I Ce qui nous empêche d'être bien informés sur les débuts du christianisme en Occident, c'est qu'il s'y adressa d'abord aux classes inférieures de la société qui n'ont pas d'histoire. Il en fut à Carthage comme à Rome : les esclaves, les travailleurs, les artisans, en un mot les petites gens (tenuiores), à la misère desquels le paganisme n'apportait guère de consolation, y constituèrent le premier noyau d'adhérents à l'Evangile. Dans cette cité cosmopolite où se déversait, depuis C. Gracchus, le trop-plein de la métropole, et sur laquelle s'abattaient, dans l'espoir d'un profit incertain, tous les déshérités des nations voisines, ce que nous sommes convenus de nommer le peuple, devait présenter un singulier mélange[1]. Les Romains, en qualité de vainqueurs et de mitres, remplissaient surtout les postes élevés ; caste fortunée, attachée à ses dieux plutôt par habitude que par piété, et sur l'indifférence de laquelle la religion nouvelle ne pouvait pas mordre dès le principe. Au contraire, les anciens occupants du sol, de race phénicienne, rentrés peu à peu dans leur capitale d'autrefois et asservis désormais aux bas offices, fournirent sans doute d'assez nombreux adeptes à la doctrine de Jésus[2]. Mais peut-être les Juifs et les Grecs[3], dont la colonie était considérable, apportèrent-ils le plus fort contingent. La communauté carthaginoise naissante présentait ainsi un aspect étrange et une vraie confusion des langues, le punique, l'hébreu et le grec y étaient plus en honneur que le latin. Elle réalisait presque la phrase de l'Apocalypse[4] : Post hæc vidi turbans magnam, quam dinumerare nemo poterat, ex omnibus gentibus, et tribubus, et populis, et linguis. Cet état de choses fut de courte durée. En effet, dès l'année 197[5], Tertullien, énumérant avec complaisance les bataillons de l'armée chrétienne, constate la diffusion très générale de la foi. Ils vont hurlant, dit-il en parlant des païens, que la cité est prise d'assaut ; aux champs, dans les forteresses, dans les îles, partout des chrétiens ; tous les sexes, tous les âges, toutes les conditions, même les dignitaires, passent au nouveau culte[6]. — Nous ne sommes que d'hier et nous remplissons tout, les villes, les îles, les forteresses, les municipes, les assemblées, les camps même, les tribus, les décuries, le palais, le sénat, le forum ; nous ne vous laissons que les temples[7]. Insensiblement le christianisme s'est donc élevé du peuple à des degrés plus hauts, la classe aisée est en partie conquise, et voici qu'il atteint aux sommets. Les nobles familles ne craignent pas de se commettre avec les pauvres et les esclaves ; l'élément romain, qui avait offert moins de prise aux premiers prédicateurs, est bientôt devenu prépondérant dans cette église ; le latin en sera désormais la langue indiscutée. Dans le feu de la controverse, Tertullien ne calcule pas avec l'exactitude d'un mathématicien, et M. Aubé a raison de parler de l'arithmétique hyperbolique[8] du prêtre carthaginois, quand il s'écrie quelques années plus tard[9] : Nous sommes une multitude, nous formons presque la majorité dans chaque ville. Pourtant, il faut bien admettre qu'il n'a pas tout inventé, lorsqu'il interpelle en ces termes le proconsul Scapula qui venait d'ordonner la persécution[10] : Que ferez-vous de ces milliers d'êtres, de ces hommes et de ces femmes, de ces personnes de tout sexe, de tout tige, de toute condition qui se livreront à vous ?... Quels maux souffrira Carthage même ? Il vous faudra la décimer, quand chacun aura retrouvé parmi nous ses proches, ses voisins ; quand chacun y aura reconnu peut-être des citoyens et des matrones du même rang que vous, une foule de gens de qualité, parents ou amis de ceux qui vous sont chers. Plus heureux que leurs frères de Rome, les fidèles d'Afrique avaient eu le loisir de croître et de se développer en paix durant près d'un siècle. Aucune mention de chrétiens suppliciés pour leurs croyances, avant l'année 180, ne nous est parvenue. On peut donc admettre que nulle part, en ce pays, ils n'avaient été une occasion de troubles ; en tout cas, il faut renoncer à invoquer, ainsi qu'on l'a fait quelquefois, des préoccupations politiques causées par des révoltes qui absorbaient l'attention du gouvernement[11]. Le second siècle s'écoula pour les provinces, en particulier pour celle dont nous nous occupons, dans le calme et la prospérité. Douze paysans de Scili, petit bourg de la Proconsulaire[12], ouvrent la liste des martyrs carthaginois[13]. C'étaient des Africains romanisés, non des colons latins[14]. Les Actes de leur martyre[15] insistent surtout sur ce qu'ils refusèrent de sacrifier au génie de l'empereur on a vu dans cette circonstance le motif qui les fit juger à Carthage plutôt qu'au lieu où ils habitaient[16]. A l'occasion d'un acte de la vie privée, contrat, vente, achat, etc. l'un d'eux n'aurait pas consenti à jurer par le numen impérial, suivant la coutume. Les autorités locales émues auraient ouvert une enquête sur cette impiété et constaté que le rebelle appartenait à une association louche complotant la ruine de l'Etat. Redoutant la responsabilité et persuadés qu'une affaire de cette nature dépassait leur compétence, elles envoyèrent les soi-disant conspirateurs au proconsul. Je signale cette explication sans me porter garant de sa justesse. P. Vigellius Saturninus, qui gouvernait alors l'Afrique, ne semble pas avoir publié un édit général de persécution[17] ; il exécuta dans le cas qui lui était soumis les ordres de Marc Aurèle[18]. Cette conduite était conforme aux instructions que jadis Trajan envoyait à Pline, en Bithynie : ne pas poursuivre les chrétiens, mais punir ceux qui tomberaient entre ses mains[19]. Interrogés par Saturninus, les Scilitains répondirent tous avec une égale fermeté. En vain leur offrit-il un délai de trente jours pour changer de sentiments, ils le refusèrent et se livrèrent tout joyeux au bourreau qui leur trancha la tête. Speratus, leur porte-parole, s'écria en mourant : Nous rendons grâces à Dieu, qui daigne aujourd'hui nous recevoir dans le ciel parc e que nous l'aurons confessé (17 juillet 180). Leurs reliques, déposées dans la basilique qui prit leur nom, demeurèrent en vénération jusqu'à la chute définitive de la ville. On dit que sous Charles le Chauve elles émigrèrent à Lyon, puis au monastère des Bénédictins de Compiègne[20]. Le premier évêque connu[21], Agrippinus, suit de près les premiers martyrs. C'est à son épiscopat, inauguré, semble-t-il, en 197[22], que remonte l'origine de la célèbre querelle sur le baptême des hérétiques, qui divisa les églises de Carthage et de Rouie et à laquelle saint Cyprien, nous le verrons, prit une si large part. Désireux de faire sanctionner ses doctrines par une autorité considérable, Agrippinus convoqua, entre 218 et 222[23], un synode auquel se rendirent soixante-dix évêques[24]. Sous l'influence peut-être du livre de Tertullien De baptismo[25], on y déclara le baptême des hérétiques non valide. Le chiffre officiel des assistants prouve combien rapide avait été la propagation de l'Evangile. Si l'en tient compte des absents et des réfractaires, voici, au quart du IIIe siècle, presque une centaine de sièges épiscopaux déjà institués en Proconsulaire et en Numidie. II Le paganisme, longtemps sans défiance contre le nouveau culte, soit qu'il en ignorât l'extension, soit qu'il en méconnût la puissance, s'alarma enfin de ses progrès incessants et réclama l'extermination de la secte ennemie. Ce furent moins les proconsuls qui désiraient sévir, que la foule qui souhaitait de satisfaire ses appétits violents. Certains gouverneurs, tels que Cincius Severus[26], L. Vespronius Candidus[27], C. Julius Asper[28] et Valerius Pudens[29], furent pitoyables aux chrétiens[30]. La populace au contraire, excitée peut-être par les prêtres de Cælestis[31], sans attendre toujours l'arrêt des magistrats, incendiait les églises et assaillait pour les lapider ceux qui les fréquentaient. Pareils à des bacchantes en démence, écrit Tertullien[32], ils n'épargnent même pas nos morts. Oui, du repos de la tombe, de ce qui était jadis l'asile suprême, ils s'en vont enlever, déchirer, arracher ces restes informes. — Plus de cimetières ! Areæ non sint ! tel était le cri de guerre des fanatiques de Carthage[33]. Cet acharnement à détruire les sépultures chrétiennes, qui reparut plus tard chez les Vandales ariens, nous pouvons aujourd'hui encore en constater les effets. Les dalles funéraires de Damons el Karita, brisées en menus morceaux, attestent la rage des hommes. Les siècles n'eussent pas suffi à produire une ruine si entière. Joignant la dérision à la fureur, les partisans de la religion traditionnelle affublaient les fidèles de surnoms injurieux. Il était de bon goût de les appeler sarmenticii (les fagotés), semaxii (les empalés), parce que, pour les brûler, on les attachait à des pieux. et on les entourait de fagots[34]. Un montreur de bêtes, juif d'origine, passé depuis au paganisme, s'avisa un jour, afin d'allécher le public, de peindre à la porte de sa ménagerie un grand cadre avec cette inscription : Deus christianorum όνοκοίτης[35]. Le tableau représentait un personnage vêtu de la toge, un livre à la main, avec des oreilles d'âne et un pied cornu. Il obtint un grand succès, dans tout Carthage on ne parla plus que de l'όνοκοίτης[36]. Cette caricature[37] répondait bien aux idées de la multitude, qui accusait les chrétiens d'adorer une tête d'âne[38], en même temps que le bois de la Croix et le Soleil. C'étaient là, du reste, les moindres de leurs crimes. On ne se faisait pas faute de répéter que, dans leurs mystères, ils égorgeaient un enfant, se repaissaient de ses membres, et qu'après ce repas abominable ils se livraient aux plus honteuses débauches[39]. En réalité, les païens ignoraient tout des disciples du Christ[40]. Aussi bien, il s'agissait moins de démontrer leurs méfaits que de les punir en tant que sectateurs d'une religion considérée comme subversive de l'Etat[41]. Tertullien met ces sentiments en pleine lumière quand il dit[42] : La haine que la plupart d'entre eux porte à ce nom les aveugle à tel point qu'ils ne sauraient s'empêcher, même lorsqu'ils louent les qualités particulières d'un chrétien, de s'en prendre à son nom : Ce Caïus Seïus est un brave homme ; seulement il est chrétien. Je m'étonne, dit un autre, qu'un homme éclairé comme Lucius se soit tout d'un coup fait chrétien. Cette aversion, Tertullien l'entendait exprimer autour de lui chaque jour ; s'il a parfois exagéré par esprit de parti, le fond des choses, à Carthage, était bien tel qu'il nous le décrit. Là, comme dans presque tout l'Empire, le fanatisme populaire dépassait de beaucoup les lois trop lentes ou trop douces à son gré. Et souvent, par crainte des énergumènes, les magistrats, fâcheux imitateurs de Ponce Pilate, condamnaient, presque malgré eux, les accusés[43]. C'est ainsi que le proconsul de l'année 197[44] ordonna de sévir contre les fidèles et en fit mettre un grand nombre en prison. Les souffrances de ces confesseurs, qui ne sont pas connus personnellement, auraient peut-être passé inaperçues de nous si un homme ne s'était levé pour prendre leur défense et les encourager dans la lutte. Quintus Septimius Florens Tertullianus, jeune avocat, né à Carthage, dans le paganisme, avait embrassé de bonne heure la foi du Christ[45]. Portant dans le service de Dieu toute la fougue de son caractère, il ne se résigna pas à voir ses frères persécutés sans se défendre. Sa valeur intellectuelle, quelques écrits déjà composés depuis sa conversion[46], enfin le sacerdoce, dont il ne tarda pas à être revêtu[47], lui donnaient qualité pour intervenir auprès des puissants. Au retour d'un voyage eu Grèce, qu'il accomplit vers l'aimée 196[48], il trouva Carthage en émoi, les chrétiens poursuivis et les prisons pleines de réfractaires aux ordres du proconsul. Son premier soin fut de leur adresser quelques paroles de réconfort pour les préparer aux supplices qui les attendaient (Ad martyras)[49]. En même temps, il se tourna vers les païens et entreprit de réfuter, en revendiquant hautement les droits de la conscience[50], les accusations lancées contre les disciples de Jésus. L'Apologétique et les deux livres Ad nationes, qui n'en sont que la première esquisse, contiennent leur justification[51]. Quels forfaits ont-ils commis ? Ils se réunissent pour prier, ils s'instruisent de la religion, ils secourent leurs frères peu fortunés, ils ensevelissent leurs morts. Ne sont-ce point là les pratiques de tous les collèges funéraires que la loi autorise[52] ? Ils ne refusent pas le service militaire, on les rencontre en grand nombre dans les camps, à l'armée[53]. On les accuse de lèse-majesté envers la personne de l'empereur[54] ; vit-on, au contraire, sujets plus soumis et respectueux ? Ils prient pour sa conservation[55], ils ne lui refusent aucun des titres qui lui sont légitimement dus[56] ; ce faisant, ils se conforment aux préceptes des saints Livres[57]. Ils ne consentent point, certes, à vénérer les dieux, ni à sacrifier au génie du prince, car ils ne reconnaissent et n'adorent qu'un seul Dieu[58]. Mais sont-ils par cela seul un danger pour le gouvernement ? Est-ce de leurs rangs que sont sortis les conspirateurs, les Cassius, les Niger, les Albinus[59] ? Envers tous les hommes leur foi les oblige à la charité[60] ; ils ne veulent donc que du bien à leur prochain, et, loin d'être hostiles à l'humanité, ils ne répudient que les erreurs humaines[61]. Le salut de l'Etat leur est cher, ils le demandent à Dieu sans cesse[62]. S'ils voulaient sa perte, ils n'auraient qu'à se retirer en masse tant ils sont nombreux ; les païens seraient effrayés de leur solitude dans les villes abandonnées[63]. Personne mieux qu'eux ne paie les impôts[64] ; il n'y a pas de plus fermes gardiens de la sécurité publique. Jamais, les juges sont là pour en témoigner, on ne surprend parmi eux ni voleurs, ni assassins, ni gens de mauvaise vie[65]. Si on les découvre clans les prisons, dans les mines, dans les ergastula de l'amphithéâtre, dans les troupeaux de gladiateurs, c'est parce qu'ils y ont été condamnés comme chrétiens[66]. Ne point se mêler aux fêtes et aux pratiques superstitieuses des païens[67], ne point fréquenter les spectacles et autres assemblées profanes[68], voilà tout ce qu'on est en droit de leur reprocher sans erreur. En est-ce assez pour les accabler de noms injurieux, pour les traiter d'ennemis de l'empereur[69], d'ennemis de l'Etat[70], d'ennemis du peuple[71], d'ennemis des hommes[72], pour les enfermer dans une caste à part, en leur appliquant l'infamante dénomination de troisième race[73], pour leur enlever le droit à l'existence[74], et, lorsqu'ils comparaissent devant les tribunaux, pour instituer à leur endroit une procédure toute spéciale qui ne leur laisse aucun moyen de défense[75] ? Le procès fait aux chrétiens est donc un procès de tendance ; leurs croyances seules leur valent d'être poursuivis et suppliciés[76]. Cet âpre plaidoyer produisit-il quelque résultat ? L'intransigeance de l'auteur sur la question du culte impérial (et la large place qu'elle occupe dans l'Apologétique montre bien qu'elle constituait l'essence du débat) empêchait tout accord, même tout compromis. Les prisons de Carthage ne rendirent donc pas ceux qu'elles détenaient. Je ne saurais dire si le sang coula dès ce moment, comme on l'a supposé[77] ; mais, à la suite des mesures de répression adoptées bientôt après par Septime Sévère, les victimes se multiplièrent. Ce prince, tout occupé à consolider son pouvoir encore mal assis, n'avait point d'abord montré d'hostilité envers les chrétiens[78]. Il les protégea même contre la fureur du peuple de Rome[79]. Une fois maître incontesté de l'empire, ému peut-être de l'accroissement de leur nombre et de quelques conversions retentissantes, son attitude changea ; il fit défense aux païens d'embrasser soit le judaïsme, soit le christianisme[80]. La persécution, conséquence des ordres impériaux, reprit dans les provinces[81]. C'est alors que périrent les martyrs Thuburbitains[82]. On les nomme ainsi parce qu'ils étaient originaires de Thuburbo minus[83], à neuf lieues environ de Carthage[84] ; mais, comme les Scilitains, ils souffrirent dans la capitale même[85]. Leur groupe se composait de deux esclaves, Revocatus et Félicité, de trois hommes dont on n'indique pas la condition, Saturninus, Secundulus et Saturus, et d'une noble jeune femme de vingt-deux ans,Vibia Perpetua, mère depuis peu. Tous étaient catéchumènes, ils furent baptisés en prison[86]. Nouvellement venus à la foi, ils avaient donc enfreint lès prescriptions de Septime Sévère. Leurs Actes, qui sont moins un morceau historique qu'une œuvre d'édification, parlent peu des motifs pour lesquels on les poursuivait. Dans l'interrogatoire qu'il leur fait subir, le procurateur Hilarianus demande à Perpétue de sacrifier pour le salut de l'empereur, elle refuse et se déclare chrétienne. Ce mépris de la religion impériale ne devait qu'aggraver leur cas ; toutefois, c'est pour l'autre cause qu'ils étaient incarcérés[87]. Ni les supplications de son père demeuré païen[88], ni la crainte des tourments ne réussirent à ébranler Perpétue ; ses compagnons firent preuve de la même force d'âme et donnèrent généreusement leur vie dans l'amphithéâtre, en l'anniversaire de l'avènement de Geta (7 mars 202)[89]. Ce jour-là, les gradins du vaste édifice avaient peine à contenir la multitude accourue pour voir déchirer des chrétiens par les bêtes. Et les détails que nous lisons dans la Passion donnent à penser que le goût de la foule pour les spectacles émouvants fut pleinement satisfait. Carthage conserva pieusement la mémoire des Thuburbitains, dont les corps reposaient dans la basilica major. Les grands écrivains d'Afrique, Tertullien[90], saint Augustin[91], célébrèrent souvent leurs vertus ; on prit l'habitude de lire publiquement leur Passion à l'église[92] ; et leur culte, dès le IVe siècle, avait déjà rayonné dans tout l'Empire romain[93]. Dans la tourmente, très peu de temps auparavant[94], avaient déjà succombé Jocundus, Saturninus, Artaxius et Quintus, les trois premiers brûlés vifs, le quatrième mort en prison. La vierge Guddène, exaltée elle aussi par saint Augustin[95], partagea le même sort un peu plus tard, sous le proconsul Rufinus. Elle était, si l'on s'en rapporte à son nom, de race punique, et, si l'on considère les barbares traitements qu'elle endura, de condition servile[96]. Chevalets, ongles de fer, long emprisonnement, rien ne lui fut épargné ; l'épée termina ses maux (27 juin 203). Ces supplices, et tous ceux que nous laissent encore deviner nos documents hagiographiques, ne parvenaient point à apaiser les païens. Pareille à ces animaux farouches qu'excitent la vue et l'odeur du sang, la populace de Carthage s'enivrait de ces tortures et redoublait d'emportement. C'est à l'année même du martyre de Perpétue, sous la magistrature d'Hilarianus (202)[97], que Tertullien décrit l'envahissement des cimetières et le sac des églises. Pourtant la foule finit par se lasser, et le bras du bourreau se fatigua. Sans doute aussi la répugnance secrète de quelque proconsul[98], successeur de Rufinus, à condamner des gens qu'il considérait comme des exaltés, non comme des coupables, fut-elle la cause principale de la détente. De quelque façon qu'elle se produisit, une paix réelle succéda à la persécution. Tertullien le dit expressément[99], mais il n'assigne aucune date à cette accalmie, et les tentatives qu'on a faites pour suppléer à son silence tue paraissent assez vaines[100]. Au reste, ce nouvel état de choses qui dépendait des dispositions du gouverneur était fort précaire ; au premier changement de personne, le moindre incident suffirait pour tout remettre en question. La manifestation intempestive du soldat si chaleureusement défendu par Tertullien eût peut-être cet effet. Elle remontait à quelques semaines à peine ou même à quelques jours, quand fut écrit le De corona militis (211). Or, peu de temps après, au plus tard au milieu de 212[101], les condamnations avaient recommencé. Il y a donc apparence que ces faits ne sont pas sans rapport, et que la bravade du légionnaire fournit aux autorités le prétexte attend[102]. Tertullien avait alors rompu avec l'Eglise ; mais, lorsqu'il s'agissait de faire tête à l'ennemi commun, le montaniste qui était en lui oubliait un moment ses querelles contre les psychiques et défendait, on sait avec quelle décision, la famille chrétienne tout entière. Il se dressa donc en face du proconsul Scapula, comme jadis en présence des magistrats de l'an 197, et, dans une pressante épître (Ad Scapulam), il l'invita à mettre un terme à ses vexations. L'apologie tient une petite place dans ce libelle[103], les reproches et les menaces dominent[104]. Le prêtre carthaginois flétrit surtout l'acharnement de Scapula, qui ne se contente pas, comme en Numidie et en Maurétanie, de faire mourir ses victimes par le glaive, mais les livre aux flammes, supplice qu'on épargne même aux sacrilèges et aux conspirateurs[105]. Cette persécution déchaîna à travers la province toutes les haines privées, heureuses de se satisfaire par la délation ; cependant il est à présumer que l'épreuve fut réservée surtout à Carthage, dont le nom ne reparaît pas moins de trois fois dans ces courtes pages, en des termes particulièrement énergiques[106]. Quand on songe à l'ardeur avec laquelle les fidèles furent
alors poursuivis[107], on ne peut,
s'empêcher d'admirer comment leurs chefs. Tertullien par exemple, sortirent
saints et saufs de la lutte. Il est aisé de comprendre que bon nombre de personnes
obscures, ou habiles à fuir les recherches et à corrompre la police, aient
échappé aux mains des bourreaux. Mais Tertullien, qui ne cessait par tous
moyens, en tout temps, opportune, importune,
selon le mot de saint Paul[108], de combattre
en faveur de ses frères ; Tertullien, qui applaudissait à toutes les
provocations contre l'autorité ; Tertullien, qui s'affichait en plein jour à
Carthage, revêtu du pallium au lieu de la toge, et se désignait ainsi à
ceux-là mêmes qui auraient pu ne pas le connaître, par quel prodige a-t-il pu
éviter l'incarcération, le jugement, la mort ? L'édit de Septime Sévère qui
visait les nouveaux convertis ne rat teignait pas assurément, il n'en restait
pas moins sous le coup du rescrit de Trajan qui n'avait jamais été abrogé. Le pouvoir, dit M. Aubé[109], se fit-il scrupule de répondre à des arguments par la
force, de briser brutalement une plume qui honorait la cité ? Cette
raison me touche peu ; je souscrirais plus volontiers à celle que propose le même
auteur quand il ajoute : ou, comme il arrive, la
police locale ramassait-elle plus volontiers ses victimes en bas qu'en haut,
parmi la foule anonyme qui suit que parmi les chefs qui la mènent et
l'inspirent ? III Il est indéniable que l'esprit de conciliation faisait
complètement défaut dans une fraction de la communauté chrétienne. Le
montanisme, issu de Phrygie, s'était insinué en Afrique, et les âmes ardentes
avaient aussitôt embrassé cette doctrine excessive qui répondait à leurs
inclinations. Imbus de ces idées, loin de chercher à désarmer les
persécuteurs ou à se mettre à l'abri de toute atteinte, en dissimulant leurs
assemblées[110],
certains se faisaient gloire de s'exposer, sans réfléchir qu'ils exposaient
leurs frères. Des prophétesses, des extatiques favorisées, pensait-on, de
l'Esprit de Dieu, rapportaient dans les réunions des fidèles leurs
conversations avec les anges et avec le Seigneur et entretenaient ainsi vivace
la flamme de l'enthousiasme[111]. Le fougueux
Tertullien ne pouvait pas demeurer indifférent à ces téméraires croyances. Il
les reçut avec joie, par l'entremise sans doute du célèbre Proculus[112], et devint
bientôt le porte-parole du montanisme, que son génie ne contribua pas peu à
répandre. Dès lors, avec sa vigueur ordinaire, il gourmande les diacres, les
prêtres, les évêques, qui se dérobent par la fuite, lions
dans la paix, cerfs dans le combat[113]. Si les chefs
se sauvent, comment le simple laïque pourra-t-il comprendre le sens de la
parole : Fugite de civitate in civitatem[114] ? Quelques-uns
après avoir suivi ce déplorable exemple, après avoir tenté en vain, à prix
d'argent, de détourner d'eux les poursuites, ont réparé par une Mort
glorieuse au milieu des tourments cette faiblesse momentanée[115]. Combien
d'autres ont échappé honteusement à la lutte et à la victoire ! Ces théories dont Tertullien se fait le champion, plusieurs n'hésitaient pas à les mettre en pratique. Ne voyons-nous pas l'un des compagnons de Perpétue se livrer de gaieté de cœur aux autorités, heureux de partager le sort des autres confesseurs[116] ? L'auteur de la Passion, qui est un montanisant, peut-être Tertullien en personne[117] n'a pas un mot de regret pour cette oblation volontaire. Encore s'expliquait-elle dans une certaine mesure par le désir de Saturus de n'être pas séparé de ses amis ; mais ce motif n'est pas de mise pour le soldat de la légion cantonnée à Lambèse, ou même du détachement en garnison à Carthage[118], qui, lors d'une fête militaire, s'abstint de paraitre comme ses camarades la tête ceinte de lauriers ; il portait à la main son inutile couronne. Cette révolte, qui lui valut la prison, peut-être la mort, fut réprouvée de la majorité des fidèles. Tertullien en prit texte pour fulminer contre ceux qu'il appelle des lâches et célébra dans le De corona militis l'intrépidité du légionnaire[119]. Des défis de ce genre n'aboutissaient qu'à exciter la colère des magistrats et à raviver les passions populaires. L'Eglise les a toujours jugés pernicieux[120]. Les anathèmes de Tertullien s'expliquent cependant en quelque manière. Outre les apostasies qualifiées survenues pendant la persécution[121], il avait pu être témoin des regrettables pratiques de soi-disant chrétiens qui ne craignaient pas, soit par faiblesse, soit par habitude, de s'associer aux réjouissances profanes. Ils prenaient part aux jeux, aux banquets, aux cérémonies de tout genre en l'honneur des idoles. Ô combien préférable, s'écriait-il, est la foi des gentils au sein même de l'erreur[122] ! Eux du moins répudient toutes nos fêtes. Jamais ils ne consentiraient à célébrer avec nous le jour du Seigneur ou la Pentecôte, s'ils les connaissaient. Ils craindraient de paraître chrétiens. Et nous, qu'on nous appelle païens, nous ne le redoutons nullement. Longtemps après l'époque qui nous occupe, Salvien accuse certains fidèles d'adresser encore leurs hommages à Cælestis, la reine de Carthage[123] ; saint Augustin nous en montre d'autres, égarés par une vaine apparence et dupes des assertions des ministres païens, portant leurs hommages aux Dioscures[124], ou encore acceptant en cas de maladie les incantations et les sacrifices des magiciens qui leur promettent la guérison[125]. Si de telles erreurs se produisaient à la fin du ive siècle et dans le premier tiers du Ve, il est de toute évidence qu'elles avaient lieu bien plus fréquemment à l'époque de Septime Sévère, lorsque les Africains étaient moins instruits de la religion. En les flétrissant, Tertullien n'agissait pas autrement que ses plus illustres successeurs, Cyprien, Salvien, Augustin. Mais il ne s'en tint pas là Poussant jusqu'au bout les principes de Montanus et de son école, il condamne bientôt les secondes noces, prétend imposer des jeûnes rigoureux et exclure à jamais les grands pécheurs de la communion des fidèles[126]. Il répudie les idées qu'il professait jadis dans l'Apologétique[127], et nous l'entendons soutenir que le vrai disciple ne doit conserver aucune attache avec le monde[128]. Ce cataphrygien, ennemi de toute tolérance, ne saurait admettre ce qu'il appelle désormais les compromis des psychiques. Dès 197, il félicitait les martyrs emprisonnés d'être délivrés du siècle[129] ; lui aussi chercha de plus en plus à se séparer du contact funeste des hommes[130], en attendant la fin des temps et la venue prochaine du Christ[131]. Ces doctrines montanistes[132], teintées de millénarisme[133], n'avaient pas toujours été professées par Tertullien ; il n'y versa tout à fait que vers le milieu de sa vie[134]. Quand le pape Zephyrinus, après quelques hésitations, le condamna définitivement[135], à la suite des révélations de Praxeas[136], le prêtre de Carthage ne s'inclina pas, et sa séparation d'avec la grande Eglise fut consommée. Pour expliquer cette attitude, on a parfois invoqué le dépit qu'il aurait ressenti de ne pas être élu évêque à la mort d'Agrippinus[137] ; saint Jérôme, de son côté, parle de quelques froissements dans ses rapports avec le clergé de Rome. Nous ne sommes pas en mesure de contrôler ces assertions ; aussi bien ce que nous connaissons de ce caractère indomptable explique assez qu'il n'ait pas cédé aux injonctions du pape. D'ailleurs son indépendance ne sut pas se plier pour toujours à la discipline des montanistes ; il les quitta comme il avait quitté les catholiques, et il fut tertullianiste, c'est-à-dire l'homme de ses propres idées, de son propre système[138]. Un petit noyau de Carthaginois s'attacha à sa fortune et se para de son nom. Cette secte ne disparut point avec lui, on en cite des représentants à la fin du IVe siècle, et sa réunion à l'Eglise ne s'opéra qu'un peu plus tard, grâce aux efforts de saint Augustin[139]. Le montanisme n'était pas la seule hérésie qui se fût infiltrée à Carthage. Désireux d'obtenir pour leurs prédications un nombreux auditoire et de s'exhiber sur un glorieux théâtre, la plupart des novateurs d'Orient visitaient volontiers cette ville après Rome. Ils espéraient dans sa population mêlée, remuante, recruter sans peine des prosélytes. Tour à tour on y vit défiler des apôtres des systèmes les plus divers. C'étaient des représentants de la gnose, comme cette Quintilla, de la secte des caïanites, qui enseignait que l'eau n'est pas nécessaire dans le baptême[140], ou comme cette femme nicolaïte dont la propagande insidieuse ne laissait pas d'être efficace[141] ; peut-être des adeptes de Marcion[142] ; le peintre docteur Hermogène[143] ; ce Nigidius que Tertullien mentionne avec lui et qu'il qualifie dédaigneusement de nescio quis[144] ; ou encore le monarchien modaliste Praxeas[145]. Ils trouvèrent tous en Tertullien un redoutable adversaire. Les écrits contre l'hérésie se succèdent sous la plume de ce lutteur qui ne lâche un instant les catholiques que pour frapper sur leurs ennemis. Aucun d'eux toutefois ne fut traité plus durement que Praxeas : cet agité, colporteur de doctrines perverses, s'enorgueillit de son prétendit martyre et il n'a subi qu'une courte détention ; c'est un hypocrite, un menteur, qui opère pour le compte du démon[146]. Praxeas payait ainsi la dénonciation qu'il avait faite au pape des extravagances dangereuses des prophétesses et des illuminés montanistes. Le séjour de ces chefs de sectes et leurs prédications entretenaient à Carthage une agitation perpétuelle. Ceux de ses habitants qui avaient passé au christianisme n'en conservaient pas moins leur nature mobile, impressionnable, et je me persuade qu'on avait chance d'en entrainer plus d'un avec quelques paroles pleines de feu. Aussi la paix qui aurait dû exister dans le sein de la communauté fut-elle souvent troublée, toujours précaire, au début du Me siècle. Exposée à tout instant aux attaques du dehors, cette église ne pouvait même pas espérer an dedans le calme qui lui eût été si nécessaire[147]. Cet incessant va-et-vient de novateurs entre l'Italie et l'Afrique est un indice des rapports religieux qui unissaient les deux pays ; les controverses de Rome ne pouvaient manquer de retentir vivement à Carthage[148]. Nous constaterons, à la période suivante, le développement de ces relations déjà fréquentes dès le temps de Tertullien. Jeune encore, il avait séjourné en Italie. Il y connut sans doute les principaux dignitaires de la chrétienté romaine ; ce qui ne l'empêcha pas, lorsqu'il eut versé dans le montanisme, de les attaquer avec véhémence. Ses invectives contre Praxeas retombaient indirectement sur le pape Zephyrinus, qui s'était fié à lui. Plus tard, il prit à partie son successeur Callistus[149], qui avait adouci les règles en vigueur contre les pécheurs charnels. Il n'en fallait pas tant pour qu'un rigoriste comme Tertullien criât au scandale ; son livre De pudicitia[150] est une réponse au décret de Callistus. J'apprends, dit-il, qu'un édit vient d'être publié, un édit mortel. Oui, voici ce que déclare le pontife souverain, l'évêque des évêques : J'accorde le pardon de leurs fautes aux adultères, aux fornicateurs, s'ils font pénitence. Ô le triste édit auquel on ne saurait souhaiter la bienvenue !... Et cela, on le lit dans l'Eglise, on le proclame dans l'Eglise qui est vierge[151]. Au moment où il s'élevait ainsi contre les décisions de l'autorité suprême, Tertullien ne cessait d'affirmer qu'une même foi l'unissait toujours aux catholiques et qu'il n'y avait divergence entre eux qu'à propos de la discipline extérieure[152]. Etrange illusion d'un grand esprit aveuglé par l'excès de son zèle ! A partir de 220 environ, Tertullien, quoiqu'il ait probable-m eut vécu encore plusieurs années[153], ne figure plus dans l'histoire ; son éclat s'est éteint, et l'église de Carthage, qui en était depuis longtemps comme illuminée, et qui, par lui, rayonnait sur le monde[154], tombe dans l'obscurité. Près de trente ans de son existence se résument, pour ainsi dire, en la personne de Tertullien. Aussi était-il indispensable de nous arrêter quelque peu devant cet homme extraordinaire et d'étudier son rôle dans la société chrétienne. Pour faire sortir Carthage de l'espèce de léthargie on sa disparition l'a laissée, il semble qu'un nouvel évocateur soit nécessaire. Il se présentera bientôt, il est né même au temps on le défenseur des montanistes est dans toute sa gloire ; c'est le futur évêque et martyr Cyprien. Jusqu'à lui, un seul nom a survécu, celui de l'évêque Donatus (entre 236 et 248)[155], qui écrivit des lettres très sévères contre Privatus, évêque de Lambèse. Un synode de quatre-vingt-dix membres avait d'ailleurs réprouvé la doctrine hérétique de ce Privatus, dont le caractère ne nous est pas connu[156]. |
[1] Muenter, p. 15-18.
[2] Il y a des noms indigènes
parmi les chrétiens enterrés à Damons el Karita : Fasir,
Guele, Jugurta, Tziddin, Vezemes, Zabo ; cf. D., Basil., p.
12-16.
[3] Voir ci-dessous, L. VII, chap.
3.
[4] VII, 9.
[5] Nœldechen, Tert., p. 25, 116 sqq. ; Neumann, I, p. 1-12 ; Harnack,
Gesch., I. p. 669 ; Monceaux, Tert., p. 90.
[6] Apologétique, 1 ; cf. Ad nationes,
I, 1 ; Adv. Judæos, 7, 12.
[7] Apologétique, 37. Nœldechen
(Tert., p. 12) attribue très arbitrairement de trois à quatre mille
chrétiens à Carthage vers le temps de Commode ; ce chiffre doit être trop
faible ; cf. Neumann, I, p. 120 sq.
[8] III, p. 153 : cf. Allard, Rev. des quest. hist., LX, 1896. p.
311.
[9] Ad Scapulam, 2. Ce traité est de 211 ou 212 ;
Harnack, Gesch., I, p. 610 ; Monceaux, Tert., p. 92 ; Goyau, p.
258, n. 11.
[10] Ad Scapulam, 5.
[11] F.-H. Kruger, Revue
chrétienne, 1894, p. 208.
[12] Il ne faut pas confondre cette
localité, qu'on n'a pas encore identifiée, avec Cittium
(Kassrin) de Byzacène ; C. I. L., VIII, p. 33 ; Tissot, Géographie,
II, p. 636-642, 775.
[13] Aubé (III, p. 200) tient pour
vraisemblable que l'archimartyr d'Afrique,
Namphamo, puis Miggin, Lucitas, Sanaé, connus sous le nom de martyrs de Madaure, furent jugés et exécutés à
Carthage. L'hypothèse est ingénieuse, et l'exemple des Scilitains, de
sainte-Perpétue et de ses compagnons, transférés dans la capitale pour y être
jugés et suppliciés, n'est pas sans lui donner quelque crédit. Je me garderai
pourtant de rien affirmer, il nous manque le commencement même d'une preuve.
[14] Leurs noms sentent la
traduction ou sont à peine affublés d'une terminaison latine (cf. Toutain, Cités,
p. 167-196) : Speratus, Nartzallus, Cittinus, Veturius, Felix, Aquilinus,
Cælestinus, Donata, Secunda, Hestia, Januaria, Generosa. Ce double fait de
l'existence d'une chrétienté à Scili, ville obscure, et de la condition peu
relevée des martyrs fournit un argument nouveau à l'appui de ce qui vient d'être
dit sur la propagation de la foi en Afrique.
[15] Ruinart, p. 84-89 ; Esener, Acta
martyrum Scilitanorum græce edita (Index scholarum Bonnæ, 1881) ;
Aubé, Etude sur un nouveau texte des Actes des martyrs Scilitains,
in-8°, Paris, 1881 ; Robinson, Texts and Studies, I, 2 : cf. Tillemont, Mém.,
III, p. 131-135, 638-640 ; Neumann, I. p. 72-76. 284-286
; Funk, I, p. 68 ; Harnack, Gesch., I, p. 811 sq. : II. p. 316 ;
Krueger, Gesch., p. 239 : Mart. hieron., p. LXX, 92 sq. ; Analecta
Bollandiana, XVI, 1897, p. 64 sq.
[16] F.-H. Kruger, Rev. chrét.,
1894, p. 67.
[17] Tertullien (Ad Scap.,
3) dit simplement de lui : Vigellius Saturninus qui
primus hic gladium in nos egit.
[18] Aubé, III. p. 4 : A ce moment, le 11 juillet 180, Commode règne depuis cinq
mois... La politique du régime antérieur
continue contre les chrétiens ; les fantaisies du nouvel empereur et de
puissantes et secrètes influences domestiques ne l'ont point encore modifiée.
[19] Tertullien, Apologétique,
2 : cf. Pline, Epist. ad Traj., p. 96 sq.
[20] Ruinart, p. 85. Tillemont (Mém.,
III, p. 134 sq.) assigne à cette translation la date de 806 sous Charlemagne :
il conteste le bien-fondé des prétentions des Bénédictins de Compiègne.
[21] Gams (p. 463), qui rejette
Agrippinus à 215-220, lui attribue un prédécesseur en la personne d'Optatus (vers
202). Bien qu'il ne le dise pas, cet Optatus, dont Morcelli (I, p. 51) et
Blatupignon (p. 40) font seulement le successeur d'Agrippinus), doit être celui
qui parait dans les Actes de sainte Perpétue et de ses compagnons (13). Or il
est impossible de discerner d'après le contexte s'il s'agit d'un évêque de
Carthage. Holstenius (dans Ruinart, p. 414) croit qu'il occupait plutôt le
siège de Thuburbo minus. Si l'on admet
que les martyrs sont originaires de cette ville, on ne peut guère refuser de
tenir pour leur évêque celui à qui ils disent : Nonne
tu es pater noster ? Tillemont (Mém., III, p. 151) et Neumann
(I, p. 172) suivent l'opinion de Gams. M. Duchesne (Orig. chrét., p.
409) pense qu'Optatus et Aspasius, le diacre nommé avec lui, peuvent fort bien avoir
appartenu à un autre clergé que celui de Carthage ; c'est aussi mon avis. De
toute manière, il faut conclure avec Morcelli (I, p. 30) que les origines de
l'épiscopat en Afrique et à Carthage sont des plus incertaines.
[22] Goyau, p. 247. Morcelli (1, p.
51) et dom Chamard (Les églises du monde romain, I, p. 51) indiquent
seulement la fin du Ier siècle. C'est à cette époque que remonterait la lettre
apocryphe du pape saint Victor (189-c. 199) adressée Universis episcopis per Africam constitutis sub excommunicationis pœna,
ut unanimes sint, inimicitiasque de sacramentis deponant ; Jaffé, I,
p. 11, n° 78.
[23] Héfélé, I, p. 87 vers 220,
d'après Funk, I, p. 98 ; au plus tôt en 220, selon Duchesne, Orig. chrét.,
p. 432, n. 1 ; d'autres flottent entre 186 et 240 (cf. Gsell, 1893, p. 196, n.
3 et 197, n° 165 ; et Goyau, p. 264, n. 5). J'adopte l'opinion moyenne.
[24] Cyprien, Epist., LXXI,
4 : LXXIII, 3 ; Augustin, De unico baptismo, 22 : cf. Mansi, I, col.
133-736 : Héfélé, I, p. 86 sq. — Dans sa lettre I, 1, saint Cyprien parle d'un
synode d'Afrique déjà ancien (jampridem),
qui avait décidé qu'un clerc ne pouvait être choisi comme tuteur. Mansi (col.
735 sq.) y voit un second synode et l'attribue à l'année 217, le premier étant
d'après lui de 215. Morcelli (I, p. 30) tient aussi pour les deux synodes ;
mais Héfélé (I, p. 87) déclare justement : Rien
n'indique si saint Cyprien entend par là le synode présidé par Agrippinus ou un
second concile d'Afrique.
[25] Cf. Héfélé, loc. cit.
D'après Nœldechen (p. 44-46, 154) ce traité remonterait à 194 ; vers 200,
d'après M. Monceaux (Tert., p. 91). Voir cependant Morcelli (I, p. 31),
à propos dit chapitre 15 de ce traité, et les notes dans Migne (P. L.,
I) au même endroit.
[26] Sous Commode ; Pallu, Fastes,
I, p. 223 sq.
[27] Sous Commode ; Pallu, Fastes,
I, p. 230-233.
[28] Sous Septime Sévère ;
Pallu, Fastes, I, p. 241-244.
[29] Entre 209 et 211 ; Pallu, Fastes,
I, p. 249-252.
[30] Tertullien, Ad Scapulam,
4.
[31] Aubé (III, 161) soupçonne, non
sans vraisemblance, quelque mouvement populaire dirigé contre les chrétiens,
dans les émeutes que l'oracle de Cælestis déchaîna, sous le proconsulat de
Pertinax.
[32] Tertullien, Apologétique,
37.
[33] Ad Scapulam, 3.
[34] Tertullien, Apologétique,
50.
[35] Ce mot peut s'entendre : qui couche avec les ânes, ou, comme le croit
Havercamp (P. L., I, col. 372 sq.) : produit
d'un âne et d'une femme. Je ne vois guère à quoi répondrait ce dernier
sens, qui d'ailleurs est beaucoup moins facile à établir ; le premier seul, qui
contient une allusion transparente à la crèche de Bethléem, me semble
acceptable ; Aubé (III, p. 163) l'a déjà adopté.
[36] Apologétique, 16 ; Ad
nat., I, 14-15.
[37] On peut la rapprocher du
célèbre graphite du Palatin, où se voit un âne crucifié, avec la légende : Άλεξάμενος
σέβετε θεόν. F. X.
Kraus, Das Spott-crucifix von Palatin, 1872, Correra (Bull. comunale,
XXI, 1893, p. 255 ; XXII, 1894, p. 89) et Aubé (II, p. 96 sq.) donnent la
bibliographie.
[38] Tertullien, Apologétique,
16 ; Ad nat., I, 11.
[39] Apologétique, 2, 4. 7 ;
Ad nat., I, 2.
[40] Tertullien (Apologétique,
3) prétend qu'ils ne savaient même pas leur véritable nom, et disaient chrestianus (de χρηστός)
au lieu de christianus (cf. Ad nat.,
I, 3). Il n'y a dans cette confusion de termes aucune intention injurieuse. Les
Grecs, même chrétiens, disaient souvent χρηστιανός
ou χρειστιανός,
pour χριστιανός.
Cf. Franz Cumont, Mélanges, XV, 1895, p. 231, n. 5 ; Blass, Hermes,
XXX, 1895, p. 465-470.
[41] Il semble prouvé aujourd'hui
qu'il a dû exister une loi punissant les chrétiens en tant que chrétiens, sans
qu'aucun autre crime (lèse-majesté, sacrilège, magie, etc.) ait attiré sur eux
la sévérité des juges ; cf. Tertullien, Apologétique, 2 : Ad Scap.,
4 ; de Rossi, Bull. crist., 1867, p. 29 ; Duchesne, Orig. chrét.,
p. 102-119 : Guérin, Fondement juridique des persécutions dirigées contre les
chrétiens pendant les deux premiers siècles (Nouv. revue hist. du droit
franç. et étranger, oct.-déc. 1895) ; cf. Bull. crut., 1896, p. 35 :
Allard, Rev. des quest. hist., LX, 1896, p. 383 ; Beaudouin, Rev.
hist., LXVIII, 1898, p. 154-157, 160-166 ; Lejay, Rev. crit., 1893,
II, p. 297-299 ; 1894, 1, p. 170 sq. ; Dufourcq, Rev. de l'hist. des
religions, XXXIX, 1899, p. 480. Voir pourtant Boissier, Pagan., I,
p. 414-424.
[42] Apologétique, 3.
[43] Apologétique, 9, 35, 37
; cf. Aubé, III, p. 176 sq.
[44] On a longtemps cru qu'il
s'agissait de L. Fabius Valerianus ; M. Pattu de Lessert (Fastes, I, p.
236, n. 2) montre qu'il faut écarter ce nom.
[45] Nœldechen (Tert., p.
41) place sa conversion entre les deux dates extrêmes 175-183, plutôt en 180.
Si l'on admet, avec la plupart des auteurs, que Tertullien soit né en 160, et
non en 150 : comme le croit Nœldechen, il est évident que le moment de la
conversion doit être retardé. Ceulencer (cité par Goyau, p. 236) la fixe à 190.
[46] Le De baptismo, qui
est, semble-t-il, de 194 ; le traité Adversus Judæos,
sans doute de 195 ou 196 ; le De spectaculis, le De oratione,
peut-être le De cultu feminarum, de 196 ; (Nœldechen, p. 44-46 et 154,
46-51 et 155, 39 ; Goyau, p. 243, n. 6 et 244). M. Monceaux (Tert., p.
90) parle seulement d'un Liber ad amicum philosophum aujourd'hui perdu.
[47] Saint Jérôme (De vir. ill.,
53) dit formellement que Tertullien était prêtre, sans indiquer cependant s'il
fut promu à cette dignité à Rome ou à Carthage.
[48] Nœldechen, Tert., p.
69-72.
[49] Cet opuscule est du premier
semestre de 197 (Nœldechen, p. 29 ; Monceaux, Tert., p. 90). MM. Harris
et Gifford (The Acts of the Martyrdom of Perpetua and Felicitas, p.
28-31) découvrent maint trait de ressemblance entre la Passion de sainte
Perpétue et ses compagnons et l'exhortation Ad martyras ; ils pensent
donc que celle-ci fut écrit pour ce groupe de martyrs. Mais, outre qu'il est
naturel de rencontrer des idées analogues dans des cas semblables, les dates
assez certaines des deux œuvres ruinent cette conjecture.
[50] Aubé, III, p. 202.
[51] Ces ouvrages sont du milieu
environ de l'année 197 ; Nœldechen, p. 25 ; Neumann, I, p. 141, n. 7 et 142 ;
Monceaux, Tert., p. 90.
[52] Apologétique, 39.
[53] Apologétique, 37. Dans
le De idololatria (19), Tertullien déclare le service militaire
incompatible avec la profession de la foi chrétienne ; mais si Nœldechen
l'attribue à la même année que l'Apologétique, M. Monceaux (Tert., p.
92) le date seulement de 211 ou 212.
[54] Apologétique, 28, 35 ; cf. Ad nat.,
I, 17.
[55] Apologétique, 30 ; cf.
32. Dans le De idololatria (15), Tertullien nous montre les chrétiens
s'associant à l'allégresse générale provoquée par les victoires de Septime
Sévère. Plus tard, dans le traité Ad Scapalam (2), il reprendra les
mêmes idées avec beaucoup de force.
[56] Apologétique, 34.
[57] Apologétique, 31.
[58] Apologétique, 45.
[59] Apologétique, 35 ; cf. Ad
nat., I, 17 ; Ad mart., ; plus tard, Ad Scap., 2.
[60] Apologétique, 36.
[61] Apologétique, 37.
[62] Apologétique, 32.
[63] Apologétique, 37.
[64] Apologétique, 42 ; cf. De
idol., 15.
[65] Apologétique, 44.
[66] Apologétique, 44.
[67] Apologétique, 42.
[68] Apologétique, 42 ; cf.
38.
[69] Apologétique, 35.
[70] Apologétique, 35 ; cf.
2, 36, 31.
[71] Ad nat., I, 17.
[72] Apologétique, 37.
[73] Ad nat., I, 8 ; cf. ibid., 20 ; Scorpiace,
10.
[74] Apologétique, 4.
[75] Apologétique, 2 ; cf. ibid.,
1.
[76] Apologétique, 1-6. Je
ne me suis guère servi dans ce rapide résumé que de l'Apologétique ; on
trouvera une analyse plus complète des idées de Tertullien sur les rapports des
chrétiens avec le monde dans Neumann, I, p. 119-154. L'Apologétique, en tant
qu'œuvre oratoire et instrument de polémique, doit être employée avec
précaution ; il y a des réserves à faire sur les affirmations de l'auteur (cf.
Duchesne, Orig. chrét., p. 371-313) ; mais je ne m'y arrête pas ici,
n'ayant d'autre dessein que de montrer la disposition des esprits à Carthage, à
la fin du IIe siècle.
[77] Neumann, I. p. 152 sq.
[78] Tillemont, Mém., III, p. 114 sq. ; Neumann, I, p. 96, 101.
[79] Tertullien, Ad Scap.,
4. On place d'ordinaire cette intervention bienfaisante de Septime Sévère à
Rome et au milieu de l'année 197 ; cf. de Rossi, Bull. crist., 1866, p.
19 ; Aubé, III, p. 92-95 ; Goyau, p. 245. Muenter (p. 172) pensait à Carthage.
[80] Spartien, Vita Sev., 17
: Judæos fieri sub gravi pœna vetuit. Idem etiam de
christianis sanxit. Ces deux édits, comme le suppose Neumann (I, p.
161), ne furent sans doute pas rendus simultanément. En ce qui concerne la
mesure prise contre les chrétiens, il ne parait pas possible de la reculer
au-delà de février 202, le martyre de sainte Perpétue et ses compagnons étant
très probablement du 7 mars de cette année. Cf. Neumann, ibid., et p.
162 ; Funk, I, p. 69 ; Goyau, p. 249, n. 10, p. 251 et les références de la
note 3. Sur le caractère spécial de la persécution qui suivit les édits de
Septime Sévère, voir Allard, Rev. des quest. hist., LX, 1896, p.
372-375.
[81] Aubé (III, p. 70-85, 110-116)
se donne beaucoup de mal pour prouver que le décret de Sévère n'impliquait pas
persécution, parce qu'il ne défendait que le prosélytisme. La lettre de la loi, dit-il (p. 77), ne contient pas la condamnation formelle de la profession chrétienne.
Le pouvoir s'y montre respectueux des faits accomplis, accordant l'esse et
interdisant seulement le fieri, proclamant possidetis, défendant
seulement l'extension de la religion par voie de conquête et de conversion...
Mais interdire à une doctrine de se propager sous les peines les plus graves,
qu'est-ce donc sinon la persécuter ? C'est un acte de
tyrannie, avoue le même auteur (p. 212), non
tout à fait une persécution. Ne chicanons pas sur les mots. Et
reconnaissons que, si les obscurités, peut-être voulues, de l'édit laissent aux
gouverneurs cléments assez de latitude pour épargner les chrétiens, ce qui eut
lieu souvent, même en Afrique (ibid., p. 113 ; Tertullien, Ad Scap.,
4), elle armait aussi les autres contre les nouveaux convertis.
[82] Passio sanctarum Perpetuæ
et Felicitalis cum sociis earum (Ruinart, p. 92-102) ; cf. Catalogus
codicum hagiogr. bibl. reg. Brux. des Bollandistes, pars I, t. 1, p.
158-161, et les Analecta Bollandiana, XI, p. 100-102, 369-373. Ce n'est
pas ici le lieu d'étudier en détail les cieux rédactions, latine et grecque, de
ces Actes ; on trouvera tous les renseignements à ce sujet dans les mémoires
suivants : Harris et Gifford, The Acts of the martyrdom of Perpetua and
Felicitas, 1890 ; Duchesne, En quelle langue ont été écrits les Actes
des saintes Perpétue et Félicité ? (C. R. Inscr., 1891, p. 39-54) ;
Robinson ; Massebieau, La langue originale des Actes des saintes Perpétue et
Félicité (Mém. de l'hist. des religions, XXIV, 1891. p. 97-101) ;
Lejay, Rev. crit., 1892, n° 11 ; cf. G. Krueger, Gesch., p. 240
sq. ; Harnack, Gesch., I, p. 818 sq. ; Pio Franchi de Cavalieri, Nuovo
bull. di arch. crist., II, 1896, p. 154 sq. ; III Erganzungsheft de
la Rœmische Quartalschrift, in-8°, Rome, 1896 ; Gsell, 1891, p. 48, n°
109 ; 1892, p. 106, n° 128 ; Pallu, Fastes, I, p. 237 sq. Tillemont (Mém.,
III p. 136-158) rapporte tout au long l'histoire de ces martyrs ; cf. ses
discussions, p. 640-646. Funk (I, p. 69) donne cinq compagnons aux deux femmes
; les textes n'en mentionnent que quatre.
[83] Aujourd'hui Tebourba ; Tissot,
Géographie, II, p. 247, 812, pl. XVII.
[84] Quelques auteurs, entre autres
Robinson (p. 22-26) et Neumann (I, p. 300), se refusent à accepter cette
origine. Cependant, au chapitre 5 de la Passion, Perpétue dit : Supervenit autem de civitate pater meus, ce qui
n'aurait aucun sens si elle était de Carthage. D'ailleurs une rédaction latine
du texte, inférieure il est vrai, et la rédaction grecque, désignent assez
clairement Thuburbo minus ; cf.
Duchesne, C. R. Inscr., 1891, p. 48 sq., 52 sq. ; Gsell, 1891, p. 48, n°
109.
[85] Ruinart, p. 90 sq. ;
Tillemont, Mém., III, p. 644 ; Harris et Gifford, op. cit., p. 4
; Robinson, p. 5 ; Duchesne, loc. cit., p. 52 ; Neumann, I, p. 300 ;
Krueger, op. cit., p. 240. On peut rappeler spécialement à ce sujet
l'interrogatoire conduit par le magistrat faisant alors fonction de proconsul
(chap. 6), et aussi les expressions factus est mihi
carcer subito quasi prætorium (chap. 3), supervenit
autem de civitate pater meus (chap. 5).
[86] C'est à eux, croit-on (cf.
Ruinart, p. 206, n. 3), que fait allusion le diacre Pontius dans sa vie de
saint Cyprien, lorsqu'il parle (chap. 1) des plebeiis
et catecumenis martyrium consecutis auxquels la chrétienté de
Carthage a précédemment rendu des honneurs.
[87] La Passion abrégée, où
l'interrogatoire même est beaucoup plus développé, insiste davantage sur le
refus de sacrifier ; cf. Aubé, III, p. 521-525 ; Robinson, loc. cit. ; Catal.
cod. hagiogr., loc. cit. Ce texte a, d'ailleurs, peu d'autorité ;
cf. Neumann, I, p. 300.
[88] Le mari de Perpétue ne figure
pas dans la meilleure rédaction des Actes. C'est qu'il était mort, dit
Tillemont (Mém., III, p. 139) ; F.-H. Kruger (Revue chrétienne,
1894, p. 215) pense que la jeune femme est devenue matrone et retournée sous
l'autorité du pater familias.
[89] Le jour est certain (cf.
Ruinart, p. 92, 8) ; il n'en va pas de même pour l'année. Il faut écarter les
dates de 204 (Prosper Tiro, Chron. min., I, p. 434) et de 205 (Fasti
Vindobon., ibid., p. 287). Le chronographe de 351 (ibid., p.
71) dit seulement non. martias ; le Liber
genealogus de 452 (ibid., p. 195, n° 623) ne donne aucune indication
chronologique ; Tillemont (Mém., III, p. 131, 641-643) hésite entre 203
et 205 ; Ruinart (p. 91, 4) entre 202 et 203 ; et ce sont les deux seules années
qu'aient retenues les auteurs de notre temps. Neumann (I, p. 171) reste indécis
; Harris et Gifford (op. cit., p. 4, 9, 12) parlent du 2 février 203 ;
Krueger (Gesch., p. 240) incline vers 203, que Tissot adopte (F.,
p. 135). Morcelli (II, p. 58 sqq.), Allard (II, p. 96), Duchesne (Orig.
chrét., p. 408), Aubé (III, p. 215) et Goyau (p. 231) tiennent pour 202,
qui est, je crois, la vraie date. Cf. Pallu, Fast., I, p. 238.
[90] De anima, 55.
[91] De anima et ejus origine,
I, 10, 12 ; III, 9, 12 ; IV, 18, 26-27 ; Enarr. in psalm., XLVII ; le
sermon CCLXXX et les deux suivants furent prononcés In
Natali martyrum Perpetuæ et Felicitatis.
[92] Augustin, Serm., CCLXXX
et CCLXXXII. Les noms de Perpétue et de Félicité sont au canon de la messe avec
des martyrs surtout romains.
[93] Duchesne, C. R. Inscr.,
1891, p. 52 ; cf. Tillemont, Mém., III, p. 136 sq. ; Neumann, I, p. 176
; Ruinart, p. 92, 8 ; il y est question d'une translation possible de leurs
reliques en France.
[94] Ils sont, en effet, mentionnés
en ces termes dans les Actes des Thuburbitains (11) : Ibi invenimus Jocundum et Saturninum et Artaxium, qui eandem
persecutionem passi arserunt ; et Quintum, qui et ipse martyr in carcere
exierat ; cf. Neumann, I, p. 171, n. 2, et p. 299. On n'a pas assez
prêté attention, ce me semble, à la suite du texte : Et quærebamus ab illis ubi essent celeri ; ces mots et ceux-ci
(13) : Et cœpimus illic multos fralres cognoscere,
sed et martyres donnent à entendre que les victimes avaient été
nombreuses. Tertullien (De fuga, 5, sub fine ; Apologétique, 50)
parie aussi d'une chrétienne livrée au leno
et d'un Rutilius sanctissimus martyr qui
fut brûlé vif. Il n'est pas impossible, mais rien ne nous autorise à
l'affirmer, que ce soit un martyr carthaginois. On doit peut-être raisonner de
même pour deux personnages, Castus et Aemilius, signalés par saint Cyprien (De
lapsis, 13). Tillemont (Mém., III, p. 125) les met sous Septime
Sévère ; ils sont inscrits au 22 mai dans le calendrier de Carthage et dans le
martyrologe hiéronymien (Mart. hieron., p. LXX et 64). Saint Augustin
prononça son sermon CCLXXXV : In die natali
martyrum Casti et Aemili. Cf. Neumann, I, p. 114, n. 3.
[95] Sermo CCXCIV : Habitus in basilica Majorum,
in Natali martyris Guddentis, V kalendas julii (27 juin) (1) : Diem quidem solemnem martyris celebramus... Le martyrologe romain, au
contraire, et celui d'Adon portent le 18 juillet. Il est délicat de se
prononcer devant ce partage des autorités ; Tillemont (Mém., III, p. 124
sq.) et M. Allard (II, p. 128) acceptent le 18 juillet ; pour Neumann (I, p.
117) et M. Goyau (p. 252), saint Augustin est un témoin plus certain, et la
date du 27 juin est la bonne. M. Pallu de Lessert (Fast., I, p. 240)
tranche la difficulté en distinguant le martyr nommé par saint Augustin de la
vierge mentionnée par Adon. Le calendrier de Carthage et le martyrologe
hiéronymien sont muets au sujet de Guddène.
[96] Voici la notice que lui
consacre le martyrologe d'Adon : Apud Carthaginem,
natalis sanctæ Guddenis, virginis : quæ, Plutiano et Zeta consulibus, jussu
Rufini proconsulis, quater diversis temporibus equulei intensione vexata et
ungularum horrenda laceratione cruciata, carceris etiam squalore diutissime
afflicta, novissime gladio concussa est. Cf. Aubé, III, p. 215 sq.
[97] Ad Scapulam, 3.
[98] Tel, par exemple, qu'Asper ou
Pudens.
[99] De pallio, 1 ; De
corona militis, 1. Le De corona est de 211, de fort peu antérieur au
traité Ad Scapulam (Nœldechen, p. 104 ; Neumann, I, p. 182, n. 2 ;
Harnack, Gesch., I, p. 610 ; Krueger, Gesch., p. 110 ; Monceaux, Tert.,
p. 92). On est moins d'accord sur la date du De pallio : Nœldechen
l'assigne à 209 ; Krueger (Gesch., p. 161) et M. Monceaux (Tert.,
p. 91) à 208 ou 209 ; Neumann (I, p. 182, n. 1) le met au plus tôt en décembre
208 et, de toute façon, avant le 4 février 211. La marge est donc assez grande.
Néanmoins les termes dont se sert Tertullien dans le De corona donnent à
entendre qu'en 211 le calme remontait à quelques années déjà
[100] Pourquoi, par exemple, Aube
(III, p. 210) arrête-t-il la persécution à 206 ? Il ne le dit pas. Tillemont (Mém.,
III, p. 631) prolonge les poursuites jusqu'à la mort de Septime Sévère et même
un peu après, ce qui contredit les témoignages de Tertullien que je viens de
rappeler.
[101] Deux dates ont été proposées
pour l'opuscule Ad Scapulam. Tillemont (Mém., III, p. 129, 227,
667 sq.), Aubé (III, p. 171, 230-232), Nœldechen (p. 97, 163), Goyau (p. 258),
Neumann (I, p. 182, n. 2) acceptent 211. Le Nourry (P. L., col. 862) dit
bien paulo post annum 211, et Tissot (F.,
p. 144) postérieur à l'année 211 ; mais le
contexte prouve qu'ils veulent faire entendre postérieur
à la mort de Septime Sévère (le 14 février 211). Leur opinion est donc
très conciliable avec la précédente. D'autre part, Lumper (P. L., I,
col. 773 sq.) écrit circa annum 212 ;
Harnack (Gesch., I, p. 670) adopte nettement 212 ; Schmidt enfin (Rhein.
Museum, XLVI, 1891, p. 92), suivi par Krueger (Gesch., p. 163),
Pallu de Lessert (Fast., I, p. 252-256) et Monceaux (Tert., p.
92), dit que l'ouvrage parut aussitôt après le 14 août 212 : cf. C. I. L.,
VIII, 11999.
[102] Neumann, I, p. 184.
[103] Ad Scap., 2.
[104] Ad Scap., 1 et 3-5.
[105] Ad Scap., 4.
[106] Ad Scap., 5 : Quid ipsa Carthago passura est, decimanda a te...
Parce ergo tibi, si non nobis, parce Carthagini, si
non tibi, parce provinciæ, quæ visa intentione tua obnoxia facta est
concussionibus et militum et inimicorum suorum cujusque. Neumann (I,
p. 188, n. 3) croit encore découvrir une victime carthaginoise de Scapula dans
un martyr ridiculisé par Tertullien (De jejunio adv. psychicos, 12). Il
s'agit sans doute d'un Carthaginois ; mais les mots ille
pristinus vester autorisent-ils à dire qu'il souffrit seulement sous
Scapula ? Le seul nom certain est celui de Mavilus d'Hadrumète (ibid.,
3).
[107] Sous Septime Sévère, à une
date qu'il ne nous est pas possible de fixer, périrent Celerina, Laurentius et
Ignatius, grand'mère et oncles d'un confesseur du temps de Dèce nommé Celerinus
(cf. Cyprien, Epist., XXXIX, 3 ; Mart. hieron, p. VI). A dire
vrai, saint Cyprien n'indique ni le lieu, ni le temps exact de leur martyre ;
mais les mots jam pridem dont il use
font supposer avec une très grande vraisemblance qu'il s'agit de l'époque de
Scapula (Aubé, III, p. 214). Quant à la ville où ils moururent, on est dans
l'incertitude : saint Cyprien parle souvent de Celerinus (Epist., XXVII,
3 ; XXXVII, 1 : XXXIX en entier), nous avons même une lettre de ce personnage à
Lucianus, confesseur africain, et la réponse qu'il reçut de lui (ibid.,
XXI et XXII) ; Neumann (I, p. 170 et n. 7) s'autorisant d'un passage de la
lettre de Celerinus (3) : sed tantum ascendisse
videtur usque ad Tria fata et inde descendisse, voit en lui un
romain (cf. Tillemont, Mém., III,
p. 395-400 : Duchesne, Lib. pont., I, p. XCVI) : M Harnack (Gesch.,
I, p. 650) le qualifie de même. Les trois martyrs de sa famille seraient-ils
donc aussi de Rome ? Cependant M. Allard (II, p. 286-288), Aubé (IV, p. 44, 51
sq., 225) et avec eux M. Goyau (p. 296), tout en reconnaissant qu'il subit la
détention à Rome, le qualifient d'africain. Ruinant, de son côté (p. 202, 9), dit
en partant de saint Cyprien : Plures alios cleri et
populi carthaginiensis martyres laudat passim ; quales sunt Saturninus,
Aurelius, Celerinus et alii. Un fait du moins est certain, c'est que
la mémoire de ces saints demeurait en honneur tout spécial à Carthage (Cyprien,
Epist., XXXIX, 3 : Sacrificia pro eis
semper, ut meministis, offerimus, quotiens martyrum passiones et dies
anniversaria commemoratione celebramus). Victor de Vita (I, 9)
mentionne même une basilique Celerinæ vel
Scilitanorum, où saint Augustin prononça trois sermons (XLVIII, CLV,
CLXXIV) ; ce qui tendrait à montrer que le tombeau de Celerina se trouvait à
Carthage, et nous serions donc en droit de la revendiquer pour notre ville avec
tous les siens. Cf. Tillemont, Mém., III, p. 126 sq., 396.
[108] Ad Tim., II, 4, 2.
[109] III, p. 185 : voir aussi p.
181-184.
[110] De fuga in persecutione,
3. On peut opposer à cette indiscrète ardeur les conseils de prudence prodigués
par saint Cyprien à son clergé (Epist., V).
[111] Tertullien (De anima,
9) en rapporte un très curieux exemple.
[112] Adv. Valentin., 5 : Proculus noster, virginis senectæ et christianæ eloquentiæ
dignitas. Cf. Tillemont, Mém., III, p. 664 sq. ; Duchesne, Orig.
chrét., p. 234 sq.
[113] De corona, 3 ; De
fuga, 4, 12.
[114] De fuga, cf. Ad
uxorem, I, 3 ; De corona, I, 18. Le texte de saint Matthieu (X, 23)
est : Cum autem persequentur vos in civitate ista,
fugite in aliam.
[115] De fuga, 5 ; sur la
corruption par les chrétiens des soldats et policiers impériaux, cf. Neumann,
I, p. 179 sq.
[116] Ruinart, p. 94, 4 : Saturus... qui postea
se propter nos ultro tradiderat.
[117] Voir à ce sujet les nombreuses
analogies relevées par Holstenius et Possin entre les idées et le style de la
Passion et des œuvres de Tertullien (Ruinart, p. 102-111) et la discussion de
Ruinart (p. 91 sq., 5, 6, 7). Lumper dit (P. L., I, col. 193, n. 32) : in Tertulliano aliorumque montanistarum scriptis, veluti ira
Actis Perpetuæ et Felicitatis : cf. ibid., I, surtout col.
211-220, et III, col. 11-12, 5 ; puis Aubé, III, p. 512-515 ; Harris et Gifford,
op. cit., p. 28-31 ; Robinson, p. 6, 43-38 ; Massebieau, loc. cit.,
1891, p. 99 ; Duchesne, Bull. crit., 1892. p. 117 ; Harnack, Gesch.,
I, p. 674 ; Krueger, Gesch., p. 173, 240 sq. Neumann (I, p. 172, 181
sq.) croit au montanisme de l'auteur, qui, dit-il, ne saurait être Tertullien
(p. 300). D'ailleurs le montanisme de Perpétue, de Saturus et des autres n'est
pas prouvé, bien qu'on l'ait parfois prétendu (Aubé, III, p. 218 sq. ; Harris
et Gifford, op. cit., p. 4-7). En réalité, le
collecteur de leurs Actes parait avoir été sous l'influence des prophéties
nouvelles ; mais il est possible que ce document ait paru avant la condamnation
définitive du montanisme par Zéphyrin (Duchesne, Orig. chrét., p.
234, n. 2).
[118] Aubé, III, p. 208 ; Neumann, I, p. 183.
[119] Voir surtout le début du
traité.
[120] Sur les chrétiens
intransigeants et les chrétiens opportunistes, cf. Aubé, III, p. 111-180 et
237-277.
[121] Au commencement du traité Adverses
Marcionem (I, 1), il raconte que la première rédaction de l'ouvrage lui
avait été dérobée fraude tunc fratris, dehinc
apostatæ. Ce passage fut écrit en 207 (Neumann, I, p. 181, n. 6) ou
en 208 (Nœldechen, p. 73-75, 156 ; Monceaux, Tert., p. 9-1). Il s'agit
donc bien d'un apostat de la persécution qui sévit à Carthage sous Septime
Sévère.
[122] De idololatria, 14. Ce
traité est attribué par Nœldechen (p. 35) au mois d'avril 197 ; il aurait été
écrit dans la période de paix qui précéda l'Apologétique (Neumann, I, p. 121,
n. 4) ; et appartiendrait par conséquent au groupe des ouvrages de Tertullien
que l'on a dénommés prémontanistes (Neumann, loc. cit., p. 119 ;
Krueger, Gesch., p. 26, 2). M. Monceaux, au contraire (Tert., p.
89, 92), ne le fait pas remonter plus haut que 211 ou 212.
[123] De gub. Dei, VIII, 2.
[124] In Joannis Evang.,
tract., VII, 6 ; cf. Le Blant, Rev. arch., XX, 1892, p. 18 sq.
[125] Sem., LXII, 6, 9-10 :
CCCXVIII, 3 ; CCCLXXVI, 1 (Migne range ce dernier parmi les dubii) ; cf. De catechizandis radibus, 48,
55.
[126] Voir les traités De fuga in
persecutione, De monogamia, De jejunio adversus psychicos, De pudicitia, De
palientia, De virginibus velandis, De exhortatione caslitalis, De resurrectione
carnis, etc.
[127] Apologétique, 31 et 42.
[128] De corona, 13 ; De
pallio, 5 ; De exhort. cast., 12.
[129] Ad mart., 2.
[130] M. Boissier (Pagan., I,
p. 284-289) attribue à ce désir de mener une vie d'ascète la résolution que
prit Tertullien de porter désormais le pallium.
[131] Apologétique, 32 ; Ad Scap., 2 ;
cf. Funk, I, p.141.
[132] Tillemont (Mém., III,
p. 196-136) et Neumann (I. p. 190-200) en donnent un résumé développé.
[133] Adv. Marcionem, III,
24.
[134] Saint Jérôme (De vir. ill.,
53) : Hic cum usque ad mediam ætatem presbyter
Ecclesiæ permansisset, invidia postea et contumeriis clericorum romanæ
Ecclesiæ, ad Montani dogma delapsus, in multis libris Novæ Prophetiæ meminit.
Cette défection se produisit entre 205 et 201 (Tillemont, Mém., III, p.
74, 102, 196, 211).
[135] Vers l'an 205 (Duchesne, Orig.
chrét., p. 408 ; cf. ibid., p. 233, n. 3).
[136] Tertullien, Adv. Praxeam, 1.
[137] Pamelius, Vita Tertulliani (P. L., I, col. 16). H raisonne par analogie avec
Novatien, qui déclara la guerre à l'Eglise pour n'avoir pas obtenu l'épiscopat
de Rome. Nous ignorons à quelle date mourut Agrippinus, il est cependant
probable qu'il vécut encore longtemps après la révolte de Tertullien. M. Harnack
(Gesch., I, p. 681) le recule néanmoins trop quand il le place bald nach Tertullian's Zeit.
[138] Dom Cabrol, La science
catholique, 1891, p. 993. Les Tertullianistes eurent une basilique à
Carthage.
[139] Tillemont, Mém., III,
p. 231.
[140] De baptismo, I, 17.
Contre les Gnostiques, Tertullien écrit spécialement les traités Adversus
Valentinianos, De carne Christi, De resurrectione carnis, De præscriptione
hæreticarum, Scorpiace. Ce dernier contient (6) des allusions à Carthage,
qui prouvent que le livre y fut composé ; cf. Tillemont, Mém., III, p.
209.
[141] De pudicilia, 19. Sur
l'intrusion des femmes hérétiques dans la célébration des cérémonies
religieuses, et id., De præscript., 41.
[142] On peut sans doute conclure
que Tertullien avait vu à l'œuvre les marcionites d'un passage où il semble
très au courant de leurs pratiques ; Adv. Marcionem, III, 22.
[143] Hermogène était africain, et
Tertullien, qui nous trace de lui un portrait peu flatteur, parait l'avoir
connu personnellement ; cf. Adv. Hermog., I, 33 (début), 45 (fin) ; De
monogamia, 16 ; De præscript., 30 ; Funk, I, p. 132.
[144] De præscript., 30.
[145] Tillemont, Mém., III,
p. 75, cf. p. 101, 201, 618 ; Funk, I, p. 138 ; Aubé, III, p. 157.
[146] Adv. Praxeam, I.
[147] Les Actes de sainte
Perpétue nous apportent un écho de ces luttes communes à toute l'Afrique.
Dans la vision de Saturus, l'évêque Optatus et le prêtre Aspasius viennent
demander aux martyrs d'apaiser leurs discordes (13) : Componite inter nos quia existis... ; les anges
les écartent : Sinite illos, refrigerent ; et si quas
habetis inter vos dissensiones, dimittite vobis invicem. Et conturbaverunt eos,
et dixerunt Optato : Corrige plebem tuam ; quia sic ad te conveniunt quasi de
circo redeuntes, et de factionibus certantes.
[148] Duchesne, Orig. chrét., p. 409.
[149] Duchesne, loc. cit. ; Neumann, I, p. 201-203 ; Krueger, Gesch.,
p. 171.
[150] Nœldechen (p. 157) le place
entre les années 217 et 221 : M. Monceaux (Tert., p. 92) entre 217 et
222.
[151] De pudic., 1.
[152] De virg. vel., 1 : Regula quidem fidei una omnino est... Adv.
Praxeam, 2 : Nos vero et semper et nunc magis
unicum guidera Deum credimus ; De monog., 2 : An capiat Paracletum aliquid tale docuisse, quod aut novum
deputari possit adversus catholicam traditionem ? ; De jejun.,
1 : Non quod alium Deum prædicent Montanus et
Priscilla et Maximilla, nec quod Jesum Christum solvant, nec quod aliquam fidei
aut spei regulam evertant... De ces traités le premier fut écrit,
d'après Nœldechen (p. 141-145, 157), entre 213 et 211, le second en 217, les
deux derniers entre 217 et 221 : d'après M. Monceaux (Tert., p. 92) le
premier, entre 208 et 213, les autres après 213. Cf. Tillemont, Mém.,
III, p. 662-664 ; dom Cabrol, La science catholique, 1891, p. 992 sq.
[153] Ebert (I. p. 43) et Funk (I,
p. 168) le font mourir seulement vers 240 : Teuffel (p. 939), vers 230 ;
Harnack (Gesch., I, p. 667) et Krueger (Gesch., p. 159), après
220.
[154] Saint Jérôme (Chron. ad annum Severi XVI) : Tertullianus... omnium
Ecclesiarum nomine celebratur. Le même auteur (De vir. ill., 53) rapporte que saint
Cyprien goûtait si fort Tertullien qu'il l'appelait le
maitre et ne passait pas un seul jour sans lire quelques pages de lui.
[155] Duchesne, Orig. chrét.,
p. 410 ; Morcelli, I, p. 52. Gams (p. 463) le met ayant 238. Morcelli, Gams et
Blampignon (p. 40) donnent à Donatus un prédécesseur en la personne de Cyrus.
En admettant l'existence de ce Cyrus, que Morcelli (I, p. 52) fonde sur le
titre d'un sermon de saint Augustin : De depositione Cyri episcopi
Carthaginis (Possidius, Indic., 8), c'est par une supposition très
gratuite qu'on l'intercale à cet endroit de la liste.
[156] Saint Cyprien, à qui j'emprunte ces détails (Epist., LIX, 10) l'appelle seulement veterem hæreticum ; cf. Tillemont, Mém., III, p. 363 sq. Mansi (I, col. 181 sq.) et Héfélé (I, p. 90) indiquent Lambèse comme lieu de réunion du concile.