I Après trois années de siège, Carthage venait de succomber (printemps de 608/146). La résistance avait été longue ; la vengeance de Rome fut terrible. Les Romains, dit M. Duruy, mirent dans cette œuvre de destruction tant de duplicité que l'histoire ne peut plus parler de la foi punique ; c'est la foi romaine qu'elle doit flétrir[1]. Carthage vaincue, amoindrie, privée de son territoire, de sa flotte, d'une partie considérable de sa population, eût été moins une rivale qu'une sujette ; et l'intérêt de Rome voulait peut-être qu'elle ne pérît pas[2]. Mais il s'agissait bien alors de décisions prudentes ! L'effort suprême de l'ennemi avait exaspéré le ressentiment public ; il lui fallait une satisfaction immédiate. Quand fut annoncée à Rome la victoire définitive de Scipion l'Africain, on se refusa d'abord à l'admettre. Tant de fois déjà les espérances avaient été déçues ! Bientôt cependant le doute ne fut plus possible, et le peuple laissa éclater sa joie[3]. Après de solennelles actions de grâces aux dieux, le sénat délibéra sur le sort de la ville. Scipion ne semble pas avoir soumis des projets fermes à l'assemblée ; du moins Zonaras[4] prétend qu'il se borna à dire : J'ai pris Carthage, que m'ordonnez-vous d'en faire ? Cette réserve laissa les sénateurs dans une assez grande indécision. Cicéron[5] nous les représente partagés entre ces trois partis : détruire Carthage, la rendre à ses habitants ou y conduire une colonie[6]. Les plus violents l'emportèrent, les modérés craignant sans doute, comme il arrive souvent, de paraître mauvais citoyens en opposant une ferme résistance. Caton n'était plus là pour réclamer l'anéantissement de Carthage ; mais le delenda Carthago n'était pas oublié. Il triompha. On envoya en Afrique dix délégués sénatoriaux ou peut-être mie commission de decemviri élus par le peuple, avec mandat de présider à la ruine de la cité[7]. Ils enjoignirent d'abord à Scipion de raser ce qui subsistait d'elle ; il subsistait peu de chose. Lorsqu'ils se virent perdus sans retour, les derniers habitants avaient mis le feu aux maisons ; l'incendie avait duré, dix-sept, jours sans interruption[8]. Le pic et la hache des soldats, quand la volonté du sénat fut promulguée, achevèrent l'œuvre de destruction[9]. Si l'on creuse aujourd'hui le sol entre Byrsa et la mer, au-dessous de la terre végétale et des débris accumulés au cours des siècles, on atteint enfin une couche de cendres avec quelques pierres calcinées. De tant de monuments, orgueil des riches marchands phéniciens, ce sont là les derniers vestiges. Qu'ont produit les fouilles qui se poursuivent depuis Beulé pour découvrir la ville d'Hannibal ? des ex-voto, des tombeaux, un peu de cendre. Rome, dit Velléius Paterculus[10], déjà maîtresse du monde, ne se croyait pas en sûreté tant que subsisterait le nom de Carthage. Pour le faire disparaître à jamais, les commissaires eurent recours aux plus puissants moyens. Ils interdirent solennellement à quiconque d'habiter désormais en ce lieu ; et, afin de donner plus de force à leur sentence, ils, appelèrent des malédictions redoutables sur la ville extérieure de Megara, et en particulier sur Byrsa, la citadelle. Ainsi furent voués à l'éternelle solitude Carthage et son territoire[11]. Après ces imprécations, et quand les survivants du siège eurent été emmenés en captivité[12], c'en fut fait, on le crut du moins, de cette rivale détestée. Là où pendant cinq cents ans a vécu, travaillé et produit l'actif, l'industrieux Phénicien, les esclaves romains vont mener paitre désormais les troupeaux des maîtres vivant loin d'eux sur la terre italienne[13]. Il s'agissait ensuite d'organiser la conquête. Même à son dernier jour, Carthage n'en était pas réduite à sa seule enceinte ; de l'immense territoire maritime qui lui avait jadis appartenu, depuis l'autel des Philènes, sur la frontière de Cyrénaïque, jusqu'aux colonnes d'Hercule, il lui restait encore la partie des côtes comprise entre le fleuve Tusca (Oued el Kebir), qui se jette dans la nier en face de l'île de Thabraca (Tabarka), et Thenæ (Henchir Tina, un peu au sud de Sfax), sur le golfe de Gabès[14]. C'est de là qu'elle recevait les subsides et les vivres qui l'aidèrent à se maintenir pendant trois ans, car la plupart des cités de cette région lui étaient demeurées fidèles. Les commissaires sénatoriaux sévirent contre elles d'abord ; elles furent détruites, leurs habitants tués ou vendus. Les neutres se virent imposer un tribut. Sept places s'étaient converties pendant la lutte à la politique romaine ; ce sont, d'après la loi agraire de 643/111, Utica, Hadrumetum, Thapsus, Leptis minor, Achulla, Usalis et Theudalis[15]. On les déclara civitates liberæ ; elles demeurèrent en possession de leurs terres ou même en obtinrent d'autres. Les commerçants romains, qui désormais ne redoutaient plus de concurrents en Afrique, accoururent à Utique et accaparèrent le marché[16]. Utique, déjà favorisée dans le partage des terres[17], reçut de cette affluence un éclat plus vif et une richesse nouvelle[18]. Ayant, récompensé les services de ses alliés, Rome s'adjugea tout le territoire qu'elle ne leur avait pas réparti et l'engloba dans l'ager publicus. Il forma la province d'Afrique (Provincia Africa)[19], que les auteurs dénomment Africa vetus. Elle s'étendit de la Tusca jusqu'à Thenæ. A l'intérieur des terres, un fossé en traçait la limite ; on en connaît maintenant la direction assez exacte[20], et l'on sait que les vainqueurs n'avaient prétendu occuper que le moins possible du sol qu'ils venaient de conquérir. Ils restaient ainsi fidèles à leur constante politique. L'Afrique ne les avait jamais séduits ; cette terre lointaine, d'accès difficile à cause de la mer terrible (mare sacrum) qui les en séparait, peuplée d'habitants audacieux, toujours prêts pour un coup de main, ne leur inspirait alors, et dans la suite pendant longtemps, qu'une très médiocre confiance. M. Boissier explique avec beaucoup de justesse[21] qu'ils éprouvèrent en face de leur conquête un embarras analogue au nôtre après la prise d'Alger. Ils se bornèrent donc à s'établir dans une zone restreinte, abandonnant tout le reste aux rois indigènes. Un préteur nommé pour un an, avec résidence à Utique, reçut l'administration de cette province[22]. II L'histoire est une perpétuelle ironie. A peine anéantie, Carthage se releva, et par les mains de ceux-là mêmes qui s'étaient acharnés à sa perte. Scipion la détruit en 608/146 ; en 632/122 C. Gracchus la rebâtit[23]. Tiberius avait combattu vaillamment pendant le siège de la cité[24], Caius bravait pour la rétablir les plus terribles imprécations, justifiant ainsi l'un et l'antre à propos d'elle le vers fameux de Lucain : legibus immodicos ausosque ingentia Gracchos[25]. Quels furent les motifs de cette restauration ? D'après Orose[26], une épidémie meurtrière avait dépeuplé l'Afrique en 629/125 ; on cherchait à lui rendre des habitants. Appien donne à lui seul deux explications : les Romains, dit-il[27], avaient éprouvé combien forte était la position de Carthage ; ils voulurent en faire leur point d'appui pour contenir les tribus africaines. Ailleurs[28], il raconte que, les envois de blé avant manqué à Rome, on y souffrit de la faim et des séditions éclatèrent ; pour satisfaire dans une certaine mesure aux réclamations du peuple, on décida de fonder la nouvelle colonie. Cette famine fut mise à profit par C. Gracchus ; il y vit, un moyen de rendre service aux classes pauvres en soignant sa popularité. Ce démocrate niveleur, qui rêvait, comme son frère Tiberius, le partage des terres entre les plébéiens, pouvait-il souhaiter occasion plus favorable pour la réalisation de ses projets ? A Carthage, point d'expropriation violente ; l'état possesseur de ce vaste domaine n'aurait qu'à le mettre à la disposition des prolétaires qui accepteraient d'y vivre. A l'instigation de Caius[29], le tribun de la plèbe Rubrius fit voter l'envoi en Afrique d'un nombre déterminé de colons, sous la surveillance de triumvirs, conformément à la loi Sempronia ; Caius, son ami M. Fulvius Flaccus et un troisième magistrat, dont on ignore le nom, furent chargés de conduire l'entreprise. Ils s'embarquèrent avec six mille hommes, chiffre supérieur à celui que fixait le projet[30]. Leur départ, loin de calmer la haine du patriciat, ne fit que l'exaspérer encore. On se hâta de profiter de cet éloignement pour jeter le discrédit sur le réformateur, qui n'était pas là pour se défendre. L'esprit de parti alla jusqu'à inventer de prétendues manifestations célestes pour prouver que les dieux étaient contraires au dessein de Caius. Le vent avait déchiré une enseigne et brisé la hampe dans les mains de celui qui la portait ; un ouragan, pendant un sacrifice, avait enlevé les offrandes déposées sur l'autel, les projetant hors des limites de la ville ; enfin les loups ou les chacals avaient emporté au loin les pierres de l'enceinte même. Caïus dénomma la nouvelle cité Junonia[31], la mettant sous la protection de la grande déesse punique Tanit, que les Romains confondaient avec Junon. Puis, quand tout lui parut à peu près réglé, il retourna à Rome, où sa présence devenait nécessaire ; mais il était trop tard. Ce séjour en Afrique avait été fatal à sa cause. Il n'y était demeuré en tout que soixante-dix jours ; ce peu de temps avait suffi à ses adversaires pour les perdre, lui et son ami Fulvius, dans l'esprit du peuple. En vain essayèrent-ils de faire justice des calomnies lancées coutre eux. Ils ne furent pas entendus, et l'aristocratie put se débarrasser de ces redoutables ennemis, comme de Tiberius, sans que la plèbe intervînt (623/121). La même année, le tribun Minucius Rufus fit supprimer la colonie, soit par une loi spéciale, soit par un sénatus-consulte déclarant que la loi Rubria avait été promulguée malgré les auspices. La loi agraire de 613/111 nous fournit quelques renseignements sur cette loi Rubria. Des mots in coloniam coloniasve deduci qu'elle renferme[32], M. Mommsen conclurait volontiers que Rubrius avait fait voter, la création de plusieurs colonies. Un passage de Salluste[33], historien ordinairement précis, autorise cette conjecture. On comprend sans peine que les Romains aient jeté les yeux sur la Byzacène, dont Varron nous dit qu'elle produisait cent pour un[34], projetant de peupler directement cette contrée depuis peu acquise à leur empire. Mais il demeure que les triumvirs établirent la seule Carthage, sans pouvoir même y achever leur œuvre. Pour cette première deductio les historiens nous indiquent que les colons étaient citoyens[35] ; Appien[36] nous laisse soupçonner cependant qu'un certain nombre d'entre eux ne jouissaient que du droit latin. Ces derniers reçurent le droit de cité du seul fait qu'ils allèrent habiter la nouvelle Carthage, dotée du droit civil par la loi Rubria. Tous possédèrent leur terrain comme ager privatus ex jure Quiritium. Les auteurs restent presque muets sur le mode de répartition du sol. Fronton donne à entendre que le partage se fit par tête d'homme[37] ; et la loi de 643 (§ LIX-LX) parle de 200 jugera (ou centuria) assignés à chaque colon sans qu'il fût possible de dépasser ce chiffre. Toutefois M. Mommsen croit trouver trace de deux classes de colons qui n'auraient pas été traités de la même manière : les privilégiés se virent attribuer, d'après lui, 200 jugera ; à ceux de la catégorie inférieure, une moindre étendue. Il est fort délicat de décider ce qu'il y a de solide dans cette hypothèse. Enfin les routes existantes à l'époque de Carthage punique devinrent propriété de l'Etat : eae omnes publicæ sunto, dit la loi (§ LXXXIX) ; les délimitations entre les centuriæ furent comprises parmi les routes. On s'est demandé si C. Gracchus avait osé, en dépit des imprécations lancées sur cette terre par Scipion, établir ses six mille compagnons sur l'emplacement même de la ville disparue. Tite Live atteste que la colonie de Gains fut fondée in solo dirutæ Carthaginis, et Pline, qui visita deux fois l'Afrique, confirme qu'elle était magnæ in vestigiis Carthaginis. Appien semble soutenir le pour et le contre ; son témoignage ne saurait prévaloir contre celui de Tite Live et de Pline[38]. N'est-il pas vraisemblable d'ailleurs que le jeune tribun ne se soit guère inquiété des malédictions du parti aristocratique ? Des sépultures très simples, garnies d'un mobilier sommaire, se rencontrent isolément ou groupées en petit nombre dans le quartier de Megara, et surtout sur les pentes ouest et nord-ouest de la montagne de Sidi Bou Sadd. Leur âge primitif ne fait pas doute, aussi le P. Delattre les tient-il pour les tombes des pins anciens colons Romains[39]. Dans un des cimetières païens de Bir el Djobbana, les tombes des deux premiers siècles de l'empire en recouvrent d'autres plus vieilles, et cette série non interrompue de monuments funéraires nous permet de remonter à la période transitoire entre l'époque punique et l'époque romaine[40]. Enfin, d'une manière générale, des vestiges puniques se sont rencontrés à maintes reprises au-dessous des ruines romaines. La nouvelle Carthage, comme l'ont bien vu Dureau de la Malle, Marquardt et Tissot[41], s'installa donc à l'endroit qu'occupait jadis celle que Scipion détruisit. Cette colonie était la première que Rome tentait d'implanter en dehors de l'Italie[42] ; elle fut aussi la seule en Afrique jusqu'à César. L'expérience ne réussit pas. On n'aboutit pas dans une entreprise comme celle que tentait Gracchus seulement avec de la bonne volonté. Les capitaux sont indispensables ; l'exemple de la Tunisie moderne en fait foi. A quoi tient le rapide essor qu'elle a pris depuis le protectorat français, sinon à l'afflux des colons riches, capables de sacrifices momentanés et prêts à attendre patiemment le fruit des dépenses qu'ils se sont imposées ? Les faméliques compagnons de Gracchus ne possédaient aucune ressource ; ils étaient d'avance condamnés à un échec. Néanmoins l'insuccès résulta surtout de la rivalité entre patriciens et plébéiens. En rendre Caius seul responsable serait une injustice. Au lieu de répéter après Velléius Paterculus que, parmi les projets de ce réformateur, ce qu'il y eut de plus funeste ce fut sa tendance à coloniser hors de la péninsule[43], je préfère redire avec M. Mommsen[44] : C'était là une œuvre grande par elle-même, surtout en ce qu'elle consacrait le principe de l'émigration au-delà de la mer ; en ce que, Caïus ouvrait par là à toujours un canal de décharge au prolétariat de l'Italie. L'idée du tribun lui survivra. Bientôt Rome, mieux inspirée, reprendra une œuvre qu'elle aurait toujours dû voir d'un œil favorable. Car l'établissement des colonies, c'était l'expansion de la race latine dans le inonde. III Minucius Rufus avait pu priver la cité naissante de l'existence légale ; il eût été moins facile de déposséder les six mille habitants. On ne chercha pas même à le faire, de peur d'exciter les rancunes de la plèbe[45]. Voici à quelles mesures on s'arrêta. Des trois lois successivement votées pour ruiner les réformes accomplies par les Gracques[46], la troisième seule concerne le domaine africain ; elle date du premier semestre de l'année 643/111, et on l'attribue avec grande probabilité au tribun C. Bæbius, partisan de la noblesse. Nous en possédons encore de longs fragments. La loi[47] distingue trois sortes de terres : ager privatus jure Quiritium ; ager privatus jure peregrino ; ager publicus populi Romani. Le territoire de la colonia Junonia est compris dans la première catégorie. En ce qui le concerne, la loi Rubria est abrogée ; ex lege Rubria quæ fuit, dit le texte (§ LIX). L'occupant du sol perd donc le nom de camus ; il est rangé in colonei numero. On lui laisse néanmoins la terre qu'il détient, sous la réserve expresse qu'il fera une déclaration (profiteri) devant les duumvirs créés à cet effet. Cette formalité remplie, tous ceux pour qui les conditions de la loi Rubria avaient d'ailleurs été observées, sont maintenus en possession de leur lot ; faute de satisfaire à cette obligation, le colon est déchu de ses droits. Il importe de noter que le nombre de six mille colons ne fut pas admis. On. en revint au chiffre prescrit par la Rubria, en supprimant l'excédent introduit par C. Gracchus. Ceux dont la part, bien que leur appartenant de façon très légitime du fait de la Rubria, aurait cependant été vendue à Rome comme bien de l'Etat, seront indemnisés. Les duumvirs ont le pouvoir soit d'adjuger le terrain à l'acheteur et de rendre au colon un terrain équivalent, soit de procéder à l'inverse. Ce que le colon reçoit ainsi en échange est à lui au même titre que si t'eût été un lot colonicus. Enfin M. Mommsen entrevoit que l'ager ne resta pas colonicus, c'est-à-dire divisé par centuries, mais qu'il devint viritanus, ou attribué par tête, du moins autant que possible. Mais comment accorder cette opinion avec le passage de Fronton que je rapportais tout à l'heure ? L'ager privatus jure peregrino n'intéresse pas Carthage. Il servit à récompenser, comme on l'a vu, les sept villes qui avaient fourni des secours à Rome pendant le siège. L'ager publicus populi Romani forme la troisième espèce de terres que vise le législateur. Parmi ces terres de genre assez différent, l'emplacement même de Carthage, que Scipion avait maudit, est désigné nommément. Des endroits que les censeurs peuvent louer pour le pâturage on excepte agrum locum, ubei oppodum Chartago fuit quondam (§ LXXXI)[48]. Il reste dans le domaine public, mais voué à l'éternelle solitude. Réserve faite d'abord de cet ager intramuranus, ensuite de celui qui a été soit donné aux colons, soit vendu, soit concédé aux alliés, soit destiné à un usage public, les censeurs ont toute licence pour louer le terrain de Carthage et des autres villes d'Afrique que Rome a prises de vive force. Ces prescriptions rigoureuses, qui traduisent bien la haine de l'aristocratie, devaient être complétées par l'ordre de détruire les maisons et constructions de toute sorte édifiées depuis onze ans sur le sol de la ville. Peut-être confirmait-on simplement les mesures édictées sur les conseils de Minucius Rufus ; il n'y a pas apparence qu'on les ait adoucies. Par malheur le fragment du texte relatif à ces dispositions a disparu. A partir de cette époque et pendant près de soixante-dix ans, Carthage même resta en toute vérité à l'état de ruines. Aux alentours immédiats continuèrent cependant d'habiter la plupart des Italiens venus à la suite de Gracchus. Assez vite les indigènes revinrent se grouper autour d'eux, attirés soit par l'espoir du trafic maritime, soit par le désir si naturel de retrouver, autant que possible, la patrie qu'ils avaient perdue. Si nous ignorons de quelle manière s'administrait cette agglomération d'hommes, ce n'est pas un motif pour en révoquer en doute l'existence. Dans un discours prononcé devant le peuple d'Athènes vers 666/88, le péripatéticien Athénion affirme que Mithridate a reçu des ambassadeurs des peuples italiques et même des Carthaginois désireux de s'allier avec lui contre Rome[49]. Tissot hésite à prendre au sérieux la parole de l'orateur[50] ; je suis, je l'avoue, encore plus sceptique. Avec M. Mommsen[51], je considère ces mots comme une hâblerie d'Athénion, qui espérait tromper les Athéniens en leur citant une ville jadis puissante, mais abattue depuis cinquante-huit ans. Souvenons-nous en effet que les colons qui formaient le noyau de la ville étaient des Romains. Leur supposera-t-on une haine assez vivace contre les patriciens pour s'allier au pire ennemi de Rome ? Ils n'y pouvaient avoir aucun intérêt. Le mieux pour eux était de vivre à l'écart des luttes, de nouer des relations commerciales et de cultiver leurs champs. C'est à quoi ils durent borner leur ambition. Malgré son allure romanesque, l'aventure de Marius en dit plus long sur l'état de Carthage durant cette période obscure[52]. Banni de Rome et voyant sa tête mise à prix par Sylla, Marius s'enfuit en Afrique. A peine eut-il débarqué sur le territoire de Carthage qu'un sous-ordre du gouverneur Sextilius vint à sa rencontre et, s'arrêtant devant lui : Marius, dit-il, Sextilius vous enjoint de sortir d'Afrique. Sinon, il exécutera contre vous les décrets du sénat et vous traitera en ennemi de Rome.... Alors Marius avec un grand soupir : Eh bien ! répliqua-t-il, rapporte-lui que tu as vu C. Marius exilé, assis sur les ruines de Carthage. Juste et triste comparaison du destin de cette ville et de son propre sort[53]. L'infortune de Marius fut un thème fécond de déclamations pour les rhéteurs et les poètes[54]. Pour nous, ce qui ressort de cet épisode, c'est qu'au temps même où Athénion présentait cette ville comme capable de seconder Mithridate contre les Romains, elle constituait un centre de population disparate et servait de refuge aux exilés, peut-être aux malfaiteurs. Il est permis, par conséquent, de se demander si les colons de C. Gracchus, maintenus en possession de leurs terres en 643, y étaient tous restés. Nous savons que les publicains et les trafiquants romains avaient envahi l'Afrique depuis la chute de Carthage[55]. On se rappelle qu'ils donnèrent à Utique une prospérité au moins momentanée. Il est vraisemblable, vu leur esprit mercantile et leur adresse en affaires, que ces financiers avaient peu à peu occupé les biens des premiers propriétaires et les faisaient valoir par des indigènes. Aussi ne saurais-je souscrire à la théorie de Dureau de la Malle qui accepte pour véridiques les phrases creuses d'Athénion et voit dans la retraite de Marius à Carthage une idée politique[56]. Comme Napoléon à l'île d'Elbe, Marins n'aurait attendu là que l'instant propice pour rentrer dans son pays et tirer vengeance des affronts reçus. Prête à se soulever contre Rome en faveur du roi de Pont, Carthage devait être non moins disposée à suivre Marius contre Sylla. Pure imagination ! Une simple injonction du préteur Sextilius suffit à éloigner Marius de ce rivage ; Plutarque ne mentionne aucune tentative des gens du pays en sa faveur. Et, d'autre part, la démarche que tenta son fils auprès d'Hiempsal, roi de Numidie, montre à elle seule d'où les proscrits sentaient que les secours pourraient leur venir. Carthage était incapable de rien faire pour eux, car elle se trouvait, depuis C. Gracchus, dans l'état décrit par Solin aliquantisper humilis et languido statu[57]. Quelques années après le passage de Marius, Pompée visita à son tour la contrée. Vainqueur en Sicile, l'Afrique le voit bientôt débarquer pour combattre Domitius Ahenobarbus. Il dirige une partie de sa flotte sur Carthage et, malgré une mutinerie de ses troupes[58], termine en quarante jours sa glorieuse campagne. En 691/63, Cicéron, élu consul, eut à repousser une proposition de loi du tribun de la plèbe P. Servilius Rullus. Ce projet, connu sous le nom de lex Sei-vilia, tendait, du moins en apparence, à effacer les dernières traces des injustices et des violences de Sylla. En vue de donner aux victimes une indemnité pécuniaire, Rullus proposait[59] d'instituer une commission de décemvirs investis pendant cinq années des pouvoirs les plus étendus, pour vendre et aliéner les terres du domaine public, à l'exception de celles que Sylla avait assignées durant sa dictature. Le sol même de Carthage et certains morceaux de son territoire appartenaient à l'Etat, d'après la loi de 643 ; ils devaient donc être à la disposition des dix commissaires. Cicéron, qui prononça trois et peut-être quatre discours pour faire échouer la proposition de Rullus, s'indigne de cette audace. On va, s'écrie-t-il, jusqu'à vendre l'ancienne Carthage, dont l'Africain renversa les maisons et les remparts et qu'il voua au courroux des dieux... pour que les hommes ne perdissent pas le souvenir de sa chute[60]. Afin de fortifier sa thèse, Cicéron étend la portée de l'anathème de Scipion, l'appliquant à tout le territoire de la ville, non plus seulement à la partie comprise dans l'intérieur de l'enceinte. Mais il n'exagère rien en disant que Rullus méditait de vendre tout le domaine africain loué jusqu'alors par les censeurs[61]. Cette nouvelle entreprise sur une terre que la religion avait maudite échoua plus complètement que celle de Gracchus. L'éloquence de Cicéron et les intérêts des riches, beaucoup plus qu'un souci religieux, la firent avorter. Le respect des vieilles croyances n'enchaînait plus guère les âmes ; peu d'années devaient suffire à faire tomber les derniers scrupules sur la devotio de Scipion. César, qui se cachait déjà derrière Rullus, s'abstint de revenir à la charge pour le moment. Les circonstances n'étaient guère propices, et beaucoup d'autres pensées détournèrent son attention. Mais, lorsqu'il fut le maître, bravant toute superstition, il établit, et cette fois pour longtemps, une seconde Carthage aussi florissante que la première. IV Pendant les démêlés de Pompée et de César, cette ville ne fit point parler d'elle. Fait étrange, mais significatif, il n'en est même pas question dans les mouvements de troupes et les combats qui se produisirent en Afrique aussitôt après Pharsale ; tandis que le De bello Africano nomme Utique à mainte reprise, Carthage ne s'y trouve nulle part mentionnée. C'est dire quelle petite place elle tenait dans les préoccupations des chefs rivaux. L'année 710/144 vit son relèvement. Appien, qui n'a plus Polybe pour guide, verse ici dans la légende[62]. César, dit-il, poursuivant les Pompéiens, campait un jour à Carthage. Durant son sommeil il vit en songe une armée nombreuse tout en larmes ; troublé par cette vision, il écrivit aussitôt sur ses tablettes : Coloniser Carthage. De retour à Rome, peu de temps après, et assailli de demandes par les citoyens pauvres qui réclamaient des terres, il ordonna d'envoyer les uns à Carthage, les autres à Corinthe ; mais il fut tué presque aussitôt. Cependant Auguste, ayant eu connaissance de ce dessein de son père adoptif, transporta trois mille colons outre-mer et fonda la cité actuelle tout à côté de la précédente, car il redoutait les anciennes malédictions ; il y introduisit aussi un certain nombre d'habitants du pays d'alentour. Laissons de côté ces fables ; les idées politiques de César sont assez connues. Las de garder le cadavre, selon l'énergique expression de Mommsen[63], il pensait surtout à l'avenir et cherchait à tirer parti des forces économiques que les rancunes et la haine rendaient infécondes[64]. D'autre part la République avait commis de grandes injustices ; les réparer fut le souci du dictateur. Emule des Gracques, il s'employa de toutes ses forces à mieux répartir les terres, tout en débarrassant Rome des bandes de malheureux qui deviendraient, à bref délai, un péril pour l'ordre social. Les colonies étaient le salut ; César en créa beaucoup, et parmi elles Corinthe et Carthage. Il est inexact de prétendre que la mort l'empêcha de mener ses projets à bonne fin. Auguste eut bien sa part dans la résurrection de cette dernière ville ; mais les meurtriers laissèrent à son père adoptif plus que le temps d'ébaucher cette œuvre[65]. C'est à partir de 710/44 que Carthage compta les années de son ère propre[66]. Plutarque ne croit pas, comme Appien, que César enrôla des citoyens indigents dans sa deductio coloniæ ; il prétend que les terres furent réparties à des vétérans. Par des distributions de blé et des festins le dictateur s'attirait la faveur du peuple ; il réservait les colonies aux. soldats. Peut-être y a-t-il moyen de concilier les deux opinions, comme le fait Strabon dans le passage cité en note. D'après lui les deux éléments, civil et militaire, furent fondus ensemble, César ayant envoyé les citoyens qui le désiraient et en outre un certain nombre de soldats. Malgré l'assertion d'Appien, ce fut sur le sol même de la ville punique que César installa ses trois mille colons[67] ; les résultats des fouilles que j'ai invoqués en parlant de la colonie de 122 sont plus formels encore pour la période suivante. Quoique ce nouvel établissement ne fût pas destiné à sombrer comme l'œuvre éphémère de Gracchus, il allait cependant supporter plus d'un assaut avant de pouvoir s'accroître et s'épanouir en paix. En 711/43, lors du premier partage, Auguste obtient l'Afrique dans son lot ; elle échoit à Antoine en 712/42 ; Lépide enfin la reçoit, après la paix de Brindes, en 714/40 ; ces maîtres successifs introduisirent dans le pays des troupes de tout genre et de tout parti. Il serait surprenant que Carthage eût progressé au milieu de ces bouleversements. Au contraire nous la voyons dépeuplée, amoindrie, réduite presque à l'état de désert du fait de son dernier possesseur. Dion Cassius, qui signale ce barbare traitement[68], ajoute que le même Lépide lui enleva ses privilèges de colonie. Ignorants que nous sommes des privilèges que César lui avait conférés, il nous est difficile de connaître ceux. que Lépide lui ravit. On a des indices plus sérieux sur le sort infligé à la population. Dureau de la Malle et Labarre[69] soupçonnent que Lépide, ayant besoin de soldats pour la guerre coutre Sextus Pompée, enrôla de force les colons et les envoya en Sicile (715/36). La conjecture me semble assez heureuse[70]. Quoi qu'on en veuille penser, il reste du moins certain qu'après les quatre années durant lesquelles Lépide gouverna l'Afrique Carthage dépérissait une fois de plus faute d'habitants. Héritier des idées de César et résolu comme lui à effacer les rancunes du passé, à rétablir partout la paix civilisatrice[71], Auguste ne tarda pas à vivifier la cité languissante en lui infusant un sang rajeuni[72]. Ce ne sont pas des vétérans, mais des togati cives empruntés aux villes voisines[73], qui vinrent combler les vides produits par la politique imprudente de Lépide. Les auteurs s'accordent pour placer cette deductio entre les mois d'avril et d'août 725/29[74]. Sur le flanc de la colline de Saint-Louis, le P. Delattre déblayé un mur formé d'amphores superposées et remplies tic terre. Les marques de fabrique vont de l'année 43 à l'année 15 avant l'ère chrétienne ; la construction appartient donc à l'époque d'Auguste. Désormais il est impossible de nier que les citoyens qui reprenaient alors possession de ce terrain se soient établis sur les ruines mêmes de la ville antérieure. S'ils se donnent la peine tic consolider Byrsa, leur intention de l'occuper et d'y bâtir n'est-elle pas évidente ? Tertullien, rappelant à ses compatriotes que l'usage de la toge parmi eux date seulement de la colonisation romaine, en indique en quelques mots les différentes étapes : Vobis... post Gracchi obscena omina et Lepidi violenta ludibria, post trinas Pompei aras et longas Cæsaris moras, ubi mœnia Statilius Taurus imposuit, sollemnia Sentius Saturninus enarravit, cum concordia juvat, toge oblata est[75]. Si les cruelles moqueries de Lépide, les trois autels de Pompée[76], les lenteurs de César[77] ne sont pas pour nous des termes assez explicites, on voit sans trop de peine que ces allusions se rapportent, ainsi que les funestes présages de Gracchus, aux faits relatés dans le cours de ce chapitre, et l'exactitude de l'écrivain quant aux événements que nous connaissons, même imparfaitement, est une raison de croire à sa véracité polir ceux que nous ignorons d'autre part. Je suis donc tout prêt à admettre ce qu'il nous dit de Statilius Taurus et de Sentius Saturninus. Au premier, qui gouverna l'Afrique en 719-720/35-34[78], Tertullien attribue la reconstruction de la ville[79]. Le second, d'après lui, institua des fêtes religieuses dans la colonie renaissante, ou présida à sa consécration définitive. On ignore la date de son proconsulat[80]. Ainsi refondue et consolidée pour des siècles, Carthage fut classée dans la tribu Arnensis[81] et reçut le nom de Colonia Julia Carthago en l'honneur de César[82]. Pourtant l'usage prévalut de remplacer l'appellation officielle par celle plus simple de Carthago[83]. Une vie nouvelle commença dès lors pour elle. Les guerres et les malheurs de toute sorte avaient jusqu'à présent entravé son développement ; les pirates, qui infestaient les mers et que Pompée ne réduisit qu'avec peine, avaient interdit à son port, par leurs attaques contre les vaisseaux marchands, de reprendre son animation d'autrefois ; il semblait vraiment que la malédiction de l'Africain produisit son plein effet. Certes il n'eût pas fallu autant de coups successifs pour arrêter l'essor de toute autre colonie. Mais l'incomparable situation de celle-ci en faisait une place si propice pour qui voulait tenir le pays en respect que son relèvement était nécessaire à Rome. Chaque arrêt fut donc l'occasion d'un effort nouveau. A la fin, l'opiniâtre résolution des hommes triompha du destin ; et, quand la paix régna sur le monde, quelques années suffirent pour que l'humble bourgade reprit son rang entre les grandes cités. Parmi les causes qui favorisèrent cet épanouissement, il faut compter la publication de l'Enéide. Virgile était mort le 21 septembre 735/19, laissant son œuvre à peu près terminée. Varius et Plotius Tucca la publièrent ; le succès en fut immédiat. Les Romains, charmés de lire leurs origines racontées en si beaux vers, ne se lassèrent pas d'admirer le poème. On s'éprit des héros qu'il met en scène ; on voulut connaître les lieux où ils avaient vécu. L'un des épisodes qui durent le plus émouvoir les Romains fut, sans contredit, celui où Virgile célèbre les amours d'Enée et de Didon. Cette terre d'Afrique où la reine et le héros s'étaient rencontrés, cette ville luxueuse qui se bâtissait alors, avaient frappé les imaginations. Par une favorable coïncidence, Carthage était à ce moment même l'objet de la sollicitude d'Auguste ; il conviait ses sujets à la tirer de son abaissement, à lui rendre son éclat d'autrefois. L'empereur et le poète étaient d'accord ; les Muses conspiraient avec la politique. Il n'en fallut pas plus pour que la restauration de Carthage devînt affaire de mode, après avoir été jadis affaire de parti. Strabon, qui vivait sous Auguste, la cite déjà comme un des centres les plus peuplés d'Afrique[84] ; Pomponius Mela, au temps de Tibère, parle de son opulence[85] ; et c'est bien à ce moment qu'elle commença d'être, selon le mot de Solin, la seconde merveille du monde, après Rome[86]. Nos pères, disait Cicéron, avaient pensé que, même en ôtant à Carthage son sénat et ses magistrats, en dépouillant les citoyens de leurs propriétés, elle ne manquerait jamais des moyens de se rétablir et de tout révolutionner, avant même que nous en fussions instruits[87]. Carthage fit mieux encore ; réduite en cendres, elle ressuscita. Les sénateurs de 146 n'avaient point prévu le cas. Encore moins se doutaient-ils que Rome elle-même aiderait de tout son pouvoir à cette résurrection. |
[1] II, p. 40 ; cf. Mommsen, IV, p.
312-319.
[2] C'est un lieu commun chez les
auteurs de dire que la ruine de Carthage amena la décadence morale de Rome ;
cf. Salluste, Cat., 10, 1 ; Hist. fragm., I, 10-11 (éd. Kritz).
[3] Appien, Pun., 134. Une
anecdote rapportée par Pline (H. N., XXXV, 4, 23) montre bien les
sentiments du populaire. Quand l'armée fut de retour en Italie, un certain L.
Hostilius Mancinus, qui était monté le premier à l'assaut des murailles, eut
l'ingénieuse idée d'exposer sur le forum des tableaux représentant la position
de la ville assiégée et les diverses attaques des légions ; lui-même se tenait
près de ses toiles et donnait aux curieux les explications les plus détaillées.
Cette réclame eut beaucoup de succès, et les oisifs se pressèrent à ces
exhibitions. Aux comices, qui étaient proches, Mancinus fut élu consul pour
l'année suivante (609/145).
[4] IX, 30.
[5] De invent., I, 12, 17.
[6] D'après Zonaras (loc. cit.),
la lutte fut vive entre les partisans des diverses opinions. Caton demanda que
Carthage fia détruite sans retard ; Nasica, qu'elle fia épargnée ; on ne
parvenait pas à s'entendre. Au milieu de la confusion générale, quelqu'un
soutint cette thèse : Carthage devait vivre. Rome avait besoin d'elle. Sans
doute on ne pouvait espérer jamais s'en faire une amie, ni une vassalle soumise
; mais précisément son hostilité permanente forcerait les Romains à se tenir
toujours sur la défensive et à veiller sur eux-mêmes. Dans ce raisonnement on
retrouve les idées des époques suivantes ; Salluste, je viens de le rappeler,
ne s'exprime pas autrement. Mettre ces paroles dans la bouche d'un sénateur en
146, c'est faire de lui une sorte de prophète. L'intervention de Caton est
encore moins heureuse ; il était mort depuis trois ans, 605/149 (cf. Mommsen, loc.
cit., p. 328 ; Teuffel, p. 193). Quant à Scipion Nasica, il se tut, ou sa
protestation, si elle eut lieu, fut bien faible. Zonaras a attribué aux deux
personnages, dans cette circonstance, leur attitude ordinaire ; son récit est
tout d'imagination.
[7] Les historiens ne nous ont pas
transmis leurs noms : Appien (Pun., 135) les appelle seulement les
premiers de leur ordre ; cf. Mommsen, Staatstrecht, II, p. 624 ;
Marquardt, II, p. 451, n. 2 ; C. I. L., I, p. 99.
[8] Florus, XXXI, 18.
[9] Appien, loc. cit.
[10] I, 12, 7.
[11] Appien, loc. cit. ;
Zonaras, loc. cit. Macrobe (III, 9, 9-13) nous a conservé le texte même
de la devotio. C'est, avec ses formules d'une étrange précision, un véritable carmen que les dictateurs et les généraux
pouvaient seuls prononcer : Dis Pater, Vejovis, Mânes,
ou de quelque autre nom qu'il faille vous nommer, vous tous répandez la fuite,
la terreur dans cette ville de Carthage et dans cette armée dont je veux
parler, sur tous ceux qui portent les armes et lancent des traits contre nos
légions et notre armée. Cette armée, ces ennemis, ces hommes, leurs villes,
leurs champs, tous ceux qui habitent en ces lieux et sur ce territoire, aux
champs ou à la ville, arrachez-les d'ici, privez-les de la lumière d'en haut.
Que l'armée des ennemis, les villes, les champs de ceux dont je veux parler,
que leurs villes, leurs champs, leurs têtes, leurs vies vous soient dévoués et
consacrés selon les lois par lesquelles les plus grands ennemis ont toujours
été dévoués. Je les substitue à ma personne, à mon autorité, à ma magistrature,
au peuple romain, à nos armées, à nos légions. Je les livre et les dévoue, afin
que ma personne, mon autorité, mon commandement, nos légions et notre armée,
chargés de cette entreprise, soient conservés par vous sains et saufs. Si vous
me faites savoir, connaître et comprendre que vous le voulez ainsi, alors, que
quiconque vous aura fait vœu de trois brebis noires, quel que soit le lieu où
il l'a fait, tienne son vœu pour valable. Tellus, notre mère, et toi, Jupiter,
je vous atteste. Lorsqu'il nomme Tellus, il touche la terre de ses mains
; lorsqu'il nomme Jupiter, il lève les mains au ciel ; lorsqu'il fait le vœu,
il porte les mains à sa poitrine. Ce camen
est fort ancien ; il avait déjà servi lors de la prise de Fregellæ, de Gabies,
de Véïes et de Fidènes ; on l'employa aussi à Corinthe. C'est du livre V des Res
reconditæ de Sammonicus Serenus que Macrobe l'a extrait ; Serenus l'avait
pris lui-même in cujusdam Furii vetustissimo libro,
peut-être, selon Teuffel (p. 209, 6), L. Furius Philus, consul en 618/136.
[12] Cicéron (Tusc., III,
22, 54) nous apprend que le philosophe Clitomaque ; originaire de Carthage,
écrivit un livre qu'il envoya à ses concitoyens pour les consoler dans leur
mauvaise fortune.
[13] Mommsen, loc. cit., p.
335.
[14] Pline, H. N., V, :3-4 ;
Mommsen, loc. cit. ; Marquardt, II, p. 451 ; Perroud, p. 75.
[15] C. I. L., I, 200, p.
84, § LXXIX.
[16] Mommsen, p. 337 ; E.
Kornemann, De civibus Romanis in provinciis imperii consistentibus,
in-8°, Berlin, Calvary, 1892, p. 69 sq.
[17] Appien, loc. cit.
[18] C'était,
dit Strabon (XVII, 3, 13, p. 832 C), la seconde ville
de Libye ; elle le cédait en grandeur et en renommée à la seule Carthage.
Celle-ci une fuis détruite, elle devint comme la métropole des Romains et la
base de leurs opérations en Afrique.
[19] Velléius Paterculus, II, 38, 2
; Mommsen, p. 335 sqq. ; Marquardt, II, p. 450 sq., 464 sq. ; Person, p. 32-34
; Toutain, Cités, p. 19 sq.
[20] Mueller, II, p. 65 ; Tissot, G.,
II, p. 1-21. A l'aide d'inscriptions récemment découvertes, M. Cagnat a
rectifié le tracé de Tissot en montrant que les Romains s'étaient moins avancés
dans le pays qu'on ne l'avait cru. Bull. arch., 1893, p. 239 sq., n° 107 ; Rev. arch., XXIV (1894), p. 415, n°
65 ; C. R. Inscr., 1894, p. 4-3-51. Cf. C. I. L., VIII, 14882.
[21] Afriq., p. 84 sq. ; cf.
Cagnat, C. R. Inscr., loc. cit.
[22] Appien, loc. cit.
[23] Velléius Paterculus (I, 15,
4). Eutrope (IV, 9) et Orose (V, 12, 1) indiquent 631/123 ; Marquardt (II, p.
165) et Tissot (G., I, p. 634) proposent 632/122. On peut concilier les
deux opinions. Velleius, Eutrope et Orose ont mentionné la date à laquelle
Rubrius demanda l'envoi d'une colonie à Carthage, sans insister sur la suite
des événements (jussa restitui, dit
Orose) ; la deductio eut lieu l'année
suivante En réalité. il y trois dates à retenir dans ce récit. Mommsen (C.
I. L., I, p. 96.), suivi par Marquardt (I, p. 143 sq.), distingue avec
raison : l'année du vote de la colonie (631/123), l'année de la fondation
(632/122) et l'année de la suppression (633/121) ; Tissot confond les deux
premières. On ne doit faire aucun cas du témoignage vague de Zonaras (IX, 31),
qui attribue le relèvement de Carthage à un temps fort éloigné de sa chute,
peut-être ne pense-t-il qu'à la colonie de César ou d'Auguste.
[24] Plutarque, Parallèle d'Agis
et Cléomène et des Gracques, 3.
[25] VI, v. 796.
[26] V, 11, 4. Ce texte démontre,
la part une fois faite des exagérations qu'il renferme, que la région de
Carthage ne cessa pas d'être habitée après 146. Les débris du peuple vaincu
étaient demeurés autour des ruines de la ville. Tite Live (Epit., LX)
mentionne aussi cette épidémie.
[27] Pun., 2.
[28] Pun., 136.
[29] Plutarque, C. Gracchus,
10-11 ; cf. Orose, V, 12, 1-2 ; Mommsen, C. I. L., I, p. 96 sq.
[30] Appien (Bell. civ., I,
23-24 ; Pun., 136) raconte les faits un peu différemment. Les triumvirs
seraient partis seuls pour délimiter le terrain de la colonie et pour assigner
les lots. Quand ce travail fut en bonne voie, ils laissèrent des mandataires
pour le terminer et revinrent en Italie. On enrôla un peu partout les six mille
colons, et l'on mettait à la voile, lorsque furent connus à Rome les présages
funestes qui manifestaient l'hostilité des dieux. Le sénat en profita aussitôt
pour faire abroger la loi Rubria, malgré les efforts de Caïus. D'après ce
système les émigrants n'auraient pas quitté l'Italie, et la restauration
n'aurait pas eu lieu effectivement. Les expressions dont se servent les
auteurs, et Appien lui-même, ne permettent pas de croire que les choses se
passèrent ainsi. Carthago... colonia condita est, dit Velléius Paterculus (I,
15, 4 ; II, 7, 8). Deducti sunt eo cives romani,
écrit Eutrope (IV, 9). Orose (V, 12, 1) est plus énergique encore : ... deductis civium Romanorum familiis, quæ eam incolerent,
restituta et repleta est... Enfin Appien (Pun., 2), s'exprime
en ces termes : ... Καρχηδόνα
'Ρωμαϊοι... αΰθις
ώκισαν ίδίοις
άνδράσιν. Les six mille colons
franchirent donc bien la mer sous la conduite des triumvirs pour se fixer sur
le sol africain ; cf. id., Præf., 12.
[31] Sur les villes d'Afrique ainsi
confiées à la garde spéciale d'une divinité, cf. Toutain, Cités, p. 328,
n. 1.
[32] C. I. L., I, p. 83, § LXI.
[33] Jugurtha, 42 : Nobilitas... Gaium
(Gracchum)... triumvirum coloniis deducundis... necaverat.
[34] Res rust., I, 44, 2.
[35] Appien, Pun., 2 ; Eutrope, IV, 9 ; Orose, V, 11.
[36] Bell. civ., 24.
[37] Epist., II, 4 (éd. Naber, p. 125).
[38] Tite Live, Epit., LX ;
Pline, H. N., V, 4. Plutarque, C. Gracchus, 10, dit simplement : οἰκίζεσθαι Καρχηδόνα ; Appien emploie plusieurs
expressions différentes, Pun., 136 ; ibid., 2 ; Bell. civ.,
I, 24. Les modernes sont d'accord avec Tite Live, Pline et Appien dans ce
dernier texte ; cf. Dureau, p. 116 sq. ; Barth, I, p. 82 sq. ; Davis, p. 122 ;
Beulé, Fouilles, p. 10-12, 80 sq., 83 ; Delattre, Fouilles, p.
119 sq. D'après Beulé, (les Romains) s'attachèrent à
réédifier les mêmes monuments à la même place, avec une piété qui désole à
juste titre l'archéologue. Car il est certain qu'en les construisant ils firent
disparaître les débris de l'architecture punique. Avec le P. Delattre, je
ne crois pas que les Romains se soient attachés à relever sur leurs bases les
temples et les principaux monuments de la Carthage vaincue et détruite.
J'admettrais plus volontiers qu'ils eurent à cœur de faire du nouveau, sans
trop s'inquiéter du plan de la ville punique.
[39] Delattre, Lampes, p.
6-7.
[40] Delattre, C. R. Inscr.,
1897, p. 7, n° 1 ; Sup., p. 84-86.
[41] Dureau, p. 124-126 ;
Marquardt, II, p. 468, n. 1 ; Tissot, G., I, p. 638 sq.
[42] Marquardt, I, p. 54.
[43] II, 7, 7.
[44] V, p. 54.
[45] M. Mommsen a soutenu (C. I.
L., I, p. 97) qu'en respectant les terres réparties les patriciens ne
portaient pas atteinte à l'œuvre de Scipion et des décemvirs. Scipion en effet
n'avait appelé la colère des dieux que sur la ville même de Carthage, le
territoire restant à l'abri de leur vengeance. La devotio
n'établit pas, à vrai dire, cette distinction ; elle englobe dans un seul
anathème la ville et rager, qui en dépendait. Faut-il croire que Macrobe a
reproduit le texte ordinaire de la devotio,
sans prendre garde qu'il avait subi plusieurs modifications pour le cas spécial
qui nous occupe ? Ou bien le carmen qui
est entre nos mains, prononcé quelque temps avant la chute définitive de Carthage,
puisqu'il y est fait allusion à l'armée des ennemis, fut-il suivi d'un autre
qui ne nous est pas parvenu ? Ou enfin éluda-t-on le texte formel qui
condamnait ville et territoire, afin de ne pas irriter outre mesure les
possesseurs de ce sol ? Ces diverses explications sont plausibles, mais
j'inclinerais plutôt à adopter la dernière. Tout en reniant les compagnons de
Gracchus par esprit de parti, le sénat avait trop de sens politique pour ne pas
voir avec plaisir cet établissement de plusieurs milliers de Romains en
Afrique. Quel que soit le motif qui l'ait déterminé, il ne frustra pas les
colons de la part reçue en 632/122.
[46] Appien, Bell. civ., I, 27 ; C. I. L., I, p. 76 sqq. La première, dont l'auteur est
inconnu, doit remonter à 633/121 ; la seconde, due au tribun Sp. Thorius, fut
votée vers 635/119 ou 636/118.
[47] Voir le commentaire de
Mommsen, ibid., p. 96-106. Il y a un bon résumé de ce travail dans
Wordsworth, p. 440 sqq.
[48] C'est donc à tort qu'Appien, Bell.
civ., I, 24, prétend que ce sol était livré au pâturage ; cf. C. I. L.,
I, p. 100.
[49] Athénée, Deipnosoph.,
V, 50.
[50] Géographie, I, p. 625
sq.
[51] V, p. 286.
[52] Plutarque, Marius, 40 ;
cf. Orose, V, 19, 8.
[53] Peut-être ne faut-il pas tenir
trop de compte d'une phrase de Velléius Paterculus, qui indiquerait un séjour à
Carthage (II, 19, 4) : Inopem vitam in tugurio
ruinarum Carthaginiensium toleravit. Cet historien est assez enclin
à l'exagération (cf. Duruy, II, p. 589, n. 5). Les détails précis de l'honnête
Plutarque m'inspirent plus de confiance.
[54] Velléius Paterculus, II, 19,
4. Lucain, Pharsale, II, v. 91-93. Cf. Cicéron, Pro Sextio, 22,
50 ; in Pis., 19, 43 ; Appien, Bell. civ., I, 62 ; P. Asprenas,
dans Sénèque le Rhéteur, Controv., I, 1, 5 ; Juvénal, X, v. 210 sqq.
[55] Velléius Paterculus, II, 11,
2.
[56] Dureau, p. 123.
[57] XXVII, 9.
[58] Quelques soldats découvrirent
un trésor. Le bruit s'en répandit ; toute l'armée aussitôt de croire que les
alentours sont pleins de richesses enfouies par les Carthaginois lors de leur
catastrophe. Chacun se mit donc à retourner le sol dans l'espoir de faire
pareille trouvaille. Et pendant plusieurs jours, le général ne put rien
obtenir, ni corvées, ni service, de ses troupes en démence. Il prit le parti
d'attendre. On le vit se promener, un sourire de dédain aux lèvres, parmi ces
milliers d'hommes occupés à fouir la terre, sans leur donner aucun ordre. Enfin
ils cessèrent cette besogne avilissante et, honteux d'eux-mêmes, s'en vinrent
prier Pompée de les conduire où il voudrait ; son mépris leur paraissait un
châtiment suffisant de leur sottise. Plutarque, qui raconte l'anecdote (Pompée,
11-12), ajoute que cette armée se battit avec un vrai courage, peut-être pour
réparer ce moment d'aberration.
[59] Duruy, III, p. 20.
[60] De lege agr., I, 2, 5 ; II, 19, 51.
[61] Mommsen, C. I. L., I, p. 100.
[62] Pun., 136.
[63] XI, p. 255.
[64] Toutain, Cités, p. 312.
[65] Appien lui-même nous en est
garant ; car il ajoute, en se contredisant, à la fin de son récit : Les Romains ruinèrent donc Carthage, puis ils la rebâtirent
cent deux ans après l'avoir détruite ; ce qui donne exactement l'année
710/44. D'ailleurs les termes dont se servent Dion Cassius (XLIII, 50, 3),
Plutarque (César, 57), Pausanias (II, 1, 2) et Strabon (XVII, p. 1189),
qui relatent l'entreprise de César, ne laissent place à aucune équivoque. Enfin
Solin (XXVII, 9), qui marque aussi un intervalle de cent deux années entre la
destruction et le relèvement, y joint pour plus de clarté les noms de M.
Antoine et de P. Dolabella, consuls en 44. C'est, dit-il, à partir de ce moment
que Carthage brilla d'un nouvel et vif éclat ; l'expression peut, paraitre
excessive, appliquée à la colonie de César, du moins la date mérite d'être
accueillie en toute confiance comme celle du renouveau pour les débris
languissants de la colonie de Gracchus.
[66] C. I. L., VIII, 805,
12318 ; Cagnat, arch., 1885, p. 160 sq., n° 24 ; Pallu, Ass., p. 10. Il
ne faut pas confondre cette ère carthaginoise avec l'ère provinciale de la
Proconsulaire ; cf. Pallu, loc. cit.
[67] La phrase de Pline que l'on a
lue plus haut s'applique à la colonie de César autant qu'à celle de C.
Gracchus. Dion Cassius, qui fut proconsul d'Afrique entre 222 et 225 (Pallu, Fastes,
p. 269-272) et, par là-même, en situation d'être renseigné de façon exacte,
adhère à l'opinion de Pline. Entre autres belles actions,
écrit-il (XLIII, 50, 3-5), César s'illustra en
relevant Carthage et Corinthe. A ces deux villes antiques, brillantes,
glorieuses, ensuite abattues, il donna des colons et le droit de cité, il leur
rendit aussi leurs anciens titres. Il accorda le pardon à la mémoire de leurs
habitants d'autrefois, montrant ainsi qu'il ne gardait aucune haine contre ces
lieux innocents des méfaits de leurs anciens possesseurs. Enfin Solin (loc.
cit.) n'assigne point un emplacement distinct aux deux Carthage.
[68] LII, 43, 1.
[69] Dureau, p. 128 ; Labarre, p.
8.
[70] Mueller (II, p. 148) donne une
explication assez imprévue : Lépide expulsa une partie
des habitants, parce qu'ils s'étaient établis sur l'emplacement même de
l'ancienne ville, lieu interdit par le Sénat au nom des dieux.
[71] Toutain, Cités, p. 26
sq.
[72] Dion Cassius, loc. cit.
[73] Appien, Pan., 136 ; Saglio, Dict., C, p. 1315.
[74] C. I. L., VIII, p. 133
; Marquardt, II, p. 467 ; Labarre, p. 8 ; Goyau, p. 4. On lit dans les Consularia
Constantinopolitana (Chron. min., I, p. 217) : 726 (= 28) Octaviano
VI et Agrippa. His conss. Cartago libertatem a populo Romano recepit.
Ces mots ne peuvent exprimer, à mon sens, que la restauration définitive
d'Auguste, avec une erreur de date d'un an.
[75] De pallio, 1.
[76] Œhler, commentant ce passage
explique trinas aras par tres triumphos.
[77] D'après Œhler, César ayant eu
seulement l'intention de fonder Carthage, longas
moras désignerait le temps qui s'écoula jusqu'au jour où Auguste
réalisa ce projet. Mais, puisque César était mort, l'expression Cæsaris moras serait tout à fait impropre.
J'écarte donc cette interprétation.
[78] Pallu, Fastes, p.
63-65.
[79] On ne saurait songer à
traduire ici mœnia par murailles ; l'enceinte de Carthage ne fut
rétablie qu'au Ve siècle. Je donne à mœnia
le sens de maisons, ensemble des monuments qui constituent la ville. Cette
acception n'a rien d'insolite ; cf. Forcellini - de Vit, Lexicon, s. v.,
§ 3.
[80] Pallu, Fastes, p. 75
sq. ; j'ignore sur quoi s'appuie M. Babelon (Enc., p. 604) pour dire : vers 740... Sentius Saturninus,
le proconsul de la province d'Afrique, installé jusque-là à Utique, transféra
sa résidence à Carthage. On remarquera que l'acte de 725/29 n'est même
pas mentionné par Tertullien, qui devait pourtant connaître l'histoire de sa
ville natale et qui s'adressait dans le De pallio aux Carthaginois
instruits. Faut-il, pour ce seul motif, s'inscrire en faux contre ce fait
communément admis ? Il y aurait là quelque excès ; cf. Tissot, G., I, p.
638.
[81] Voir ci-dessous, au début du
Livre III.
[82] Mueller, II, p. 149, 152, 153,
suppl., p. 56 ; C. I. L., VIII, 805, 1494, 1497, 12548 ; Rev. arch., XX,
1892, p. 215 et 404, n° 145 ; XXII, 1893, p. 392, n° 101 ; XXIV, 1894, p. 412,
n° 60. Pour les surnoms de Carthage aux deux premiers siècles de l'ère
chrétienne, cf. Cagnat, Rev. arch., X, 1887, p. 177, n. 1.
[83] Quelques auteurs ont admis un
autre titre encore : Carthago Veneris
(Mueller, II, p. 149. 151 : Marquardt, II, p. 467, n. 11) ; ils voyaient là un
souvenir de l'ancienne Tanit, protectrice de Carthage à l'époque punique. M.
Mommsen a démontré (C. I. L., VIII, p. 133) qu'une fausse lecture de
quelques monnaies avait produit cette erreur. Le mot Veneris existe bien dans la légende de ces pièces ; mais il
s'applique seulement au temple qui figure sur l'une des faces et rappelle la
restauration qui en dut être faite, ainsi que du reste de la ville, au temps de
César ou d'Auguste.
[84] XVII, 15, 44.
[85] I, 7, 34.
[86] XXVII, 9.
[87] De lege agr., II, 32, 90.