, dans P. L., I, col. 951-954.
[158] Augustin, Sermo, CCCLV, 5.
[159] Cyprien, Epist., XXXIV, 4. Il s'agit de deux sous-diacres et d'un acolyte.
[160] Cyprien, Epist., XXXIX,
5.
[161] Duchesne, Culte, p.
404-412.
[162] De virginibus velandis.
[163] De virginibus velandis,
7 : virgules quæ adhuc apud parentes deputarentur.
[164] De virginibus velandis,
3 : tanto magis liberæ quanto Christi solius
ancillæ ; 16 : nupsisti enim Christo,
illi tradidisti carnem tuam, illi sponsasti maturitatem tuam.
[165] De virginibus velandis,
14.
[166] De virginibus velandis,
14 ; Apologétique, 39.
[167] De Virginibus velandis,
cf. les notes de Rigault dans Migne et dans Œhler.
[168] De Virginibus velandis,
17 ; Optat, VI, 4-5, et les notes de Du Pin (P. L., VI, col. 1011 sq.).
[169] De habitu virginum ;
cf. la lettre III (Ad Probam) de saint Fulgence (P. L., LXV, col.
324-339) : Havet, p. 284 sq. 293-295.
[170] De habitu virginum, 3
et 20 ; Epist., LV, 20.
[171] De habitu virginum, 4.
[172] De habitu virginum,
7-14.
[173] Saint Cyprien (De habitu
virginum, 15) les distingue bien nettement des autres femmes.
[174] De habitu virginum,
15-19. La lettre IV de saint Cyprien et de quelques-uns de ses collègues nous
prouve que les vierges se laissaient parfois entrainer à de regrettables
écarts.
[175] De habitu virginum, 24
; cf. Paulinus, Vita s. Ambrosii (P. L., XI V, col. 28, 4). Le
quatrième canon du concile de 397 (Mansi, III, col. 880) requit l'âge de
vingt-cinq ans pour la profession virginale.
[176] Acta s. Saturnini, 16 (Ruinart, p. 389).
Sur la
coiffure des vierges, cf. Tertullien, De virg. vel., 7, sub fine. Les Acta
s. Saturnini contiennent les principaux noms réservés aux vierges : outre virgo ou virgo sacra,
Deo sacrata (Cosmos, 8 juin 1895,
p. 293 ; C. I. L., VIII, 13428-13433 ; Bull. arch., 1896, p. 164
sq., n°. 23, 25), on les appelait encore puella
(De virg. vel., 16 ; Optat, VI, 5 ; Liber de promiss., IV, 9 ;
Victor de Vita, I, 32, cf. 30-31) et sanctimonialis
(De virg. vel., 2 ; Augustin, Epist., CCLIV ; De civ. Dei,
XXII, 8, 16 ; Bull. arch., 1892, p. XXIV, C. R. Inscr., 1894, p.
6-8, sur des inscriptions de Gaule) ; cf. Delattre, Const., XXVII, 1892,
p. 3-4 ; Mélanges, X, 1890, p. 507, et d'une manière générale, Wilpert, Die
Gottgeweihten Jungfrauen in den ersten Jahrhunderten der Kirche.
[177] La nuit qui précéda le martyre
de saint Cyprien, tout le peuple chrétien se réunit devant la maison où on le
tenait enfermé ; les vierges étaient présentes (Acta procons., 2). Il y
a des vierges emprisonnées pendant les persécutions de Dèce (De lapsis,
2) et de Valérien (Epist., LXXVI, 6).
[178] VI, 4-5.
[179] IV, 6, 9-11. Le monastère de
femmes dont parle Victor de Vita, (I, 30-31) était situé à Tabarka.
[180] Cyprien, Testim., III, 113 ; Augustin, Epist.,
CCLII-CCLIII.
[181] Augustin, Sermo,
CLXXVI, 2.
[182] Cyprien, De habitu virg.,
15 ; C. I. L., VIII, 13427.
[183] De virg. vel., 9 ; il
ajoute qu'on acceptait parmi elles, après la soixantaine, quelques femmes
mariées.
[184] Ad uxorem, 1, 4 et 7-9
; cf. De monogamia, 11. Sur ces questions, voir J. Réville, Le rôle
des veuves dans les communautés chrétiennes primitives (Bibl. de l'Ecole
des Hautes Études, Section des sciences relig., I, p. 231-251).
[185] J. Réville, op. cit.,
p. 251.
[186] De præscript., 3.
[187] J. Réville, op. cit.,
p. 249.
[188] Testim., III, 74 et
113 ; Epist., VII ; VIII, 3.
[189] Eusèbe, H. E., VI, 43.
[190] Cyprien, Epist., VII ;
VIII, 3 ; voir en outre pour les pauvres, II, 2 ; V, 1 ; XII, 2 ; XIV, 2 ;
surtout Tertullien, Apologétique, 39.
[191] M. Allard, en étudiant les
premiers établissements monastiques au IVe siècle (Rev. des quest. hist.,
LVIII, 1895, p. 34-40) ne s'occupe que de l'Orient : quelques lignes à peine
sont réservées à Rome.
[192] Boissier, Pagan., I, p.
287.
[193] Possidius, Vita Aug., 5
; Augustin, Semo, CCCLV.
[194] Augustin, Epist., XXIV,
6 (on l'attribue au second semestre de 394).
[195] Augustin, Retract., II,
21. Ce passage est le résumé du De opere monachorum.
[196] Tillemont, Mém., XII,
p. 556 ; XIII, p. 337 sq.
[197] De opere monach., 29.
[198] De opere monach., 25,
32. Saint Augustin (Epist., LX, 1) les distingue formellement du clergé.
[199] De opere monach.,
39-41.
[200] De opere monach., 36.
[201] De gub. Dei, VIII, 19
et 21-25.
[202] III, 41 et Passio septem
monachorum, 16. Victor de Vita (loc. cit.) en nomme six dont un
était l'abbé, un diacre, un sous-diacre et trois simples moines. Cette
énumération nous montre qu'à la fin du Ve siècle les moines tendent de plus en
plus à pénétrer dans le clergé ; cf. Mansi, col. 650 sq. P. G.,
LXXXXVIII, col. 563. Les Vandales avaient aussi leurs moines ariens ; Victor de
Vita, II, 2.
[203] Bell. Vand., II,
26 ; De ædif., VI, 5. Sur ce monastère, cf. Victor de Tonnenna, a.
555 (Chron. min., II, p. 204).
[204] C'est ce que le P. de Smedt tire
de ce texte de Tertullien (De præscript., 41) : Hodie presbyter qui cras laicus : nam et laicis
sacerdotalia, munera injungunt. Il s'agit des hérétiques.
[205] Augustin, Serm., XLVI,
31 ; saint Augustin ajoute catholicus
parce qu'il parle contre les donatistes. Cf. Tertullien, De præscript.,
41.
[206] Tertullien, De præscript.,
41 ; De pænit., 6 ; Cyprien, Epist., VIII, 3 ; XVIII, 2 ; XXIX
Augustin, De cateth. rudibus.
[207] Cyprien, Epist., VIII,
3 ; XVIII, 2.
[208] Voir à ce propos J. Réville, L'instruction
religieuse dans les premières communautés chrétiennes (Bibl. de l'École des
Hautes Études, Section des sciences religieuses, VII, p. 249-275 ; surtout p.
273).
[209] Augustin, Serm., XLVI,
31 ; cf. Tertullien, De præscript., 41 ; D., Epigr., p. 147 sq.
[210] C. I. L., VIII, 13443,
13446, 13413, 13558, 13582-13590, 13603, 13634, 13669-13674, etc. On en
trouvera une longue liste dans D., Arch., p. 17 sq. : voir aussi les
noms cités dans la correspondance de saint Cyprien, en particulier Epist.,
XXII, 2-3.
[211] C. I. L., VIII, 13468,
13122, 13191, 13992 sq., cf. 14223 : Cosmos, 2 nov. 1880, p. 386 ; cf. de
Rossi, Inscr. christ. urbis Romæ, I, p. CXIII : Le Blant, Inscr. chrét.
de la Gaule, II, p. 66-69, et préface, p. CI.
[212] C. I. L., VIII, 13988 sq. : D., Arch.,
p. 21. Cf.
Allard, L'art païen sous les empereurs chrétiens, p. 241 sq.
[213] C. I. L., VIII,
13431-13440, 14120 sq., puis 13184, 13491-43499, puis 14128-14130 ;
13609-13612, puis 13631, 14184 ; 13614 ; 13422, puis 13615-13618 ; 13723 ;
13812- 13884, puis 14192-14194 : 14011 ; je néglige les formes orthographiques
fautives. Sur ces noms en deus, cf. Ewald, édit. des Epist., de saint
Grégoire, p. 15, n. 2, et 481, n. 1.
[214] C. I. S., n° 110, 111,
115, 176, 133, etc. : Mowat, Rev. arch., XIX, 1869, p. 219 sq. ;
Toutain, Cités, p. 184 ; Jullian, Rev. hist., LXIII, 1891, p. 321
sq.
[215] Les Sententiæ episcoporum
de 236 (Cyprien, éd. Hartel) ne contiennent qu'un seul nom de ce genre, Theogenes, sur 87 évêques présents : encore sa
forme grecque ne permet-elle pas de l'assimiler complètement à ceux que j'ai
cités. Au contraire, la Notitia provinciarum et civitatum Africæ qui est
de la fin du Ve siècle, donne 1 Deumhubet,
8 Quodvultdeus, 8 Adeodatus, 1 Servusdei,
1 Habetdeus, soit 19 exemples sur 466
titulaires des sièges africains.
[216] Inscr. christ., loc.
cit. ; mais, dès le milieu du siècle, on rencontre à Naples, Κελευσαντουθεοΰ,
équivalent grec de Quodvultdeus (Notizie
degli scavi, 1894, p. 174).
[217] Saint Augustin (Enarr.
psalm., XXXII, serm., 1, 4) nous dit que les chrétiens avaient
toujours sur les lèvres cette exclamation : Quod
vult Deus, A la volonté de Dieu !
Ces trois mots réunis pour former un nom n'exprimaient rien de plus que
lorsqu'ils étaient séparés en manière de formule.
[218] Après le IIIe siècle, les
chrétiens ne se servent plus des tria nomina
: cf. de Rossi, op. cit., p. CXII sq. ; Le Blant, op. cit.,
p. XXII
sq., et II, p. 263 ; id., Manuel d'épigr. chrét., p. 39 sq.
[219] De idol., 3, 8, 11.
[220] Ad Scapulam, 5 ; C. I. L., VIII,
13535. On a
trouvé à Damous el Karita l'épitaphe d'une c(larissima)
f(emina) : Gsell, 1891, p. 52, n° 115.
[221] Cyprien, Epist., XLII.
[222] D., Arch., p. 13 ; Bull.
Ant., 1890. p. 19 sq. ; Gsell, 1892, p. 81, n. 44 ; Espérandieu, Rev. de
l'art chrétien, 1892, p. 223. Benbennesis
désigne Benbenna ou Bencenna, évêché de la Proconsulaire. Tertullien
indique sans doute les fonctionnaires chrétiens quand il parle des sæculo obstricti qui ne sont pas aptes à remplir
les fonctions sacerdotales (De præscript., 41).
[223] Il y a de grandes probabilités
pour que la plupart des proconsuls, par exemple, aient été chrétiens à partir
de Constantin : pourtant il serait imprudent de l'affirmer de chacun en
particulier en l'absence de preuves formelles.
[224] De catech. rudibus, 24.
[225] Tertullien, Ad mart.,
1. Devenu montaniste, il se moquera de ces martyrs que l'on gave dans leur cachot (De jejun., 12) ; mais
ces moqueries elles-mêmes sont un témoignage en faveur de la charité
chrétienne.
[226] Voir les textes précédents de
Tertullien : je rappellerai aussi que l'enfant de sainte Félicité fut recueilli
par une chrétienne (Passio s. Perpetuæ, 15).
[227] Cyprien, Epist., V, 2.
[228] Passio s. Montani, 4,
9, 16 (Ruinart, p. 231, 233, 235).
[229] Victor de Vita, I, 34.
[230] Contesseratio
hospitalitatis, dit Tertullien (De præscript., 20) : Cyprien,
Epist., VII ; VIII, 3 ; XXXII ; XXXIV, 3 : cf. de Smedt, 1891, p. 423
sq. Carthage possédait, à n'en pas douter, des établissements de bienfaisance
importants ; l'histoire n'en a conservé aucune trace. Cf.
Allard, Rev. des quest. hist., LVIII, 1895, p. 18 sq.
[231] Cyprien, Epist., II.
[232] Cyprien, Epist., LIX, 15.
[233] Cyprien, Epist., LXX, 3 ; LXXII, 2.
[234] Voir, en particulier,
Tertullien, Apologétique, surtout 6 et 9 ; De præscript., 41 ;
Augustin, De moribus Ecclesiæ catholicæ et De moribus manichæorum
; Retract., I, 7, 1. Il est sûr que la plupart des traits de ces
tableaux sont empruntés à Carthage.
[235] Cf. Tertullien, De cultu
femin., I, 9 ; II, 5-7 et 13, et les deux livres en général : De
virg. vel., 12, 17 ; De idol., 14 ; Cyprien, De lapsis, 6 et
30 ; De habitu virg., 13-17 ; cf. le De bono pudicitiæ, 12, et le
De spectaculis, parmi les ouvrages non authentiques de saint Cyprien.
[236] Tertullien, De cultu femin.,
II, 7.
[237] Cyprien, De lapsis, 30.
Sur les cheveux courts des Carthaginois, cf. Tertullien, De virg. vel.,
7-8.
[238] De cultu femin., II, 5.
[239] De opere et eleem., 5.
[240] Apologétique, 39. Je
n'ai pas à examiner ici à fond l'organisation des communautés chrétiennes ;
s'il me fallait prendre parti dans le débat, je me rangerais à l'opinion de MM.
Duchesne (Culte, p. 10, n. 2) et J. Réville (Les origines de
l'épiscopat, Paris, 1894, p. 15 sq., 192-194), qui n'admettent pas
l'assimilation entre ces communautés et les collegia
tenuiorum des païens. On verra sur ce point : de Rossi, Roma sott.,
I, p. 103 ; III, p. VIII ; Duchesne, Orig. chrét., p. 397-403 ; Mommsen, Zeitschrift
der Savigny-Stiflunj, Romanis t. Abtheil., 1895, p. 218-220 ; Waltzing, Etude
historique sur les corporations professionnelles chez les Romains, 1895, I,
p. 146, 313-322 ; cf. J. de Witte, Rev. de l'art chrét., 1895, p. 36-38
; Allard, Rev. des quest. hist., LX, 1896, p. 377-383 ; Beaudoin, Rev.
hist., LXVIII, 1898, p. 157-159.
[241] Passio, 4, 7-8, 10-13.
[242] Epist., XI, 3-4 ; LVII, 1-2 ; LXVI, 9-10
; Vita, 12-13.
[243] Epist., XXXIX, 1 ; XVI,
4 ; cf. la vision d'un évêque, De mortalitate, 19.
[244] Passio s. Montani, 5,
7-8, 11, 21.
[245] De lapsis, 24, punition
des lapsi.
[246] De civ. Dei, XXII, 8,
3, guérison d'une fistule hémorrhoïdale, d'un cancer au sein ; 4, de la goutte
; 5, d'une paralysie et d'une hernie ; 21, d'une maladie de langueur.
[247] Vita s. Ambrosii, 54 (P. L., XIV. col, 46), mort surprenante d'un évêque ; Liber de promiss., IV, 6, 9-11 (ibid., LI, col. 842), délivrance d'une possédée ; Additam. codicis Hauniensis minora (Chron. min., I. p. 269, n. 23), punition d'un arien blasphémateur ; Victor de Vita, II, 47-31, guérison d'un aveugle.