Pour étudier la ville même, il sera utile de la sectionner en un certain nombre de quartiers ; mais un morcellement excessif aurait ses inconvénients, c'est pourquoi je me bornerai aux quatre divisions suivantes : Cartagenna, Dermèche, Byrsa et La Malga. Les deux premières comprennent la partie voisine de la mer ou ville basse ; les cieux autres, la partie plus éloignée du rivage ou ville haute. On se sert d'ordinaire d'autres désignations, telles que le forum, la colline de Junon... La plupart sont arbitraires ou prématurées : ni la colline dite de Junon, ni le forum n'ont été suffisamment explorés pour qu'on tente de déterminer, en les prenant pour point de départ, les positions environnantes. Au contraire, les quatre endroits on je plante mes jalons sont, malgré quelques discussions, assez bien connus, et, en même temps, assez écartés les uns des antres pour qu'on puisse v rattacher, comme à autant de centres, les diverses parties de la cité. Faut-il croire qu'ils correspondent réellement à des quartiers de la ville romaine ? On lui a tour à tour attribué trois régions, puis six[1] : ces chiffres demeurent problématiques, et nous n'avons pas à nous en embarrasser. Je n'ai pas prétendu, en fixant ces limites, reproduire ce qui existait jadis, mais seulement faire œuvre pratique et faciliter l'intelligence de la topographie interne de Carthage. I. — CARTAGENNA Les indigènes, dit le P. Delattre, donnent encore aujourd'hui le nom de Cartagenna aux anciens ports de la ville et aux terrains environnants[2] ; ailleurs[3], il mentionne des inscriptions trouvées entre la gare dite de Carthage et les anciens ports, à l'endroit que les Arabes appellent aujourd'hui encore Cartagenna. Le cardinal Lavigerie s'exprime d'une manière assez différente[4] : Le territoire que les indigènes nomment Cartagenna... est parfaitement circonscrit et déterminé : il commence autour des anciens ports et s'arrête, d'une part, à mi-chemin des collines, tandis que de l'autre il va de la tænia... jusque vers le monticule où s'élève aujourd'hui un fort turc, le fort Djedid, qui domine la rade. Si l'on adopte cette manière de voir, on se heurte à une grave difficulté. Les Arabes désignent sous le nom de Dermèche un quartier situé le long du rivage, au sud de Bordj Djedid, c'est-à-dire dans la direction des ports. En prolongeant Cartagenna jusqu'au fort, on englobe et on supprime par conséquent Dermèche. Je me range donc volontiers à l'avis du P. Delattre, et j'entends par Cartagenna toute la partie de la ville qui s'étend au sud d'une ligne tirée de Douar ech Chott à la maison de Mustapha ben Ismaïl, au bord de la mer. Lorsqu'on va de La Goulette à Bordj Djedid, en suivant le bord de la mer, on longe, au nord du petit golfe que le rivage dessille près du Kram, deux bassins de dimensions restreintes et d'aspect différent. Celui du sud est tout en longueur, une chaussée en coupe la pointe méridionale ; celui du nord est arrondi d'une façon à peu près uniforme, au milieu, s'étend une presqu'île également circulaire, qu'un isthme étroit relie à la terre. La tradition place en cet endroit les fameux ports de Carthage ; jusqu'à nos jours on n'avait élevé aucun doute contre cette commune croyance. Falbe, dans son plan et dans soit texte, la traite comme vérité acquise[5] ; et Dureau de la Malle y adhère comme à une opinion incontestable[6]. Mais le simple voyageur, qui n'a pas leur foi archéologique, éprouve un fort désappointement lorsqu'il aperçoit, du haut de la colline de Saint-Louis, ces deux lacs en miniature. La mémoire toute pleine des souvenirs du siège de Scipions l'esprit tout enflammé de ce qu'il a lu sur l'industrie et la marine des premiers Carthaginois, il s'attend à voir de larges espaces pleins d'eau où nos flottes modernes entreraient encore aisément, et il a devant lui deux mares à peine de taille à abriter quelques chaloupes. Le contraste entre son espérance et la réalité est vraiment trop fort[7]. Au lieu de contempler du sommet de Byrsa, descendons jusqu'à la plage et faisons le tour de ces bassins ; songeons que là, comme partout sur ce sol, la rage des hommes et l'action des siècles ont fait leur œuvre ; rappelons-nous aussi que les navires des anciens étaient petits ; et nous ne hausserons plus aussi vite les épaules, à la vue de ces faibles restes d'un passé glorieux. Aussi bien, sans plaider davantage les circonstances atténuantes, je tiens à donner des preuves d'un état de choses antérieur, plus conforme à nos idées et aux désirs de notre imagination. L'amoindrissement des ports date surtout de notre siècle. Victor Guérin écrivait, en 1862[8] : Aujourd'hui le port marchand est entièrement comblé, et l'emplacement qu'il occupait est planté de vignes et de figuiers... Le port militaire avait de l'eau, mais peu profonde. Quelques années plus tard, Tchihatchef parlait[9] de ces deux nappes d'eau, qui, au reste, ont été introduites tout récemment dans les cieux bassins artificiels demeurés à sec pendant des siècles. Les deux auteurs s'accordent à peu près en ceci, que l'eau dont les bassins sont maintenant remplis est d'apport récent. M. de Sainte-Marie complète et rectifie leurs renseignements dans ce passage important[10] : Depuis Falbe, l'état des lieux a bien changé, le terrain a été remanié, en 1868, par le propriétaire[11], qui a voulu remplir d'eau les lacs à peu près taris depuis 1830. Pour ce faire, il a établi deux canaux vers la mer : pour l'entrée des eaux et pour la sortie. Cette restauration trompe le voyageur auquel on montre les lacs en lui disant que là étaient les ports ; il s'émerveille de les voir si petits ; il ne sait pas qu'il a devant lui des travaux récents. L'îlot de l'Amiral[12] tient maintenant à la terre, du côté de la mer, et les deux lacs sont devenus beaucoup plus petits. Lorsque le bey Ahmed, vers 1825, fit construire, entre ces lacs et la mer, le palais appelé actuellement Cathagenna, les plateaux indiqués par M. Falbe entre le lac et la mer furent nivelés, déblayés, et les terres furent employées à former les routes qui traversèrent les lacs. Par suite leur forme changea. Les déblais rejetés dans la partie basse qui servait de communication entre les ports et la mer obstruèrent l'ancienne entrée et Mirent à découvert des murs de quai. Les eaux des lacs, n'ayant plus de communication avec la mer, ne tardèrent pas à devenir fétides : pour remédier à cet inconvénient, on construisit un canal dallé et mettant les lacs en communication avec la mer... Tel est le résumé d'une note que je dois à M. Caillat, ex ingénieur du bey de Tunis, qui a dirigé, en 1868, les travaux de restauration des ports. Ces détails trouvent une confirmation dans ce simple fait que Beulé a pu fouiller les bassins. Pleins d'eau, comme on les voit aujourd'hui, ni Beulé, ni personne n'aurait songé à y mettre la pioche[13]. Ce terrain est donc loin d'être un terrain vierge ; et, pour ne pas tenir compte momentanément des dégâts et des métamorphoses qu'il a subis autrefois, on doit redire avec Beulé[14], que, dans ce siècle, des clôtures ont été établies, des fossés creusés, des chemins remblavés, des trous comblés, des jardins dessinés. On juge combien des fouilles sont devenues difficiles au milieu de ces obstacles qu'il faut respecter. Il était indispensable d'entrer dans ces détails[15] avant d'entamer la discussion sur l'emplacement des polis. Quoique cette question intéresse, en apparence, surtout Carthage punique, puisque sa marine marchande et militaire faisait sa force, en réalité, elle rentre aussi logiquement dans une étude de Carthage romaine. Les Romains utilisèrent les mêmes moyens naturels d'action et de défense que leurs prédécesseurs. Appien nous a transmis sur les ports des renseignements précieux
; les modernes s'accordent à penser que, dans ce passage si net, plus encore
que dans le reste de son récit, Appien s'est inspiré de Polybe, s'il ne l'a
pas copié[16].
Son texte, reproduisant celui d'un témoin oculaire du siège de 146, mériterait
donc notre confiance[17]. Les ports de Carthage, écrit-il, étaient disposés de telle sorte que les navires passaient de
l'un dans l'autre. Du côté de la mer s'ouvrait une entrée commune, large de
soixante-dix pieds, qu'on fermait au moyen de chaînes de fer. Le premier
port, réservé aux marchands, était muni d'amarres nombreuses et de diverses
sortes. Au milieu du port intérieur s'étendait une île ; cette île et le port
lui-même étaient garnis de larges quais comprenant des cales en série
continue, deux cent vingt vaisseaux pouvaient y trouver place. Au-dessus des
cales on avait construit des magasins pour y serrer les agrès. Sur la façade
de chacune de ces cales se dressaient deux colonnes ioniques, grâce
auxquelles le port et l'île prenaient l'aspect d'un portique circulaire. Dans
File même était construit le pavillon de l'amiral : c'est de là que la
trompette donnait les signaux, que le héraut criait les ordres et que
l'amiral surveillait. Cette île était située vers le goulet ; son élévation
permettait à l'amiral d'examiner de loin tout ce qui se passait au large, sans
que les navigateurs pussent apercevoir l'intérieur du port. Bien plus, les
marchands eux-mêmes, lorsqu'ils pénétraient dans le bassin qui leur était
réservé, ne voyaient pas aussitôt les arsenaux du port militaire. Une double
muraille les en séparait. D'ailleurs une porte spéciale mettait le premier
port en communication avec la ville, de manière que les marchands n'eussent
pas à traverser l'arsenal. Appien ajoute, dans un autre chapitre[18] : Au commencement du printemps, Scipion résolut d'attaquer
Byrsa et celui des ports qu'on appelle Cothon.
Pendant la nuit, Hasdrubal incendia la partie quadrangulaire du Cothon, dans
la crainte que Scipion ne donnât l'assaut encore de ce côté ; c'est vers ce
point que se portait toute l'attention des Carthaginois. Mais Lælius les
dérouta en escaladant la partie opposée du Cothon, qui est de forme
circulaire. Les assaillants poussèrent de grands cris, comme s'ils venaient
de remporter une victoire, et les ennemis furent effrayés. Les Romains,
pleins de mépris pour eux, se précipitent et grimpent de toutes parts. A
l'aide de poutres, de machines et de planches, ils franchissent les fossés.
Les défenseurs des remparts, exténués, mourant de faim, perdirent courage. A
peine se fut-il emparé du mur d'enceinte du Cothon que Scipion s'établit sur
le forum situé dans le voisinage. Après ce témoignage capital, nous pouvons négliger tout ce qui a été écrit par les modernes jusqu'en 1859, car ils n'ont guère fait que répéter Appien sans le contrôler. Le premier, Beulé chercha à vérifier sur place les assertions de l'historien. La relation qu'il a écrite de ses fouilles inaugure l'étude scientifique des ports. Prenons-la donc comme point de départ. Beulé accuse Appien d'avoir commis une erreur quand il prétend que le Cothon, ou port militaire, était circulaire dans une de ses parties[19], carré dans l'autre[20]. D'après lui, le port extérieur ou port marchand était quadrangulaire ; le port intérieur ou port utilitaire était de forme ronde. Appien, oubliant la description donnée un peu auparavant par lui-même, aura confondu les deux ports en un seul. C'est du moins ce que Beulé se croit en mesure d'affirmer. Il a reconnu en effet, dit-il, le diamètre ancien de l'île, qui mesurait 106 mètres, et la circonférence, qui était de 333 mètres. Deux murs fort épais en déterminaient le contour et en assuraient la solidité. Vers le centre, les soubassements puniques et quelques chapiteaux du palais de l'amiral ont reparu au milieu des déblais. La jetée reliant l'île à la terre. au nord, est large de 9m,60. Tous ces ouvrages sont romains dans leur état présent. Mais ce que les Romains ont refait répond trop bien aux descriptions d'Appien pour qu'on ne soit pas certain qu'ils ont suivi le même plan que les premiers Carthaginois[21]. Sans doute, l'appareil guerrier du second port ne leur convenait plus ; ce qu'ils voulaient, c'était un port de commerce ; les cales et arsenaux ont donc disparu. Cependant le Cothon n'a subi aucune modification essentielle. Seule la ligne des quais, au lieu d'être interrompue à intervalles réguliers, est devenue pleine. La destruction accomplie par les soldats de Scipion ou les colons de Gracchus, de César et d'Auguste ne fut pas telle qu'il ne subsiste plus trace des dispositions antérieures. A moins de 3 ou 4 mètres de profondeur, Boulé eut la chance de trouver distinctes et caractérisées les constructions romaines et les constructions puniques[22]. Les premières, d'un travail assez grossier, attestent peut-être un remaniement de la basse époque ; les autres, en grandes pierres de tuf bien assemblées, ont résisté aux infiltrations souterraines. Les cales, séparées entre elles par des murs de 0m,30, étaient larges de 5m,60. Deux tambours de colonnes à cannelures montrent que la décoration en était d'ordre ionique. Par une série de sondages, le tenace archéologue a relevé presque toute la périphérie du Cothon on port militaire. Le diamètre, qui absorbait celui de l'île, était de 323 mètres et le périmètre de 1.021 mètres ; la surface totale de 8 hectares 29 ares 37 centiares. Un goulet intérieur réunissait les deux ports. Boulé le
suit sous la route carrossable qui conduit à la
maison du général Kaïr-ed-Din[23] et lui attribue
23 mètres de largeur. Comme Appien donne précisément cette mesure à l'issue
commune des ports vers la mer, il est surpris de cette coïncidence. Je ne voudrais point dire, ajoute-t-il, qu'Appien a confondu un goulet avec l'autre ; je me contente
de faire ce rapprochement[24]. Le port marchand est étudié d'une allure beaucoup plus rapide ; il n'y a plus là ni cales, ni colonnes, ni palais amiral ; les quais offrent seuls un aliment à la curiosité du savant. Il en signale, à 2 mètres à peine au-dessous du sol, les vestiges qui dénotent l'époque romaine. Les deux murs, séparés par un vide, qui composent ces quais offrent une largeur de 4m,53. La sortie, large de 70 pieds, par où devaient pass.er tous les navires qui pénétraient dans les deux ports, n'a point été retrouvée ; Beulé n'a mis au jour en cet endroit qu'un étrange canal, qu'il déclare byzantin, sur lequel j'aurai bientôt à m'expliquer. Voici la conclusion : Les deux ports de Carthage réunis donnent : le port militaire, 82.937 mètres carrés ; le goulet intérieur, 460 mètres carrés ; le port marchand, 148.200 mètres carrés ; ce qui fait 231.617 mètres carrés, ou 23ha,16. Le (vieux) port de Marseille n'a donc que 3ha,84 de plus que les ports de Carthage ; il est promis de supposer que ces derniers contenaient, par conséquent, plus de onze cents bâtiments[25]. Les résultats auxquels Beulé déclare être parvenu ont rencontré beaucoup d'incrédules. Sans vouloir en rien rabaisser son mérite, on peut s'étonner qu'il adopte souvent le ton tranchant, sans réplique, d'un homme sûr de son fait. Il sait tout ; à 0m,001 près, il connaît les dimensions des navires antiques, leur tirant d'eau, leur ligne de flottaison. Les esprits avisés se défient d'instinct d'une science qui n'hésite pas davantage en un sujet si incertain. Et, quand on a parcouru le champ de fouilles de Beulé, on irait volontiers jusqu'à dire que l'auteur a presque tout inventé. Le souvenir des changements survenus depuis 1860 dans toute cette région empêche de porter sur lui ce jugement injuste. Si indulgent qu'on soit cependant, on ne peut se défendre de penser que l'imagination a joué plus d'un mauvais tour à l'ingénieux savant. Daux[26] et Jal[27], en particulier, le lui firent comprendre. Daux y met des formes ; il parle de l'érudition de son devancier et lui demande presque la permission de le contredire[28]. Cela fait, il ne laisse à peu près rien subsister de sa théorie. Les cales des navires baignaient dans l'eau, dit Beulé. Quelle preuve en avons-nous ? répond Daux. Et puisqu'Appien écrit que l'île et le port lui-même étaient garnis de larges quais, ne faut-il pas penser à des cales sèches, situées en arrière des quais supprimés par Beulé ? Une fois dans le port militaire, les navires étaient donc tirés hors de l'eau, selon la coutume des peuples anciens. On affirme que le Cothon dessinait une circonférence de cercle ; c'est faire bon marché du passage où Appien parle de la partie ronde et de la partie carrée de ce bassin. Certaines considérations techniques visant la construction des cales en série circulaire (je ne saurais les résumer en peu de mots) rendent d'ailleurs cette conjecture fort peu plausible. Pour que les calculs de Beulé soient justes, on doit admettre avec lui que 47 cales sur les 220 se trouvaient à l'entour de File ; les murs de séparation n'ayant que 0m,30 d'épaisseur, comment se persuader qu'ils supportaient le poids et des magasins de l'étage supérieur et du palais amiral ? Bien plus, si l'on tient compte de ce qui existe à Utique, on sera prêt à conclure que ce palais occupait l'îlot presque entier. En résumé, Daux pense que les quais du port militaire présentaient deux courbes, l'une au Nord, l'autre au Sud, reliées par deux droites en Est et en Ouest, et qu'en retraite sur ces quais, très larges du reste, s'élevaient les séries à façades rectilignes des cales diversement disposées suivant le plan général de la forme affectée par les quais[29]. Le texte de Daux est muet sur le port marchand ; la représentation qu'il en donne dans sa planche suffit à nous éclairer. Les deux bassins ne s'y suivent pas en ligne droite ; ils forment au point de rencontre un angle obtus ; le bassin militaire garde la direction nord-est, tandis que l'autre va du nord au sud ; le goulet qui les met en communication est dans Faxe du port marchand. La forme de ce port demeure essentiellement la même que dans le système de Beulé, à cette différence près que les grands côtés en sont plus longs. Les hypothèses de Daux sont-elles préférables à celles qu'il réprouve ? Tous ceux qui connaissent ses procédés archéologiques hésiteront à le dire ; l'exemple d'Utique invoqué ici par lui n'est pas pour calmer leur défiance. S'il n'a peut-être pas tort de modifier la disposition intérieure du Cothon, peut-il raisonnablement fonder sur les phrases d'Appien la forme qu'il lui donne ? De quel-droit aussi fait-il dévier le port marchand ? La réponse à ces questions ou manque de clarté ou fait complètement défaut dans son livre ; et ses explications, si elles valent comme critique des Fouilles à Carthage, ne constituent pas par elles-mêmes une doctrine fortement établie. J'al se montre beaucoup moins modéré à l'égard de Beulé ; l'article de son Dictionnaire, où il passe en revue les conclusions de son devancier, est écrit sur un ton de persiflage qui indispose le lecteur. Je résumerai en quelques mots les arguments qu'il développe d'une manière diffuse. Appien prétend que l'île était située vers l'entrée du port. Jal s'empare de ce texte et reproche à Beulé d'avoir mis l'île au milieu du bassin. Mais n'est-ce point ce qu'affirmait Appien quelques lignes plus haut ? Entre ces deux assertions contradictoires, on comprend fort bien que Beulé ait retenu seulement celle qui cadrait le mieux avec ce qu'il croyait découvrir. Il a pu se tromper ; pourtant la loyauté oblige à reconnaître que l'historien grec n'était pas ici un guide infaillible. Jal regrette surtout que Beulé se soit fondé sur un calcul erroné des proportions des navires antiques. Toutes les raisons qu'il produit contre son adversaire n'ont pas une égale valeur. Par exemple, quand, à propos de Carthage, il nous entretient de quatre galéasses de la bataille de Lépante, nous sommes tentés de croire qu'il se rit de nous. Il est plus sérieux lorsqu'il démontre, chiffres en mains, que les cales n'auraient pu contenir que la chaloupe d'une de nos modernes frégates. On admettra avec lui. comme avec Daux, que les murs de 0m,30, entre chacune des cales, étaient incapables de résister au choc de l'eau ou des vaisseaux et de soutenir de lourdes constructions. Ses démonstrations arithmétiques sur le nombre probable de cales et de colonnes, dans un port tel que celui de Boulé, sur l'impossibilité d'y placer un seul chantier de construction on de radoub, paraissent dignes de foi. A tout prendre, il y a des chances pour que Jal ait vu parfois plus juste que Beulé. Mais il triomphe trop insolemment, et, dans la façon cavalière dont il traite l'auteur des Fouilles à Carthage, perce le dépit qu'un profane ait osé douter de sa compétence en archéologie navale et tout ensemble la satisfaction qu'il ait échoué dans son entreprise. Ce que je crois fermement, écrit-il en terminant, c'est que M. Beulé a découvert sur la presqu'île de Tunis un port, moderne assurément, mais je ne sais de quelle époque, et la science lui doit avoir une obligation véritable pour la fatigue et l'argent que lui a coûté cette découverte ; — je crois que ce port, fait en partie avec des matériaux antiques, parce qu'après la ruine de Carthage toutes les pierres de la ville et du port ne furent point emportées en trophées à Rome, ou dans quelque autre cité ; port fait d'ailleurs un peu à l'imitation de celui de la Carthage ancienne, mais sur un patron réduit de beaucoup, n'est point le Cothon d'Appien[30]. Après les sarcasmes qui précèdent, on accueille avec plaisir ces paroles plus courtoises, et l'on sait gré à Jal de ne point méconnaître jusqu'au bout le désintéressement de Beulé. Quant à son idée d'un port moderne imité de l'antique, tenons-la pour une pure fantaisie. Jal serait-il persuadé qu'il y avait au moyen âge assez d'habitants dans les misérables bourgades qui avaient succédé à Carthage pour qu'ils aient songé à se ménager un port ? Si cette pensée leur était venue, eussent-ils eu les moyens de la réaliser ? Et, s'ils n'en sont pas les créateurs, à qui l'attribuerons-nous ? Notre auteur, habile à détruire, l'est beaucoup moins quand il s'agit d'édifier. Certes il a tenté l'aventure ; avec quel succès, on s'en
rendra compte par cet extrait[31] : Pourquoi l'antique Cothon de Carthage n'aurait-il pas été
sur cette presqu'île, où est le port fait à je ne sais quelle époque du moyen
âge et peut-être pour servir de refuge à des navires du commerce, à des
bateaux de pêcheurs de corail ? Pourquoi ce petit port ne serait-il pas une
portion du port ancien qui pouvait s'étendre beaucoup au nord-est, au nord,
au nord-ouest et à l'ouest, communiquant avec la mer par un avant-port,
ouvert au sud ou au sud-ouest, et fermé par la chaîne qu'Appien suspend aux
deux petits môles qui, suivant lui, limitaient l'entrée du port, large de 70 pieds
romains ? Je ne sais pas si cette
supposition est admissible ; il faudrait, pour en démontrer la vérité, mettre
à nu tout le squelette de la presqu'île de Tunis. Non, la supposition
n'est pas admissible ; et Jal peut s'épargner la peine de mettre à nu le squelette. Pour abandonner la
métaphore, tout ce sol a été assez retourné depuis vingt ans pour qu'on sache
qu'il ne fut jamais un port ; les tombeaux, les stèles, les inscriptions,
etc. qu'on en a exhumés font écarter cette hypothèse dès l'abord. Déjà,
lorsque Jal écrivait ces lignes, en 1872, les recherches de Falbe, de Thomas
Reade[32], de Davis et de
Beulé condamnaient une théorie d'après laquelle presque toute l'étendue de
Carthage ne serait qu'un vaste port. Cette invention ne saurait séduire aucun
de ceux qui ont du terrain une connaissance même très superficielle. Si j'ai insisté longuement sur l'opinion de Beulé et sur les critiques que ne lui ont point ménagées Daux et Jal, c'est que ces trois auteurs ont traité la question en détail. Depuis 1861 jusqu'à ce que M. Torr ait émis une théorie nouvelle, en 1891, on vivait sur les travaux de Beulé. Et, même dans la récente polémique dont les articles de l'archéologue anglais ont donné le signal, on n'a pas cessé d'invoquer les Fouilles à Carthage, pour en défendre ou en combattre les conclusions. Je me borne donc, avant d'arriver aux derniers débats, à signaler d'un mot les partisans et les adversaires de Beulé. Davis a fait paraître son livre la même année que lui, il est peu probable qu'il ait profité des Fouilles ; mais les Lettres remontent à 1859, il a pu en avoir connaissance. D'ailleurs les deux missionnaires scientifiques se sont rencontrés sur le sol africain ; ils y ont conduit leur exploration simultanément, et le chapitre où Davis parle des ports[33] me convainc que ces rivaux ont échangé leurs impressions. Je mets donc Davis au nombre de ceux qui s'inspirent de Beulé, quand il retrouve dans les deux lagunes les anciens ports et les englobe sous la désignation unique de Cothon[34]. Pour Maltzan, qui a envisagé la question sans l'approfondir, les ports sont incontestablement représentés aujourd'hui, sinon en totalité, du moins en partie par les bassins. A l'en croire, c'est même la seule des localités de la ville antique dont l'emplacement soit incontestable[35]. Tissot se livre à une discussion approfondie[36]. Fort des études de Dureau de la Malle et des observations de Jal et de Daux, il conteste, non pas les découvertes de Beulé, mais plusieurs des conséquences que l'auteur en tire ; Daux a souvent les préférences de Tissot. Toutefois, quelque vigoureuses qu'il ait dirigé ses attaques contre Beulé, l'auteur de la Géographie comparée ne s'écarte pas de lui sur les points essentiels ; et, surtout depuis la révolution de M. Torr, on est fondé à dire que leurs divergences sont d'ordre secondaire. Tissot demeure un traditionaliste de l'école de Beulé. M. de Sainte-Marie suit le même guide avec une confiance, pour ainsi dire, absolue. Tout en empruntant un peu de toutes parts des documents utiles[37], il ne s'écarte pas de son conducteur ; son système et celui de Beulé se confondent. Satisfait sans doute du succès de ses fouilles sur Byrsa et dans les quartiers du nord de la ville, le P. Delattre ne les a encore jamais, à ma connaissance, dirigées vers les ports. Son flair d'archéologue heureux et l'exemple de Beulé l'ont peut-être mis en garde contre les résultats assez maigres qu'il obtiendrait de ce côté. Pourtant son opinion sur le sujet nous est connue ; et, quand l'occasion s'est offerte à lui de l'exprimer, il n'a pas tenu un autre langage que Beulé lui-même[38]. Tous les auteurs dont j'ai rappelé les noms admettent au moins comme fondement de leurs études l'identité des lagunes actuelles et des ports anciens. Le seul qui ait voulu innover, Jal, après avoir détruit la tradition érigée par Beulé en doctrine positive, n'a su que mettre à la place de ce qu'il supprimait ; ou plutôt, ses élucubrations sont telles que mieux vaudrait encore une négation sans phrases. Son échec n'a pas découragé M. Cecil Torr, qui, tout récemment, tentait de substituer aux idées courantes une meilleure théorie[39]. La thèse de M. Torr formulée avec toute la netteté désirable en plusieurs passages de ses articles[40] peut se résumer ainsi. Carthage possédait deux ports. Le port extérieur ou port marchand, le Cothon des anciens, délimité et protégé par des digues, s'avançait dans la mer depuis la pointe de Bordj Djedid au nord jusque vers Dar el Bey au sud ; on en voit encore les points d'attache en ces deux endroits, surtout au dernier. L'entrée se trouvait tout près de la terre, à côté de ce dernier point, où la tænia se soude à la presqu'île. Un large môle partant du rivage aboutissait à cette entrée, à l'ouest ; les vaisseaux pouvaient y décharger leur cargaison sans pénétrer dans le bassin. Du côté opposé à la passe, soit à la hauteur des thermes d'Antonin, la jetée formant l'enceinte du port s'incurvait en arc de cercle. Le port intérieur ou port militaire, creusé dans la terre et non constitué par des môles, avait son entrée dans le Cothon même ; on n'en connaît pas la situation exacte. De toute manière, les lagunes actuelles n'ont rien à voir avec les ports. Si ces conclusions se comprennent sans peine, il n'en va pas de même pour le raisonnement qui les amène. Le premier mémoire de M. Torr, où les arguments se présentent sans ordre, est d'une lecture difficile. Je passe sur les comparaisons peu probantes que l'auteur institue entre les docks d'Athènes, le port de Charmuthas (ou Sherm Yenbo), celui d'Hadrumète, et ceux de Carthage ; on ne tirerait de là que de très vagues probabilités, si tant est que le rapprochement ait quelque raison d'être[41]. La phrase de Festus[42] : Cothones appellantur portus in mari interiores, arte et manu facti, serait plus décisive pour considérer les codions comme des ports extérieurs, si on voulait l'entendre, avec M. Torr, de ports artificiels ménagés dans la mer[43]. N'est-ce pas forcer le sens de ces mots qui prêtent à la controverse ? Les placer à la base de tout le système, c'est se contenter à peu de frais. Au contraire, le texte de Servius[44] : Carthaginienses Cothone fossa utuntur, non naturali portu, dont M. Torr tient peu de compte, est d'une clarté parfaite. Appien dit, d'autre part[45], que l'agora était voisine de la partie ronde du Cothon ; là s'élevait le temple d'Apollon ; de là partaient trois grandes rues montant à Byrsa. Comment concilier ces indications très précises avec la théorie de M. Torr ? Oh placer l'agora, le temple et les trois rues dans les environs de Bordj Djedid ? En revanche, M. Torr insiste à juste titre sur cette assertion d'Appien[46], confirmée par Strabon[47], que l'entrée des ports n'était pas très éloignée de la terre ; et la conclusion qu'il en tire, à savoir que l'entrée devait se trouver à une certaine distance de la terre, c'est-à-dire entre deux jetées[48], ne va pas sans vraisemblance. C'est ce que pense aussi M. Œhler, qui a soumis la précédente doctrine à une critique pénétrante. Pour lui, comme pour l'archéologue anglais, l'entrée commune aux deux ports s'ouvrait, vers le sud, non loin de la tænia, entre les deux môles qui fermaient le bassin extérieur. Il admet en outre que la partie sud du Cothon était quadrangulaire, et la partie nord arrondie ; que le port intérieur avait été creusé dans la terre, tandis que l'autre était enserré entre deux jetées dans la mer ; que les ruines voisines de Dar el Bey appartenaient à l'une de ces jetées. Pourtant l'accord n'existe nullement entre M. Torr et M. Œhler. Les concessions de ce dernier, il le remarque lui-même[49], ne touchent pas au fond des choses. La thèse essentielle de M. Torr, c'est-à-dire la situation du port extérieur le long de la côte, depuis Bordj Djedid jusqu'à Dar el Bey, est au contraire vivement combattue par le savant allemand. Appien raconte[50] que Scipion, afin d'enlever à l'ennemi l'avantage qu'il tirait de sa flotte, résolut de fermer l'entrée du port qui regarde l'occident et qui n'est guère éloignée du rivage. Il fit donc jeter dans la mer une vaste digue. Elle commençait à la langue de terre qui sépare le lac et la mer et se dirigeait au milieu des flots droit vers la passe. Cette digue avait 24 pieds de large au sommet et quatre fois autant à la base... Les Carthaginois effrayés entreprirent, dans une autre partie du port tournée vers la haute mer, de créer une nouvelle issue. Là du moins la profondeur de l'eau et la violence des vents empêcheraient qu'on n'établit une digue... Quand tout fut prêt, ils ouvrirent la nouvelle entrée au point du jour et sortirent avec cinquante trirèmes... et beaucoup d'autres navires plus petits. Dans le système de M. Torr, cette nouvelle entrée devait nécessairement être pratiquée dans le môle qui entourait le port extérieur ou port marchand. Or, détail caractéristique, les femmes et les enfants aidèrent au travail avec beaucoup d'ardeur s'il s'agit de terres à enlever, ces auxiliaires pouvaient se rendre utiles. mais comment concevoir leur intervention pour démolir un énorme quai de pierre. tel qu'eût été celui d'un port en pleine eau ? L'historien ajoute du reste que la profondeur de la mer et la violence des vents qui soufflent de l'est empêchaient d'élever aucune digue dans cette direction. M. Torr a essayé de démontrer que la profondeur des eaux n'aurait pas gêné la construction de son môle il n'a rien dit de la violence du vent et pourtant cette objection est capitale. Si le port marchand n'a pas pu exister là où le marque M. Torr, quel emplacement lui assignerons-nous ? M. Œhler observe sur la carte de Falbe, au-dessous du Kram, vers Dar Ouled l'Agha, les restes d'une jetée ; on les tient d'ordinaire pour un vestige de celle que Scipion lança en mer en vue de bloquer la flotte ennemie, et qu'il aurait menée jusqu'à Dar el Bey. Mais, en aucun des deux endroits, les dimensions de ces amorces de chaussée ne concordent avec celles qu'Appien[51] attribue à l'ouvrage de Scipion. Le mieux est donc de croire que nous ne connaissons rien de ce dernier, et que nous possédons au contraire, dans les ruines de Dar Ouled l'Agha et de Dar el Bey, les débris de la digue qui clôturait le port marchand. L'entrée, qui servait pour les deux ports, s'ouvrait dans le voisinage de Dar Ouled l'Agha. Le port marchand avait ainsi pour bornes, à l'ouest le rivage, au nord le port militaire, à l'est un vaste quai ou môle, au sud une jetée. Il se trouvait par conséquent à l'abri des bourrasques du large. Si l'on objecte, avec M. Torr[52], que l'espace circonscrit entre ces limites est assez restreint, M. Œhler répond en signalant une sorte de marais, très visible sur la carte de Falbe, réduit depuis l'établissement du chemin de fer. Il y avait là sans doute un canal de communication qui permettait au port marchand de déverser son trop-plein de vaisseaux dans le lac de Tunis. Le port militaire, communiquant avec le précédent par une ouverture située au sud, comprenait les deux lagunes actuelles, sous le nom général de Cothon[53], et se composait, par conséquent, d'une partie ronde et d'une partie carrée, comme l'indique Appien. Toutes deux sont creusées de main d'homme et répondent à la définition de Festus et de Servius ; les 220 vaisseaux de la flotte carthaginoise étaient à l'aise pour y évoluer. Enfin, si l'on admet cette disposition des lieux, il devient facile de comprendre que les marchands n'apercevaient pas l'intérieur du Cothon et qu'ils pouvaient pénétrer dans la ville sans traverser les arsenaux. Les descriptions d'Appien et de Strabon sont pleinement confirmées. Ce système est, à mon sens, le plus ingénieux qui ait été proposé pour éclaircir la topographie des ports. Je le crois néanmoins faible en un point. Aucun des historiens ne parle du canal qui joignait, suivant M. Œhler, le port marchand au lac de Tunis. Tous ceux qui savent avec quel minutie Appien nous a transmis les renseignements qu'il puisait dans Polybe, auront peine à croire qu'une particularité aussi importante lui ait échappé[54]. Dans un long travail oui, à propos des ports, il passe en revue presque toute la presqu'île carthaginoise, M. O. Meltzer repousse les hypothèses des deux archéologues précédents ; c'est dire que la tradition trouve en lui un champion résolu. Oui, les ports sont bien tels que les a décrits Beulé, creusés tous deux artificiellement sur le rivage, communiquant entre eux par un goulet, s'ouvrant un seul passage vers la mer, au sud du port marchand, et représentés aujourd'hui par les lagunes ; la digue de Scipion reliait le Kram à Dar el Bey ; les ruines qu'on aperçoit en ces deux endroits lui appartiennent. Le Cothon était l'ensemble des ports ; si Appien applique ce nom à l'un des deux en particulier[55], il se trompe et se contredit. L'entrée commune, vue de Byrsa, pourrait bien paraître, comme le marque l'historien, ού πάνυ πόρρω τής γής. Quant au bassin rond, M. Meltzer ne répugne point à l'idée qu'il ait pu contenir les 220 vaisseaux de la flotte. Il reproche, d'autre part, à M. Œhler de nous donner trois ports au lieu de deux ; à M. Torr, de supposer une chose irréalisable en imaginant son port en pleine eau, avec une immense digue à l'entour[56]. Lorsqu'ils abordèrent en Afrique, peut-être les Phéniciens s'établirent-ils dans la petite anse du Kram et se protégèrent-ils contre les vents par une petite digue incorporée plus tard dans le grand môle de Dar el Bey. Leurs seuls ports dignes de ce nom furent ceux que l'opinion commune désigne comme tels. Que celui du sud ait été creusé avant celui du nord, rien ne s'y oppose ; qu'importe d'ailleurs, pourvu qu'on s'accorde sur leur emplacement[57]. Les deux mémoires de M. Meltzer ont valu un regain de faveur à la doctrine traditionnelle. M. Babelon déclare[58] que le bon sens et l'examen des lieux nous ramènent à l'opinion de Beulé ; et M. Gsell, après avoir considéré l'avis de M. Œhler comme assez ingénieux, n'en conclut pas moins : en somme, mieux vaut nous en tenir à l'opinion ancienne[59]. Pourtant M. Gauckler[60] accepte le port dé commerce tel que l'imagine M. Torr, de Dar el Bey à Bordj Djedid, et le port de guerre identifié par M. Œhler avec les deux lagunes ; c'est un système éclectique[61]. A quel parti nous rangerons-nous à notre tour ? Faudra-t-il admettre, avec les traditionalistes, que les deux lagunes se confondent avec les deux ports ? ou, à la suite de M. Torr, qu'elles n'ont rien de commun avec eux ? ou enfin, comme M. Œhler, qu'elles n'en représentent qu'une partie, le port militaire ? Aucun des trois systèmes ne va sans difficultés ; le dernier en soulève pourtant beaucoup moins que les autres. Toutefois je n'ai garde d'oublier que Beulé est le seul des investigateurs de Carthage qui ait exécuté des fouilles autour des bassins, le seul qui puisse fournir des chiffres et des mesures à l'appui de son dire. Aussi, malgré les idées préconçues dont son ouvrage porte la trace, on n'a pas le droit de le négliger. Et nous voilà de nouveau dans l'embarras. M. Gsell, voyait juste quand il écrivait que cette question ne pourrait être tranchée définitivement que par des fouilles[62]. Les fouilles ne sont pas encore entreprises, cependant un pas a été fait en 1897 vers la solution du problème ; car on a examiné avec la plus grande attention, et en se servant de la sonde et du scaphandre, tout le rivage depuis Sidi Bou Saïd jusqu'au Kram[63]. Le Dr Courtet a donné l'exemple[64] ; après plusieurs mois de recherches assidues, il observait : 1° un large môle dirigé vers le sud à partir de la pointe de Dar el Bey et qui se termine en musoir ; 2° une passe au-dessous de ce point ; 3° un ensemble de murailles sensiblement parallèles s'étendant sur une largeur d'une quarantaine de mètres, qui ferment au sud la baie du Kram et remontent comme à la rencontre du môle de Dar el Bey. Il parait découler de ces faits que la baie du Kram était englobée dans les ports. M. Courtet cependant se borne à cette conclusion assez inattendue : L'ensemble des murailles que nous avons suivies marquerait, suivant nous, la place véritable de la digue (de Scipion)... On peut supposer aussi que les Romains, utilisant la digue, l'ont prise pour base d'une jetée maçonnée qui transformait la baie du Kram en un avant-port. Si je comprends bien cette phrase, les Romains auraient eu au Kram un troisième port en sus des deux qui servaient à l'époque précédente ; supposition assez peu vraisemblable, puisque le commerce n'était pas plus actif dans la seconde Carthage que dans la première. D'ailleurs je me figure mal la digue de Scipion avec une forme demi-circulaire et interrompue par une passe[65]. Plus récemment encore, sur la demande de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le Ministre de la Marine a fait entreprendre, par les officiers du contre-torpilleur le Condor, le levé de la partie du golfe de Carthage comprise entre la pointe de Sidi Bou Saki et le Kram. Cette opération, conduite avec toute la science et tout le soin désirables par M. de Roquefeuil[66], vient d'aboutir à des constatations un peu différentes de celles du Dr Courtet. M. de Roquefeuil rend hommage aux recherches persévérantes de son devancier ; mais, disposant de moyens d'action plus puissants, il lui a été possible de pousser plus loin ses investigations. Des 4.500 coups de sonde donnés entre le cap Carthage et Dar el Bey, il résulte qu'il n'y a aucune trace de port en cet endroit[67]. Voilà un premier fait acquis, et le système de M. Torr est ruiné du même coup. Un mur en blocs de pierre part de Dar el Bey en droite
ligne vers l'est et rejoint, à 75 mètres de terre, un autre mur avec lequel
il forme un angle aigu ; ce second mur construit comme le premier, mais long
de 425 mètres, court vers le sud et aboutit au musoir signalé par M. Courtet.
Falbe, avec sa perspicacité ordinaire, avait très bien compris qu'il s'agit
là d'une jetée de peu d'épaisseur et
non d'un terre-plein soudé à la côte par un remplissage, comme le dit Tissot[68]. Le musoir est
formé par une jetée de 30 mètres de large environ,
120 mètres de long qui part de terre à la pointe au sud de Dar el Bey
et se raccorde avec le mur de 425 mètres sous une
incidence de 30°. L'espace de mer compris entre les trois murs ou
jetées dont il vient d'être question et le rivage[69] constitue un bassin ayant évidemment quelque relation avec
le port de Carthage ; des fouilles à terre permettraient seules
d'élucider ce problème. Dans l'intérieur de ce quadrilatère apparaissent
certains murs de direction et d'origine diverses, que M. de Roquefeuil est
tenté de prendre pour byzantins. Peut-être,
dit-il, dans des temps plus rapprochés de nous,
a-t-on voulu construire là des jetées ou des quais en retrait sur les
constructions puniques ou romaines, dont les débris ont été utilisés comme
brise-lames pour défendre les nouvelles constructions contre la mer du large. Dans la baie du Kram, un double dos-d'âne se développe parallèlement à la côte ; le plus éloigné du rivage, qui est au moins deux fois plus long que l'autre, aboutit perpendiculairement au musoir et détermine avec lui une véritable passe dont la largeur serait d'environ 25 mètres, correspondant précisément à la largeur de 70 pieds qu'Appien assigne à l'entrée des ports. Et M. de Roquefeuil ajoute, confirmant en partie[70] le système de Falbe et de Beulé[71] : au point de vue purement marin, l'entrée des ports, à l'endroit que j'indique, eût été très heureuse, car c'est le seul endroit où la côte se défile un peu, et puisse ajouter aux protections des môles un abri naturel contre les vents du nord. Quant aux murailles sous-marines qui commencent vis-à-vis des palmiers du Kram, elles ne semblent avoir ni la forme ni la direction que leur assigne M. Courtet. C'est un labyrinthe de ruines... d'une largeur immense... un chaos de débris inextricables... qui paraissent se diriger vers le sud et pourraient rejoindre les ruines similaires en face de Khérédine. En tout cas, la jetée de Scipion, telle qu'on l'indique depuis Falbe, est très problématique. Un examen minutieux ne révèle aucune relation entre le musoir d'une part, les dos-d'âne et les ruines voisines des palmiers de l'autre. Dès lors, ne peut-on pas supposer que, en l'absence de mesures hydrographiques, Falbe ait, sans raison légitime, réuni d'un trait continu deux massifs de rochers auxquels il attribuait gratuitement. la vertu de provenir dune même construction. Rapprochant enfin de ses observations les textes d'Appien et de Festus, ainsi que les discussions des modernes, M. de Roquefeuil en déduit que l'entrée commune aux deux ports était la passe près du musoir, que le Cothon ou port militaire, dont l'entrée est reconnaissable dans une dépression de la côte (n° 12 de Falbe), comprenait les deux lagunes, que les deux dos-d'âne ne sont pas les ruines de la jetée de Scipion, mais plutôt les traces de deux murs entourant le port. Il y avait donc dans la baie du Kram un môle abritant le port de commerce ; ce port était très grand ; le mur qui le limitait dans le sud pouvait être baigné par le canal faisant communiquer la mer et le lac de Tunis ; peut-être le quadrilatère de Falbe en faisait-il partie. Ce port pouvait même entourer le Cothon dans le sud-ouest et l'ouest... Pour déterminer les contours du port marchand, des sondages à terre seront indispensables. Je me contenterai donc de retenir qu'il s'étendait au sud des deux lagunes, dont il était distinct ; c'est-à-dire que la théorie de M. Œhler, très séduisante à la seule réflexion, reçoit des faits une pleine confirmation. L'emplacement du port à l'époque romaine fut le même qu'à l'époque punique. Sur une étendue de côte assez restreinte, telle que celle de Carthage, les endroits n'abondent pas où il soit facile de loger des vaisseaux ; et un peuple aussi versé dans les choses de la mer que les premiers Carthaginois avait dû choisir le meilleur abri pour sa flotte. Leurs successeurs ne pouvaient donc mieux faire que de réparer leurs établissements, de les adapter à une situation modifiée. Toutefois on aurait tort de supposer que l'installation d'une marine ne coûta aucun travail aux Romains. Appien nous a raconté quels rudes assauts l'armée assiégeante avait livrés aux ports, comment Lælius entra dans la ville en s'emparant du Cothon. Très endommagées dès ce moment, les constructions de. ce quartier disparurent avec le reste, lorsque la ville fut anéantie sur l'ordre du sénat. 'Maintenir ce qui faisait l'orgueil et la principale richesse de la cité, quand ils voulaient exterminer jusqu'à son nom, t'eût été, de la part des vainqueurs, une aberration étrange. Il est possible pourtant que la rage romaine ne soit pas allée jusqu'à combler les bassins, laissant au temps le soin de tout niveler. Une vingtaine d'années ne suffisaient pas à cette lente destruction ; aussi, au moment où Gracchus arriva sur la terre africaine, le port militaire et le port marchand devaient être encore reconnaissables. Je doute qu'on les ait dès lors complètement remis en état, car les premiers colons ne pouvaient posséder qu'une flotte rudimentaire ; j'en attribuerais plutôt la restauration à Auguste et à ses successeurs, qui s'employèrent avec un zèle extrême à rendre à Carthage son antique prospérité. Le couronnement de tous ces efforts fut la création par Commode de la Classis Commodiana Herculea. Le port, ainsi reconstitué, correspondait-il de tout point à ce qu'il était avant 146 ? Beulé y rencontra peu de vestiges puniques ; de tous côtés, au contraire, des débris romains[72]. Il en conclut que rien ne fut changé, du moins dans les grandes lignes. Mais, comme les vaisseaux marchands devaient dorénavant y trouver asile plutôt que les escadres de guerre, cales et arsenaux avaient fait place à des quais oh se déchargeaient les cargaisons. Ces constatations répondent bien à ce qu'on peut imaginer. Par-dessus les murs puniques formés de grandes assises régulières en tuf, ajustées les unes sur les autres selon le système grec, il est naturel de rencontrer les murs romains, bâtis en petits matériaux que recouvre un puissant mortier. On demeurera plus sceptique en lisant ces lignes du même auteur : Pour prévenir l'invasion des sables et ménager un passage facile à nettoyer, les Romains construisirent à la base du port marchand, derrière la pointe de Dar el Bey, un canal transversal long de 126 mètres ; canal assez extraordinaire, parce que les murs se creusent de chaque côté, comme pour modeler les flancs des bâtiments. Ce canal a 6m,60 de largeur à la base, 6m,20 au milieu, 5m,65 au sommet. Les navires étaient remorqués à la main comme au passage de nos écluses[73]. Cet étroit couloir semble à Tissot[74] une pure invention, et il ne saurait se représenter les cinq cents vaisseaux de Bélisaire, dont plusieurs étaient de gros bâtiments de charge, franchissant l'angle droit d'un canal de 5m,65 de largeur. Une telle disposition correspond si peu à ce qu'on attendait que Beulé la qualifie lui-même d'extraordinaire. En outre, il avoue que cet ouvrage ne saurait être punique, car Appien décrit une ouverture de 70 pieds de large, fermée par une d'aine, et même que les preuves manquent pour l'assigner aux premiers temps de Carthage romaine. Cette entrée n'aurait servi qu'au Mandracium ou port byzantin, le goulet, détruit en 146, l'ayant été sans doute une seconde fois à la fin de l'empire. Voilà bien des réticences ; quand Beulé se croit sûr de son fait, il parle avec plus de netteté. Au préalable, il importerait d'examiner si la passe au sud-ouest de Dar el Bey fut rétablie par les Romains ; ou si, comme l'attestent Dureau de la Malle et Tissot, ils utilisèrent la nouvelle issue creusée pendant le siège au nord-est du bassin rond, et dont une légère dépression marque peut-être encore la place[75]. Il est évident en effet que, si l'entrée subsista dans le bassin rond, le système de Beulé ne repose sur rien. Je m'abstiens de répéter les arguments fournis soit en faveur de l'hypothèse, soit contre elle[76] ; tant qu'on ignorera la situation exacte de la digue de Scipion, la discussion sera vaine. Du moins, il convenait de signaler cette forte objection aux vues de Beulé sur le couloir de 126 mètres. Les documents de la période romaine n'attribuent au port aucune qualification particulière. L'anonyme, qui nous a laissé un tableau de l'Empire au temps de Constance, en vante la sécurité et ne l'appelle que portus[77]. A l'époque byzantine seulement on le désigne par un nom spécial, Mandracium[78]. Quand la flotte de Bélisaire parut devant Carthage, les habitants enlevèrent les chaînes de fer qui barraient la passe ; mais les amiraux, craignant que leurs cinq cents navires[79] ne pussent pas trouver asile dans les bassins, se réfugièrent pendant la nuit dans le lac de Tunis. Quelques vaisseaux seulement entrèrent directement à l'intérieur du Mandracium[80]. L'historien ne nous dit pas que le reste de la flotte y soit allé à son tour le lendemain[81] ; son récit tendrait plutôt à faire croire qu'elle demeura au mouillage du lac, et l'on serait tenté d'en induire que le port n'était pas assez vaste pour contenir un si grand nombre de voiles. Mais, en même temps, le doute des amiraux permet de croire qu'il était néanmoins de dimensions considérables, puisqu'ils délibérèrent avant de se résoudre à ne pas y pénétrer. Théodose II pourvut sans doute à la défense du port, lorsqu'il dota la ville d'une enceinte fortifiée ; les chaînes de fer, renouvelées de l'âge punique[82], n'auraient été qu'une faible garantie de sécurité. La suite du récit de Procope nous apprend qu'autour du Mandracium s'étendait, au vie siècle, un quartier habité par les trafiquants et armateurs tant étrangers que Carthaginois[83]. Areobindus, poursuivi par Guntharis, se réfugia dans un monastère, bâti depuis peu par Solomon, sur l'ordre de l'empereur. Ce monastère, véritable forteresse, s'élevait à l'intérieur de la ville, sur le rivage, tout proche du port connu sous le nom de Mandracium[84]. Redevenu maître de la capitale africaine, Justinien n'avait pas voulu la laisser exposée aux coups de main de ses ennemis. La facilité avec laquelle sa propre flotte s'était introduite dans le port lui montrait qu'il n'était pas suffisamment protégé. Alliant donc la piété à la prudence. il fit construire ce monastère inexpugnable. Beulé remarque que la petite coupure faite par les Arabes, au nord-est du bassin circulaire, traverse une suite de sept murs juxtaposés, en blocage romain, parallèles, épais de 1 à 5 mètres[85]. Il se demande si ce n'est pas 1h le soubassement de l'édifice dû à Solomon ; on aimerait à lui voir fournir ne fût-ce qu'un commencement de preuve en faveur de cette conjecture. Le monument subsistait encore an more siècle sous la désignation de Tour d'Abou Soleiman (ce dernier mot dissimule à peine le nom de Solomon). Les termes dont se sert El Bekri en le mentionnant n'en laissent pas deviner l'emplacement exact[86]. Dans l'île, Beulé a encore rencontré des traces de l'occupation romaine, morceaux de colonnes, fragments de corniches, sculptures diverses, le tout en marbre[87]. Au nord, sur la terre ferme, des restes de quais, avec dallages romains et byzantins, des égouts, qui déversaient peut-être dans les bassins les immondices des quartiers du sud[88], ont été retrouvés à 2 mètres au-dessous du sol actuel. Ces vestiges paraîtront sans doute peu de chose ; mais, si l'on veut réfléchir que Génois, Pisans, Espagnols, qui trafiquaient au moyen fige arec l'Afrique, lestaient leurs balancelles avec les pierres du port non loin duquel elles été amarrées, on s'étonnera bien plutôt que leur rapacité ait laissé quelques fragments à recueillir aux ouvriers de Beulé. Le Mandracium était-il le seul port de Carthage ? La phrase de Procope άγχιστα τού λιμένος, όπερ Μανδράκιον όνομάζουσιν semble donner à entendre, si l'on en pèse bien les expressions, que d'autres rades ou mouillages existaient encore autour de la presqu'île. Déjà Cicéron, dans un passage qui ne me semble pas avoir été assez remarqué, parlant de la cité détruite par Scipion, dit qu'elle était entourée de ports[89]. L'expression serait fausse si l'orateur voulait désigner simplement le Cothon. Je crois qu'il faut la prendre à la lettre et rechercher s'il n'existe pas sur le rivage quelque retraite propice aux vaisseaux. La configuration du sol n'ayant guère varié durant les dominations punique et romaine, ces ports naturels, s'ils existaient pendant la première période, ont dû servir aussi durant la seconde. Un coup d'œil jeté sur une carte permet de reconnaître que trois endroits pouvaient recevoir des navires[90] : la sebkha de La Soukra, l'anse comprise entre le promontoire de Clamart et le Cap Carthage, enfin le lac de Tunis. Aucun fait historique de l'époque romaine ou byzantine ne permet d'affirmer que la sebkha de La Soukra ait été une rade fréquentée par les matelots carthaginois ; il n'y a là qu'une présomption. Entre Gamart et Sidi Bou Saïd, la côte portait le nom d'El Mersa, le port, d'où les modernes ont fait La Marsa. M. Meltzer[91] incline à interpréter cette désignation comme un souvenir des vrais ports situés beaucoup plus au sud. N'est-il pas plus simple d'admettre, tout en laissant à leur place le Cothon et le port de commerce, que la marine de cabotage et les barques ancraient dans cette anse où le mouillage était commode[92] ? Cet état de choses conservé au moyen âge aurait valu à ce quartier le nom qu'il porte encore aujourd'hui. Pour le lac de Tunis, l'aventure de la flotte de Bélisaire montre que les navires, même de fort tonnage et nombreux, y cherchaient parfois asile. Il était donc moins envasé que de nos jours. Maltzan pense avoir découvert les restes d'un quatrième mouillage[93]. Entre Sidi Bou Saïd et Bordj Djedid, il a aperçu, près de la plage ; les vestiges d'une porte de mer, de magasins et d'entrepôts et, dans l'eau, une quantité de pierres de taille provenant, selon toute apparence, d'une jetée protectrice. Avant de se prononcer d'une manière aussi catégorique, il serait indispensable de prouver qu'il s'agit réellement d'une jetée, de magasins et d'une porte. Maltzan, a pourtant vu juste en partie : de Sidi Bou Saïd à Bordj Djedid surtout aux alentours de ce dernier point, au pied des falaises, M. de Roquefeuil a rencontré une série de petits abris pour les embarcations et de jetées relativement courtes[94] ; des escaliers devaient les relier à la ville. Avec ses deux ports, les mouillages de La Soukra, de La Marsa et du lac de Tunis, et ces bassins moins étendus, Carthage eût donc été vraiment, selon le mot de Cicéron, succincta portubus. Douar ech Chott, le village du rivage ou du marais[95], est bâti sur les ruines d'un important édifice, peut-être un temple[96], dont les pierres ont servi à construire les maisons arabes. Des colonnes, des fragments de chapiteaux et d'inscriptions, arrachés au sol, sont épars autour des habitations ou encastrés comme matériaux dans les murs. Le P. Delattre y signale, près du cimetière moderne, un conduit souterrain circulaire qui sert d'étable ; on pouvait naguère le parcourir dans toute son étendue ; la chute de la voûte a obstrué le passage[97]. Une grande mosaïque représentant une scène de pêche (aujourd'hui au musée du Bardo) provient aussi de Douar ech Chott[98]. M. Gauckler s'est livré, dans ces parages, en 1896, à des
fouilles très fructueuses. Elles ont amené la
découverte, entre autres objets d'art, d'une grande mosaïque représentant une
salle de banquet romain, avec trente-quatre personnages, et d'une statue de
l'impératrice Julia Domna, en muse[99], et de nombreux
morceaux de sculpture ou de céramique. En 1897, il a encore déblayé, aux
environs du lazaret, une grande mosaïque de 7 mètres
sur 7, représentant une maison romaine et diverses scènes de chasse, autour
d'un temple d'Apollon et de Diane abritant les deux statues chryséléphantines
de ces deux divinité ; en 1898, un Bacchus colossal, des mosaïques et
sculptures diverses[100]. Entre Douar ech Chott et la lagune ronde, des terrains bas ont reçu des indigènes, quoique à sec, le nom Gâ el Oued, lit du ruisseau[101]. Ils suivent, selon le P. Delattre, la direction du canal qui mettait en communication les ports avec l'euripe du cirque. Ce canal, ajoute-t-il, existait déjà du temps de la ville punique, et Polybe en parle de manière à faire entendre qu'il était dans la cité ; Tertullien signale aussi un euripe bordé de statues. Le canal mentionné par Polybe devait être plus au sud, à la hauteur du Kram, et il n'a rien à voir avec le cirque. Quant au texte de Tertullien, s'il se rapporte réellement à Carthage[102], il ne fait allusion qu'à un euripe dans le cirque, nullement à un canal extérieur. L'interprétation du nom de Gâ el Oued me parait devoir rester provisoirement en suspens. L'agora de la première Carthage s'étendait près du Cothon[103] ; le temple de Baal-Apollon devait se dresser ou sur la place même, ou dans le voisinage immédiat, car les soldats romains le pillèrent presque aussitôt après avoir occupé les ports, sans vouloir écouter leur chef qui les entraînait vers Byrsa[104]. Dureau de la Malle, alléguant le récit fait par Tacite de la soi-disant conspiration du proconsul Pison[105], a soutenu que le forum de la ville nouvelle devait occuper la même situation[106]. Le centurion envoyé par Mucien débarque au port et, sans tarder, salue Pison empereur ; bientôt le peuple se joint à lui et se précipite an forum en acclamant Pison. Ce texte me parait manquer de précision topographique ; il vaut donc mieux renoncer à s'en prévaloir. Saint Augustin parle d'un hérétique qui obtenait un grand succès parmi les Carthaginois : On lisait son livre, ajoute-t-il, sur l'esplanade, au bord de la mer (in platea maritima), devant un immense concours de peuple[107]. Et Procope[108], énumérant les édifices dont Justinien dota la ville, mentionne le double portique de la place qui touche à la mer. La preuve est sans réplique, décide Dureau de la Malle ; le nouveau forum était bien à côté du rivage, partant à la place de l'ancien. La conclusion ici encore est trop hâtive. Que les deux auteurs aient eu en vue une même place, je le concède ; que cette place ait été proche de la mer, le fait est indéniable ; mais qu'il faille y voir le forum et surtout la chercher à proximité des ports, c'est ce que je nié refuse à admettre avec Tissot[109]. Saint Augustin et Procope n'ont-ils pas écrit intentionnellement, l'un, platea (que je traduis à dessein par esplanade) au lieu de forum, et l'autre, καλουμένη à côté de άγορά, pour donner à entendre qu'il s'agit d'un autre endroit que la principale place de la ville[110] ? A l'ouest du jardin de Mustapha ben Ismaïl, le P. Delattre a ramassé un débris d'inscription monumentale, avec ces quatre lettres, hautes de 0m,19, FORV (peut-être forum)[111] ; un peu plus bas, vers les ports, un fragment avec le nom d'Apollon en grec, trois pierres votives à Mercure, une statue et un bas-relief où le même dieu est figuré ; on y signale encore une belle mosaïque, détruite en 1886, qui représentait la toilette de Pégase[112], une jolie tête de statue (Jupiter ?), des anses d'amphores, des marques céramiques, mille objets en un mot qui n'offrent pas une signification topographique bien déterminée[113]. Les traces d'incendie que l'on constate à des niveaux différents entre la maison de Mustapha ben Ismaïl et les ports[114] et qui rappellent la conflagration de 146 avant Jésus-Christ et celle qui se produisit sous Antonin, sont une preuve plus sérieuse à invoquer en faveur de l'hypothèse commune que le forum de Carthage romaine s'étendait au nord du Cothon, dans la direction de Dar Mustapha ben Ismaïl. Quelle était la disposition générale de cette place avant le désastre qui l'anéantit au IIe siècle ? Aucun auteur ne nous l'a révélée. Pour la période suivante, une anecdote racontée par saint Augustin nous en donne au moins une idée d'ensemble[115]. Le tableau est de la fin du IVe siècle ; depuis la reconstruction d'Antonin, deux cents ans plus tôt, l'état des lieux n'avait guère dû être modifié. Un ami d'Augustin, Alypius, suivant l'habitude des étudiants, se promenait un jour, seul, vers midi, sur le forum, devant le tribunal[116], préparant un plaidoyer qu'il avait à prononcer ; tout entier à son travail, il n'avait pas fait attention qu'un autre étudiant venait d'entrer sur la place. Ce dernier, muni d'une hache, s'était approché de la balustrade qui domine la rue des Banquiers (vicus argentariorum) et commençait à couper le plomb qui la revêtait. Au bruit, des coups, les banquiers, qui se tenaient au-dessous, s'émeuvent et envoient des gens pour saisir le voleur ; lui, qui les avait devinés, abandonne son instrument et s'enfuit. Alypius le remarqua seulement alors et, s'étonnant de son départ précipité, se dirigea vers l'endroit qu'il quittait, y trouva la hache et se mit à la considérer. Sur ces entrefaites parurent ceux que les banquiers avaient envoyés. N'apercevant personne qu'Alypius l'outil en main, ils se précipitent sur lui et, avec l'aide des habitants d'alentour, l'entraînent en jugement comme un voleur pris en flagrant délit. Par bonheur, ils rencontrèrent en route une personne de qualité qui obtint qu'on relâchât le jeune homme, tandis que, sur ses indications, l'auteur du délit était arrêté presque aussitôt. Ce récit nous apprend tout d'abord que le forum était exhaussé, au moins d'un côté. Puisque la balustrade surplombait vers la rue des Banquiers, ce vicus, situé en contre-pas, ne communiquait avec le forum qu'au moyen d'escaliers. Il faut d'ailleurs nous représenter les boutiques comme de simples comptoirs, sans logement annexé. La différence de niveau n'excédait pas quelques mètres. Il en était à Carthage comme à Rome, où les orfèvres, changeurs, banquiers, dressaient chaque jour leurs petites tables près du forum, au vicus gentariorum[117]. Et, d'autre part, la surélévation du forum est identique aux dispositions que l'on constate à Timgad, où une série de boutiques en bordure de la grande rue s'appuient aux soubassements de la place sans que les toits en dépassent le dallage[118]. A l'heure chaude de midi, où Alypius s'y promenait, le forum était désert, et les comptoirs des changeurs n'attiraient pas le public. Le récit de saint Augustin ne reproduit donc pas l'aspect ordinaire de la rue des Banquiers, ni le mouvement qui l'animait la plus grande partie du jour. Nous savons qu'elle comptait parmi les plus brillantes de Carthage, et l'auteur anonyme de la Descriptio orbis, sous l'empereur Constance, dit en propres termes qu'aucune autre ne pouvait rivaliser avec elle[119]. Située dans l'endroit le plus fréquenté, à proximité des ports et du forum, on ne s'étonnera pas que ses maisons et ses édifices aient surpassé en élégance le reste de la ville. Lorsqu'on vient saisir Alypius, les habitants du forum s'attroupent (congregatis inquilinis fori) et prêtent main forte aux émissaires des banquiers. Cette population, vivant dans les monuments en bordure de la place, ou dans les rues qui l'encadraient, boutiquiers, gardiens de temples ou de basiliques, esclaves... faisait la sieste au moment où le voleur s'introduisait sur les toits. Le bruit de son outil les réveilla (cujus sonitu exciti venerant), ainsi que les appels des banquiers ; et tout le quartier, mis en émoi, courant aux nouvelles, fut bientôt sur pied. Cette agglomération d'habitants[120], la présence fréquente des magistrats et le concours de peuple que les jugements ou assemblées[121] ne manquaient pas d'attirer, expliquent la nécessité de gardiens spéciaux[122]. Je voudrais croire que, grâce à eux, la sécurité était complète ; pourtant l'aventure d'Alypius nous montre que leur vigilance se trouvait quelquefois en défaut, puisque les commerçants du vicus durent les avertir du vol qui se commettait, ou du moins qu'ils se laissaient parfois aller, tout comme leurs protégés, aux douceurs de la sieste. La faute est excusable en Afrique. Le forum, centre de la vie publique, devait être le lieu choisi pour mettre sous les veux des Carthaginois les documents qu'ils avaient intérêt à connaître, lois, ordonnances, proclamations, arrêtés de tout. genre. On a des raisons de penser qu'un exemplaire sur bronze de la loi des XII Tables y était encore apposé au IIIe et jusqu'au Ve siècle de l'ère chrétienne[123] ; saint Cyprien et Salvien semblent y faire une allusion[124]. C'est là aussi qu'étaient affichées les nombreuses lois qui sont indiquées connue acceptæ ou propositæ par les magistrats en résidence à Carthage[125]. A titre de colonie jouissant du jus Italicum, cette ville avait érigé sur sa grande place, symbole de ses privilèges, une statue de Marsyas, analogue à celle de Rome[126]. On peut supposer que là se dressait l'Hercule à barbe dorée que saint Augustin mentionne dans un de ses sermons, et contre lequel s'exerçait la malice des chrétiens[127]. Au forum de chaque ville se donnaient rendez-vous après leur mort, parfois de leur vivant, les images de toutes les célébrités locales et des bienfaiteurs publics[128]. Il est donc permis d'attribuer à celui de Carthage deux statues d'Apulée, celle que lui dédia le consulaire Æmilianus Strabon et celle que le sénat semble lui avoir aussi décernée. Le rhéteur déclare, sans aucun embarras, qu'on voulait pour l'exposer un endroit très fréquenté[129]. Auprès d'elles mettons la statue dorée du proconsul Julius Festus Hymetius, qui préserva le peuple de la famine, à la fin du IVe siècle. Le flamine et duumvir Lucius Flavius Felix Gabinianus, qui devint, par un rare privilège, curateur de sa propre patrie et se signala par son désintéressement[130] ; les empereurs Gallien[131], Justin II[132], chers à la cité, et Phocas[133] y figuraient aussi à des titres divers. Entre la colline de Saint-Louis et les ports, on a découvert, à plusieurs reprises, des morceaux d'une longue inscription, aujourd'hui encore incomplète, qui contient une liste alphabétique de cités de la proconsulaire. MM. J. Schmidt et Cagnat[134] supposent qu'elles auraient fourni des subsides à Carthage pour l'aider à bâtir quelque monument, à terminer quelque entreprise ; ce texte perpétuait le souvenir de leur assistance. Vu la région où se sont retrouvés les fragments, il est possible que cette inscription fût fixée sur le forum même ; là, mieux que partout ailleurs, elle eût rappelé le bienfait et commandé la reconnaissance. Non contents d'exalter leurs propres gloires, les Carthaginois, imitant l'exemple donné à Rome par Auguste, au forum qui p.orte son nom, célébraient encore sur la pierre et par le marbre les hommes qui, à toutes les époques, avaient bien mérité de la patrie. C'est ce qu'attestent quelques morceaux d'inscriptions, où l'habileté de J. Schmidt a déchiffré les noms de L. Calpurnius Bestia, de P. Sulpicius Galba, consuls en 643/111 et 646/108, de Caius ou Cnæus Papirius Carbo, leur contemporain, et de Sextus Vettulenus Cerialis, qui se distingua au siège de Jérusalem, où il commandait la Ve légion Macédonienne. Si l'on se refuse à assigner au forum ces débris[135] sortis, l'un de La Malga, les autres de Damous el Karita (on ne sait rien d'un autre, sauf qu'il provient de Carthage), ils témoignent du moins du patriotisme très hospitalier des Carthaginois. Les alentours Procope raconte que les conjurés qui avaient résolu la mort du forum de Solomon sortirent de l'église sans avoir exécuté leur projet. Une fois sur le forum, ils s'invectivèrent, s'accusant réciproquement de couardise[136]. Il ressort de ces lignes, sinon, comme le veut Dureau de la Malle[137], que la basilique s'élevait sur la place même, du moins, ainsi que le conjecture Tissot[138], qu'elle en était très proche. En 1875 fut construit sur la plage, au nord des lagunes, la maison de Mustapha ben Ismaïl (n° 68 de la carte de Falbe). Avant que les fondations en fussent établies, au moment oui l'on finissait de déblayer le terrain, M. de Sainte-Marie[139] a pu relever les dimensions d'un monument qui git à présent sous la demeure moderne. Il mesure 62m,25 de long sur 33m,30 de large ; les trois salles contiguës dont il se compose ont 28m,81 sur 17m,75 ; deux murs de 2m,25 les séparent dans le sens de la longueur ; leur petit côté donne vers la mer, que borde la façade. La pièce du milieu, élevée de 3m,40 au-dessus des autres, s'arrondit en hémicycle vis-à-vis de l'entrée. Dans les pièces latérales, trois rangs de six colonnes supportent la voûte ; et l'on est en droit de penser que ces colonnes atteignaient une grande hauteur, puisqu'un chapiteau déterré sur place[140] a 1 mètre de diamètre au sommet. Une vaste jetée en maçonnerie formant terrasse s'étendait devant l'édifice ; elle se composait, dit M. de Sainte-Marie, de deux murs en maçonnerie punique ayant 12 mètres environ de long avec un écartement de 4 mètres entre chaque mur, tandis que l'édifice était en pierres de taille romaines. Les tombeaux et plusieurs citernes, qui sont presque les seules constructions authentiquement puniques que l'on connaisse à Carthage, sont formés de grandes pierres ; la plupart des murs romains sont en blocage. La phrase qu'on vient de lire va donc à l'encontre des faits que nous constatons d'habitude. D'ailleurs le chapiteau dont on met la figure sous nos yeux n'offre pas les éléments d'une solution définitive. Il ne faut compter actuellement, pour déterminer cet édifice, que sur le témoignage des écrivains. Procope indique comme tout voisin du Mandracium le monastère de Solomon[141] ; ce monument, d'âge postérieur, ne doit pas être confondu avec les ruines dont je m'occupe, puisqu'il touchait aux lagunes. Appien laisse entendre[142] que du temple d'Apollon, comme il l'appelle, à l'agora, la distance était petite ; et Procope nous a répété la même-chose de l'église où se tenaient les conjurés. Les ruines que cache la maison de Mustapha ne seraient peut-être donc pas sans rapport avec le temple d'Apollon de la ville punique, qui aurait ensuite fait place à une église. Tel est, en le dégageant des réflexions parasites, le raisonnement de M. de Sainte-Marie[143]. J'avoue que les plans dont il accompagne sa discussion ne répondent pas à l'idée qu'on se fait aujourd'hui d'une basilique, ni aux modèles qu'on en possède[144] ; la forme générale, l'auteur en convient, se rapproche de celle des bains antiques. C'est pourquoi M. Babelon serait porté à admettre qu'il s'agit de thermes, ceux de Theodora, femme de Justinien, par exemple[145]. Pourtant, à côté des trois vastes pièces, il ne subsiste aucune trace des bâtiments accessoires, piscines, hypocauste... indispensables à des thermes. M. de Sainte-Marie a-t-il exploré un édifice complet ? Ses gravures en reproduisent-elles tous les détails ? D'après la réponse fournie à ces questions, l'hypothèse de la basilique deviendrait plus ou moins probable. II. — DERMÈCHE. Ce quartier s'étend au nord de celui de Cartagenna ; il est borné au sud par la ligne conventionnelle tirée de Douar ech Chott à Dar Mustapha ben Ismaïl ; à l'ouest, par la colline de Saint-Louis ; au nord, par les remparts voisins de Bordj Djedid[146] ; à l'est, par la mer. C'est vers la plaine qui sépare Saint-Louis du rivage que M. de Sainte-Marie a presque exclusivement dirigé ses recherches[147]. On éprouve quelque embarras à indiquer d'une façon précise les endroits où il les pratiqua ; il ne les désigne en effet sur sa carte que par des lettres. Sur les douze points où se transportèrent successivement ses ouvriers, neuf se trouvent entre Saint- Louis, les thermes et les citernes de l'est ; un, entre les thermes et Bordj Djedid ; deux, au nord des mêmes citernes ; il a donc choisi comme champ d'études l'ensemble de la région de Dermèche[148]. Aujourd'hui, par suite de ces fouilles et de celles qui suivirent, toute cette partie de Carthage montre au visiteur des tranchées béantes que le sable envahit peu à peu[149]. Ces chantiers abandonnés produisent une impression de ruine plus grande peut-être qu'en aucune autre région de la ville. Presque toutes les stèles de M. de Sainte-Marie[150] proviennent d'un seul terrain (A de sa carte), à mi-chemin environ entre Saint Louis et la maison d'Ahmed Zarouk. Les alentours (B, C, D, E) en ont produit un petit nombre[151] ; il n'en existait aucune dans les autres terrains où il a mis la pioche. Il est curieux, écrit-il, que toutes les fois que je m'éloigne de là (point A) je ne trouve plus d'inscriptions puniques, mais des débris tous de l'époque romaine[152]. Il déclare que ces stèles n'étaient pas éparses dans quelque temple ou nécropole antérieure à 146 ; elles avaient, au contraire, servi à bâtir un monument d'une date plus basse. La nature des matériaux rencontrés jusqu'ici et l'appareil des murs me firent comprendre que je démolissais une maison ou un édifice construit par les Romains avec des décombres provenant du dernier siège de Carthage[153]. C'est presque textuellement la description déjà donnée par Davis. Lui aussi conclut à l'existence d'une construction romaine — temple, palais, demeure privée ? il ne saurait le dire —, où les stèles avaient été utilisées ; puis il ajoute ce détail caractéristique : Ces murs, renfermant des pierres avec inscription phénicienne, confinaient à une arec d'environ 200 pieds carrés[154]. Faut-il accepter cette double affirmation ? Dix ans après M. de Sainte-Marie (1883-1884), MM. Salomon Reinach et Babelon vinrent à leur
tour s'établir dans la plaine[155]. M. Tissot leur
avait remis une liste des sondages à exécuter ; il s'agissait surtout de
vérifier un grand nombre de points de l'enceinte, la digue de Scipion et les
ports, la ville basse de Saint-Louis à la mer[156]. Ce plan
immense embrasse près de la moitié du territoire de Carthage ; M. Tissot ne
se doutait pas des difficultés d'exécution. L'état de la propriété foncière
est tel en Tunisie que nos deux savants ne purent toucher aux domaines des
Arabes et qu'ils seraient peut-être repartis sans
donner même un coup de pioche, si le cardinal Lavigerie, avec la plus
parfaite bonne grâce et le plus complet désintéressement, ne leur avait
octroyé le droit de fouiller sur les terrains du diocèse, sauf à dédommager
les locataires dont ils détruiraient les récoltes[157]. Munis de cette
autorisation, ils attaquèrent le champ sis entre les n° 55 et 57 de la carte
de Falbe, c'est-à-dire entre les puits dits Biz ez Zerig et Bir Messaouda,
presque sur notre ligne conventionnelle qui relie la maison de Mustapha ben
Ismaïl à Douar ech Chott. Un peu plus tard ils portèrent leurs efforts au
lieu dit Feddan el Behim, au nord de la route qui
mène de Douar ech Chott aux citernes de Bordj Djedid[158], là où M. de
Sainte-Marie avait obtenu tant d'inscriptions puniques (point A). Ces deux endroits leur rendirent
330 stèles avec inscriptions et 253 anépigraphes, 32 fragments de textes
latins sans importance, 118 lampes païennes et chrétiennes, dont
quelques-unes d'un réel intérêt, 13 morceaux de sculpture assez ordinaires,
quelques objets en os ou en ivoire, une quinzaine de figurines en terre cuite
; plusieurs, entre autres un masque, remontent à la première Carthage[159]. A Bir Messaouda, si l'on excepte des vestiges de mosaïques et des murs indéterminés, peut-être des fondations de maisons indiquant la direction de quelques rues, les ouvriers n'ont guère déblayé que des puits et des citernes. Celles-ci, d'origine punique, ont dû être restaurées à l'époque romaine ; chaque habitation paraît avoir eu sa citerne[160]. Carthage ne fut largement alimentée d'eau qu'au siècle de notre ère, lorsqu'Hadrien capta les sources du Zaghouan ; comme jusque-là les puits n'y étaient pas assez nombreux pour fournir aux besoins de la population, il est naturel qu'on ait recueilli l'eau de pluie avec grand soin. Les stèles puniques proviennent de Feddan el Behim. Elles se sont rencontrées principalement à des profondeurs variant de 2 à 6 mètres, non pas encastrées dans des murs récents, comme l'a dit M. de Sainte-Marie, mais toujours mêlées à la terre, de manière à former avec elle comme des talus qui pouvaient donner l'impression de murs véritables lorsque les fouilles étaient pratiquées en mine[161]. Aucune stèle ne porte la moindre trace de ciment, et nous avons pu nous assurer qu'il en est de même pour celles que M. de Sainte-Marie a rapportées à Paris. La grande tranchée que nous avons ouverte à l'endroit où l'on a découvert ces ex-voto présente un grand nombre de murs de diverses époques : aucun de ceux que nous avons examinés ne contenait une seule stèle[162]. Au reste, le relevé très précis que MM. Reinach et Babelon donnent de leur fouille[163] ne correspond nullement à celui de M. de Sainte-Marie[164], dont l'exactitude n'est pas la qualité dominante. Je considère donc comme avéré qu'il n'y avait pas à Feddan el Bellini de construction romaine bâtie à la hâte avec des matériaux de l'âge précédent. Mais j'ajoute que l'area de Davis n'est pas en cause ; peut-être l'auteur anglais a-t-il vu juste sur ce point. A Feddan el Bellini, comme à Bir Messaouda, on a déblayé des puits et surtout des citernes, dont une semblable d'apparence à un tombeau punique. Les débris d'époque romaine qui les remplissaient sont un indice qu'on les employa dans la seconde Carthage aussi bien que dans la première. Là encore, mais moins fréquentes que dans la tranchée précédente, on aperçoit des traces d'incendie, qui font songer à la destruction de 146 ou à celle du IIe siècle après Jésus-Christ[165]. Les recherches de MM. Reinach et Babelon, comme celles de M. de Sainte-Marie, utiles surtout aux études d'archéologie et d'épigraphie puniques, semblent avoir assez peu servi la topographie proprement romaine. J'espère pourtant montrer dans la suite que les stèles par eux exhumées ne sont pas sans valeur pour déterminer l'emplacement possible du temple de Cælestis. Une inscription latine, déterrée dans la plaine par M. Vernaz, nomme un prêtre, de Saturne, P. Minucius Félix. M. de La Blanchère, qui l'a signalée[166], dit qu'elle parait avoir été découverte à Feddan el Bellini. Je ne pense pas qu'il faille conclure sur une si faible preuve qu'un temple de Saturne existait en ce lieu, ni que le vicus Saturni ou vicus senis dont parle saint Augustin[167] soit à chercher dans ces parages. A égale distance à peu près (H) de l'endroit où gisaient les stèles amassées (A) et des citernes de l'est, au sud-ouest par conséquent de ces dernières. M. de Sainte-Marie exhuma diverses sculptures romaines de bonne époque, dont son livre contient les reproductions : une belle statue que M. de Longpérier qualifierait volontiers de Sabine, femme d'Hadrien[168], une tête surmontée du modius et qui conservait encore adhérentes quelques parcelles d'or, un pied de statue polychrome, des tètes, des bustes, des torses, des jambes, puis de petits bas-reliefs, des débris de frises, en un mot toute une série d'objets propres à nous éclairer sur l'art dans la colonie de Carthage. Ces morceaux, plus ou moins mutilés, étaient dans deux chambres et dans une espèce d'atrium les précédant[169]. A quelques mètres plus au nord, les ouvriers dégagèrent un fragment de mosaïque, avec un flamand très bien saisi au milieu ; on le laissa en place, car il était trop endommagé[170]. Enfin, au-dessous de la colline de Saint-Louis (E), plusieurs débris sculptés furent encore extraits du sol[171] ; ils n'ont pas l'importance des précédents. Parmi tous ces objets, celui qui doit attirer surtout notre attention est la tête surmontée du modius ; elle représente Sarapis[172]. Avec elle M. de Sainte-Marie remettait au jour quatre dédicaces grecques et latines, en l'honneur du même dieu, dont une gravée sur la poitrine d'un cynocéphale[173]. Quelque temps après, un Arabe déterra au même endroit[174] la magnifique tête de Sarapis, aujourd'hui au Louvre[175] ; puis le P. Delattre en exhuma une mosaïque[176] et un nouvel ex-voto à Sarapis[177]. Les auteurs du Corpus conjecturent qu'une autre mosaïque ornée de représentations des Mois, d'Isis, etc., que possède le Musée Britannique, appartenait au même groupe de monuments[178] ; mais elle provient de Bordj Djedid ; négligeons-la donc ici. Néanmoins la réunion en un seul endroit de tant d'objets relatifs au même culte n'est pas un effet du hasard ; cette rencontre ne s'explique que si l'on admet à cette place l'existence d'un Sarapeum. Tertullien y fait allusion, ainsi qu'à un vicus Isidis[179], voisin sans doute du sanctuaire[180]. Nous savons désormais qu'il faut en chercher les vestiges dans le champ qui occupe l'angle formé par la route de Saint-Louis à Sidi Bon Saïd d'une part, et, de l'autre, par le chemin qui longe la haie de cactus allant à la mer vers les thermes[181]. En étudiant ci-dessous le culte de Sarapis, à l'aide de ces documents, nous examinerons s'il ne nous apprennent rien sur la disposition intérieure du temple. A proximité du Sarapeum, dans un terrain appelé Douïmès ou Teurf Douïmès, le P. Delattre a exploré une très riche nécropole punique[182]. Les limites de mon sujet m'interdisent de parler en détail de ce travail considérable, poursuivi de 1893 à 1896. Qu'il me suffise de rappeler qu'on a. ouvert plus d'un millier de tombes ; dans presque toutes les morts sont inhumés[183] ; outre des poteries d'origine locale, des masques en terre cuite et une certaine quantité de bijoux et d'objets figurés qui trahissent souvent l'influence égyptienne, on a encore extrait de ces fosses beaucoup de vases et de figurines provenant d'ateliers grecs ou cypriotes. Cette nécropole a procuré des renseignements en abondance sur les usages funéraires et l'art des Phéniciens d'Afrique ; son existence, dûment constatée dans un endroit où on ne la soupçonnait guère, est d'une importance indéniable pour la topographie de la ville punique. Quand les Romains s'établirent sur ce sol, ces tombeaux, qui remontent dans leur ensemble au vie siècle avant l'ère chrétienne, étaient depuis longtemps enfouis sous terre. La plupart ont été vus intacts par le P. Delattre ; et, s'il faut attribuer avec lui aux Romains le pillage de quelques-uns d'entre eux[184], ces cas sont rares ; il demeure vrai, malgré tout, que les habitants de la seconde Carthage ou bien ignoraient ou bien ont respecté les sépultures qu'ils foulaient sous leurs pieds. Ils ont construit par-dessus ; avant d'atteindre les hypogées, on traverse une couche de terrain où se reconnaissent des restes de monuments romains. On y a trouvé aussi des tombes chrétiennes, entre autres celle d'un enfant[185]. Des environs du Sarapeum et de Douïmès sortent les épitaphes de deux soldats de la première cohorte urbaine et de deux chrétiens, une statue d'Esculape, des lampes et objets divers en terre cuite de l'époque chrétienne, puis plusieurs centaines de macarons de terre cuite portant les empreintes les plus variées et formant peut-être une collection d'échantillons préparés par quelque industriel pour faciliter la vente de ses pierres fines ; ces macarons datent du III e ou du IVe siècle avant Jésus-Christ[186]. Si nous quittons la plaine pour longer le rivage, à partir de la lagune circulaire, nous remarquerons, près du bord, des blocs épars dans la mer, qui se distinguent sous l'eau à une faible profondeur et qui se prolongent jusqu'auprès de Bordj Djedid[187]. On les tient d'ordinaire pour les restes des anciens quais, ou même des fortifications de la cité punique. Barth, qui a observé ces vestiges, ajoute un détail qui lui est propre[188]. Sur presque toute cette étendue de côte, on distingue, dit-il, des substructions en forme de chambres, comme il s'en voit avec une disposition toute semblable en mainte autre ville antique. Pendant le séjour que le voyageur allemand fit à Carthage, des Arabes retirèrent de ces cavités une masse de boulets de pierre. Après examen, Barth concluait que ces murs, mal cimentés, ne remontent pas au-delà des bas temps romains. Toutefois les gros blocs submergés qui paraissent n'avoir formé qu'un seul tout avec ces ruines s'arrangent assez mal de cette explication ; l'auteur le déclare lui-même. Aussi bien sa description que j'ai transcrite est trop peu explicite pour nous permettre de rien décider[189]. Poursuivons notre route vers le nord et dépassons la maison d'Ahmed Zarouk. Nous voici, après la haie de cactus, en présence d'un amas de décombres, vrai chaos oui l'œil a peine à discerner quoi que ce soit. Il offre, dit Falbe, une très grande masse de blocage ; et ici comme dans les autres monuments il est composé de ciment et de moellons[190]. Cette ruine, ajoute-t-il, est, sans contredit (avec le n° 53 où il marque le temple de Junon Cælestis), la plus considérable des constructions isolées de Carthage ; mais, dans sa prudence habituelle, il laisse aux archéologues à se prononcer sur sa destination. Clark Kennedy (1845) raconte[191] que le consul anglais Thomas Reade fouilla ce monument et put se convaincre qu'il était d'une rare magnificence. Colonnes de granit et de marbre, pavages de mosaïque, plaques de marbres variés et précieux garnissant les murs, rien ne manquait à sa splendeur. L'épaisseur des murs, en blocage revêtit de -pierres de taille, disait en outre que cette construction fut de dimensions imposantes. Une statue de Jupiter, avec une certaine quantité d'objets de moindre importance, fut extraite de ces ruines, dont aucune inscription ne révéla alors le nom. Dureau de la Malle les avait prises pour un gymnase[192] ; Davis y voit un entrepôt[193] ; Beulé[194] les dénomme basilique de Thrasamund ; Tissot[195] se borne à critiquer Dureau de la Malle ; M. de Sainte-Marie[196], tenant surtout compte du caractère grandiose de l'ensemble, y reconnaît un théâtre. Tout le monde avait fait fausse route. comme le démontra M. Vernaz, au moyen d'une inscription qu'il retira des décombres en 1885. Il ne s'agit ici ni d'un gymnase, ni d'un entrepôt, ni d'un théâtre, ni de la basilique de Thrasamund, mais des thermes bâtis ou réédifiés au Ile siècle par Antonin ; bien que fort mutilé, le texte laisse lire très clairement le mot thermis[197]. Diverses localités tin territoire de Carthage portent des noms où survit un souvenir des temps passés ; j'ai déjà cité Cartagenna et La Valga. Le P. Delattre s'était demandé si Dermèche ne serait pas une altération de thermæ[198] ; l'événement confirma sa conjecture. Le document épigraphique nous fournit en outre le nom de l'empereur Antonin : fut-il le premier auteur des thermes ? se borna-t-il à les restaurer, comme le pense M. Vernaz ? l'état de l'inscription ne permet pas. de le démêler. On sait cependant qu'il fit revêtir de marbre les parois des salles ; et, commue M. Vernaz, après Thomas Reade, a constaté que les plaques de marbre cachaient de grossières peintures murales plus anciennes, il est vraisemblable que la décoration primitive fit un jour place à des ornements plus luxueux, en un mot que l'empereur embellit et transforma des thermes déjà existants. C'est aussi l'opinion de M. Cagnat, qui a fait de la dédicace une étude complète[199], confirmant presque toujours les remarques de M. Vernaz. D'après sa conjecture, l'incendie qui dévasta le forum et ses environs, à l'époque d'Antonin, s'étendit peut-être jusqu'aux thermes. L'empereur, libéral envers les provinces[200], aurait accordé une somme d'argent à la colonie, avec licence de l'employer à la réfection du monument fort endommagé. Les travaux entrepris à cet effet sont d'une des quatre années 146, 151, 151 ou 159. Un peu en arrière des thermes, il existe une autre ruine de forme ronde. Falbe attribue un numéro spécial (69), et, depuis lors, on l'a considérée comme distincte de la précédente. Mais, tandis qu'il en fait un temple[201], Dureau de la Malle[202] veut y voir un théâtre, et son opinion a souvent prévalu dans la suite. On doit désormais la rejeter tout comme celle de Falbe, car M. Vernaz, en explorant le système de canalisation des thermes, s'est rendu compte qu'il était commun aux deux ruines ; il a constaté en outre que le mur d'enceinte était le même. Les deux masses séparées aujourd'hui[203] constituaient donc jadis un seul tout. Quant à la forme demi-circulaire que Falbe, Dureau de la Malle, Caillat et Tissot attribuent au groupe le moins important (n° 69), elle s'explique aisément si l'on considère que les salles extrêmes des thermes se terminent d'ordinaire en abside. Les thermes de Titus, de Caracalla et de Dioclétien, à Rome, en fournissent plus d'un exemple[204]. Les recherches de M. Vernaz ont encore abouti à un autre résultat[205]. A l'ouest des thermes s'embranche un canal qui, de Dermèche, après avoir suivi cette direction pendant quelque temps, tourne ensuite presque à angle droit vers le nord et aboutit à la pointe sud-est des citernes. Sa longueur totale est de 270 mètres, dont 110 entre les thermes et l'angle droit, 160 entre l'angle droit et les citernes. Il mesure 1m,70 de largeur, environ 3m,33 de hauteur sur l'axe. On lira avec intérêt tous les détails de construction de cet aqueduc souterrain dans le mémoire de M. Vernaz, où ils sont très clairement décrits. La voûte s'est écroulée en plusieurs endroits. En enlevant les éboulis qui obstruaient le passage, M. Vernaz a extrait, à moitié chemin entre les citernes et l'angle droit, une vingtaine d'urnes funéraires remplies d'ossements calcinés. Puis, tout près du coude, vingt-quatre tombeaux phéniciens, taillés dans le grès tendre et répartis à droite et à gauche du canal, ont reparti sous le pic des travailleurs ; en perçant leur aqueduc, les Romains les ont tous plus ou moins détériorés. Si Antonin restaura les thermes, il créa l'aqueduc ; M. Vernaz s'appuie sur de bonnes raisons pour en faire la preuve[206]. L'aqueduc est en effet de dimensions suffisantes pour vider en un temps très court tout le contenu des citernes. Cela suppose qu'elles pouvaient, d'autre part, être remplies sans délai ; c'est-à-dire qu'elles ne recevaient plus seulement les eaux pluviales, mais qu'une canalisation régulière les alimentait. Un tel état de choses n'exista qu'à partir d'Hadrien, puisque l'adduction des sources du Zaghouan à Carthage est son œuvre. Il est naturel de croire qu'Antonin, tandis qu'il embellissait les thermes, ait songé à tirer profit du grand aqueduc dont son prédécesseur venait de doter la ville. L'inscription expliquée par MM. Vernaz et Cagnat laisse même soupçonner que l'entreprise d'Hadrien fut achevée seulement par Antonin[207]. Si l'on adopte cette manière de voir, on v trouve un motif nouveau d'assigner au règne de ce dernier prince l'établissement du canal qui relie les thermes aux citernes[208] et qui faisait partie d'un plan d'ensemble bien conçu. Les sépultures puniques en bordure du canal ne sont pas les seules qu'on connaisse dans ce quartier. En 1869, Daux[209] signale celles qu'a dégagées M. Gouvet en avant des citernes, dès 1862. M. Vernaz en a encore rencontré plusieurs sur le versant sud de la colline de Bordj Djedid, et il déclare qu'on en déblaierait aisément de nouvelles tout autour[210]. Il est à remarquer que ces caveaux funéraires creusés dans le grès tendre ne renferment aucune trace des squelettes qui y furent jadis déposés. Ils ont été visités par les successeurs des premiers habitants de Carthage et même utilisés, car l'un d'eux a ses parois recouvertes d'un enduit très soigné appliqué sur la roche elle-même et qui n'appartient pas assurément à l'époque punique[211]. M. Vernaz ne se trompait pas en annonçant de prochaines de découvertes analogues. Le service de l'artillerie établissait, en 1894, une batterie de côte à Bordj Djedid[212], lorsqu'il rencontra, à des profondeurs variant de 10 mètres à 30 mètres, des tombeaux puniques taillés dans le grès qui forme le sous-sol de la colline. L'exploration, qui ne pouvait alors être complète, permit toutefois de fixer leur âge approximatif ; ils ne remonteraient pas plus haut que le IIIe ou le IVe siècle avant Jésus-Christ[213]. Le P. Delattre a repris, en 1898, et poursuit en ce moment l'étude de ces sépultures, qui s'étendent au-delà des limites que j'assigne à Carthage romaine ; c'est pourquoi j'en ai parlé en traitant des faubourgs. On voit que les Romains ont bâti tout le quartier nord-est de leur ville sur une série de nécropoles. Au-dessus des tombeaux qui sont au flanc méridional de la colline, M. Vernaz note les ruines d'un monument assez considérable, dont le plan général n'est pas facile à reconstituer, mais qui a présenté, d'une façon évidente, la forme en voûtes posées les unes sur les autres[214]. Falbe[215] parlait, apparemment, du même édifice situé au nord-est des petites citernes (n° 66), lorsqu'il le décrivait ainsi : C'est un souterrain divisé en plusieurs petites pièces voûtées qui ont pu servir à des bains. Les murailles de l'une offrent encore de faibles restes d'une peinture à fresque, dans le genre de celles qui décorent les bains de Titus à Rome. L'influence de l'atmosphère aura bientôt achevé de faire disparaitre ces ornements. Ces deux passages, malgré leur concordance[216], ne nous permettent pas cependant de tenter une identification. C'est -à ces restes, connus des Arabes sous le nom de Koubba Bent el Ré, que certains archéologues ont appliqué l'étrange appellation de Bains de Didon. M. de Sainte-Marie, voulant se rendre compte de l'origine du monument, y fit quelques sondages (P. de sa carte). Il pense y avoir retrouvé trois salles, dont il trace un plan qui nous laisse aussi incertains qu'auparavant. Mais il demeure persuadé que cette construction est romaine et que rien de ce qu'il y a vu ne ressemble à aucune des parties ordinaires des thermes, bassins, piscines, conduites d'eau, etc.[217] Falbe déblaya encore dans ces parages un pavé de mosaïque (n° 90) sur un espace de 30 pieds carrés[218] ; le ministre de la Marine du Bey, pensant y découvrir un trésor, la fit briser[219]. Près de là, entre les citernes et Bordj Djedid, le même auteur signale des débris immenses ressemblant à des ouvrages de fortification[220]. M. de Sainte-Marie[221] rencontra aussi au pied de Bordj Djedid (F de sa carte) une belle mosaïque à quatre couleurs, sans figures, qu'il ne fit pas enlever. Il décrit et dessine[222] quatre grands murs ayant 2m,60 de hauteur et formant un parallélogramme de 60 mètres de longueur sur 26m,25 de largeur (P de sa carte, n° 34 de Falbe), déjà examinés par Davis. Ne s'agit-il pas là des immenses ruines de Falbe ? Boulé, au contraire, pense que ce dernier faisait allusion à un escalier dont il dit avoir aperçu nettement les degrés sur la déclivité de Bordj Djedid[223]. Tout cela est assez confus, et la diversité des opinions montre bien quelle incertitude règne dans la topographie de cette région. On a cependant prétendu dénommer ces vestiges. Davis[224], d'après l'étrange système qui lui fait étendre Byrsa sur les collines qui vont de Saint-Louis à Bordj Djedid, attribue aux murs voisins de ce fortin le nom de temple d'Esculape. L'escalier dont parle Beulé, et dont Davis donne une reproduction, correspondrait aux soixante degrés 'qui aboutissaient, suivant Appien, à la demeure du dieu. Nous verrons -bientôt où était le véritable emplacement de ce sanctuaire, et cette seule constatation fera paraitre évidente l'erreur de Davis ; Grenville Temple[225] et Beulé[226] n'ont aucune peine à la faire toucher du doigt. Mais quand Beulé, suivi en cela par M. de Sainte-Marie[227], propose une' autre conjecture pour remplacer celle qu'il écarte, je crois qu'il fait fausse route à son tour. Les ruines sont, prétend-il, d'une structure telle qu'il ne saurait être question d'un temple[228]. Qu'on se figure deux rectangles de pierre dont le plus grand est long de 164 pas et large de 135 ; le plus petit, inscrit dans le précédent, mesure 98 pas sur 27. A l'intérieur, on n'a remué que de la terre végétale sans aucun ornement d'architecture, aucun marbre ni morceau sculpté. Il y a là, conclut Beulé, un plateau factice, une sorte d'esplanade bâtie de toutes pièces, qui ne saurait être que la platea nova dont parle Victor de Vita[229], à laquelle on accédait par un escalier. Voilà la terrasse, à 50 mètres environ d'altitude[230], voilà les degrés, tout concorde ; il n'y a aucune raison de refuser ce nom aux soubassements dégagés par Davis. Il existe pourtant un motif pour réserver notre jugement. Victor dit, en effet, que la platea nova était au milieu de Carthage[231] ; il se serait bien mal exprimé si elle était, comme le soutient Beulé, au-delà de Bordj Djedid, c'est-à-dire, selon toute probabilité, le long de l'enceinte byzantine. Je préfère l'incertitude à une affirmation aussi risquée. Les alentours du fortin ont encore rendu à Davis[232] une mosaïque avec une scène de chasse ; et au P. Delattre, deux autres qui représentent une chasse aux bêtes féroces, lion, tigre, etc., un buste de Cérès sans doute, avec des oiseaux[233] ; à La Blanchère, une dernière où figurent les mois et les saisons[234]. Des inscriptions chrétiennes pour la plupart[235], des lampes de même origine, des vases de bronze, les restes d'une statue colossale (Hercule ?) en proviennent également. La plupart de ces objets sortent de citernes romaines, réunies en deux groupes, chacun de douze réservoirs profonds de 15 mètres et creusés auprès et au-dessous du fort turc[236]. Le visiteur qui va de Bordj Djedid vers la colline de
Saint-Louis passe à côté d'une vaste construction blanche, collée au flanc du
coteau : ce sont les citernes de l'est ou citernes de Bordj Djedid[237]. Il n'y a pas
de rivière à Carthage, et Barth déclare qu'il n'existait sur toute l'étendue
de la ville que deux sources ; encore l'une d'elles jaillit-elle au pied des
hauteurs de Sidi Bou Saïd, non loin de la mer[238], Les
découvertes récentes montrent que cette assertion est exagérée : par exemple,
MM. S. Reinach et Babelon ont mis au jour un certain nombre de puits dans la
plaine[239]
; pourtant M. Cagnat a eu raison d'écrire que de
toutes les villes africaines la plus pauvre en eau par elle-même est
peut-être Carthage[240]. Grâce aux
mêmes explorateurs, nous savons encore que la plupart des maisons, sinon
toutes, possédaient une citerne pour emmagasiner l'eau ; le P. Delattre en a
signalé aussi sur les points les plus divers, à Byrsa, à Bordj Djedid, etc.
Par ce moyen, la population était donc à peu près à l'abri de la soif. Ne
fallait-il pas cependant parer à l'imprévu' ? Une année de sécheresse pouvait
tarir puits et citernes chez les particuliers, comme il advint à l'époque
d'Hadrien. Il serait bien peu vraisemblable que cette calamité n'ait été
précédée d'aucune autre du même genre. C'est pour l'éviter, dans la mesure du
possible, que les citernes publiques de l'est furent établies. J'en emprunte
la description à Tissot[241]. Entièrement construites en blocage recouvert d'un ciment
d'une excessive dureté, les citernes de Bordj Djedid forment un rectangle
allongé, divisé en dix-huit réservoirs voûtés, parallèles, larges de 7m,50,
hémisphériques aux deux extrémités, que séparent de puissants murs de refend,
dans chacun desquels est pratiquée une ouverture centrale. Quinze de ces
réservoirs mesurent 30 mètres de longueur. Les autres, c'est-à-dire le
premier, le dixième et le dix-huitième, en comptant à partir du sud de
l'édifice, n'ont que 20 mètres de long, et leurs extrémités sont rectangulaires.
— Entre ces extrémités et les galeries latérales dont il va être question se
trouvent six chambres circulaires et voûtées en coupole qu'on a reconnu être
des filtres. — La profondeur de ces dix-huit bassins
est uniformément de 9 mètres depuis le radier jusqu'au sommet de la voûte ;
mais la profondeur de la nappe d'eau ne paraît pas avoir été de plus de
5m,50. Deux galeries latérales, longues de 145 mètres, larges de 2m,50,
courent le long des grandes faces du parallélogramme et s'ouvrent sur chacun
des bassins : le sol de ces galeries domine de 6 mètres environ le radier des
réservoirs[242]. Ils
contiennent de 25.000 à 30.000 mètres cubes[243] et remplissent
le rôle de ces bassins de décantation (piscinæ limariæ) dont parle Frontin[244]. Cette description n'est plus tout à fait exacte aujourd'hui. Le 25 octobre 1884, le gouvernement tunisien signa une convention relative à l'alimentation en eau de Tunis et de sa banlieue ; dans les travaux prévus figurait la mise en état des citernes de Bordj Djedid. Elles s'étaient si bien conservées au cours des siècles qu'on les croyait encore propres à desservir La Goulette et ses environs immédiats ; et les recherches de-M. Vernaz, si fécondes en résultats archéologiques, n'avaient d'antre but que de rendre évidente la possibilité de cette restauration[245]. Les travaux nécessaires furent accomplis en 1887-1888 ; et depuis lors l'antique château d'eau remplit son office comme autrefois. Mais, sans doute pour des raisons techniques, le dix-huitième compartiment, le plus au nord, fut sacrifié ; deux des chambres circulaires disparurent de ce fait. Lorsqu'on regarde le blanc monument du dehors, on n'aperçoit plus, dominant, l'extrados des voûtes, que quatre petites coupoles, celles du premier et du dixième réservoirs. Sauf cette modification, nous avons sous les yeux l'image fidèle des citernes romaines et peut-être antérieures aux Romains[246]. Ces deux opinions ont trouvé d'intrépides partisans. Après quelques pages assez obscures, où l'on sent trop que l'auteur n'a pas vu ce dont il parle, Dureau de la Malle conclut énergiquement[247] que les citernes remontent à la première période de la ville. A la suite de Daux[248] qui les croit puniques, au moins quant à leur origine, Tissot[249] affirme que ce caractère essentiellement punique n'est ni contesté, ni contestable. Sans se prononcer d'une manière aussi catégorique, MM. S. Reinach et Babelon[250] inclinent vers la même solution. D'un autre côté, Maltzan[251] pense que cette architecture porte la marque certaine du génie latin ; le blocage était le procédé favori des Romains, et Tissot nous a dit que les murs sont entièrement en blocage. Le P. Delattre apporte un argument en apparence décisif lorsqu'il cite une estampille de brique, de l'an 142, qui a été retirée en novembre 1888 du béton formant le radier du même réservoir... Tout le radier des citernes étant formé d'une extrémité à l'autre d'un béton uniforme, cette brique fournit une preuve précieuse pour déterminer l'origine romaine et non punique de ces vastes citernes[252]. La déduction n'est-elle pas trop rigoureuse ? Maltzan et le P. Delattre démontrent bien que les citernes, dans leur état actuel, sont romaines ; qui oserait affirmer pourtant qu'il ne s'agit pas là d'une restauration, aussi complète qu'on le voudra, mais, après tout, d'une restauration ? Car il ne faut pas perdre de vue que le problème de l'alimentation de Carthage était pour le moins aussi compliqué avant qu'après 146. Et, si la colonie romaine ne pouvait se contenter des puits et des citernes de chaque maison, comment auraient-ils suffi à une population encore plus dense Je ne pense pas que le témoignage d'une seule marque de brique soit de nature à résoudre cette difficulté. Jusqu'à plus ample informé, la théorie de Daux, qui admettait l'origine punique des réservoirs, avec transformation possible (je dis certaine) par les Romains, risque d'arriver plus près de la vérité[253]. Ce qui m'empêche d'être tout à fait affirmatif en faveur de ce dernier système, c'est l'objection très forte que le P. Delattre tire de l'existence d'une nécropole autour des citernes. Croira-t-on que les Carthaginois les avaient bâties au milieu des tombeaux[254] ? Virgile nous montre Enée, à son arrivée à Carthage, admirant le beau dallage des rues[255], par allusion à une habitude de l'époque punique dont les Romains durent hériter ; Servius ajoute en effet[256] que cette ville, avant toutes les autres, revêtit ses rues de pierres. Ces dalles, comme les terrasses des maisons, étaient sans doute en pente, peut-être aussi creusées de rigoles, pour diriger l'eau vers les bassins où elle se filtrait et en perdre le moins possible. Quand fut bâti le grand aqueduc du Zaghouan, ce souci n'eut plus de raison d'être ; l'eau arrivait à flots désormais. Il fallait pour cela toutefois qu'un branchement reliât les réservoirs de Bordj Djedid à ceux de La Malga. M. Vernaz, qui a fait de cette canalisation souterraine une étude spéciale[257], admet, par hypothèse, l'existence de ce conduit que Davis[258] prétend avoir retrouvé. L'autorité de ce dernier ne me suffit point ; il ne fournit du reste aucun détail sur sa prétendue découverte. A l'ouest, au sud et à l'est des citernes, se développent trois égouts qui desservent des rues dont la largeur est naturellement indiquée par l'alignement extérieur des citernes, d'une part, par celui des constructions dont on retrouve les ruines, de l'autre[259]. Ces rues paraissent avoir été pourvues de marches de distance en distance ; les égouts en suivaient le profil. Une dizaine de branchements mettaient en communication ces trois collecteurs avec les habitations d'alentour. Auprès de l'un d'eux, à l'ouest des citernes, étaient quatre tombes chrétiennes d'une époque relativement récente[260], avec des fragments d'inscriptions et des débris de peu d'intérêt. Les trois égouts se déversent dans un autre plus considérable, qui part de l'angle sud-est des citernes et se dirige vers le sud ; il disparaît à 20 mètres environ. A ce même compartiment circulaire du sud-est prenait encore naissance le canal qui alimentait les thermes d'Antonin[261]. M. Vernaz constata que l'orifice en était muré, au fond de la cuvette[262] ; il ne servait donc plus aux derniers jours de Carthage. Quand l'insécurité du pays empêcha le bon entretien de l'aqueduc de Zaghouan, il n'arriva sans doute plus en ville qu'un volume d'eau irrégulier et insuffisant. Dès lors, il devint indispensable de la ménager, au lieu de la répandre sans compter, comme on faisait jadis en dès temps plus heureux[263]. Cette suppression du canal entraîna celle des thermes ; car quel autre moyen aurait-on inventé pour les remplir ? Dans le compartiment circulaire du sud-ouest s'embouche un conduit qui aboutit à l'égout de l'ouest et qui pouvait servir de déversoir aux citernes ; puis un aqueduc issu du troisième réservoir, en remontant vers le nord ; et qui a dû porter l'eau à un édifice voisin, dans la direction de Byrsa, coupe ce conduit et passe sous l'égout qu'il respecte. Cette canalisation enchevêtrée prouve que nous sommes en face de constructions d'âge différent[264], qui toutes d'ailleurs appartiennent à la seconde Carthage ; quelques parties même, d'un travail défectueux (par exemple le déversoir du sud-ouest), trahissent une époque assez basse. M. Vernaz[265] réfute bien l'opinion contraire, soutenue par Daux : si ces conduits de tout genre remontent avant 146, le dallage des rues, aux temps puniques, en vue de l'adduction des eaux dans les citernes, n'a phis de raison d'être. Il faut choisir ; les deux hypothèses s'excluent. El Bekri mentionne plusieurs des monuments de Dermèche ; il n'est pas toujours facile de voir clair dans les descriptions des écrivains arabes ; mais ici on n'a guère à hésiter. Les citernes des démons (Mouadjel es Cheiatin)[266] correspondent aux vastes réservoirs dont il vient d'être question. Le château de Coumech, nom que le P. Delattre corrige heureusement en Dermèche[267], représente les thermes du bord de la mer. Quant à la prison obscure, formées de voûtes posées les unes sur les autres, et dont l'entrée inspire l'effroi, il reste douteux s'il faut y reconnaître l'aqueduc bordé de tombeaux qui relie les deux édifices précédents, ou bien, avec M. Vernaz[268], les ruines à flanc de coteau vers le sud de Bordj Djedid. En atténuant les expressions d'El Bekri, que son imagination c'gare plus d'une fois, nous devons néanmoins admettre qu'une partie considérable de ces constructions subsistait encore au XIe siècle. Aujourd'hui même, tandis que dans les autres quartiers on n'aperçoit presque rien au-dessus du sol et qu'il a été nécessaire de creuser la terre pour lui arracher son secret, ici la masse énorme des thermes les a préservés de l'anéantissement, et les citernes ont défié la rage persévérante des destructeurs. |
[1]
Dureau, p. 218.
[2] Miss. cath., 1883. p.
154 ; Cosmos, 11 févr. 1888. p. 296 ; 20 janv. 1894, p. 247.
[3] Bull. épigr., II, 1882,
p. 114.
[4] P. 414.
[5] P. 17, 18, 21 sq. Sur la
question des ports, voir Babelon, Carth., p. 53. 122-125. Atlas C.,
5, 7-12, avec deux plans ; Meltzer, II, p. 197-214, 538-519 ; Vellard, p.
68-71.
[6] Cf. surtout, p. 13-18.
Bœtticher, dont Dureau de la Malle (pl. I) et S. Marie (p. 214)
reproduisent le plan assez fantaisiste, dessinait déjà les ports vers le sud de
la presqu'île ; cf. Barth, I, p. 88 sq.
[7] Voir les impressions d'un
touriste dans Eckardt, p. 45.
[8] I, p. 66.
[9] P. 521.
[10] P. 158 sq. ; cf. Expior., p. 65 sq.
[11] Il s'agit de Dar el Bey, qui
est bâti, comme on va le constater, sur l'emplacement des ports (voir le plan
dans S. Marie, loc. cit.). Aujourd'hui ce palais est converti en lazaret
(Eckardt, p. 48. n. 1 ; Vellard, loc. cit.) ; les cartes les plus
récentes n'emploient que ce dernier nom.
[12] L'îlot qui occupe le milieu du
bassin rond.
[13] Cf. B., Fouilles, p.
91, 101. Les termes qu'il emploie ne laissent aucun doute sur l'état des
bassins au moment où il les explora ; l'eau n'y arrivait qu'en faible quantité
par des infiltrations souterraines.
[14] B., Fouilles, p. 97.
[15] On me saura sans doute gré de
ne pas omettre une autre tentative, à vrai dire infructueuse, qui visait à
restaurer les ports et Carthage elle-même ; j'en emprunte le récit à Kobelt (p.
308, n. 2) : Zur Zeit, wo der Einfluss des Herrn
Roustan im Zenith stand, machte Herr Oscar Gay den Vorschlag, die Häfen von
Karthago wieder mit dem Meer in Verbindung zu setzen und Karthago wieder
aufzubauen. Trotz der energischen Unterstützung seitens der Frau Elias Masulli
lehnte der Bey das Projekt ab und entschüdigte den genialen Urheber
lieber durcit einen Orden und 25.000 Fr. Davon sollte die würdige Dame, die
damals in Tunis allmächtig war, ihren vertragsmässigen Antheil erhalten, aber
der Herr Gemahl unterschlug ihn : ein furiöser Brief, den sie deshalb an Herrn
Gay schrieb, spielte eine Hauptrolle im Prozess Rochefort-Roustan.
[16] Cf. Dureau, p. 14 ; Fouilles,
p. 90 ; Tissot, Géographie, I, p. 599.
[17] Puniques, 95.
[18] Puniques, 127.
[19] Fouilles, p. 87-118.
[20] Fouilles, p. 92.
[21] Fouilles, p. 101.
[22] Fouilles, p. 107.
[23] Il s'agit évidemment de la
route qui, venant de Douar ech chott, passe au marabout de Sidi Lella Salka et
se dirige vers Dar el Bey. Voir Caillat, dans S. Marie, p. 158, 161, et sa
propre carte.
[24] S. Marie, p. 113.
[25] S. Marie, p. 117.
[26] P. 181-189 ; Note 1, p.
300-302 et pl. VII, n° 2-5.
[27] Dictionnaire critique de
biographie et d'histoire, art. Carthage (l'antique port de).
[28] P. 116, 178.
[29] P. 189.
[30] Dictionnaire, p. 328.
[31] Dictionnaire, p. 325.
[32] En 1836 et 1837. Cf. Fouilles,
p. 15 sq. ; Franks, p. 207, 222, 232.
[33] P. 130.
[34] P. 123, 124 ; voir le plan en
tête de son volume.
[35] I, p. 299 sq.
[36] Géographie, I, p.
599-612, 663 ; voir le plan à la p. 565.
[37] P. 154-162, 193.
[38] Miss. cath., 1883, p.
154. Ces antiques bassins, qui ont vu tour à tour les
Carthaginois, les Romains, les Vandales et les Byzantins venir y abriter contre
les vents et y amarrer leurs navires, sont maintenant ensablés et cachés sous
une épaisse couche de vase bourbeuse. Dans son dernier résumé de la
topographie de Carthage (Tun., p. 372), il se borne à dire des ports
qu'ils se reconnaissent bien sur le terrain.
Cf. Vernaz, p. 161.
[39] Je donnerai dès le début toute
la bibliographie utile pour la discussion qui va suivre : Cecil Torr, The
Harbours of Carthage (The classical Review, 1891, p. 280-284 ; 1893,
p. 314-317 ; 1894, p. 271-276) ; Les Ports de Carthage (Rev. arch.,
XXIV, 1894, p. 34-47, 294-301). Le premier des deux articles de la Revue
archéologique n'est guère qu'une traduction adaptée et retouchée de celui qu'a
publié l'auteur dans The classical Review, en 1891. R. Œhler, Die
Hæfen von Karthago, eine topographische Studie (Neue Jahrbüccher fuer
Philologie und Pædagogik, CXLVII, 1S93, p. 321-332) ; Les Ports de
Carthage, traduction du mémoire précédent (Bull. Hipp., XXVII, 1894, p. 47-63) ; cf. Jahrbuch des k. d.
arch. Instituts, Archæologischer Anzeiger, 1893, p. 69. O. Meltzer, Die
Hæfen von Karthago (Neue Jahrbüccher, CXLIX, 1894, p. 49-68,
110-136) ; Der Kriegshafen in Karthago (Historische Untersuchungen
Ernst Fœrstemann... gewidmet, in-8°, Leipzig, Teubner, 1894, p.
29-35). Cf. Gsell, 1893, p. 137-139 ; 1895, p. 12-15 ; 1898, p. 79.
[40] Class. Rev., 1891, p. 284 ; 1893, p. 374
; 1894, p. 211 ; cf. la fig. 4, Rev. arch., loc. cit., p. 42.
[41] M. Œhler ne l'admet pas et
déclare que les exemples cités par M. Torr ne prouvent rien (Die Hæfen,
p. 322, n. 3 et p. 323, n. 8).
[42] S. v. Cothones. D'après
Euting, ce mot dériverait d'une racine qui signifie couper,
tailler ; cf. Meltzer, Der Kriegshafen, p. 30.
[43] Class. rev., 1891, p. 281 ; Rev.
arch., loc. cit., p. 40 et 43.
[44] Ad Æn., I, v. 427.
[45] Appien, Puniques, 127.
[46] Appien, Puniques, 121.
[47] XVII, 3, 15.
[48] Class. Rev., 1891, p. 281 ; Rev.
arch., loc. cit., p. 41.
[49] Class. Rev., 1891, p.
324.
[50] Appien, Puniques, 121.
[51] Appien, Puniques, 121 ;
Tissot, Géographie, I, p. 611.
[52] Class. Rev., 1893.
[53] La carte du C. I. S.
(p. 243) applique déjà aux deux lagunes le nom de Cothon. M. Œhler en fait la
remarque (loc. cit., p. 331, n. 21) et voit dans cette circonstance une
confirmation de l'opinion qu'il s'était formée 'par la seule lecture des textes
anciens et l'étude du plan de Falbe. Je doute que le général Perrier et le
lieutenant Dubois, qui a travaillé sous sa direction à ce relevé de l'emplacement de Carthage, aient voulu
donner à entendre que les bassins ne constituaient qu'un seul et même port. Ils
les ont appelés Cothon parce qu'ils sont interiores
arte et manu facti, selon le mot de Festus. Mais sans doute, à leurs
yeux, la partie ronde représentait le port militaire et la partie rectangulaire
le port marchand, tout comme pour Beulé. Cf. Meltzer, Die Hæfen, p. 50,
n. 2.
[54] Polybe (XXXIX, 2, 17) raconte
que Scipion, ayant franchi le mur de Carthage au sud, fut arrêté par un bras de
tuer peu profond. Comme on lui conseillait de prendre des précautions pour
empêcher les assiégés de se ruer sur les Romains, il répondit qu'il serait
honteux, une fois dans la ville, de fuir le combat. Voici les mots importants
du texte : Ἐπεὶ δὲ παρελθὼν εἰς τὸ τεῖχος, τῶν Καρχηδονίων ἐκ τῆς ἄκρας ἀμυνομένων, εὗρε τὴν διὰ μέσου θάλασσαν οὐ πάνυ βαθεῖαν οὖσαν... et : ἔφη γελοῖον εἶναι, κατειληφότας τὰ τείχη καὶ τῆς πόλεως ἐντὸς ὄντας... Ce bras de mer
correspondrait-il au canal de M. Œhler ? Cela ne ressort nullement de la phrase
de Polybe.
[55] Puniques, 127. Cf.
Diodore, III, 44, 8, et XXXII, 13.
[56] Sur l'action des vents du
nord-est dans le golfe de Tunis, voir les références de Meltzer (Die Hæfen,
p. 58, n. 16).
[57] P. 63, 64, 119 ; cf. Meltzer, II, p. 169 sq., 527 sq. ; id., Pun.,
p. 296, 300. Vernaz
(p. 161-164) croit que les premiers occupants du sol de Carthage abritèrent
d'abord. leurs vaisseaux au pied des hauteurs de Bordj Djedid, et que, ce havre
primitif s'étendant peu à peu vers le sud, ils creusèrent enfin les deux
bassins pour servir au commerce et à la marine militaire. M. Meltzer repousse
ce système comme les autres (loc. cit., p. 57 sq.) ; toutefois, il est
d'accord avec Vernaz sur ce point, qui est pour nous le seul à considérer en ce
moment, l'identité des ports anciens et des lagunes actuelles.
[58] Carth., p. 122-125, 53-55.
[59] 1893, p. 137-139 ; 1895, p. 14 ; cf. Cagnat-Saladin, p. 113.
[60] Arch., p. 28 sq.
[61] Je pourrais encore rappeler
quelques opinions singulières : Viardot (trad. de Don Quichotte, I, p.
353, n° 1) nous apprend que la petite île de l'Estagno
formait, d'après Ferreras, l'ancien port de Carthage ; l'ingénieur Cervellon y
trouva une tour antique, dont il fit une forteresse, en y ajoutant des
courtines et des boulevards. Estrup (p. 45, n. 1) attribue à Bochart (Canaan,
liv. I, chap. 24, éd. 1646, p. 513) l'idée que le lac de Tunis, avec sa petite
île, serait le Cothon, puis il ajoute : Verum sunt
recentiorum haud pauci, qui in errorem hune inducti sunt ; vid. Noah, p. 280 ;
cf. Coronellius (Caroni) et Chateaubriand. Estrup lui-même, d'après
l'erreur fondamentale de son système, et aussi Belidor (IV, p. 37), font
déboucher les ports dans la sebkha de Soutira (cf. le plan d'Estrup dans
Dureau, pl. I ; Davis, p. 119, et S. Marie, p. 212). Mannert, qui met les ports
à la place qu'on leur assigne d'ordinaire, indique leur issue dans le lac de
Tunis et trace la digue de Scipion entre la rive septentrionale de ce lac et la
pointe de La Goulette (cf. son plan dans Dureau, pl. I ; Davis, p. 119 et 127 ;
S. Marie, p. 211). M. Meltzer, espérant peut-être clore ainsi le débat, se
demande (Die Hæfen, p. 60) si le lac de Tunis ne fut pas jadis en pleine
communication avec la mer, sans être barré par la tænia. Cet état de choses
n'existait assurément pas à l'époque historique ; la solution de Meltzer ne
résout rien.
[62] 1895, p. 15 ; cf. de
Roquefeuil, C. R. Inscr., 1898, p. 25.
[63] Ce serait le cas de reprendre
le mot de Meltzer (Der Kriegshafen, p. 37) : ... unsere Erwægungen den Thatsachen (trouvailles de Beulé) anzupassen, nicht umgekehrt diese unterznordnen.
[64] Note sur les constructions
en mer voisines des ports de Carthage, par M. le Dr Courtet, aide-major de
première classe des hôpitaux de Tunisie (C. R. Inscr., 1897, p. 125-131
; cf. p. 123 sq.) ; cf. Gsell, 1898, p. 19.
[65] Voir de Roquefeuil, loc.
cit., à la note suivante, p. 37.
[66] Recherches sur les ports de
Carthage, exécutées sous les ordres de M. le Commandant Dutheil de La Rochère,
capitaine de frégate, commandant “le Condor”, par M. de Roquefeuil, enseigne de
vaisseau (C. R. Inscr., 1898, p. 20-39, 653-666 ; 1899, p. 19-38 ;
cf. ibid., 1897, p. 103 sq., 137, 364, 732 sq.) ; Œhler, Archaeo
logischer Anzeiger, 1898, p. 171-175 ; Gsell, 1899, p. 6 sq. M. de
Roquefeuil (p. 21, 36, n. 3) annonce une carte sous-marine de la zone par lui
étudiée.
[67] C. R. Inscr., 1898, p.
21, 36 ; 1899, p. 21, 28, 34.
[68] Falbe, p. 17 sq. ; Tissot, Géographie,
I, p. 628 ; de Roquefeuil, p. 24.
[69] M. de Roquefeuil (carte, p.
22-23) le désigne sous le nom de quadrilatère de Falbe,
parce que le marin danois l'a très nettement marqué sur sa carte.
[70] Je dis en partie, parce que,
si l'orientation du goulet, proposée par Falbe et Beulé, lui parait juste, il
ne voit que l'entrée du port militaire dans la dépression du rivage où ses deux
prédécesseurs reconnaissaient l'entrée commune aux deux ports.
[71] Falbe, p. 22 ; B., Fouilles,
p. 112.
[72] Fouilles, p. 101, 105
sq., 101 sq., 112 sq., 115 ; cf. Gauckler, Arch., p. 28.
[73] Lettres, p. 49 sq., 54,
51 ; Fouilles, p. 101, 113-116 ; cf. Léger, p. 485 sq.
[74] Géographie, I, p. 606-611.
[75] Falbe, p. 21, plan, n° 50 ; cf. Maltzan. I, p. 301. La petite coupure voûtée que
l'on aperçoit au même endroit (B., Fouilles, pl. IV, I-J.), est moderne
et due aux Arabes ; Beulé en a déjà, fait la remarque.
[76] B., Fouilles, p. 112
sq. ; Tissot, Géographie, I, p. 607 ; Dureau, p. 63.
[77] C. Mueller (Geogrophi græci
minores, II, p. 526, 61), qui donne deux rédactions de cet ouvrage, le
croit traduit d'un original grec composé à Antioche ou à Alexandrie entre 350
et 353.
[78] On ignore le sens exact de ce
terme ; cf. Dureau, p. 204 sq. Voici ce que suppose Beulé (Fouilles, p.
95, n. 2) : Si le port Mandracium n'était pas
antérieur à la construction de ce monastère (celui de Solomon dont il va
être question ci-dessous), on aurait pu croire qu'il
lui devait son nom, car le mot signifiait quelquefois monastère. Tissot
écrit (Géographie, I, p. 659, n. 2 : ... ce mot
désigne un arsenal dans la langue byzantine ; il ne donne aucune preuve
de ce qu'il avance. S. Marie (p. 160) : Ce mot se
retrouve aujourd'hui, en Dalmatie, où il est appliqué aux petites anses
appelées mandracio que les indigènes creusent sur le rivage pour y
remiser leurs embarcations. Enfin M. Lumbroso dit, d'après V. Guérin,
que les Grecs de l'époque byzantine employaient le terme mandraki pour désigner un port où les navires
paraissaient renfermés comme les troupeaux dans une bergerie (Bull. dell'
Inst. di corrisp. arch., 1882, p. 61-63).
[79] Procope, Bell. Vand., I, 11.
[80] Procope, Bell. Vand., I, 20 ; cf. II, 26.
[81] Beulé écrit à tort (Fouilles,
p. 95) : Le lendemain, lorsqu'il fit jour, la flotte
entra et les ports ne furent pas trop petits ; Procope raconte seulement
que Bélisaire fit débarquer les marins, sans mentionner que les vaisseaux aient
quitté le lac de Tunis. Barth (I, p. 88 sq., 92) pense que le Mandracium ne pouvait contenir pareil nombre de
navires.
[82] Cf. Appien, Puniques,
96.
[83] Church (p. 287) reproduit un
bas-relief surchargé de personnages, d'édifices et de barques, et inscrit cette
explication : Port de Carthage (d'après un sarcophage).
Il n'indique ni d'où est tirée cette scène, ni pourquoi il l'interprète de
cette façon.
[84] Procope, Bell. Vand.,
II, 26 ; De ædif., VI, 5 ; cf. le monastère fortifié de Tébessa (Diehl, Nouv.
arch. Miss., IV, 1893, p. 331 sq.).
[85] Fouilles, p. 112 ; cf.
S. Marie, p. 470.
[86] El Bekri, XII, p. 522 : Sur la hauteur qui domine (le port), on voit un château et un ribat nommé Bordj Abi
Soleiman (la tour d'Abou Soleiman). Il n'y a aujourd'hui d'autre hauteur
près du port que le petit monticule appelé Koudiat el Hobsia, formé, selon
Beulé (Fouilles, p. 101 sq.), des terres extraites du Cothon par les
Carthaginois ; il ne saurait s'agir de lui. Dureau de la Malle (p. 205) traduit
: sur ses bords..., ce qui est une interprétation
plutôt qu'un calque fidèle du texte arabe. Sur le Koudiat el Hobsia, voir Atlas
C., 15 ; Babelon, Carth., p. 126 ; Meltzer, Pun., p. 302.
[87] Fouilles, p. 105 ; Lettres,
p. 55.
[88] Fouilles, p. 107 ; Lettres,
p. 56.
[89] Succincta
portubus, De lege agr., II, 87.
[90] Cf. B., Fouilles, p. 118 ; Barth, p. 89 ; Tissot, I, p. 611 sq.
; Meltzer, Die Hæfen, p. 63, n. 19 ; Meltzer, II, p. 203.
[91] Loc. cit. ; Crapelet, p. 18. J.-W.
Blakesley (Four Months in Algeria, with a Visit to Carthage, in-8°,
Cambridge, 1859), cité par Franks (p. 206, n. a) met à La Marsa le
principal port de Carthage.
[92] Ritter, III, p. 200.
[93] I, p. 314 sq.
[94] C. R. Inscr., 1899, p.
22-34. Ritter (III, p. 201) signale un grand bassin,
de 140 pieds de longueur, 50 pieds de largeur, 30 pieds de hauteur, et situé à
l'extrémité méridionale de la péninsule ; je ne sais de quoi il veut
parler.
[95] Miss. cath., loc. cit.
; Maltzan (I, p. 217) interprète ce nom : die
zerstreuten Hæuser, ce qui est un faux sens. Il
(le village) représente de ce côté, dit le P.
Delattre, la limite de l'ancienne ville et presque
aussi celle qu'atteignait dans l'antiquité le lac de Tunis (Cosmos,
20 janv. 1894, p. 248). C'est peut-être trop dire, car nous avons vu qu'on a
découvert des tombes à Bir Sema, qui est plus au sud-ouest.
[96] Est-ce ce monument que
mentionne Davis (p. 128 et 130) quand il dit avoir découvert un temple de
Neptune, à quelques centaines de pas des ports, prés de Douar ech Chott ? Il en
retira une mosaïque avec Tritons et Néréides (p. 542).
[97] Miss. cath., loc. cit.
On en a extrait 40 morceaux d'une statue de femme en marbre blanc (Cosmos,
20 janv. 1894, p. 248). Davis (p. 52, 55 sq.) a reconnu aussi que Douar ech
Chott est une mine de débris romains.
[98] Bull. arch., 1887, p. 445 ; Gauckler, Guide,
p. 11 ; Cat. Alaoui, p. 10, n° 7.
[99] Gauckler, C. R., 1896, p. 8 ; Guide, p. 18 ; Bull. arch.,
1896, p. 141, 154 ; 1897, p. 438 sq. ; Cat. Alaoui, p. 31, n° 162-164 p. 31, n°
18 ; p. 47, n° 3 ; p. 48, n° 10 ; p. 49, n° 17 ; p. 54, n° 54 ; p. 55, n° 60 ;
p. 56, n° 67 ; p. 57, n° 82 ; p. 58, n° 88 ; p. 59, n° 99 ; p. 211 et 213, n°
27, 38, 43, 46 ; p. 215 sq., n° 55, 59, 64 ; p. 251, n° 388.
[100] Gauckler, C. R., 1897,
p. 1 ; 1898. p. 8, 10 ; C. R. Insc., 1898, p. 643.
[101] Bull. épigr., IV, 1884, p. 206 sq. ; Cosmos,
11 févr. 1888, p. 296 ; Babelon, Carth., plan ; Atlas C., 15.
[102] On peut en effet ne voir dans
ces lignes (Adversus Hermogenem, 31) qu'un exemple général. Voici le
passage : Et ita novum non est ut id solum quod
continet nominetur, qua summale, in isto autem intellegatur et quod continetur,
qua portionale. Ecce, si dicam, civitas exstruxit theatrum et circum, scena aut
emerat talis et talis et statuæ super euripum, et obeliscus super omnia
ferebatur, quia non et lias species edixerirn factas a civitate, non erunt ab
ea cum circo et theatro ?
[103] Appien, Puniques, 121.
[104] Appien, Puniques, 121.
[105] Hist., IV, 49.
[106] P. 18, 135, 198, 202. Le
sentiment de Falbe sur cette question est assez obscur. Il écrit d'un côté (p.
28 sq.) que le forum a dû nécessairement être situé
dans la plaine bornée par les deux ports, par la portion faible des murs en
face de la langue, par Byrsa et par la ville : ce qui laisse un champ
beaucoup trop vaste à l'imagination. D'autre part, après avoir parlé de cette
portion faible des murs, tout au sud de la ville (p. 19), il ajoute : Il est bon d'observer aussi que le Forum des Romains a dû
occuper le même emplacement. L'on peut en conclure que cette place était vaste
et de niveau, comme on le voit encore aujourd'hui, et qu'elle avait
probablement la même destination du temps des Carthaginois. D'où l'on
serait en droit de penser que, selon Falbe, le forum doit être cherché dans la
direction du Kram, c'est-à-dire beaucoup trop au sud, comme on le verra tout à
l'heure.
[107] Retract., II, 58. Saint
Augustin (De civ. Dei, XVI, 8) cite une curieuse mosaïque qui décorait
cette platea maritima. On pouvait y
contempler d'étranges personnages des sciopodes,
ainsi nommés parce que l'ombre de leurs immenses pieds suffit à les abriter
lorsqu'ils sont couchés sur le dos, des monstres sans cou et dont les yeux
affleurent aux épaules ; enfin une grande variété de phénomènes non moins
bizarres, dont l'existence était attestée par certains livres (ex libris de prompta), spectacle toujours
attrayant pour les badauds de la capitale.
[108] De ædif., VI. 5.
[109] Géographie, I, p. 658.
[110] Le P. Delattre (Bull. épigr.,
IV, 1884, p. 306 ; Cosmos, 11 févr. 1888, p. 296 ; Tun., p. 372)
admet un peu aisément la traduction de Dureau de la Malle. Quant au passage de
Grégoire de Tours (Hist., X, 2) cité par lui, je ne vois guère ce qu'on
en peut tirer pour la question qui nous occupe. Une ambassade franque députée
vers l'empereur Maurice aborde à Carthage ; l'esclave d'un des chefs dérobe un
anneau d'or à un marchand ; ce dernier, le rencontrant un jour, lui réclame son
bien, ... quadam die negotiator puerum ilium in
platea reperit....
[111] Bull. épigr., IV, 1884, p. 208-212 ; C.
I. L., VIII, 12556 ; cf. Meltzer, II, p. 215 ; Vellard, p. 66-68.
[112] Bull. épigr., loc. cit.,
p. 201 ; VI, 1886, p. 142 ; Cosmos, 11 févr. 1888, p. 297 ; S. Marie (p.
38), dont les ouvriers découvrirent la mosaïque en question, le 11 avril 1873,
dit qu'elle a été brisée lorsqu'on l'a enlevée.
D. Davis (p. 124 sq.) parle d'un buste colossal en marbre déterré dans ces
parages, il le qualifie de Junon ; ce doit être la Lucille (?) du Louvre ;
Jouault (p. 130) l'indique pourtant comme trouvée à Byrsa.
[113] Bull. épigr., loc.
cit., p. 207. Ce quartier du Forum est devenu,
depuis longtemps, le principal centre de matériaux de construction. Les Arabes
qui y fouillaient étaient toujours sûrs d'y rencontrer d'excellents moellons ;
c'est la raison qui leur a fait donner de préférence à cette partie de Carthage
le nom de Kheraïb, Les Ruines. Cf. Cosmos, 11 fév. 1888, p. 297 ;
D., Tun., p. 368 ; Petit guide, p. 56 ; Atlas C., 23 ;
Babelon, Carth., p. 128 sq.
[114] R.-B., Rech., p. 31 sq.
Les mêmes auteurs énumèrent (ibid., p.24) quelques fragments de
sculpture qu'ils ont retirés de terre vers cet endroit ; cf. Tissot, Géographie,
II, p 798, S02 : Reinach, p. 211.
[115] Conf., VI, 9, 14-15.
[116] Très souvent les chrétiens
furent jugés et condamnés au forum ; cf. saint Cyprien, De lapsis, 8 ; Ad
Demetrianum, 13 ; Epist., XXXVIII, 1 ; Passio SS. Perpetuæ et
Felicitatis, 6 (Ruinart, p. 95, cf. p. 109) : Montanus et ses compagnons de
martyre sont promenés per totum forum, Passio
S. Montani, 6 (ibid., p. 231) ; Acta SS. Saturnini, Dativi..., 8 (ibid.,
p. 385). Le tribunal serait donc l'endroit où siégeait le juge. Il n'est pas
improbable pourtant que saint Augustin appliquait ce nom simplement à une
tribune aux harangues analogue à celle de Timgad (Bœswillwald-Cagnat, Timgad,
p. 25, 50 sq.)
[117] Jordan, Topographie der
Stadt Rom, I, 2e partie, p. 213, 272, 378-383 ; O. Richter, Topographie
der Stadt Rom, p. 67 sq. ; Baumeister, Denkmæler der klassischen
Alterthums, p. 1462 sq. ; Thédenat, Le Forum romain, p. 25.
[118] Bœswillwald-Cagnat, op. cit.,
p. 5-7 ; cf. Toutain, Cités, p. 94.
[119] C. Mueller, Geographi græci
minores, II, p. 513 sqq.
[120] Saint Augustin (loc. cit.)
dit qu'on les soupçonnait d'ordinaire quand il survenait quelque dégât au
forum.
[121] Cf. C. I. L., VIII.
12573. Apulée (Flor., IV, 18, 85) parle de la curia qu'il faut sans doute placer au forum : cf.
Bœswillwald-Cagnat, op. cit., p. 32-45.
[122] Saint Augustin (loc. cit.)
les appelle ædilimi ; ædituus ou æditimus
désigne d'ordinaire le gardien d'un temple ; parfois cependant ce nom
s'applique aux surveillants de certains édifices publics ou des salles de
réunion des collèges (cf. Saglio, Dict. des Antiq., s. v. Æditimus).
[123] Wordsworth, p. 509.
[124] Saint Cyprien, Ad Donatum, 10. Salvien (De gub. Dei, 8,
5) nomme seulement les lois des XII Tables, mais comme si on pouvait les
connaître alors à Carthage.
[125] En voici la liste : Cod.
Theod. (acc.) VIII, 10, 1 ; IX, 15. 1 ; XI, 1, 13 ; 7, 8 et 9, 19, 1
; 28.1 ; ; XIII, 1, 2 ; XV, 7, 13 ; (p. p.) VII, 8, 9 ; VIII, 4, 2 ; IX,
34, 1 et 2 : X, 20, 9 ; XI, 16, 1 et 13 ; 29, 15 ; 30, 39 ; 36, 3 et 10 ; XII,
1, 9 ; 1, 9 ; 1, 15 ; 1, 84 ; 1, 88 ; 5, 2 ; 12, 8 ; XIII, 1, 7 ; 4, 1 ; 5, 6 ;
XV,.3, 1 : 7, 9 ; XVI, 5, 41 et 43 ; 8, 5 ; 9, 1. Cod. Just. (acc.),
VIII, 10, 7 ; XI, 17, 1, XII, 61, 1 ; (p. p.) X, 32, 16 ; 48, 10 ; XI,
63, 1 ; 65, 1 et 2 ; XII, 57, 1. ...legem banc
incisam æneis tabulis jussimus publicari, dit Constantin à l'assemblée
provinciale d'Afrique (Cod. Theod., XII, 52). L'Edictum Marcellini
de 411 y fut aussi exposé ; cf. P. L., XLIII, col. 841.
[126] Cf. Mommsen, Staatsrecht,
III (1887), p. 809 sq. ; Jordan, Topogr., I, 2e part., p. 264, 403 ; id.,
Marsyas auf dem Forum in Rom, Berlin, 1883 ; O. Richter, Topogr.,
p. 77 ; Thédenat, Le Forum romain, p. 155-157 ; R. Kuebler, Archiv
fuer lateinische Lexikographie und Grammatik, VII, 1892, p. 593 sq. ;
Bœswillwald-Cagnat, Timgad, p. 68-70 ; C. I. L., VIII, 17841.
[127] Sermo, XXIV, 6-7.
[128] Cf. par exemple
Bœswillwald-Cagnat, op. cit., P. 70 sqq.
[129] Florida, III, 16, 73 : locum celebrem statuæ meæ.
[130] C. I. L., VIII, 1165 : curatori suo abstinentissimo integerrimo....
[131] C. I. L., VIII, 1018 : devota [Karthago]...,
trouvée sur le bord de la mer.
[132] C. I. L., VIII, 1020 : devota Karthago [posuit].
[133] C. I. L., VIII, 10529.
[134] C. I. L., VIII, 12552 ;
Cat. Alaoui, p. 88, n° 401.
[135] C. I. L., VIII, 1535,
12536, 12538. Il pourrait se faire aussi que ces Midi aient été fixés au
Capitole. Je rangerais encore les inscriptions suivantes parmi celles qui
étaient dressées sur une place de Carthage ; ibid., 1124 (trouvée à La
Goulette), texte avec le nom de Valérien offert par l'ordo decurionum Tabudensium ; ibid., 1146,
en l'honneur d'Hadrien ; ibid., 1011, en l'honneur de Septime Sévère ; ibid.,
12521, en l'honneur de Gordien (trouvée à Bordeaux). Le n° 1166 fait allusion à
la reconstruction d'un monument détruit.
[136] Bell. Vand., II, 14.
[137] P. 202 sq. L'auteur
identifie cette église avec la basilica restituta.
Nous avons plus haut (p. 176) que celle-ci ne faisait peut-être qu'un avec la
basilique de Damous el Karita.
[138] Géographie, I, p. 660.
[139] P. 166-173. Ces pages ne sont
que la reproduction d'une Notice sur l'emplacement d'un ancien édifice à
Carthage, publiée par le même auteur dans Const., XVII, 1875, p.
130-139. Davis (p. 520-522) se contente de dire que cet édifice, jadis
somptueux, était encombré de débris de tout genre ; il ne le décrit pas.
Reproductions dans Rev. arch., IV, 1884, p. 387 sq. ; Atlas C., 26
; Babelon, Carth., p. 129 sq.
[140] S. Marie (loc. cit.) en
donne le dessin.
[141] De ædif., VI, 5.
[142] Puniques, 127 ; cf. Monuments,
p. 19.
[143] M. S. Reinach semble en adopter
les conclusions (dans Tissot, Géographie, II, p. 802) : Il n'est pas impossible que ces restes soient ceux d'une
basilique qui aurait remplacé le temple de Baal ou d'Apollon.
[144] Parmi les très nombreux
exemples, avec dessins à l'appui, que fournissent MM. Gsell (Recherches
archéologiques en Algérie, in-8°, Paris, Leroux, 1893), Saladin (Arch.
miss., XII, 1881, p. 1-225 ; Nouv. arch. miss., II, 1892, p.
377-516), je n'en vois aucun à rapprocher de la description et de la gravure de
S. Marie.
[145] Babelon, Carth., p.
130.
[146] Cf. Delattre, Bull. épigr.,
IV, 1884, p. 106.
[147] Voir le récit de ces fouilles
dans S. Marie, p. 11-39 ; une carte (p. 9) permet de les suivre sur le terrain.
[148] Il a été question précédemment
de ses fouilles à Gamart (Bull. épigr., IV, 1884, p. 32-35) ; il a aussi
tenté un sondage infructueux près des citernes de La Malga (ibid., p.
36) ; il déclare enfin avoir rencontré quelques débris de sculpture romaine
au-dessous de Byrsa, au point SS (ibid., p. 38), mais ces deux lettres
n'existent pas sur sa carte.
[149] Cf. Bull. arch., 1886,
p. 34.
[150] Ces stèles sont de peu de
temps antérieures à 146 ; cf. Berger, dans S. Marie, p. 96, 103, 104 ; C. I.
S., p. 284 sq. ; Franks, p. 221.
[151] S. Marie, p. 28, 29, 31, 38.
Davis, qui avait découvert, vingt ans avant S. Marie, une centaine de stèles
puniques, a noté lui aussi qu'elles sortent toutes d'un même endroit entre
Byrsa et la mer (p. 444 sq. ; cf. Franks, p. 208). Autant qu'on en peut juger
d'après sa carte, ce point n'était guère éloigné de celui où S. Marie déterra
les siennes. Le P. Delattre en a extrait une cinquantaine des bords du bassin rond
(C. I. S., p. 280).
[152] P. 28. Il appelle ce lieu le
forum (p. 27) ; j'ai dit déjà pourquoi cette place me paraît devoir être
recherchée plus au sud.
[153] S. Marie., p. 13.
[154] Davis, p. 441 sq.
[155] Pour le compte rendu de leurs
fouilles, voir R.-B., Rech. ; cf. aussi Reinach, p. 206-213 ; Tissot, Géographie,
II, p. 777 sq. : Babelon, Carth., p. 130-132 ; Atlas C., 32-38.
[156] R.-B., Rech., p. 4-5.
[157] R.-B., Rech., p. 6-8.
[158] R.-B., Rech., p. 36.
[159] R.-B., Rech., p. 9-32.
[160] R.-B., Rech., p. 34.
[161] Cf. Rev. arch., IV, 1884, p. 382.
[162] R.-B., Rech., p. 10 ; cf. p. 36.
[163] R.-B., Rech., pl. V, p. 31.
[164] S. Marie, p. 31.
[165] R.-B., Rech., p. 34,
36-39. Le P. Delattre (Arch., p. 12) y signale un texte chrétien.
[166] Bull. arch., 1886, p. 215 ; C. I. L.,
VIII, 12499.
[167] De consensu Evang., I,
23, 36 : cf. Dureau, p. 179.
[168] S. Marie, p. 22-24 ; cf. C.
R. Inscr., 1874, p. 321 sq.
[169] S. Marie, p. 16-20, 23, 25.
[170] S. Marie, p. 25 sq.
[171] S. Marie, p. 29.
[172] S. Marie, p. 16.
[173] S. Marie, p. 20 sq. ; cf.
Delattre, Bull. épigr., IV, 1884, p. 107 ; Tissot, Géographie,
II, p. 800 ; C. I. L., VIII, 1002-1005.
[174] Je tiens le renseignement du
P. Delattre ; cf. Bull. épigr., loc. cit.
[175] C. R. Inscr., 1890, p.
319 sq. Voir ci-dessous, l. VI, chap. 2, § 1.
[176] Bull. épigr., loc.
cit., p. 108 ; elle représente un buste d'enfant
portant une corbeille et cueillant des fleurs. D., Amst., p. 170, n°
279.
[177] Bull. épigr., loc,
cit., p. 109 ; C. I. L., VIII, 12492. Une inscription trouvée en
même temps mentionne un pontifex et se
rapporte peut-être au culte de Sarapis ; ibid., 12551.
[178] C. I. L., VIII, 1072abc.
[179] De spectaculis, 8 ; De
idolalatria, 20 ; cf. Cosmos, 11
févr. 1888, p. 294.
[180] Babelon, Carth., p. 159 ; Atlas C., 97.
[181] Cette indication précise m'a
été fournie par le P. Delattre. Cf. Monuments, p. 92.
[182] Delattre, Carthage. La
nécropole punique de Douïmès ; fouilles de 1893-1894 (extrait du Cosmos,
1897) ; Carthage. Quelques tombeaux de la nécropole punique de Douïmès
(1892-1894) (extrait des Miss. cath., 1897) ; Un mois de fouilles
dans la nécropole punique de Douïmès à Carthage (février 1895), dans la Revue
tunisienne, IV, 1897, p. 170-177 ; La nécropole punique de Douïmès (à
Carthage) ; fouilles de 1895 et 1896 (Mém. Ant., LVI, 1895, p.
235-395) ; Cosmos, 20 janv. 1894, p. 244 sq. ; Bull. arch.,
1893, p. 121 ; Bull. Ant., 1896. p. 106 sq. ; 1898, p. 121 ; Delattre,
Héron de Villefosse et Berger, C. R. Inscr., 1893. p. 133 sq., 394-397 ;
1894. p. 403 sq., 421, 430-442. 445-45S ; 1893, p. 61 sq. ;
281-284, 294-300, 320-323 ; 1896. p. 52-54. 10-72, 124-195, 206 ; 1897, p. 690
sq. ; 1898. p. 90. Gsell, 1895, p. 15 sq. ; 1896, p. 11-13 ; 1898, p. 80 sq. ;
Babelon, Carth., p. 164 sq. ; Atlas C., 96 ; Vellard, p. 74-76.
[183] Mém. Ant., loc. cit.,
p. 256 : A peine y a-t-on rencontré quelques cas
(quatre ou cinq seulement) d'incinération.
[184] C. R. Inscr., 1895, p.
320.
[185] Cosmos, 20 janv. 1894,
p. 245 ; 8 juin 1895, p. 293. On s'étonnera peut-être qu'il y ait des tombes en
pleine ville romaine ; mais le P. Delattre se demande si elles ne dateraient
pas seulement du moyen âge.
[186] D., Arch., p. 11. sq. ; Cosmos, 13 janv. 1894, p. 213-216
; cf. C. R. Inscr., 1892, p. 379.
[187] Voir les cartes de Falbe (et
la réduction de S. Marie, p. 209), de Dureau, (pl. II et III), de Beulé (pl. IV), de Caillat, de Tissot et du C.
I. S. (p. 243, 215) ; cf. Delattre, Bull. épigr., IV, 1884, p. 106 ;
Babelon, Carth., p. 124 sq. ; Atlas C., 13-14 ; de Roquefeuil, C.
R. Inscr., 1899, p. 35 sq.
[188] I, p. 92 sq. M. de Roquefeuil
(ibid.) y signale des pierres sculptées, des fûts de colonnes en marbre.
[189] La carte partielle du C. I.
S. (p. 275) donne sur le rivage, à la hauteur de Dar Mustapha ben Ismaïl,
une série de petites loges qui répondent assez à la description de Barth.
[190] P. 37 sq., n° 67 de son plan.
[191] II, p. 37 sq.
[192] P. 194 sq., et pl. III ; Caillat suit Dureau de la
Malle.
[193] Davis, p. 388-392 ; il y a
découvert une mosaïque.
[194] Il prouve (Fouilles, p.
19) que ces ruines furent, au cours de ce siècle, une vraie carrière exploitée
à l'envi par les Arabes et les Européens.
[195] Géographie, I, p. 647.
[196] P. 205.
[197] Cf. Vernaz ; Tissot, Géographie,
II, p. 799 ; Babelon, Carth., p. 159 sq. ; Vellard, p 16-78 ; C.
I. L., VIII, 12513 ; Cat. Alaoui, p. 95, n° 446.
[198] Bull. épigr., IV, 1884,
p. 106, n. 2 ; VI, 1886, p. 84 ; D., Tombeau, p. 7, n. 2 ; D.. Tun.,
p. 310 ; Cosmos, 11 févr. 1888, p. 294. Il est curieux de voir que
Dureau de la Malle (p. 194) tirait lui aussi gymnasium
de djoumuas lu par Quatremère dans El
Bekri. Pour les diverses interprétations jadis proposées de ce mot, cf. Tissot,
Géographie, I, p. 645, n. 2.
[199] Sur l'inscription des thermes
de Carthage (Rev. arch., X, 1881, p. 171-179) ; cf. Delattre, Bull.
épigr., VI, 1886, p. 84 sq.
[200] Capitolin, Vita Pii,
VIII, 4 : Multas civitates adjuvit pecunia, ut
opera vel nova facerent vel vetera restituerent.
[201] P. 38.
[202] P. 191-194 et plan III ; cf.
la carte de Caillat, qui adopte l'avis de Dureau de la Malle. Tissot éloigne
beaucoup trop sur son plan le n° 69 du n° 67 ; il admet l'idée du temple que
propose Falbe. Davis parle d'une église, peut-être celle de saint Cyprien (p.
388-392). Les deux cartes du C. I. S. sont peu claires à cet endroit.
[203] Vernaz, p. 167. Les Arabes
appellent encore les ruines du n° 67 Dermesch el Kebir (le grand Dermèche), et
celles du n° 69 Dermesch el Srir (le petit Dermèche). Cette double expression
est, semble-t-il, un souvenir de l'ancien état de choses.
[204] Cf. le plan de Rome dans O.
Richter, Topographie der Stadt Rom.
[205] Vernaz, p. 151-164 et le plan
de la p. 165 ; Reinach, p. 210 ; Miss. cath., 1890, p. 262-264, 286 sq.
; Cat. Alaoui, p. 47, n° 2.
[206] Vernaz, p. 166 et 168.
[207] M. Vernaz, appuyé par le P.
Delattre, lit futuram [aquam] ; J. Schmidt (C. I. L., VIII,
12513) adopte cette lecture : aquam magna usui
futuram thermis ; M. Catinat, sans la rejeter complètement, se tient
sur la réserve.
[208] Il est probable que les
citernes aussi sont l'œuvre d'Antonin, puisqu'on a retrouvé dans la maçonnerie
du radier une brique datée de 142.
[209] P. 53 ; le P. Delattre les
mentionne plus en détail (Miss. cath., 1890, p. 92 sq., 261 ; cf.
Vernaz, p. 23, 27, 163). C'est, je pense, à cet endroit qu'il découvrit le vase
de plomb, avec inscription grecque, dont parle S. Marie, p. 123.
[210] P. 168 sq. Sur cette
nécropole, cf. Miss. cath., 1890, p. 261 sq., 287 sq. ; Gauckler, Guide,
p. 15.
[211] Miss. cath., 1890, p.
288. Dans ce mémoire le P. Delattre résume les recherches d'un officier de
marine, M. Audemard.
[212] Elle a remplacé le fortin turc
; cf. Vellard, p. 81 sq.
[213] Bull. arch., 1894, p. 281-285 ; Petit
guide, p : 29 ; Gsell, 1899, p. 8. Au cours de ces fouilles, on a exhumé une couronne d'or
massif, ornée de pierres précieuses, qui pourrait bien être chrétienne, et deux
bracelets à chatons ; c'est le trésor de Bordj Djedid
; Cosmos, 1894, p. 246 sq. ; Const., 1894, p. 161 sq. ; Babelon, Carth.,
p. 163 sq. ; Gauckler, Guide, p. 21 ; Cat. Alaoui, p. 115, n° 1.
M.
Gauckler vient encore de signaler de nouvelles tombes sur
un plateau rocheux situé au nord-est de la batterie d'artillerie... le plateau forme falaise du côté de la mer, qu'il domine à
pic d'une dizaine de mètres. Les premiers sondages ont fourni
d'intéressantes pièces de céramique et font bien augurer des fouilles
ultérieures (Bull. arch., 1898, p. 111-113).
[214] Vernaz, loc. cit.
[215] P. 37.
[216] Petit guide, carte ;
Babelon, Carth., p. 163 ; Vellard, p. 82 ; C. I. L., VIII, 12518.
Le P. Delattre signale aussi les ruines éparses autour de Bordj Djedid ; Bull.
épigr., IV, 1884, p. 108.
[217] P. 37 sq.
[218] P. 43. Au-dessous de la
mosaïque existe, à une faible profondeur, une couche de cendres semblable à
celle que nous avons constaté vers le forum ; ce sont sans doute les traces
d'une conflagration générale ; ibid., p. 46.
[219] Falbe (loc. cit.) dit
qu'il agissait à l'instigation d'un Européen jaloux des succès du consul
danois. Nous regrettons qu'il n'ait pas nommé cet envieux qui, soutenu par son
gouvernement, prétendait se garder le monopole des ruines de Carthage.
Peut-être faut-il penser à Thomas Reade. Mais ne rétablissons pas
arbitrairement un nom que Falbe a cru devoir taire.
[220] Ibid., p. 39.
[221] P. 27 sq.
[222] Ibid., p. 35-37.
[223] Fouilles, p. 27-30 ;
cf. Delattre, Bull. épigr., VI, 1886, p. 86.
[224] P. 369-384. Blakesley avait
déjà, en 1850, hasardé cette opinion. Maltzan (I, p. 290, 292 sq.) n'est pas
éloigné de s'y rallier : mais il place en outre à Bordj Djedid : une
construction colossale (basilique de Thrasamund ?), une construction ronde
(temple d'Apollon ?), des restes de magasins en forme de niches, de nombreuses
citernes. Voir Atlas C., 110.
[225] Temple, I, 107.
[226] Loc. cit.
[227] P. 36 ; Tissot, Géographie,
I p. 658 sq., cite l'opinion de Beulé, sans prendre parti.
[228] S. Marie (ibid., p. 37)
ajoute que ses propres excavations ont été assez profondes pour démontrer que
cet édifice n'était ni un temple, ni une basilique ; j'y aurais, au moins,
retrouvé la base de quelque colonne ou des débris de marbre. En outre, par des
sondages opérés contre les murs qui ont 5 mètres d'épaisseur, je me suis assuré
qu'il n'y avait là ni crypte, ni souterrain.
[229] II, 13 ; Atlas C., 110 ; Babelon, Carth., p. 171.
[230] Meltzer, II, p. 164.
[231] C'est de ce mot que s'autorise
sans doute Dedreux (Esquisse) pour la marquer entre le cirque et le port
circulaire.
[232] P. 531 sq., 535 sq., 538, 539-541 ; Franks, p. 225.
[233] Cosmos, 11 févr. 1888,
p. 295. Autres mosaïques analogues, Cat. Alaoui, p. 11, n° 8-9.
[234] Cagnat, Mos., p. 253
sq. ; C. I. L., VIII, 12588 ; Cosmos, 7 déc. 1889, p. 21 ; Gsell,
p. 1899, p. 32.
[235] Cosmos, 11 févr. 1888, p. 295 ; 2 nov.
1889, p. 385 ; Bull. arch., 1897, p. 437.
[236] Cosmos, 20 janv. 1894,
p. 245-247 ; Const., XXVIII, 1893, p. 437. Ces citernes sont probablement
l'édifice antique signalé par V. Guérin (I, p. 64) sous le fortin. Le P.
Delattre ajoute (Bull. arch., 1894, p. 90) qu'on a remis dernièrement au
jour contre le plateau de Bordj Djedid, du côté de la
mer, des absides semblables à celles que nous rencontrerons tout à
l'heure au sud-ouest de Saint-Louis ; elles étaient peut-être destinées à
empêcher le glissement des terres.
[237] Je les désigne ainsi pour
éviter les confusions produites par le nom de grandes
citernes que leur attribuent la plupart des topographes ; les citernes
de La Malga sont en effet de dimensions plus considérables ; cf. Meltzer, II,
p. 542.
[238] Barth, p. 100 sq. Dusgate (p.
79, n° 2) signale une demi-douzaine de puits apparents qui ont échappé à Barth.
[239] Voir en particulier R.-B., Rech.,
pl. IV, p. 33. Le P. Delattre vient d'en retrouver un près de Bordj Djedid (C.
R. Inscr., 1898, p. 628-630) ; la nappe d'eau potable est à 25 mètres de
profondeur.
[240] Journal des Savants,
1896, p. 263.
[241] Géographie, I, p. 591.
[242] S. Marie a donné un plan et
une coupe des citernes (p. 185) ; ses mesures (p. 183 sq.) différent un peu de
celles de Tissot, dont celles de Barth (I, p. 104 sq.) se rapprochent
davantage. Cf. aussi Guérin, I, p. 64 ; Petit guide, p. 28 ; Babelon, Carth.,
p. 160-163 (avec un plan) ; Atlas C., 101 ; Vellard, p. 78-80.
[243] Vernaz, p. 13 ; Petit guide,
loc. cit.
[244] De aquaeductibus, 15,
19 ; cf. Toutain, Cités, p. 67-74.
[245] Petit guide, loc.
cit. ; Delattre, Mélanges, 1891, p. 54, n° 5 ; Gauckler, Guide,
p. 15.
[246] Vue des citernes avant les
réparations : Davis, p. 392 ; S. Marie, p. 164, 181 ; Duruy, I, p. 417 ;
Church, p. 142 ; Babelon, Carth., p. 162 ; Cagnat-Saladin, p. 115.
Catinat et Goyau, Lexique des antiquités romaines, s. v. piscina
; Globus, p. 61.
[247] P. 78-85 : Davis (p. 394) est
de la même opinion ; Estrup (p. 15) juge la question douteuse, cependant il
penche du même côté.
[248] P. 53 sqq.
[249] Géographie, I, p. 597.
[250] Bull. arch., 1886, p.
39. M. S. Reinach est ailleurs (Reinach, p. 211) beaucoup plus décidé en faveur
de cette doctrine ; M. Babelon (Carth., p. 160) a changé d'avis.
[251] I, p. 393. Meltzer (II, p.
216-219) ne se prononce pas sur l'origine de ces citernes, ni de celles de La
Malga ; cf. id., Pun., p. 290 sq.
[252] Mélanges, loc. cit.,
et 1893. p. 34 ; Bull. arch., 1S93. p. 121 ; Tun., p. 310. M.
Toutain (Cités, p. 13) et M. Gsell (1891, p. 41, § 84 ; 1893, p. 152, §
61) acceptent le système du P. Delattre.
[253] C'est l'opinion à laquelle
s'arrête S. Marie (p. 184). V. Guérin (I, p. 43) dit que les Carthaginois
biturent ces citernes à ciel ouvert ; elles furent couvertes et divisées en
compartiments par les Romains. Sur quoi fonde cette hypothèse, qui ne s'accorde
guère avec les habitudes des Orientaux ? Je ne dois pas omettre ces lignes
instructives de MM. Cagne et Saladin (p. 116) : La
construction primitive est assurément de l'époque punique ; elle offre de
grandes ressemblances avec celle des bassins analogues que nous avons vus dans
le reste du pays... A l'époque romaine, les
citernes ont certainement été restaurées et perfectionnées...
[254] Mélanges, XIII, 1893, p. 34.
[255] Æn., I, v. 422.
[256] Servius, ad h. l. ; cf. Isidore, Etymol., XV, 16. Voir Dureau, p. 78 ; Reinach,
p. 211 ; S. Marie, p. 188.
[257] Vernaz, p. 12, 13, 23.
[258] P. 393.
[259] Vernaz, p. 25 ; cf. p. 23-27.
[260] Vernaz, p. 167.
[261] Vernaz, p. 151, 166.
[262] La bonde de fond, qui était en
plomb, se conserve au Musée du Bardo (Cat. Alaoui, p. n° 13).
[263] Cat. Alaoui, p 166.
[264] Delattre (Bull. épigr.,
VI, 1886, p. 86) : Le quartier de Dermèche est
peut-être celui de Carthage où l'on rencontre le plus d'antiquités de tous les
âges.
[265] P. 27. Maltzan (I, p. 294),
parle aussi, mais trop vaguement, de conduites d'eau qui aboutissent de tous
côtés aux citernes ; l'une d'elles, plus grande que les autres, aurait été
découverte en 1866, pendant les fouilles entreprises par le premier ministre
Khasnadar.
[266] Le P. Delattre lit Douames ech Chouatin, Bull. épigr., IV, 1884,
p. 105.
[267] Bull. épigr., IV, 1884,
p. 105.
[268] P. 170.