CARTHAGE ROMAINE

 

LIVRE CINQUIÈME. — LE CHRISTIANISME

PREMIERE PARTIE. — HISTOIRE DE L'ÉGLISE DE CARTHAGE

CHAPITRE IV. — LE DONATISME.

 

 

I

En dépit des opinions très arrêtées qui se trouvaient en conflit, la querelle baptismale se termina promptement. Ce ne fut qu'un nuage assez vite dissipé, il n'engendra pas de tempête. Pendant cette crise, le fait mérite toute notre attention, l'épiscopat africain donna les marques les plus évidentes d'une complète solidarité. Groupés autour de saint Cyprien, ses collègues partagent ses idées et le soutiennent de leurs votes dans les réunions synodales. Peu à peu les dissidents se rangent à l'avis de la majorité[1] ; si quelques-uns persistent dans un autre système, on ne voit pas qu'ils aient formé une opposition bruyante. Le donatisme offre un tout autre caractère. L'Afrique, si unie jusqu'alors, se divise ; c'est à une lutte intestine, non plus à un combat contre les églises transmarines, que nous allons assister. L'empereur, le pape, les conciles de Gaule et d'Italie se mêlent au débat, mais uniquement pour pacifier ou réprimer ; la guerre demeure circonscrite aux seules régions africaines. Quand les belligérants réclament l'intervention des puissances extérieures, on peut les comparer justement aux Etats modernes qui instituent un arbitrage pour régler quelque désaccord. Les arbitres avaient les moyens et le droit de parler en maitres, ils essayèrent à plusieurs reprises d'élever la voix ; on refusa de les entendre, et ce déplorable schisme, avec des alternatives de calme et de violence, se perpétua au-delà du IVe siècle. Carthage le vit éclore ; sans être directement intéressée à toutes les péripéties de la lutte, aucune cependant ne la laissa indifférente. Les hostilités ne commencèrent pas au lendemain du martyre de saint Cyprien. Son puissant génie avait si fortement agi sur les évêques de son pays que le faisceau des bonnes volontés ne pouvait pas se rompre aussitôt, il ne fallut rien moins que l'accès aux dignités ecclésiastiques d'une génération nouvelle pour que le dissentiment éclatât. Plus de quarante années s'écoulèrent donc pendant lesquelles l'église de Carthage semble avoir joui d'une paix au moins relative. Nous savons que le siège épiscopal fut occupé, dans cette seconde moitié du IIIe siècle, par Lucianus et Carpophorius, mais nous ne sommes pas en mesure d'assigner une date plus précise à leur gouvernement[2].

Quand Dioclétien promulgua ses édits successifs de persécution[3] (303-305), l'Afrique souffrit particulièrement. Quoique les poursuites, au dire d'Eusèbe[4], n'y aient duré que deux ans à peine, Maximien Hercule et ses représentants y mirent un tel acharnement que les martyrs se multiplièrent. Les ordres impériaux, affichés dans toutes les colonies et les cités[5], interdisaient les assemblées pour la célébration des saints mystères[6] et enjoignaient de remettre aux autorités les objets du culte et les livres sacrés[7]. Des enquêtes sévères furent conduites dans toute la province, et beaucoup do chrétiens se laissèrent intimider par les menaces. On vit non seulement des laïques ou des membres inférieurs du clergé, mais des prêtres et jusqu'à des évêques livrer les Ecritures[8]. Ceux qui cédèrent ainsi devant les injonctions du pouvoir furent flétris du nom de traditeurs (traditores). Que certains Carthaginois aient succombé dans cette occurrence comme à l'époque de Dèce, le fait est vraisemblable ; cependant les témoignages que nous possédons ne parlent pas de ces faiblesses. Ils nous montrent[9] plutôt les chrétiens de la capitale, toujours enclins aux excès, allant trouver les magistrats, leur déclarant qu'ils tenaient les Ecritures, et qu'ils refusaient de les apporter. Le parti des exaltés survivait à Tertullien.

L'évêque Mensurius défenseur de la doctrine traditionnelle, s'éleva contre de pareilles pratiques et défendit d'honorer comme des martyrs ces fanfarons de vertu. Son interdiction visait encore une autre catégorie de personnes. Certains fidèles, paraît-il, las de la vie, criblés de dettes ou coupables de fautes graves, n'hésitaient pas à se faire incarcérer, dans le double espoir d'échapper aux justes rigueurs qui les menaçaient d'autre part et de jouir dans leur cachot des attentions délicates de leurs frères. Mensurius considérait qu'un emprisonnement ou une mort supportée dans cet esprit était plutôt une délivrance qu'un sacrifice. Tout en blâmant avec énergie ces pratiques, il ne laissait pas de résister au pouvoir ; mais, persuadé qu'on obtiendrait autant ou plus par l'habileté qu'en usant de violence, voici le stratagème qu'il employa et qu'il a raconté lui-même[10]. Par son ordre, on déposa dans une basilique[11] tous les écrits entachés d'hérésie et à ce titre réprouvés par les catholiques. Le proconsul Anulinus fit rifain basse sur ce qu'on lui abandonnait de grand cœur, les Ecritures furent sauvées et l'évêque du même coup.

Moins astucieux ou moins heureux que lui, beaucoup de fidèles, qui pourtant ne s'offraient pas d'eux-mêmes, furent saisis et soumis à diverses tortures ; les prisons de Carthage en regorgèrent[12]. C'étaient surtout des habitants d'autres villes que les magistrats envoyaient au tribunal du proconsul : tel ce Félix, évêque de Thibiuca[13] qu'Anulinus à son tour expédia à l'empereur et qui fut exécuté en Italie[14] ; tels encore le prêtre Saturninus, le décurion Dativus et cinquante chrétiens et chrétiennes que les autorités d'Abitina[15] livrèrent au gouverneur[16], et qui moururent de faim dans les cachots. La communauté locale fournit aussi son contingent ; dans ce dernier groupe de plus de cinquante martyrs, trois femmes, dont une vierge de bonne naissance, Victoria, peuvent être certainement revendiquées par elle[17]. On conjecturera sans trop de hardiesse que d'autres Carthaginois encore s'étaient trouvés mêlés, par suite de circonstances difficiles à élucider, aux confesseurs venus de la petite cité d'Abitina[18]. Quels qu'aient été leurs mérites, ils pâlissent à côté des glorieuses victimes de Septime Sévère, de Dèce et de Valérien. Leur souvenir, qui se conserva sans doute dans les fastes de cette église[19], ne fut pas l'objet d'un respect aussi assidu, ni d'un culte aussi fervent. Néanmoins la persécution où ils trouvèrent la mort est la plus importante de toutes celles qui sévirent dans le pays, puisqu'elle donna naissance à l'interminable lutte entre catholiques et donatistes.

 

II

Le stratagème dont s'était servi Mensurius pour sauvegarder les Ecritures n'avait pas reçu l'approbation générale, les rigoristes n'admettaient pas de pareils subterfuges. On en vint bientôt, par une pente très naturelle, à accuser l'évêque d'avoir réellement remis les livres ecclésiastiques, imaginant ensuite un conte ridicule pour détourner les soupçons[20]. En réalité, on lui en voulait d'avoir contrecarré le fanatisme de quelques-uns. Si l'on met de côté les idées en présence, son cas me paraît tout semblable à celui de saint Cyprien résistant aux prétentions des confesseurs ; de causes analogues résultèrent les mêmes effets. Un parti d'opposition se forma : encouragé par quelques brouillons du dehors, il rompit avec celui qu'on regardait comme un prévaricateur. Donatus, évêque de Casæ Nigræ[21], en Numidie, vint prendre la tête du mouvement et essaya de former un schisme[22]. Soit que le terrain n'eût pas encore été assez préparé, soit que l'innocence de Mensurius éclatât avec trop d'évidence, il ne recruta qu'un nombre fort restreint d'adhérents. Aussi saint Optat et saint Augustin, à qui nous devons tant de renseignements sur le donatisme[23], tiennent-ils cette tentative pour négligeable ; le second a même pu dire, sans blesser la vérité, que la scission ne s'opéra qu'après la mort de Mensurius[24]. Ce premier essai infructueux ne découragea pas ceux qui l'avaient risqué. Résolus à faire un scandale, ils attendirent une occasion plus favorable, qui se présenta quelques années plus tard (311).

Cæcilianus, successeur de Mensurius, était un de ses diacres, qui l'avait beaucoup aidé dans la répression des abus. On conçoit qu'il ait hérité des haines accumulées contre le précédent évêque. Elles se déchainèrent aussitôt que Je peuple eut porté sur lui son choix presque unanime[25]. La faction qui avait déjà machiné contre Mensurius et qui protesta immédiatement contre l'élection de Cæcilianus se composait d'éléments assez disparates, réunis dans une commune aversion. Elle avait pour chefs deux prêtres ambitieux, Botrus et Celestius, rêvant pour eux-mêmes la dignité épiscopale[26]. A côté d'eux, figuraient quelques vieillards entre les mains de qui Mensurius, partant pour le voyage où il devait mourir[27], avait déposé les trésors de l'église et qui pensaient se les approprier[28]. Mais l'âme de la résistance fut une veuve riche et considérée, Lucilla, blâmée jadis publiquement par Cæcilianus pour certaines pratiques répréhensibles et désireuse de se venger de cet affront[29] ; elle ne ménagea pour atteindre ce but ni l'intrigue, ni l'argent[30]. Ce parti, moitié laïque, moitié ecclésiastique, rappelait donc de fort près, tant par la qualité de ses membres que par les sentiments dont ils étaient animés, la coterie turbulente de Felicissimus[31]. Voici sur quel prétexte ils fondèrent leurs réclamations.

On n'avait convoqué, pour la nomination du nouvel évêque, que les titulaires des sièges voisins ; Félix d'Abthugni lui avait imposé les mains[32]. Les évêques de Numidie se sentirent blessés de ce qu'on ne les eût pas appelés dans une circonstance aussi solennelle, bien que, suivant saint Augustin, la coutume établie n'autorisa point complètement leur dépit[33]. A supposer que les adversaires carthaginois de Cæcilianus n'aient pas provoqué ce mécontentement, du moins ils l'exploitèrent ; tous leurs efforts tendirent à représenter la consécration comme entachée de nullité. Sur leurs instances, Secundus de Tigisi[34], doyen des évêques numides, et soixante-dix de ses collègues se rendirent à Carthage pour prononcer sur le cas de Cæcilianus[35]. Dissimulant avec soin leurs rancunes personnelles, les factieux feignirent devant le synode de n'avoir en vue que les intérêts de l'Eglise ; sans rien articuler directement contre l'élu du peuple, ils s'en prirent à Félix d'Abthugni, qu'ils accusèrent d'avoir livré les Ecritures[36], La situation ne laissait pas d'être piquante, car plus d'un parmi ceux qui s'érigeaient alors en justiciers était coupable précisément de la faute qu'on lui demandait de condamner[37], ce qui ne les empêcha pas de déclarer Cæcilianus irrégulièrement investi par un traditeur et de lui substituer un certain Majorinus, lecteur du clergé de Carthage et créature de Lucilla[38] : une lettre synodale instruisit les fidèles de cette décision. Les opposants triomphaient et le schisme était consommé (312).

Cæcilianus, dont le consécrateur ne méritait nullement les reproches lancés contre lui, demeurait l'évêque légitime. Les églises transmarines et celles d'Afrique qui ne suivaient pas Secundus de Tigisi n'avaient pas hésité à entrer en communion avec lui[39]. Constantin l'acceptait à son tour comme régulièrement investi : le rescrit par lequel l'empereur notifiait au proconsul Arminius l'exemption des charges municipales pour le clergé catholique[40] spécifie que cette immunité est accordée à la seule église qui reconnaît pour son chef Cæcilianus. Mais ce qui montre encore mieux les dispositions de Constantin, c'est qu'il remit à Cæcilianus lui-même[41] une somme d'argent à distribuer aux chrétientés africaines et l'avertit de compter sur l'appui du proconsul et du vicaire contre les fauteurs de troubles dont il a entendu parler[42]. Cette adhésion formelle de l'empereur, la reconnaissance de la plupart des évêques autres que ceux de Numidie, la faveur de la majorité des Carthaginois, n'assurèrent point à Cæcilianus la tranquille possession de son siège. L'intrus n'était nullement, prêt à lui céder la chaire épiscopale, et le parti de Majorinus (pars majorini), — c'est le nom que prit tout d'abord la secte, — avait trop de résolution pour ne pas tenter par tous les moyens de maintenir l'homme de son choix.

C'est alors que commença la longue série des appels devant toutes les juridictions ecclésiastiques et séculières, les enquêtes et les contre-enquêtes dont la suite occupe près de la moitié de ce IVe siècle[43]. Battus partout, au concile de Rome (20 octobre 313), au concile d'Arles (1er août 314), à Milan devant Constantin (10 novembre 316), les schismatiques s'obstinaient dans leurs prétentions, soutenant toujours que la question avait été mal posée auprès de ces divers tribunaux. Quoique Félix d'Abthugni eût été justifié par les magistrats du reproche de tradition formulé contre lui (15 février 315)[44], et que cette sentence entraînât du même coup la validité de Cæcilianus, l'entêtement de ses adversaires continua. Oubliant le point de départ de toute l'affaire, ils ne voulaient pas avouer qu'ils avaient eu tort. Désormais, ce n'est plus une question disciplinaire qu'il s'agit de résoudre, mais l'amour-propre qu'il faut vaincre. L'amour-propre cède mal aisément.

Cæcilianus, fort de son droit, avait comparu à Rome, à Arles, à Milan, courant de ville en ville, d'audience en audience, afin de tenir tête à ses ennemis ; force lui avait été de leur laisser le champ libre à Carthage. Ils eurent tout loisir pour donner à Majorinus, mort pendant ces démêlés, un successeur en la personne de Donatus[45], surnommé bientôt le Grand. Le schisme cessa dès lors de s'appeler le parti de Majorinus, pour devenir le parti de Donatus ou donatisme[46]. Ainsi s'affermissaient, en face de l'autorité, les évêques usurpateurs qui élevaient, selon le mot de saint Optat, autel contre autel[47], et qui, durant bien des années, se posèrent en champions de la vérité méconnue, en défenseurs de l'intégrité religieuse. Ce qui vient d'être dit sur l'origine de la lutte nous permet de réduire ces prétentions à leur juste valeur.

Quoique rebuté par leur continuel refus de se soumettre aux décisions des arbitres acceptés, réclamés par eux, Constantin résolut d'essayer une suprême tentative de conciliation et délégua à cet effet deux évêques d'Europe, Eunomius et Olympius (fin de 316 ou commencement de 317)[48]. Les deux prétendants étaient alors retenus en Italie. Malgré la légitimité plusieurs fois reconnue de Cæcilianus, et dans l'intérêt de la paix, l'empereur consentait à profiter de leur absence pour les déposer tous deux et faire élire un seul titulaire[49] choisi parmi les catholiques : on était en droit d'espérer qu'une pareille concession rallierait tous les suffrages. Les délégués séjournèrent quarante jours à Carthage dans l'intention de poursuivre une enquête sérieuse. Les donatistes firent tout pour l'entraver ; une obstruction savante fut organisée, des désordres se produisirent, si bien que, se trouvant dans l'impossibilité de remplir leur mission jusqu'au bout[50], Eunomius et Olympius durent se contenter d'affirmer que l'arrêt du concile de Rome était juste et que Cæcilianus était l'évêque véritable. Donatus, prévenu de ces événements, avait passé la mer en toute hâte. Cæcilianus le suivit de près. Et le suprême effort de Constantin en vue de ramener le calme n'ayant abouti à rien, la situation resta aussi embrouillée à Carthage, après les deux conciles et les deux arbitrages, qu'elle l'était au moment du synode des soixante-dix évêques ; ou plutôt elle s'était encore aggravée, les esprits n'ayant pu que s'aigrir de part et d'autre dans les incessantes et stériles discussions des trois dernières à années.

L'accueil fait par les donatistes à ses envoyés, le mépris qu'ils affichaient pour les sentences rendues contre eux depuis 313, avaient irrité l'empereur. D'ailleurs les rapports de ses fonctionnaires lui représentaient que l'agitation s'étendait rapidement[51] ; la querelle religieuse risquait fort d'engendrer des troubles sérieux dans tout le pays, peut-être de dégénérer en révolte : l'avenir prouva le bien-fondé de ces craintes. Pour maintenir l'ordre[52], Constantin, qui jugeait n'avoir pas de ménagements à garder envers des rebelles, se décida à sévir. Une loi fut promulguée (sans doute en 317)[53] que saint Augustin qualifie de très rigoureuse ; elle ordonnait la confiscation des basiliques et lieux de réunions des schismatiques ; les principaux auteurs des désordres devaient être exilés[54]. Dans un discours prononcé quelques années plus tard en l'anniversaire de l'exécution de la loi à Carthage[55], un orateur donatiste, avec des paroles amères à l'adresse des catholiques, nous retrace les mesures prises contre ses coreligionnaires. Les juges, les fonctionnaires sont mis en mouvement ; la troupe cerne les maisons ; on menace de proscription les membres influents du parti ; une basilique prise de vive force est transformée en véritable taverne, et dans ce lieu de prière se déroulent de criminelles orgies ; le clergé se voit frappé, injurié, dépouillé[56]. Puis, voici la police, aux gages des traditeurs, qui charge les infortunés donatistes à coups de bâtons[57]. Un évêque, de passage dans la ville, Honoratus de Sicilibba[58], est blessé ; des fidèles, des clercs, réfugiés dans une église, sont mis à mort sans pitié, on les ensevelit sur place[59]. Au nombre des victimes se trouve un second évêque, celui d'Advocata[60].

Les faits que raconte le panégyriste auraient besoin d'être contrôlés, car sa harangue, pleine de cette déclamation chère aux Africains, est loin d'être un document impartial ; malheureusement nous ne possédons aucun récit de ces événements écrit par un adversaire. Certaines de ces assertions sont néanmoins trop précises pour qu'on les révoque en doute. Il faut admettre que des scènes de violence se produisirent lors de l'application du décret de Constantin, qu'on reprit de vive force les basiliques détenues par les amis de Donatus, et qu'il y eut des blessés et des morts. Il va de soi que l'empereur n'avait rien ordonné de pareil. Les agents du pouvoir commirent-ils quelque excès de zèle ? Les catholiques oublièrent-ils la mansuétude évangélique ? Tout est possible, surtout en Afrique. Cependant nous avons déjà vu leurs adversaires à l'œuvre ; et, tels que nous les connaissons dès maintenant, il y a bien des chances pour que leur résistance acharnée ait été la cause première du désordre. Sans prétendre mieux répartir les responsabilités, bornons-nous à constater que la querelle cesse dès lors d'être purement théorique. Le sang vient de couler à Carthage, les donatistes ont leurs martyrs. Non contents de célébrer l'anniversaire de leur mort par des fêtes et des discours, ils n'auront qu'un désir les venger.

 

 III

Doués d'une activité pour le moins égale à leur obstination, les sectateurs de Majorinus et de Donatus s'étaient mis, aussitôt après le synode de 312, à recruter des adhérents dans toute l'Afrique. De retour dans leurs diocèses, les soixante-dix assistants à l'assemblée entrainèrent aisément les fidèles à partager leur manière de voir. Tandis qu'on s'agitait à Rouie, à Arles, à Milan, les défections se multipliaient en Numidie et dans les autres provinces, la révolte s'organisait. Plusieurs documents authentiques dont le souvenir ou le texte est parvenu jusqu'à nous, par exemple, le rapport du vicaire Celsus à l'empereur, les procès-verbaux de l'enquête conduite à Thamagadi (Timgad) par le consulaire de Numidie, Zenophilus et les pièces annexées[61], en disent long sur l'état des esprits ; mais ces sourdes menées ne se trahissaient point encore à l'extérieur par des actes formels. A Carthage seulement, où la scission s'était produite, où les partis avaient dès le début pris position, on ne gardait aucun ménagement, et chaque jour amenait quelque nouvel incident ; on en a vu la suite dans les pages qui précèdent. Si l'on voulait donc dénommer chacune des périodes du donatisme, comme il est convenu de le faire pour la guerre de Trente Ans, j'appellerais ces cinq premières années la Période carthaginoise (312-317).

Le feu qui couvait dans le reste du pays n'attendait qu'une occasion pour éclater, la loi de Constantin fut cette étincelle qui devait tout embraser. Dès lors la scène change ; les donatistes répètent à tous les échos qu'ils sont persécutés, martyrisés[62], et cette attitude de victimes innocentes leur attire de nombreuses sympathies. Des territoires entiers se rallient à eux, en peu de temps leurs forces balancent celles des catholiques[63]. Ce ne sont plus deux partis religieux, mais deux armées qui sont en présence. Elles ont leur cri de guerre : au Deo gratias catholique[64] répond le Deo laudes donatiste. Des hordes de paysans farouches, les Circoncellions, rangés sous la bannière schismatique, et parfois guidés par les évêques[65], se ruent à travers les campagnes, pillant, brûlant, massacrant ; l'Afrique est mise par eux à feu et à sang. Je ne saurais mieux faire comprendre toute l'horreur de ces excès qu'en rappelant les luttes fratricides de nos guerres de religion[66]. Protégée par des troupes régulières et trop peuplée pour être exposée à un coup de main, la capitale ne souffrit pas les atteintes de ces forcenés. L'intérêt concentré jusque-là presque entièrement sur elle s'en détourne désormais, ou plutôt il se divise. Et les faits dont elle va encore être le théâtre seront quelque peu amoindris par les événements plus sérieux qui se déroulent au cœur des provinces, surtout dans la région numide de Bagaï[67]. Il importe cependant de ne pas les passer sous silence, sous peine de tronquer l'histoire ecclésiastique de cette ville.

Après avoir maintenu pendant près de quatre ans ses mesures de rigueur, Constantin, à la suite d'une supplique des donatistes[68], leva l'exil prononcé contre eux (5 mai 321)[69] ; de cette amnistie résulta, semble-t-il, une détente. L'empereur écrivit même aux catholiques pour les engager à supporter leurs adversaires[70]. De fait, un assez long temps s'écoula sans qu'il se produisit aucun éclat. A Carthage, les partis conservaient leurs situations respectives ; chaque évêque groupait autour de lui son clergé, ses fidèles, s'efforçant d'entretenir leur zèle et de conquérir de nouvelles recrues. Une sorte de modus vivendi avait fini par s'établir. On ne fraternisait point, on se tolérait ; c'était beaucoup.

Pourtant l'espoir exprimé par Constantin dans sa dernière lettre de voir les dissidents revenir peu à peu d'eux-mêmes à résipiscence[71] était un rêve bien éloigné encore de se réaliser. Les âmes simples s'étaient ralliées à l'Eglise dès le concile d'Arles[72], les autres n'avaient nullement dessein de se réconcilier ; l'attitude moins résolue de l'empereur les engagea, dit Eusèbe, à ne rien céder de leurs prétentions[73]. Ils s'érigent alors pour la première fois en autorité doctrinale et formulent leur opinion sur les pratiques baptismales. Jusqu'à ce moment la secte avait conservé la vieille tradition de la province au sujet du baptême des convertis, tandis que les orthodoxes évoluaient de plus en plus vers l'usage de Rome ; un concile de deux cent soixante-dix membres[74] réuni en 327[75] décide que le second baptême n'est pas de rigueur. Le chiffre des évêques présents à ces séances, qui durèrent soixante-quinze jours, en dit plus long que tout sur les progrès constants du schisme.

Préoccupé par l'arianisme et par les affaires d'Orient, Constantin n'accordait plus alors qu'une attention distraite aux querelles des Africains ; ses fils imitèrent sa politique dans cette question. Les partis rivaux n'avaient cependant point désarmé. On le vit bien quand, vers 348[76], l'empereur Constant, nous ne savons à la suite de quels incidents[77], délégua deux fonctionnaires, Macarius et Paulus, pour tenter d'établir l'accord définitif. Dès qu'il connut l'objet de leur mission, Donatus, non content de refuser les aumônes qu'ils apportaient au nom du prince, écrivit à toutes les églises en communion avec la sienne pour leur enjoindre d'agir de même. Partout les durs envoyés du prince trouvèrent des visages hostiles ; de sanglantes bagarres se produisirent même aux environs de Bagaï[78], deux évêques y périrent[79] ; Donatus, qui avait provoqué la résistance, fut envoyé en exil. Les donatistes ajoutèrent ces trois noms à la liste de leurs martyrs[80] et maudirent désormais cette époque en la désignant sous le nom de Macariana tempora.

Depuis l'adoption par Constantin d'une sorte de neutralité religieuse, dans les deux camps on avait cherché des alliés outre-mer. Les efforts des uns et des autres n'étaient point demeurés stériles. Les Eusébiens, dissidents du concile de Sardique, rassemblés à Philippopoli, écrivaient à Donatus pour lui demander son appui[81]. Macrobius, chef d'une petite communauté donatiste à Rome[82], la seule qui se fût établie hors de l'Afrique[83], entretenait une correspondance avec ses coreligionnaires de Carthage et leur envoyait le panégyrique de leurs concitoyens, les martyrs Isaac et Maximien[84], mis à mort peut-être lors de la venue de Macarius[85]. De l'autre côté, Cæcilianus avait pris part aux délibérations du concile de Nicée ; par ses soins les décrets en furent publiés dans sa patrie[86]. Gratus, qui lui succéda[87], se rendit à son tour à l'assemblée de Sardique (343) ; il y reçut un accueil aussi cordial que son prédécesseur à Nicée[88]. Les liens qui rattachaient les catholiques carthaginois aux églises transmarines se resserraient, par la présence de leurs évêques à ces assises solennelles.

Gratus, qui venait de constater à Sardique les heureux résultats de la concorde religieuse, voulut essayer d'en faire jouir aussi son pays. Peu de temps après la mission de Macarius et de Paulus, par ses soins un synode s'ouvrit à Carthage (349)[89]. Les canons en subsistent[90] : deux d'entre eux seulement, relatifs au second baptême et au culte des martyrs, visaient les donatistes. L'évêque, dans le discours d'ouverture, remercia le Dieu tout-puissant et le Christ Jésus de mettre un terme aux maux du schisme et d'avoir réuni par sa miséricorde, dans le sein de l'Eglise, tous ses membres dispersés. Il prenait ses désirs pour la réalité. Les décisions du synode ramenèrent quelques opposants[91] ; elles n'empêchèrent pas le clergé, qui avait essayé d'entraver par la calomnie l'œuvre réparatrice de Gratus[92], de persévérer dans le schisme. Pourtant une accalmie succéda à la tempête soulevée par Macrobius. Pendant cette période de paix relative, Donatus le Grand étant mort exilé[93], son parti lui choisit un successeur en la personne de Parmenianus, étranger à l'Afrique[94] ; de même, chez les catholiques, la mort de Gratus[95] amena l'élection de Restitutus, qui entretint les mêmes relations cordiales avec ses frères d'Europe. Il siège au concile de Rimini (21 juillet 359), et on le choisit pour présider la députation envoyée par l'assemblée à l'empereur Constance[96].

Sous son épiscopat eut lieu la réaction donatiste inspirée par l'empereur Julien, favorable à tout ce qui n'était pas orthodoxe[97]. De nouveaux désordres ensanglantèrent la province ; le détail ne nous en est pas donné pour Cartilage ; on peut croire que là, comme dans le reste de la contrée, les schismatiques se ressaisirent des basiliques dont ils étaient dépossédés depuis 317. Valentinien, au contraire (20 février 373)[98], et surtout Gratien (17 octobre 377)[99] renouvelèrent et augmentèrent encore les mesures de répression édictées par les empereurs précédents. A travers ces mille vicissitudes, parfois protégé ou toléré, le plus souvent proscrit par le pouvoir, le donatisme n'en continua pas moins à se développer. Il avait trouvé dans l'évêque Parmenianus un zélé défenseur qui composa, pour le soutenir, de nombreux ouvrages[100] répandus à profusion[101]. Ces livres sont perdus, mais nous pouvons voir, par ce qu'en dit son contradicteur, saint Optat, qu'ils ressassaient tous les griefs accumulés de longue date contre les macariens (c'était l'épithète décernée aux catholiques, depuis 348). L'attaque devait être violente pour que saint Optat ait jugé nécessaire de la repousser avec tant d'énergie ; sa réponse[102], dont il puisa la matière dans les documents officiels, fut reçue avec joie par les fidèles. Au même moment, d'autres coups étaient portés à la secte par l'un de ses propres adhérents, Tyconius[103], qui, dans un écrit intitulé Bellum intestinum, démontra son erreur sans pourtant vouloir y renoncer personnellement. Parmenianus eut beau jeu pour mettre en évidence les contradictions de cette thèse ; elle lui procura l'occasion d'un facile triomphe.

Les donatistes  avaient pendant longtemps donné l'exemple de l'union en face de leurs adversaires ; rien ne maintient plus la cohésion entre les hommes que les persécutions dont ils sont l'objet. Quoique saint Augustin parle souvent de leurs fractions multiples (il y en avait à Carthage même ou aux environs)[104], elles se groupaient toujours quand il fallait résister aux catholiques. Le premier peut-être Tyconius fit entendre une voix discordante. D'autres vont venir qui passeront de la parole aux actes et créeront un schisme dans le schisme lui-même.

Parmenianus fit place vers 391 à Primianus[105]. Un diacre de son église, Maximianus, qui se prétendait, parent de Donatus le Grand, s'étant brouillé avec lui, se mit en tête de le supplanter. Avec l'aide de quelques membres du clergé, il réunit à Carthage quarante-ti.ois évêques, qui déposèrent le primat et lui substituèrent Maximianus lui-même (fin de 392)[106]. C'était, ainsi que le remarque saint Augustin[107], une réédition de l'affaire de 312. Rien n'y manquait, pas même une femme anonyme, qui, nouvelle Lucilla, favorisa de tout son pouvoir l'opposition naissante. Cette intrusion des femmes dans le gouvernement des choses spirituelles est caractéristique de l'église dont nous étudions les annales. La brouille commencée à Carthage se continua à travers l'Afrique, les démêlés de Cabarsussi (21 juin ou 1er juillet 393)[108] et de Bagaï (21 avril 394)[109] sont célèbres. Les violences de Primianus[110] contre les évêques défenseurs du diacre insoumis lui aliénèrent une grande portion de ses administrés. Il conserva néanmoins des partisans dans la capitale, qui offrit pour la seconde fois (le premier cas remonte au temps de saint Cyprien) le curieux spectacle de trois évêques rivaux exerçant leur juridiction sur le même territoire.

Ils étaient loin cependant de grouper autour d'eux tous les non-païens. Les autres dissidents du donatisme, claudianistes, rogatistes, etc., y avaient poussé quelques racines à côté des maximianistes. Et, dans ce morcellement[111], comparable à celui des sectes anglaises dont Bossuet nous a tracé le saisissant tableau, le schisme pouvait titre entamé plus aisément qu'autrefois. Les catholiques le sentaient bien. Disciplinés et plus nombreux que chacun des conventicules hétérodoxes, peutôtre même que tous ensemble ils voulurent profiter de leurs avantages pour les ramener à eux. Aussi voyons-nous, pendant cette fin du IVe siècle et au commencement du Ve, les conciles se multiplier à Carthage, sans compter ceux qui, visant le même objet de la réunion, se tinrent en d'autres endroits de l'Afrique. Genethlius, qui siégeait clans la chaire primatiale après Restitutus, présida le premier en 390[112] ; les autres s'échelonnèrent[113] à de courts intervalles entre cette date et 411, grâce au zèle de l'évêque Aurelius[114].

Mais ce que souhaitaient surtout les catholiques, c'était de pouvoir parler face à face à leurs adversaires et de vider en une fois l'interminable querelle dont les origines étaient maintenant bien obscurcies ; l'intervention énergique du grand évêque d'Hippone, Augustin, fit aboutir ce projet. Le 14 octobre 410, Honorius invitait les deux partis à une conférence contradictoire. Elle s'ouvrit en grande solennité à Carthage, dans les thermes de Gargilius, au mois de juin 411. Les habitants, qui, malgré la fréquence des conciles dans les dernières années, ne se lassaient jamais des spectacles de ce genre, accoururent en foule pour contempler le pompeux défilé[115] ; l'importance de la question en jeu surexcitait en outre les esprits. L'empereur avait délégué comme enquêteur (cognitor) et président, le notaire et tribun Marcellinus, assisté de nombreux fonctionnaires. Les évêques catholiques étaient au nombre de 286, les donatistes en comptaient 279[116]. Les débats, confiés à une commission de 36 membres[117], se prolongèrent pendant les journées du 1er, du 3 et du 8. Nous possédons deux comptes rendus de ces mémorables séances, l'un officiel[118], l'autre écrit par saint Augustin[119], qui se signala entre tous dans la discussion. L'affaire fut reprise depuis l'origine, et de part et d'autre on produisit des pièces de toute sorte[120], actes officiels, instruments de polémique, textes des Ecritures, etc. La lecture de ces documents, sans cesse interrompue par les objections, ne s'acheva qu'avec peine ; les donatistes, regrettant d'avoir accepté le colloque, firent une obstruction incessante pour l'empêcher d'aboutir[121]. Cette assemblée de 565 membres était la plus imposante, mais aussi la plus tumultueuse que l'on eût encore vue à. Carthage, on put même craindre que plusieurs ne voulussent recourir à des moyens violents et faire appel à la populace[122]. Tout s'acheva néanmoins sans pugilat ; on ne s'était battu qu'à coups de citations. L'envoyé impérial donna gain de cause aux catholiques[123].

Comme il fallait s'y attendre, les vaincus l'accusèrent de s'être laissé corrompre à prix d'or[124] et n'acceptèrent pas la sentence. Ils se répandirent en invectives et en calomnies contre les vainqueurs. En apparence, rien n'était donc modifié dans les positions antérieurement acquises ; pourtant le bon droit des uns et l'opiniâtreté des autres s'étaient manifestés de nouveau. Les écrits des défenseurs de la foi, en particulier d'Augustin, leur porte-parole le plus autorisé, achevèrent de convaincre les hommes sincères[125]. La conférence de 411 commença réellement la ruine du schisme. Il n'en mourut pas sur-le-champ : telle était sa force de résistance qu'on rencontre encore ses traces jusqu'au VIIe siècle[126] ; mais, durant cette période, il ne retrouva plus les succès d'autrefois.

Nous avons peine à comprendre aujourd'hui l'engouement qui avait porté vers lui près de la moitié des populations d'Afrique. Ce n'est point -l'attrait d'une doctrine inconnue qui les séduisait ; les donatistes ont si peu innové dans le dogme qu'un de leurs adversaires déclarés, Optat lui-même, ne voit guère de différence entre leur enseignement et celui des orthodoxes[127] ; le second baptême et le culte indiscret des martyrs sont les pratiques qu'on leur reproche avec le plus de sévérité. Pour l'exégèse biblique, le Liber regularum de Tyconius était accepté des catholiques ; saint Augustin, l'auteur anonyme du Liber de promissionibus et prædictionibus Dei, beaucoup d'autres encore s'en servaient[128]. On ne s'expliquerait donc pas qu'une querelle toute locale, née de l'élection d'un évêque, ait dégénéré en une sorte de guerre civile, si l'on ne tenait compte de l'esprit d'indépendance qui est au fond du caractère africain. Les meilleurs, un saint Cyprien par exemple, ont eu grand'peine à en réprimer en eux-mêmes l'excessive énergie ; ceux qui n'avaient pas cette force d'âme devaient se laisser entraîner bien vite. Ce désir d'affranchissement se remarque dès le début du schisme donatiste ; les condamnations prononcées à Rome, puis à Arles, ne firent qu'exciter l'insubordination naissante ; quand le pouvoir fut intervenu pour sévir, elle se changea en lutte ouverte. Le mouvement, tout religieux dans le principe, devint national, et ses adhérents acceptèrent de faire cause commune avec les ennemis de l'ordre établi : paysans communistes et indigènes révoltés[129].

Saint Optat, dans une page curieuse[130], compare le donatisme à une maison exposée à toutes les intempéries : battue par le vent et la pluie, elle tenait bon ; Macarius renversa les murs, il ne restait phis que les fondations, le temps en aurait bientôt raison. Saint Optat se trompait, Macarius avait à peine ébranlé la muraille. Elle ne commença à se lézarder que sous les coups d'Augustin et de son vaillant auxiliaire, Aurelius de Carthage.

 

IV

Vous êtes semblables à l'oiseleur, disait encore saint Optat aux donatistes[131], et par vos artifices vous attirez les innocents dans vos lacs. Cette image ne s'appliquait pas à eux seulement et aux sectes issues de la leur. A côté d'eux, avec des fortunes diverses, d'autres Eglises séparées faisaient effort pour se répandre dans les chrétientés africaines. Sans obtenir la même prospérité que ce schisme originaire du pays, et qui par là même avait pu y germer plus aisément, le manichéisme et le pélagianisme ne se produisirent pas en vain.

Arrivé à seize ans à Carthage (370)[132] pour y achever ses études, avide de tout connaître et préoccupé vivement par le problème du mal, Augustin se trouvait en disposition favorable pour accueillir le système de Mani. Avant alors rencontré sur sa route quelques docteurs de cette école orientale en quête de disciples, leurs théories et leurs airs de vertu séduisirent son imagination ; il se sépara de l'Eglise et embrassa le dogme des deux principes[133]. Toutes les occasions lui étaient bonnes pour parler en faveur de sa nouvelle foi, il guerroyait à tout propos contre les catholiques souvent déconcertés par la vigueur de ses attaques[134]. Il chercha même à faire des prosélytes parmi ses camarades ; sa brillante éloquence, l'autorité que lui donnait son talent en entraînèrent plusieurs, et tout d'abord Alypius, dont le nom est inséparable du sien[135]. Augustin ne parait point avoir reçu aucune dignité dans la hiérarchie manichéenne, ni franchi le grade d'auditeur pour être élevé à celui d'élu[136]. Pourtant il se dépensait au service de ce qu'il croyait être la vérité, et, par ses soins, se forma ainsi au milieu des étudiants une coterie très vivace. Plus tard, lorsqu'il eut abandonné cette doctrine, plusieurs de ceux qu'il y avait engagés y persistaient encore. C'est pour les en arracher qu'il composa quelques-uns de ses traités les plus fameux[137].

Le zèle de ces jeunes gens était entretenu, au besoin stimulé, par les chefs qui organisaient souvent des conférences contradictoires avec les orthodoxes. Augustin s'était jeté avec ardeur dans ces joutes oratoires, il y réussissait à merveille. Toutefois, ses amis n'avant pas tous son talent, les catholiques prenaient souvent leur revanche. Lui-même avoue qu'au plus fort de son attachement à l'hérésie les arguments d'un certain Helpidius n'avaient pas laissé de produire sur son âme une vive impression[138]. Ce qui augmentait souvent l'intérêt de ces séances, c'est que les personnages importants de la secte y prenaient la parole. Le prêtre Fortunatus, contre qui l'évêque d'Hippone argumenta plus tard (28 août 392)[139], avait jadis habité Carthage, on il passait pour un redoutable adversaire[140] ; mais le virtuose du parti était l'évêque Faustus, parleur intarissable, nourri de Cicéron, de Sénèque et des poètes, très habile à séduire, esprit d'ailleurs fort médiocre et superficiel. Ses admirateurs ne le nommaient qu'avec respect ; Augustin nous dit, dans les Confessions[141], avec quelle impatience il attendait son arrivée pour obtenir la solution des difficultés qui l'arrêtaient : Il vint, et je vis un homme aimable, de parole agréable, et gazouillant les mêmes contes avec beaucoup plus de charme qu'aucun d'eux. Comme le jeune professeur, — il avait alors vingt-neuf ans (383), — recherchait avant tout la vérité, les harangues de Faustus, toutes belles qu'il les jugeât, ne le satisfirent point. Aux éloges qu'il lui accorde, malgré sa déception, on peut mesurer l'enthousiasme des âmes vulgaires, moins exigeantes sur les preuves qu'on leur exposait. Une conférence de Fortunatus ou de Faustus, longuement attendue et prônée bien des jours à l'avance, était un vrai régal pour les manichéens et devait leur attirer des sympathies empressées.

En revanche, leur vie privée jetait le discrédit sur eux. Dans une cité on les mœurs étaient dissolues, ils n'avaient pas su.se préserver de la contagion. Il n'était pas rare, dit saint Augustin, de voir leurs élus et jusqu'à des prêtres, malgré leur âge et leur caractère, assister aux représentations théâtrales, tandis que la jeunesse se mêlait aux rixes fréquentes en faveur des comédiens et des cochers du cirque[142]. Nous passerions sans trop de peine condamnation sur ces fautes, mais il articule des reproches plus graves. Il nous les dépeint comme débauchés et suborneurs sous de fausses apparences d'austérité[143] : quelques-uns insultaient les femmes en pleine rue, au sortir de leurs réunions ; d'autres dissimulaient mieux leurs criminelles entreprises, elles n'échappèrent point cependant à celui qui alors partageait leur foi. Il indique l'endroit précis où se passèrent les faits qu'il flétrit et dont il a souvent été le témoin ; il nomme quelques-unes de leurs victimes, une prétendue religieuse, une jeune fille de douze ans. Dans plusieurs cas, la police intervint, il y eut des condamnations prononcées[144]. Ces renseignements, contre lesquels il ne serait guère aisé de s'inscrire en faux, expliquent la sévérité des empereurs à l'endroit des manichéens. Dès la fin du me siècle, un édit rigoureux avait été déjà rendu par Dioclétien (31 mars 296)[145]. Près de cent ans plus tard le proconsul Messianus les bannit (386)[146]. Enfin, en 407[147], ils sont englobés par Honorius dans la même condamnation que les donatistes. Un long temps s'écoula cependant avant qu'on pût avoir raison de cette hérésie, plusieurs des excès relatés par saint Augustin sont antérieurs de fort peu à l'entrée des Vandales en Afrique.

Les pélagiens, eux aussi, jetèrent de bonne heure leur dévolu sur cette contrée. Née à Rome au début du Ve siècle, leur doctrine avait pris un rapide essor. Pour la divulguer mieux encore, ses deux auteurs principaux, Pélage et Cælestius, se rendirent de leur personne à Carthage vers 410[148]. Cette ville faisait si volontiers accueil aux dissidents, lorsqu'elle ne les produisait pas elle-même, qu'ils pouvaient se flatter sans outrecuidance d'y réussir à leur tour. Il est probable cependant qu'ils n'obtinrent pas auprès de sa population turbulente tout le succès qu'ils attendaient, car, bien loin d'être aidés au début par Augustin, comme les manichéens, ils le trouvèrent en face d'eux dès l'abord et avec lui, Aurelius et l'épiscopat catholique tout entier. Satisfait d'avoir planté les premiers jalons en Afrique, Pélage partit bientôt en Orient tenter d'autres conquêtes. Son compagnon, Cælestius, dont l'union était si intime avec lui que leurs adhérents s'appelaient aussi bien célestiens que pélagiens[149], fit un plus long séjour. Ce personnage, dont l'action ne paraît pas avoir été très apparente dans le principe, endoctrinait surtout le peuple sans méfiance ; il se perdit le jour out il essaya d'arriver à la prêtrise[150]. Dénoncé par quelques fidèles zélés, il fut traduit devant un concile que présidait Aurelius et son système condamné (411)[151]. Il s'en alla chercher un auditoire plus docile à Ephèse.

Augustin n'assistait pas au concile[152]. Ce qui s'y passa ne le laissait pourtant pas indifférent ; aucune atteinte au dogme ne pouvait se produire, surtout près de lui, sans qu'il élevât la voix pour prémunir les fidèles contre l'erreur. Avec la même vigueur qu'il déployait contre le donatisme et le manichéisme, il attaqua le pélagianisme dans ses sermons et dans une série d'œuvres mémorables[153]. D'ailleurs ses collègues ne perdaient pas de vue cette affaire, à tout prix on voulait empêcher la mauvaise semence déposée à Carthage de germer et d'envahir tout le pays. On savait trop, par l'exemple des donatistes et des manichéens, ce qu'il en coûtait pour l'extirper quand les racines étaient déjà profondes. Coup sur coup, trois synodes importants furent encore consultés par les soins d'Aurelius, en 416, 417, 418[154]. Ils confirmèrent les décisions de l'assemblée de 411 et obtinrent du pape Innocent Ier et de son successeur Zosime, d'abord peu disposé à sévir, la condamnation définitive du pélagianisme[155].

Dans les documents africains relatifs à cette hérésie, le nom de Carthage revient à mainte reprise ; au contraire, il n'est guère question des provinces adjacentes. La prompte intervention des évêques avait barré la route aux novateurs et circonscrit leurs opérations dans la capitale. Encore ne leur accorda-t-on pas le loisir d'y fonder quoi que ce soit de durable. Après le départ de Pélage, la fuite de Cælestius, la petite Eglise fondée par leurs soins, restait fort désemparée ; elle s'écroula d'elle-même une fois privée de ses docteurs. Ceux-ci n'étaient sans doute pas anathématisés à Rome, que saint Augustin pouvait déjà écrire : Nous avons bien ici quelques-uns de ces malheureux, surtout à Carthage ; mais ils se contentent désormais de murmurer en secret, ils redoutent d'entreprendre contre les croyances inébranlables de l'Eglise[156].

Pour être ses ennemis les plus pressants, les manichéens et les pélagiens n'étaient pas les seuls contre qui le catholicisme eût à livrer bataille. La conquête d'une ville comme Carthage devait tenter plus d'un réformateur, et nous sommes assurés qu'elle fut essayée au moins par les ariens. Nous les avons vus déjà cherchant à s'attirer les bonnes grâces de l'évêque Donatus le Grand. Ils ne s'en tinrent pas là, et la conférence contradictoire que saint Augustin rapporte avoir soutenue contre Pascentius[157] est un indice précieux à recueillir. Eux aussi étaient déjà établis dans la capitale avant de s'y installer en maîtres avec les Vandales[158].

Le paganisme, d'autre part, vivait toujours. Bien qu'il ne fût plus le culte officiel depuis Constantin, il ne cédait le terrain que pas à pas. La courte faveur de Julien lui rendit même quelque espoir de renaitre, et l'hostilité réciproque des diverses confessions chrétiennes entretenait chez ses adeptes cette illusion tardive. S'il est vrai que le caractère monothéiste de la religion punique, à peine déformée par l'introduction du panthéon romain, avait facilité singulièrement les voies au christianisme dans les centres ruraux et les localités peu importantes[159], les choses s'étaient passées de façon toute différente dans la capitale, où les fonctionnaires impériaux pullulèrent dès l'origine. Venus le plus souvent d'Italie, leur polythéisme et leur attachement au culte impérial ne les inclinaient guère vers la nouvelle croyance. En outre, les bourgeois aisés qui formaient une partie notable de la population étaient des conservateurs à outrance ; ils ne redoutaient rien tant que le changement. Ceux d'entre eux qui avaient, à partir du Me siècle, embrassé la doctrine de Jésus-Christ, se trouvèrent quelque peu déçus dans leurs visées ambitieuses de diriger l'Eglise ; ce dépit ne fut pas étranger à l'opposition qu'ils organisèrent tour à tour contre saint Cyprien et contre Cæcilianus. De toute façon, leur exemple était de nature à retarder parmi leurs pairs le mouvement des conversions. Quant aux beaux esprits tout préoccupés de littérature que comprenait encore cette société cosmopolite, les affaires religieuses ne les intéressaient guère. Arrondir de belles périodes, discuter en langage harmonieux des questions oiseuses, voilà ce qu'ils avaient surtout à cœur. Païens de naissance, ils le demeuraient par routine. Les dieux gréco-romains rencontraient parfois des défenseurs convaincus, le plus souvent des partisans d'habitude dans ces diverses catégories d'habitants. Ils n'avaient pas pour eux le nombre, mais l'influence et le pouvoir leur restaient, et ils en usaient pour maintenir debout autant que possible les autels des divinités importées de Rome. Carthage fut donc en Afrique le dernier refuge de la vieille foi. Jupiter y a encore des prêtres au IVe siècle ; l'un d'entre eux cumule, en 314, avec ses fonctions sacerdotales celles de duumvir ou magistrat suprême[160]. Plus tard, on dresse sur une place publique une statue d'Hercule à barbe d'or, qui excite la verve railleuse de saint Augustin[161]. Symmaque introduit son culte favori de Victoria en 370 ; le vicaire d'Afrique Nicomachus Flavianus est païen (376-377)[162] ; Fonteius, qui se convertit dans la suite, écrit d'abord en faveur du paganisme[163]. Enfin les cérémonies en l'honneur de Cælestis ne disparaissent qu'aux derniers jours du IVe siècle, et son temple subsiste jusqu'en 421[164].

 

V

Les chrétiens souffraient moins qu'on pourrait le croire de cette survivance du paganisme. En se donnant à Jésus-Christ, tous n'avaient pas rompu les derniers liens qui les attachaient aux idoles. Au fond du cœur, plusieurs regrettaient, sans se l'avouer peut-être, les pompes et les réjouissances païennes. Et comme il était bien dur pour des Carthaginois de se priver de ces brillantes exhibitions, ils faisaient une sorte de compromis avec leur conscience ; au sortir de l'église, on allait prendre part aux fêtes de Cælestis et s'asseoir aux tables dressées dans les temples après les sacrifices[165]. Ces reproches, que formule Salvien[166], paraissent recevoir un démenti de saint. Augustin, lorsque, prêchant devant les mêmes fidèles, il les loue de leur ardeur contre les faux dieux[167] ; mais la contradiction est plus apparente que réelle. A bien lire le passage de saint Augustin, on se rend compte qu'il donne surtout des conseils à son auditoire et que ses éloges ne servent qu'à faire accepter la leçon. N'est-ce pas lui, d'ailleurs, qui se plaint à l'évoque Aurelius des repas dégénérant en orgies, servis dans les cimetières à côté des tombeaux des martyrs, et qui désigne Carthage comme souillée par ces tristes habitudes héritées du culte antérieur[168] ? Cet éclectisme religieux ne se manifestait, à vrai dire, que par exception ; la plupart des fidèles s'abstenaient avec soin des pratiques réprouvées. Le clergé, du reste, déployait un grand zèle pour stimuler les indifférents, raffermir les indécis et réchauffer l'ardeur de tous. Il multipliait les prédications[169] et n'omettait rien pour écarter des viles les séductions du paganisme et de l'hérésie.

Il suivait en cela l'exemple de l'évêque. Tous les hommes qui occupèrent le siège épiscopal au IVe siècle eurent à soutenir de rudes assauts. Caccilianus, Gratus, Restitutus, Genethlius, luttèrent pendant quatre-vingts ans pour défendre la communauté catholique et maintenir contre les factieux leur autorité méconnue. Aucun d'eux cependant ne se dépensa autant que le saint vieillard Aurelius. Saint Cyprien est le seul de ses prédécesseurs avec qui on doive le mettre en parallèle. On dirait même, tant leurs moyens d'action se ressemblent, qu'il avait pris pour modèle le martyr dont Cartilage vénérait la mémoire.

Les bons effets des conciles annuels, institués par saint Cyprien, n'avaient pas tardé à se faire sentir. Malheureusement la mort prématurée de celui qui les dirigeait interrompit la tenue régulière de ces assemblées. Aurelius les remit en vigueur, et il ne se passa guère d'année, depuis qu'il eut pris possession du siège primatial, sans que ses pairs vinssent délibérer avec lui[170]. De 391, qui est la date probable de son élection[171], jusqu'en 429, où on place sa mort[172], plus de vingt conciles se tinrent sous sa présidence[173] ; on y arrêta d'importantes mesures contre les hérétiques, on y régla beaucoup de questions litigieuses de discipline ou de morale. Le premier eut lieu à Hippone (8 octobre 393)[174], presque tous les autres à Carthage, à partir de 394[175]. Aussi les soixante-neuf évêques siégeant en 416 commencent-ils par ces mots leur lettre au pape Innocent Ier[176] : Cum ex more ad Carthaginensem Ecclesiam solemniter venissemus, atque ex diversis causis congregata ex nobis svnodus haberetur... L'autorité personnelle d'Aurelius, qui dirigeait les délibérations en qualité de primat, s'accrut au cours de ces fréquentes assises. Ses collègues l'y entourèrent toujours du respect le plus affectueux, les canons rédigés par eux en portent les marques réitérées. A diverses reprises, ils décident que les lettres synodales seront écrites et signées au nom de tous par l'évêque de Carthage[177]. Ce privilège lui était accordé, soyons-en persuadés, moins à cause de la prééminence de l'église qu'il représentait qu'en raison de ses vertus et de la vigueur déployée par lui pour la sauvegarde des intérêts catholiques[178].

En effet, en dehors de ces réunions dans lesquelles il animait tout le inonde de sa parole et de son exemple, Aure-lins ne négligeait aucune occasion de maintenir les croyants dans le droit chemin et de ramener les esprits séduits par l'erreur. Il est toujours sur la brèche ; il parle, il écrit, il voyage, dès que sa voix, ses lettres ou sa présence peuvent servir la cause qui lui est chère. Il visite les églises d'Afrique sur lesquelles il a juridiction et prèle à leurs chefs un appui généreux[179]. Avant la conférence de 441, il adresse au délégué de l'empereur la complète adhésion de l'épiscopat orthodoxe[180], et si la discussion avec, les schismatiques put avoir lieu, si la victoire demeura à son parti, ses efforts y contribuèrent dans une très large mesure. C'est lui encore qui, pour appuyer les lettres synodales de Carthage et de Mileu au sujet des pélagiens, rédige, avec quatre autres évêques, une demande pressante de condamnation qui hâte la résolution du pape Innocent[181]. C'est à lui qu'Anastase Ier, Innocent Ier et Zosime expédient les instructions destinées aux conciles africains[182]. Innocent, qui professe à son endroit l'estime la plus vive, s'adresse en outre à lui, comme a un ami, pour lui donner des conseils ou solliciter ses avis[183]. D'autre part les empereurs Honorius et Théodose II, décidés à en finir avec les pélagiens, le chargent (9 juin 416) de transmettre aux évêques d'Afrique leurs ordres contre les hérétiques ; il lance une encyclique à cette intention[184]. En 418 et en 419, il préside les synodes qui règlent, avec les délégués du pape Zosime, la grave affaire de l'appellation à Rome[185], et décident la publication du recueil aujourd'hui connu sous le nom de Codex canonum ecclesiæ africanæ[186]. Dans les dernières années de sa vie, nous le voyons encore s'unir à trois de ses collègues pour intercéder auprès des évêques de Gaule en faveur d'un moine hérétique repentant[187].

Son nom se répand dans les églises transmarines. Il entretient une correspondance avec saint Paulin de Nole[188], avec saint Jean Chrysostome qu'il défend contre ses ennemis[189], et avec saint Jérôme[190]. Le prêtre Sixtus, du clergé romain, se justifie auprès de lui d'avoir jamais trempé dans les erreurs de Pélage[191]. Son jugement est reçu avec déférence par tous ceux qui le sollicitent. Et, de toute cette considération dont il est environné, quelque chose rejaillit sur la chrétienté qu'il administre. Dans cette chrétienté même, il s'emploie énergiquement pour l'abolition du paganisme[192] ; ses efforts ne restent pas stériles, puisqu'en 399, le jour de Pulques, il installe sa chaire épiscopale dans la cella du temple de Cælestis[193]. Il arrête les désordres et les orgies auxquelles se livrent certains fidèles près du tombeau des martyrs, fonde des monastères[194], recouvre la basilique des Tertullianistes[195], et fait lire au peuple tous les ans, pendant le carême, les Actes de la conférence de 411[196]. Le comte Marin, sous couleur de réprimer la révolte d'Heraclianus, ne faisait que servir les ressentiments des donatistes, terrorisait la population catholique et venait de mettre à mort le président de la conférence de 411, Marcellinus et son frère. L'évêque, compatissant à toutes les misères, s'humilie devant lui, se traire presque à ses genoux, afin d'obtenir un peu de clémence en faveur des siens[197]. Il est donc à la fois la gloire et le soutien de Carthage. il serait la lumière de l'Eglise, si l'Afrique, à cette époque même, ne possédait un génie supérieur au- sien, Augustin d'Hippone.

Mais, loin de chercher à effacer Aurelius, Augustin n'a qu'un désir, coopérer avec lui pour le triomphe de la foi[198]. Ils se connurent à Carthage même, chez un ami commun, lorsque le jeune professeur revint de Rome (385) ; Aurelius n'était alors que diacre[199]. Depuis ce moment, une profonde amitié les lie, dont les preuves sont partout dans leurs écrits. Moins âgé que son confrère, Augustin lui prodigue les témoignages de vénération : il l'appelle mon bienheureux seigneur que je révère et aime d'une affection si vive, mon saint frère et mon collègue dans l'épiscopat, le pape Aurelius[200]. Chaque fois qu'il rencontre son nom, il a soin d'y joindre une épithète de respect[201]. Et, dans les cas difficiles, c'est de lui qu'il sollicite un secours bienveillant ou un avis dicté par l'expérience. L'union de ces deux hommes fut féconde en résultats utiles à la cause catholique, d'abord dans les provinces africaines où ils combattirent à outrance le donatisme, le manichéisme, puis dans toute l'Eglise dont ils contribuèrent puissamment à extirper le pélagianisme. Nulle part cependant plus qu'à Carthage on ne ressentit les effets immédiats de leur entente. Sans négliger en rien sa chère Hippone, ni les intérêts généraux des fidèles, Augustin ne perd jamais de vue la métropole oà il a étudié, enseigné, à laquelle son cœur est demeuré attaché. Il est heureux, quand les conciles l'y ramènent, d'annoncer à ce peuple les vérités de l'Evangile. Et, lorsqu'il ne peut s'y rendre de sa personne, il s'y fait représenter par ses livres. Cette seconde prédication, moins éclatante que l'autre, produisit peut-être des fruits plus durables. Les défenseurs de la foi puisaient dans ces écrits des arguments solides contre leurs adversaires et devenaient ainsi capables d'instruire à leur tour. Les deux apostolats d'Augustin, visant des classes de personnes différentes, se complétaient de la manière la plus heureuse.

Il range quelque part la chrétienté carthaginoise au nombre de ces églises zélées (diligentes ecclesias) qui s'empressent de répandre les Actes de la conférence de 411[202]. Elle méritait à coup sûr cet éloge ; mais l'ardeur dont elle faisait preuve dans le service de Dieu, à qui en était-elle redevable, sinon aux deux hommes qui, durant près de quarante années, se dépensèrent pour elle sans compter ? L'un était son évêque, l'autre son ami et son conseiller ; leur souvenir est inséparable du sien, et l'on serait fondé à lui appliquer, en le modifiant à peine, le mot de Prosper[203] relatif aux conciles africains de cette époque :

An ilium in finem posset procedere magna

Carthago, cui dut Aurelius, ingeniumque

Augustinus erat ?

 

 

 



[1] Tel est, par exemple, le cas de Jubaianus, qui, d'abord hostile au baptême intégral des hérétiques, adopta ensuite la discipline commune aux Africains, après que saint Cyprien (Epist., LXXIII) la lui eût démontrée préférable à l'autre ; cf. Sententiæ episcoporum (éd. Hartel, p. 435).

[2] Optat, I, 19. M. Ziwsa, dans son édition (C S. E. L., XXVI, index, p. 224), dit qu'il n'est pas certain que Carpophorius ait siégé entre Cyprien et Lucianus, et il ajoute (p. 236) à propos de Lucianus : Cypriano vel Carpophorio successisse dicitur. Nous sommes autorisés, je crois, à voir en Lucianus le successeur immédiat de Cyprien, par le texte de la Passio ss. Montani, Lucii..., 23 (Ruinart, p. 238). Il est probable, d'ailleurs, que ces deux personnages ne furent pas seuls à occuper le siège épiscopal entre Cyprien et Mensurius. Cf. Morcelli, I, p. 59.

[3] Voir la suite des faits dans Tillemont, Mém., V, p. 1-119, et dans Goyau, p. 364-372.

[4] Mart. Palest., 13 ; il marque la fin de la persécution en Afrique après le 1er mai 305, elle y sévissait déjà le 19 mai 303 ; cf. Gesta apud Zenophilum (C. S. E. L., XXVI. p. 186).

[5] Acta s. Felicis, 1 (Ruinart. p. 355).

[6] C'est pour avoir tenu une réunion chrétienne que furent condamnés Saturninus. Dativus et leurs compagnons dont il va être question (Ruinart, p. 382-390).

[7] Voir le procès-verbal cité dans les Gesta apud Zenophilum, loc. cit.

[8] Optat, I, 13.

[9] Augustin, Breviculus collationis, III, 25.

[10] Augustin, Breviculus collationis, III, 25.

[11] In basilica Novorum, lisons-nous dans le texte de saint Augustin (Breviculus collationis, III, 25) ; il s'agit évidemment de la basilica Novarum.

[12] Tillemont, Mém., V, p. 238.

[13] Zouitina, sur la rive droite de la Medjerda, au sud-ouest de Tebourba ; Tissot, Géographie, II, p. 287-289, atlas, pl. XVII.

[14] Acta s. Felicis (Ruinart, p. 355-357) ; Félix fut emprisonné à Carthage le 24 juin 303 (ibid., p. 356, 4).

[15] Localité non identifiée, qu'on doit peut-être chercher aux alentours de Membressa (Medjez el Bab), sur la rive droite de la Medjerda ; Tissot, Géographie, II, p. 171.

[16] Acta ss. Suturnini, Dativi..., 4 (Ruinart, p. 383-390). Leur comparution devant le proconsul est du 12 février 304 ; Augustin, Brevic. collat., III, 32 ; Ad Donat., 18 ; Ruinart, p. 381 ; Mart. hieron., p. LXXI. Sur ces Actes, cf. Duchesne, Dossier, p. 591 et 628.

[17] Acta ss. Saturnini, Dativi, 7 (Ruinart. p. 385.)

[18] Un chroniqueur mentionne en l'an 304 le martyre à Carthage de l'évêque Timothée (Barbants Scaligeri, Chron. min., I, p. 291, n° 202) ; je ne sais qui est ce personnage. L'indication du Liber genealogus anni 452 est plus claire (ibid., I, p. 196, n° 626) : Ab his (Dioclétien et Maximien) coacti... Mensurius Karthaginis, Strathon et Cassianus diaconi urbis et Cecilianus, dum essent veritatis ecclesiæ diacones publice in Capitolio tura et evangelia concremaverunt. Ce Cæcilianus n'est-il pas le futur successeur de Mensurius ?

[19] Il a survécu en d'autres endroits d'Afrique, témoin cette inscription de Guelma où sont mentionnés les martyrs Félix et Vincent, qui faisaient partie de ce groupe ; cf. Héron de Villefosse, C. R. Inscr., 1896, p. 192.

[20] Sur ces accusations, voir la correspondance échangée entre Mensurius et Secundus de Tigisi, doyen des évêques de Numidie ; elle est résumée par saint Augustin (Brevic. collat., III, 25, 27, 32 ; Ad Donat., 18 ; De unico bapt., 29 ; Contra Gaudent., I, 47).

[21] On ignore à quelle localité actuelle correspond cette ville ; cf. Mélanges, X, 1890, p. 560 ; XIV, 1894, p. 76. n. 1.

[22] Augustin, Brevic. collat., III, 24. Ailleurs (De hæres., 69 ; cf. Serm., XLVI, 39) saint Augustin dit que Donatus, venu de Numidie, excita le peuple de Carthage contre Cæcilianus et ordonna le pseudo-évêque Majorinus ; il le distingue de l'autre Donatus, successeur de Majorinus ; cf. Contra Crescon., II, 2 et 3 : Brevic. collat., III, 36 ; Ad Donat., 17 et 20 ; Retract., I, 21, 1 ; Tillemont, Mém., VI, p. 4-5, 697-698.

[23] Les passages utiles du livre de saint Optat seront indiqués dans les notes de ce chapitre. En ce qui concerne saint Augustin, bien que j'aie également multiplié les références, il ne sera pas hors de propos de donner ici une indication générale : les allusions au donatisme sont, en effet, répandues de tous côtés dans ses œuvres. Avant tout, il faut consulter les treize écrits spécialement dirigés contre les donatistes, que Migne a réunis au tome XLIII de la Patrologie latine (IX des œuvres de saint Augustin). A la suite de ces livres (ibid., col. 757-160), on trouvera une liste des lettres, traités sur les Evangiles, explications des Psaumes, sermons et opuscules divers, où saint Augustin combat les mêmes adversaires. Dans un appendice, analogue à celui que M. Ziwsa a mis à son édition de saint Optat, mais beaucoup plus développé, sont rassemblés les documents (lettres de Constantin, rapports des fonctionnaires, pièces de chancellerie, lois, etc.) qui éclairent l'histoire du schisme depuis l'origine jusqu'en 414 ; M. l'abbé Duchesne en a fort habilement débrouillé l'ordre dans son Dossier du donatisme. Enfin, la préface de ce tome XLIII contient un substantiel résumé de l'histoire du schisme, mais les références devront en être contrôlées avec soin.

[24] De unico bapt., 29 ; Contra litt. Petil., III, 29 ; cf. Optat, I, 15.

[25] Optat, I, 18, tunc suffragio totius populi Cæcilianus eligitur.

[26] Optat, I, 18.

[27] Optat, I, 18.

[28] Le motif et les détails de ce voyage sont donnés par Optat (I, 17).

[29] Optat, I, 16. Saint Augustin, qui confirme le récit d'Optat (Contra epist. Parmen., I, 5), parle de Lucilla pecuniosissima tunc et factiosissima femina.

[30] On peut voir dans les Gesta apud Zenophilum (19 b, 23 a et b, 24 a et b, p. 189, 194, 195, 196, C. S. E. L., XXVI) la lettre de l'évêque Fortis qui parle de quadringentis follibus Lucillæ, clarissimæ feminæ, pro quo vobis conjurastis, ut fieret Majorinus episcopus. Le follis de Constantin valait environ 0 fr. 65 (Bouché-Leclercq, p. 584) ; les évêques auraient donc reçu à peu près 260 francs. J'ai peine à croire, en effet, qu'il s'agisse du follis argenteus (= 140 fr. 985), encore moins du follis aureus (= 1121 fr. 88) (ibid.). Cf. Augustin, De unit. Eccl., 46, 13 ; Contra epist. Parmen., I, 5.

[31] Saint Augustin (Psalmus contra partem Donati) a bien distingué les trois éléments, quand il les qualifie d'impii, fures, superbi.

[32] Optat, I, 18. Cf. Augustin, Contra Crescon., III, 67 ; Brevic. collat., III, 26 ; Epist. LXXXVIII, 3. Abthugni correspond à Henchir es Souar (Bull. arch., 1893, p. 226, 227).

[33] Brevic. collat., III, 29 : Cum aliud habeat Ecclesiæ catholicæ consuetudo, ut non Numidiæ, sed propinquiores episcopi episcopum Ecclesiæ Carthaginis ordinent : sicut nec Romanæ Ecclesiæ ordinat aliquis episcopus metropolitanus, sed de proximo Ostiensis episcopus. Malgré ce texte, je m'explique les scrupules d'Héfélé qui se demande (I, p. 170) si cette convocation des seuls évêques voisins de Carthage était bien dans l'ordre.

[34] Aïn el Bordj, à mi-chemin entre Constantine et Aïn Beïda (Tissot, Géographie, II, p. 420-423, atlas, pl. XXI ; Diehl, Nouv. arch. miss., 1893, p. 356-362.

[35] Augustin, Brevic. collat., III,  : Serm., XLVI, 39 ; cf. Mansi, II, col. 407-410 : sur ce conciliabule et l'origine du donatisme en général, Héfélé, I, p. 169-173.

[36] Optat, I, 19 ; Prosper Tiro (Chron. min., I, p. 450 sq., n° 1026).

[37] Une douzaine d'évêques s'étaient mutuellement convaincus d'avoir livré les Ecritures, au concile tenu à Cirta (Constantine) le 4 mars 305. Optat, I, 13-14, 19 ; Mansi, I, col. 1247 sq. ; Héfélé, I, p. 127-129 ; Duchesne, Dossier, p. 629, avec toutes les références aux œuvres de saint Augustin.

[38] Optat, I, 20 ; Augustin, De unit. Eccl., 13 : saint Augustin résume tout le récit d'Optat dans son traité Contra epist. Parmen., I, 5 : cf. Gesta apud Zenophilum, 17 a (C. S. E. L., XXVI, p. 185) ; Duchesne, Dossier, p. 631.

[39] Cette remarque, qui est de saint Augustin (Contra epist. Parmen., I, 9), prouve qu'il s'écoula un certain temps entre l'élection et la réunion du synode qui déposa Cæcilianus (cf. Tillemont, Mém., VI, p. 15). Il faut sans doute placer dans cet intervalle les opérations de la commission d'enquête envoyée à Carthage par Secundus de Tigisi (Héfélé, I, p. 111).

[40] Eusèbe, H. E., X, 7 : Έπειδή έκ πλειόνων ; Cod. Theod., XVI, 2, 1.

[41] Eusèbe, H. E., X, 6 : Έπειδήπερ ήρεσε. Constantin envoyait 3.000 folles (sans doute des argentei), c'est-à-dire un peu plus de 420.000 francs.

[42] Ceci montre que saint Optat est dans l'erreur quand il prétend que le premier avis des affaires de Carthage fut donné à l'empereur (I, 22 : Constantinum harum rerum adhuc ignarum) par la lettre des évêques schismatiques (ibid.) qui demandaient à être jugés par leurs collègues d'Europe. Mais quels sont les fauteurs de troubles ici désignés, les factieux soulevés sous l'épiscopat de Mensurius par Donatus de Casæ Nigræ ou les adhérents au synode des soixante-dix évêques ? J'incline vers la seconde hypothèse. Il fallait qu'un mouvement inquiétant se fût produit pour que l'empereur mit le pouvoir civil à la disposition de Cæcilianus ; or nous avons vu que, jusqu'à la mort de Mensurius, l'agitation avait été plutôt superficielle. M. l'abbé-Duchesne (Dossier, p. 631) place les lettres de Constantin avant la lettre synodale adressée aux Africains par le concile que présidait Secundus de Tigisi ; comme il assigne cette dernière à 312 (p. 626), c'est dire implicitement que l'empereur écrivit en 312. Mais comment croire à une telle attitude de sa part avant l'édit de Milan ? Et, si l'on admet un premier édit en novembre 312 (Tillemont, Mém., V, p. 113 sq. ; Boissier, Pagan., I, p. 25 sq., 49 ; Goyau, p. 387, n. 8), Constantin s'était-il dès lors assez engagé pour montrer une telle faveur envers le christianisme ? Ne serait-il pas plus sûr de renverser cette chronologie, et, en maintenant le concile à la fin de 312, ainsi que la lettre synodale, de reculer les diverses lettres de Constantin entre le début de mars 313 (édit de Milan) et le 15 avril (lettre des évêques schismatiques transmise à l'empereur par le proconsul). Cette lettre des schismatiques ou Libellus Ecclesiæ catholicæ criminum Ceciliani (Augustin, Epist., LXXXVII I, 2) serait une sorte de réponse à la faveur témoignée par le prince à Cæcilianus. Quant à retarder jusqu'au 31 octobre 313 le rescrit sur les exemptions municipales des prêtres Goyau, p. 389), il n'y faut pas songer. Godefroy remarque très justement (Cod. Theod., XVI, 2, 1) que le texte d'octobre rappelle et sanctionne une immunité déjà accordée, contra indulta sibi privilegia. Cette immunité est celle que l'empereur conférait au clergé d'Afrique par sa lettre à Anulinus (Eusèbe, H. E., X, 7). Les deux documents traitent une même question, mais l'un est antérieur, l'autre postérieur au concile de Rome (20 octobre 313).

[43] Je me borne à renvoyer à Duchesne (Dossier, p. 631-640, n° 16 sqq.), où l'on trouvera la mention de tous les actes utiles à connaître avec les références à saint Optat, à saint Augustin et à Eusèbe. On consultera aussi avec profit Tillemont (Mém., VI, p. 1-193) et Héfélé (I, p. 174-194). Funk (I, p. 221224) donne un substantiel résumé de ces événements.

[44] Optat, I, 27 ; Gesta purgationis Felicis episcopi Aulumnitani (C. S. E. L., XXVI, p. 197-204). Sur la date, cf. Duchesne, Dossier, p. 644 sq., et Goyau, p. 390, n. 11.

[45] Saint Optat confond ce Donatus avec son homonyme, l'évêque de Casæ Nigræ ; saint Augustin les distingue (Retract., I, 21, 1 et 3 ; II, 17 ; cf. Prosper Tiro, Chron. min., I, p. 450 sq., n° 1026) ; puis Duchesne (Dossier, p. 646). Voir le portrait que trace de lui saint Optat, III, 3 : in ore populi raro est appellattis episcopus, sed Donatus Carthaginis dicebatur.

[46] Vers la fin de 315, selon Duchesne, Dossier, p. 609.

[47] I, 19.

[48] Optat, I, 26 ; Duchesne, Dossier, p. 636, 646-649.

[49] Optat, I, 26.

[50] Optat, I, 26.

[51] Le vicaire d'Afrique Celsus, dans un rapport antérieur de très peu (proxima scripta) à la lettre que Constantin lui écrivit dans le second semestre de 315, parlait de troubles séditieux (seditionis, humilia) ; C. S. E. L., XXVI, p. 211.

[52] Duchesne, Dossier, p. 618, n. 2.

[53] Goyau, p. 396, n. 10. Le texte ne nous en est pas parvenu : mais elle est rappelée dans une autre loi de Gratien (Cod. Theod., XVI, 6, 2) et saint Augustin en fait mention expresse (Epist., LXXXVIII, 3 ; CV, 9 : Contra litt. Petil., II, 205).

[54] Optat, II. 15. Cette mesure fut révoquée le 5 mai 321, au bout de quatre ans et six mois. dit saint Augustin (Ad Donat. post collat., 56), tertio nonas initias, id est, post quartum annum, et mensem ferme sextum. Le compte est fait à partir de la lettre de Constantin au vicaire Eumelius (10 novembre 316), portant notification de la sentence rendue à Milan ; mais l'enquête des deux évêques à Carthage n'eut lieu que plus tard, et c'est seulement à la suite de leur échec que l'empereur dut prendre des mesures de rigueur, par conséquent au cours de l'année 317. L'exil des donatistes dura donc à peine quatre ans.

[55] Sermo de passione ss. Donati et Advocati (P. L., VIII, col. 152-158). Ce document n'offre qu'une seule date, celle du 12 mars ; l'année n'est pas indiquée. Migne rapporte les faits à 3I0 environ ; mais ils cadrent trop bien avec ce que nous savons des ordres donnés par Constantin pour que nous hésitions beaucoup à les inscrire à l'année Cf. Goyau, p. 396 ; Gsell, 1899, p. 28, n. 5.

[56] Sermo de passione, 3, 4, 5.

[57] Sermo de passione, 6. L'auteur du sermon signale ce trait comme empreint de la pire noirceur : ils ne se servaient pas de leurs épées, dit-il, afin d'empêcher qu'on n'appelât les victimes des martyrs.

[58] Sermo de passione, 7 : Henchir et Alouenin (Tissot, Géographie, II, p. 318, atlas, pl. XVII) : Bordj Aalouine (Atlas, II, Tunis).

[59] Sermo de passione, 8, 11, 13.

[60] Sermo de passione, 12, ou plutôt Avioccala (Sidi Amara), cf. Gauckler, C. R. Inscr., 1898, p. 505 sq.

[61] Gesta apud Zenophilum (C. S. E. L., XXVI, p. 185-197). L'enquête est du 13 décembre 320, mais les documents produits datent de la période antérieure. On lira aussi avec intérêt à ce propos le récit des menées du faussaire Ingentius, dans les Acta purgationis Felicis (ibid., p. 203).

[62] Optat, II, 14.

[63] Optat, VII, 1.

[64] Ce double cri se rencontre très souvent sur les inscriptions ; Schwarze (p. 70, 73) en a réuni un bon nombre d'exemples. Sur le Deo laudes, cf. Augustin, Enarr. in psalm., CXXXII, 6 ; puis de Rossi, Bull. crist., 1875, p. 114.

[65] Optat, II, 18, episcopis ducibus ; voir ce que saint Augustin (Contra litt. Petil., I, 26) dit de l'évêque de Thamugadi, Optatus, partisan de Gildon.

[66] Les écrits de saint Augustin renferment de fréquentes allusions aux fureurs des Circoncellions ; cf., en particulier, Epist., XXIII, 6-7 ; XLIII, 24 ; LVIII, 1 LXXXVIII, 1, 6, 8, 9, 12 ; XCIII, 2, 11 : CV, 3-6 ; CVIII, 14, 18-19 ; CXXXIV, 2, 4 : CXXXIX, 4-2 ; Enarr. in psalm., X, 5 ; LIV. 26. Voir aussi les détails donnés par saint Optat (II, 17-19, 21, 25 ; III, 4 ; VI, 5-7) et les faits groupés par Tillemont (Mém., VI, p. 88-98). En Maurétanie, où ils se montrèrent favorables à la révolte de Firmus, on appela les donatistes Firmiani (Masqueray, De Aurasio monte, p. 86).

[67] Aujourd'hui Ksar Baghai, au nord de Khenchela ; cf. Tissot, Géographie, II, p. 817, atlas, pl. XXII ; Diehl, Nouv. arch. miss., IV, 1893, p. 316-324 ; Gsell et Graillot, Mélanges, XIV, 1891, p. 43-46, avec la bibliographie.

[68] Augustin, Brevic. collat., III, 39 ; Epist. CXLI, 9.

[69] Augustin, Brevic. collat., III, 40, 42 ; Epist., CXLI, 9 ; Ad Donat. post collat., 56.

[70] C. S. E. L., XXVI, p. 212 sq., n° 9, Quod fides debuit. Tillemont (Mém., VI, p. 103) et Duchesne (Dossier, p. 611 sq.) croient cette pièce contemporaine de la lettre au vicaire d'Afrique Verinus (5 mai 321). Les mêmes sentiments se retrouvent dans la pièce suivante (C. S. E. L., ibid.,) où Constantin écrit à des évêques numides au sujet d'une basilique dont les donatistes se sont emparés.

[71] C. S. E. L., XXVI, p. 213, n° 9, sub fine.

[72] De unit. Eccl., 73.

[73] Vita Const., I, 45.

[74] Augustin, Epist. XCIII, 43 ; il s'appuie sur l'autorité du donatiste Tyconius.

[75] Cette date est seulement probable, Tillemont, Mém., VI, p. 710, 829, cf. p. 82. Mansi (II, col. 1121 sq. ; cf. col. 410, n. 1) propose l'année 333. L'opinion de ce concile au sujet du baptême ne parait pas avoir prévalu parmi les dissidents. Nous verrons bientôt en effet un synode carthaginois orthodoxe condamner l'usage qu'ils font du second baptême ; et plus tard saint Augustin écrira son De baptismo contre cette pratique erronée qui cherchait à s'autoriser de l'enseignement de saint Cyprien (Retract., II, 18 ; cf. Epist., XXIII).

[76] Tillemont, Mém., VI, p. 109-111 ; Goyau, p. 448, n. 1. M. Duchesne (Dossier, p. 591) met ces faits en 347 ; cf. Héfélé, II, p. 9 sq.

[77] Tillemont croit que l'évêque catholique de Carthage, Gratus, intervint auprès de l'empereur au concile de Sardique ; mais ce concile date de 343. L'effet de ses démarches aurait donc été bien peu rapide. Héfélé (II, p. 9) est de l'avis de Tillemont ; seulement, pour lui (I, p. 528), le concile, ne se tint qu'en 346 ou 347.

[78] Sur tous ces événements, cf. Optat, III, 1-4 : Augustin, Enarr. in psalm., X, 5.

[79] Voir la Passio benedicti martyris Marculi (P. L., VIII, col. 760-766) ; Optat, III, 6-8 ; Augustin, Psalm. contra partem Donati ; cf. Mansi, III, col. 143 sq.

[80] Optat, loc. cit. ; Augustin, In Joannis Evang., tract. XI, 15.

[81] Saint Hilaire, fragm. 3 (P. L., X, col. 658-678 ; Mansi, III, col. 126-140) ; Augustin, Contra Cresc., 38 ; Epist., XLIV, 6.

[82] Optat, II, 4 ; Tillemont, Mém., VI, p. 86-88.

[83] Optat, II, 1, 13 : III, 9 : IV, 3 ; Augustin, In epist. Joan. ad Parthos, tract. VI, 3 ; In Joan. Evang., tract. XIII. 3 ; Enarr. in psalm., XXI, 26 ; XCV, 5 ; XLVI, 37-48, 41 : LXXXVIII, 21 : CXXXVIII, 9.

[84] Passio ss. martyrum Isaac et Maximiani (P. L., VIII, col. 767-774, 778-784).

[85] C'est ce qui me semble résulter de cette phrase (ibid., col. 161 sq.) : Situerat hic apud Carthaginem persecutionis immanitas (sans doute depuis 321), ut longioris temporis cessatione nutriret pejores insidias...

[86] Mansi, II, col. 696 ; Héfélé, I, p. 264 ; II, p. 301, 303.

[87] Morcelli (I, p. 53) et Gams (p. 463), sans doute d'après Baronius, mettent entre les deux un certain Rufus et l'assignent à l'année 337. Cette hypothèse ne repose sur aucun fondement sérieux cf. Tillemont, Mém., VI, p. 105.

[88] Mansi, III, col. 12, 50 : Héfélé, II, p. 9.

[89] Cette date est la plus probable ; Tillemont, Mém., VI, p. 124 ; Gams, p. 463 ; Goyau, p. 449. Mansi (III, col. 143, 151) place le synode en 348 ; Migne (P. L., VIII, col. 774, n. 4) vers 348 ; Héfélé (II, p. 10) entre 345 et 348 ; M. Allard (Rev. des questions hist., LVIII, 1895, p. 8, n. 1) en 346. Il est peu aisé de concilier ces dates avec la mission des délégués impériaux, certainement antérieure au concile, puisque Gratus y fait allusion dans son discours d'ouverture.

[90] Mansi, III, col. 143-158 ; P. L., VIII, col. 774 sq. ; Tillemont, Mém., VI, p. 121 ; Héfélé, II, p. 10.

[91] Optat, III, 12.

[92] Optat, III, 12 ; VII, 6-7 ; faux bruits inventés lors du concile.

[93] Il faut peut-être placer cette mort entre 350 et 355 ; cf. Tillemont, Mém., VI, p. 123.

[94] Optat, III, 3 : peregrinus es ; II, 7 ; cf. Tillemont, Mém., VI, p. 713.

[95] Je ne sais sur quoi se fonde Gams (p. 463) pour le faire mourir en exil.

[96] C'est lui qui entraîna ses collègues à céder aux volontés du prince (saint Hilaire, fragm., S. P. L., X, col. 02 ; Mansi, III. col. 314 sq.). Ce ne fut d'ailleurs, qu'une défaillance momentanée (Tillemont, Mém., VI. p. 129). Ce qui démontre que Restitutus revint de son erreur, c'est qu'il est inscrit au Calendrier de Carthage (29 août) ; cf. Mart. hieron., p. LXXI. Possidius (Indic., 8) attribue à saint Augustin un sermon De depositione Restituti episcopi Carthaginis. Quelques-uns croient que la basilica restituta de cette ville fut ainsi dénommée en l'honneur de cet évêque ; j'ai dit ci-dessus que je préfère une autre interprétation.

[97] Optat, II, 16-19 : Augustin, Contra litt. Petil., II, 184.

[98] Cod. Theod., XVI, 6, 1.

[99] Cod. Theod., XVI, 6, 2 ; cf. les références dans Goyau, p. 555, n. 11.

[100] Optat, I, 4, 10 ; V, 1, 9, 10 ; C. S. E. L., XXVI, préf., p. VII-IX.

[101] Optat, I, 4.

[102] L'ouvrage de saint Optat (cf. III, 8) parut vers 370 ; une seconde édition, retouchée par l'auteur ou quelque anonyme, est postérieure à 381 (Duchesne, Dossier, p. 591, 600 ; C. R. Inscr., 1890, p. 428 ; cf. Tillemont, Mém., VI, p.143). M. Ziwsa (C. S. E. L., XXVI, p. VI-VII) place la composition du livre entre 375 et 383.

[103] Saint Augustin cite très souvent les écrits de Tyconius, en particulier le Liber regularum, et s'en est beaucoup servi (De doctr. christ., III, 42-56 ; Epist., XCIII, p. 43-45 ; Contra epist. Parmen., 1). Tyconius vient d'être réédité par M. Burkitt. L'auteur arrive à cette conclusion (p. xi et xviii) que l'ouvrage fut écrit en Afrique, dans la seconde moitié du IVe siècle, et, selon toute vraisemblance, avant 383 (cf. Tillemont, Mém., VI, p. 147, 718). Sur la forme du nom Tyconius, voir Burkitt, p. 103.

[104] Augustin, Sermo CCCLVIII, 3 (prononcé à Carthage) ; Tillemont, Mém., VI, p. 150, 713.

[105] Augustin, Epist., CVI ; CVIII, 1-2, 4-5, 13. Tillemont, Mém., VI, p. 150, 713.

[106] Sur cette affaire, outre les textes indiqués ci-dessous, cf. Augustin, Enarr. in psalm., LVII, 15 ; De gestis cum Emerito, 9 ; puis Mansi, III, col. 843-846 ; Tillemont, Mém., VI, p. 724.

[107] Epist., XLIII, 26 ; CLXXXV, 17 ; Enarr. in psalm., XXXVI, 2, 19, 21-23 ; Contra Crescon., IV, 7.

[108] Augustin, Enarr. in psalm., XXXVI, 2, 20 ; Mansi, III, col. 845, 850.

[109] Augustin, Contra Crescon., III, 56 ; Mansi, III, col. 857 sq.

[110] Augustin, Enarr. in psalm., XXXVI, 2, 20.

[111] Augustin, In Joan. Evang., tract. X, 6 : Alterum propositum habet Carthagine Primianus, alterum habet Maximianus, alterum habet in Mauritania  Rogatus, alterum habent in Numidia illi et illi, quos jam nec nominare sufficimus.

[112] Ferrandus, Breviatio canonum, 55 (P. L., LXVII, col. 952) ; Tillemont, Mém., VI, p. 155, 118-121. Ce Genethlius avait presque trouvé grâce devant les donatistes pour la douceur dont il usa envers eux (Augustin, Epist. XLIV, 12 ; Mansi, III, col. 691-698, 861-876) ; ce dernier croit (col. 685-688), ainsi qu'Héfélé (II, p. 235 sq.), à un autre concile carthaginois tenu dès l'année précédente (389).

[113] En 394 (Mansi, III, col. 853-854 ; Héfélé, II, p. 250) : en 391 (Prosper Tiro, Chron. min., I, p. 488 Mansi, III, col. 8/5-930 ; Héfélé, II, p. 250-252, puis 253 sq.) ; en juin et en septembre 401 (Mansi, III. col. 967-914, 1023 sq. : Héfélé, II, p. 257-263) ; en août 403 (Prosper Tiro, loc. cit. ; Mansi, III, col. 1155 sq. ; Héfélé, II, p. 275 sq.) ; en juin 404 (Mansi, III, col. 1159 sq. ; Héfélé. II, p. 216) ; en juin 401 (Mansi, III, col. 1163 sq. ; Héfélé, II, p. 277-280) ; d'autres encore (Mansi, III, col, 1159-1164 ; Héfélé, II, p. 211, 280).

[114] Pendant la période de 405 à 410, Honorius prit contre les donatistes une série de mesures qu'il serait long d'énumérer ici et dont on trouvera le détail dans Tillemont (Mém., VI. p. 132, 181-189 ; cf. Hist., V, p. 514 sq.) et dans Héfélé (II, p. 217, 280) ; cf. Augustin, Retract., II, 26.

[115] Augustin, Ad Donat. post collat., 43.

[116] Brevic. collat., I, préf. et 14 ; Mansi, IV, col. 269, 275.

[117] P. L., XI, col. 1227-1230.

[118] Gesta collationis Carthagini habitæ (P. L., XI, col. 1223-1420).

[119] Breviculus collalionis cum Donatistis, cf. Epist., CXXXIX, 3 ; CXLI, 2-3 et la suite ; Mansi, IV, col. 7-286.

[120] Duchesne, Dossier, p. 603-606.

[121] Quamvis posset totum multo brevius agi, remarque avec mélancolie saint Augustin (Brevic. collat., I, préf.) ; cf. III, 43 : de prolixa trium dierum actione. Le président, Fl. Marcellinus, v. c., tribunus et notarius, fit preuve, dit M. l'abbé Duchesne (Dossier, p. 605, n. 1), de la plus héroïque patience. Ce fonctionnaire est au martyrologe : il l'a bien mérité. Rien n'est plus spirituellement exact.

[122] Saint Augustin (op. cit., I, 7, 11) parle de tumultus que l'on prévoyait.

[123] Saint Augustin, op. cit., III, 43 ; Mansi, IV, col. 263-265 ; voir Boissier, Pagan., I, p. 82-86.

[124] Augustin, Ad Donat. post. collat., 39, 45, 57.

[125] Le traité Ad Donatistas post collationem, adressé aux fidèles de l'autre confession, démasquait la conduite des évêques schismatiques et dut leur nuire beaucoup auprès de leurs coreligionnaires. Sur les conversions des donatistes, cf. Augustin, Enarr. in psalm., XXXI, 2, 11 ; Sem. CCCLIX, 7 ; CCCLX : De quodam donatista qui reversus est ad ecclesiam.

[126] La survivance du donatisme est attestée par de nombreux documents : lettre de saint Augustin au tribun Dulcitius (Epist., CCIV) écrite vers 420 : concile de Carthage en 418 (Mansi, IV, col. 373-380 ; Héfélé, II, p. 294-298) ; loi très dure de Théodose II, du 30 mai 428 (Cod. Theod., XVI, 5, 65) ; concile de 594 ou 595 (Mansi, X, col, 475 sq. ; Héfélé, III, p. 598) ; lettres de saint Grégoire en 594 (Jaffé, I, p. 149, n° 1141 et 1142, p. 150, n° 1151), en 592 (ibid., p. 154, n° 1200), en 594 (ibid., p. 162, n° 1303-1305), en 596 (ibid., p. 174, n° 1443- 1445). A l'époque des Vandales, il ne manqua pas de donatistes pour passer à l'arianisme (Tillemont, Mém., VI, p. 68).

[127] I, 5-6, 8-9 ; V, 1 ; cf. Tillemont, Mém., VI, p. 78-81, 84.

[128] Burkitt, p. XIII, XVIII-XXII.

[129] Gsell, 1895, p. 24.

[130] III, 10.

[131] VI, 8.

[132] Confessions, II, 5-6.

[133] Confessions, III, 10 : Possidius, Vita Augustin, 1. Il avait alors dix-neuf ou vingt ans (313 ou 374) (Tillemont, Mém., XIII, p. 23). Il partagea les croyances manichéennes pendant neuf ans environ (De util. credendi, 2 ; Contra epist. Manichæi, 3, 9 ; Contra Secundinum Manich., I, 2.

[134] De duab. anim., 11.

[135] Confessions, III, 21 ; IV, 1 ; VI, 12.

[136] Sur le sens de ces mots, cf. Contra Faustum Manich., V, 10 ; Epist. CCXXXVI, 2 ; De hæres, 46. Le donatiste Petilianus l'accusait faussement d'avoir été prêtre manichéen (Contra litt. Petil., III, 20 ; De util. credendi, 2).

[137] De moribos Ecclesiæ ; De moribus Manichæorum ; De Genesi ; De utilitate credendi ; De duabus animabus. Ces ouvrages furent écrits entre 388 et 392 (Tillemont, Mém., XIII, p. 119. 134 sq., 169). Ce ne sont que les principaux : saint Augustin en a encore dirigé six ou sept autres contre ces hérétiques : ils ont tous été réunis par Migne (P. L., XLII. t. VIII des œuvres de saint Augustin) qui indique aussi (ibid., col. 601 sq.) les allusions au manichéisme que contiennent les autres ouvrages du même auteur. Cf. De duab. anim., 26.

[138] Confessions, V, 21.

[139] Acta seu disputatio contra Fortunatum Manichæum. Il argumenta, aussi contre un certain Félix, à Hippone, les 7 et 12 décembre 404 (Possidius, Vita, 6 ; De actis cum Felice Manichæo, I, 1 ; II, 1).

[140] Possidius, Vita, 6, 16.

[141] Confessions, V, 3-5, 10-13 ; Contra Faustum Manichæum, I, 1 ; XXI, 10 ; De util. credendi, 20.

[142] De morib. Manich., II, 72.

[143] Confessions, VI, 12.

[144] Sur tous ces faits, voir De morib. Manich., II. 68. 70. 72 ; De hæres., 46 ; voir aussi Epist., CCXXII, 3. Saint Augustin revient encore sur les mœurs dépravées des manichéens dans le De continentia, 26-27.

[145] Cette date n'est pas admise par tout le monde ; cf. Goyau, p. 358.

[146] Augustin, Contra litt. Petil., III, 30 ; Tillemont, Mém., XIII, p. 43.

[147] Cod. Theod., XVI, 5, 41 : Tillemont, Mém., XIII, 459. On signale une seconde loi de 401, promulguée à Carthage le 5 juin 40S ; elle vise les hérétiques et nommément les manichéens (Cod. Theod., XVI. 5, 43 : Tillemont, ibid., p. 459, 996).

[148] Tillemont, Mém., XIII, p. 511 : Funk, I, p. 245.

[149] Augustin, De hæres., 88 ; Serm., CLXXXI, 7...

[150] Augustin, Epist., CLVII, 22 ; De gestis Pelag., XXII, 46.

[151] Augustin, De gestis Pelag., XXXV, 62 ; De gratia Christi, II, 2-4, 12, 26 ; Mansi, IV, p. 289-292 : Tillemont, Mém., XIII, p. 574-576 ; Héfélé, II, p. 282-284.

[152] Retract., II, 33 ; De gestis Pelag., XI, 23 ; Contra Julianum Pelagianum, III, 1, 4.

[153] De peccatoram meritis et remissione ; De gestis Pelagii : De anima et ejus origine ; Contra Julianum, et, d'une manière générale, P. L., XLIV et XLV ; voir aussi Serm., CXXXI, 6 et 10 ; CLXXIV ; CCXCIV, prononcés tous les trois à Carthage. Le livre De gratia Christi et de peccato originali est postérieur à la condamnation définitive du pélagianisme par le pape Zosime ; cf. Retract., II, 30. Migne (loc. cit., col. 9-108) fait l'histoire de cette hérésie.

[154] Ce dernier s'occupa aussi des donatistes.

[155] Sur tous ces faits, consulter : Augustin, Epist., CLXXV : CLXXVI, 4 CLXXVI CLXXVIII, 2 ; CLXXXI : CLXXXII ; CLXXXIII ; CCXV, 2 ; Facundus, Pro defensione trium capitul., VII, 3 (P. L., LXVII. col. 681) ; Avellana collectio (C. S. E. L., XXXV), n° 41, 44, 45, 46, 47, 50, p. 92, 98, 99, 103, 108, 115 ; Mansi, IV, col. 321-324, 313-380 : Tillemont, Mém., XIII, table, s. v. Cælestius, Pélage, pélagiens : Héfélé, II, p. 290-298. Migne (P. L., XLV, col. 1619-1192) a réuni des Varia scripta ad historiam Pelagianorum pertinentia où l'on trouvera tous les textes.

[156] Epist., CLVII, 22 : on place cette lettre vers 414 (P. L., XXXIII, col. 614, n. b).

[157] Epist., CCXXXVI, 1-9 ; Possidius, Vita, 17. Saint Augustin s'en prend souvent aux ariens dans ses sermons (cf. surtout les sermons CXXXIX et CCCXLI, qui ne paraissent pas avoir été prononcés à Carthage) : puis dans ses traités Contra sermonem Arianornm, Collatio cum Maximino, Contra Maximinum hæreticum (P. L., XLII, cf. col. 815 sq.). Ce Maximinus, qui se vantait à Carthage d'avoir vaincu Augustin dans sa conférence d'Hippone (427 ou 428), était arrivé en Afrique avec les Vandales (Possidius, Vita, 17).

[158] On a déjà vu que les donatistes passèrent à l'arianisme à partir de l'arrivée des Vandales ; les manichéens en étaient au même point à Carthage à la fin du Ve siècle ; cf. Victor Vit., II, 1-2 ; Fulgentius, Epist., VIII, 24.

[159] Voir dans les Epist. de saint Augustin (XVI et XXVII) la discussion entre lui et Maxime de Madaure ; Toutain, Cités, p. 228 sq. ; Gauckler, Le Pays de Dougga (extrait de la Revue tunisienne, 1896), p. 9 ; Allard, Revue des quest. hist., LVI, 1894, p. 377-380.

[160] Acta purgat. Felicis, 25 b (C. S. E. L., XXVI. p. 198).

[161] Serm., XXIV, 6-7.

[162] Pallu, Vic., p. 99-103.

[163] Augustin, Retract., I, 26 ; De diversis quæstion., LXXXIII, 12.

[164] On peut encore trouver des traces fréquentes de l'existence du paganisme dans les décisions des conciles carthaginois : synode de juin 401, canons 2, 4 et 5 (Codex canonum Eccl. afric., 58, 60 et 61) ; synode de septembre 401, canon 15 et 18 (ibid., 81 et 84), Héfélé, II, p. 258 sq., 261 sq., 307 sq. ; Mansi, III, col. 766 sq. ; cf. Cod. Theod., XVI, 10, 17 (20 septembre 399), avec les notes de Godefroy ; Salvien, De gub. Dei, VIII, 2.

[165] Saint-Marc Girardin, Rev. D. M., 15 déc. 1842. p. 888. D'après le 4e canon du synode de juin 401 (cf. la note précédente), les chrétiens étaient quelquefois entraînés de force (cogantur) à ces fêtes licencieuses.

[166] De gub. Dei, VIII, 2.

[167] Serm., XXIV, 6 ; LXII, 7, 10, 17, 18.

[168] Epist., XXII. 4 ; Enarr. II in psalm., XXXII, sermo I, 5 : cf. Mansi, III, col. 166 sq. La lettre de saint Augustin est de 392 ; dès l'année suivante, le concile d'Hippone (canon 29) prit des mesures pour empêcher le retour de pareils scandales ; Héfélé, II, p. 244.

[169] Augustin, Epist., XLI, 1-2.

[170] Le concile d'Hippone (canon 5) avait décrété que les assemblées seraient annuelles ; celui de Carthage (septembre 401) était revenu (canon S) sur cette prescription pour la confirmer (Héfélé, II, p. 242. 260 ; Mansi, III, col. 142. 52 : col. 115. 13 ; col. 199, 95 ; col. 850). Mais cette obligation étant trop onéreuse pour les évêques, le concile de juin 401 (canon 1) décida que la réunion n'aurait lieu à l'avenir que lorsque le besoin s'en ferait sentir.

[171] Héfélé, II, p. 240 ; Tillemont (Mém., XII, p. 555) et Morcelli (I, p. 53) hésitent entre 391 et 392 ; Gants (p. 463) avance à tort cette élection de dix ans (381 ou 382).

[172] Tillemont, Mém., XII, p. 559 ; Morcelli (loc. cit.) et Héfélé (III, p. 316, n. 3) donnent 426.

[173] Héfélé, II, p. 250. A la liste que j'ai donnée ci-dessus, il faut ajouter ceux de 421, 424 et 426 : cf. Héfélé, II, p. 313-316.

[174] Mansi, III, col. 849 sq. ; Héfélé, II, p. 240.

[175] Héfélé, II, p. 250.

[176] Augustin, Epist., CLXXV, 1 ; Mansi, IV. col. 321.

[177] Héfélé, II, p. 262. 276, 280, 298.

[178] Tillemont (Mém., XII, p. 564) est aussi de cet avis : et tel est, je crois, le sens de ces paroles tirées de la vie de Fulgentius, évêque de Ruspe (XX, 41) : sanctæ memoriæ Aurelius Carthaginensis ecclesiæ antistes inter sua privilegia meruit ut litteras ex Africano concilio dandas ipse solus scriberet...

[179] Tillemont, Mém., XII, p. 556.

[180] Augustin, Epist., CXXVIII, CXXIX.

[181] Augustin, Epist., CLXXVII.

[182] Jaffé, I, p. 43, n° 283 ; p. 47, n° 312 ; p. 48, n° 321 ; p. 49, n° 329-331 ; p. 50, n° 342 ; p. 51, n° 347. La lettre du pape Damase (ibid., p. 39, n° 241) est apocryphe.

[183] Jaffé, I, p. 45, n° 297 ; p. 46, n° 301 ; p. 48, n° 324, 327.

[184] Augustin, Epist., CCI ; cf. Mansi, IV, col. 443-448. Je citerai encore les lettres d'Honorius et du proconsul d'Afrique Largus à l'évêque de Carthage, au sujet de l'élection contestée de Bonifatius au siège de Boum (Avellana collectio, n° 27 et 83, p. 73 et 82, C. S. E. L., XXXV).

[185] Je n'ai pas à entrer ici dans le détail de ces débats célèbres qui concernent l'Afrique entière et non Carthage spécialement. On trouvera les indications utiles dans Mansi, IV, col. 401-440 ; Tillemont, Mém., XIII, p. 775-788, 862-866, 1031-1039 ; Héfélé, II, p. 298-312, 314 sq. ; Funk, I, p. 268 sq. ; cf. Duchesne, Bull. crit., 1895, p. 644 sq.

[186] Mansi, III, col. 699-844 ; Héfélé, II, p. 303-310.

[187] Augustin, CCXIX ; Facundus, Pro defensione trium capitul., I, 4 (P. L., LXVII, col. 545) ; Mansi, IV, col. 517-528.

[188] Augustin, Epist., XXXII, 1.

[189] Tillemont, Mém., XII, p. 551.

[190] Tillemont, Mém., XII, 558.

[191] Augustin, Epist., CXCI, 1.

[192] Augustin, Serm., XXIV, 6 ; Tillemont, Mém., XII. p. 536 ; XIII, p. 320.

[193] Liber de promiss. et prædict., III, 38,44.

[194] Augustin, Epist., XXIV, 6 ; Retract., II, 21.

[195] Augustin, De hæres, 56.

[196] Augustin, De gestis eum Emerito, 4.

[197] Augustin, Epist., CLI, 3. Saint Augustin rapporte encore (Serm., CCCIV, 5) un trait de charité d'Aurelius.

[198] Cf. Tillemont, Mém., XII, p. 562 sq.

[199] Augustin, De civ. Dei, XXII, 8, 3 ; Tillemont, Mém., XII, p. 554 ; XIII, p. 122.

[200] Augustin, Epist., CLXXIV : Domino beatissimo, et sincerissima charitate venerando, sancto fratri et consacerdoti papæ Aurelio ; voir des formules analogues en tête des lettres XLI, LX.

[201] Augustin, Epist., CLI, 3 : venerabilis coepiscopi mei ; CXCI, 1 : beatissimum senem Aurelium ; Serm., CCCLV, 5 : sancti et venerandi episcopi Aurelii ; De civ. Dei, XXII, 8, 3 : episcopus cum honore a nobis debito nominandus Aurelius ; Retract., II, 15, 1 : venerabilem Aurelium ; ibid., II, 21 : venerabilis senex Aurelius ; De gestis Pelagii, 1 : sancte papa Aureli ; cf. ibid., XXXIV, 59 ; XXXV, 66 ; De gratia Christi, II, 15 : venerabilem senent nostrum Aurelium.

[202] De gestis cum Emerito, 4.

[203] Carmen de ingratis, I, v. 90-92.