C'est au cours de notre siècle seulement que les études sur les antiquités africaines ont été entreprises et poursuivies avec persévérance. A travers le moyen âge et les temps modernes, des voyageurs arabes et chrétiens, parcourant le Maroc, l'Algérie, la Tunisie et la Tripolitaine, ont consigné par écrit les choses les plus remarquables qu'ils avaient rencontrées sur leur route. Un nombre assez important de ces récits nous sont parvenus ; ils renferment des indications sur les lieux célèbres et leur aspect aux diverses époques, depuis l'arrivée des Musulmans jusqu'à nos jours. Mais l'expédition d'Alger, en 1830. ouvrit une ère nouvelle pour les travaux relatifs à l'Afrique ancienne. Les exploits de nos troupes l'avaient mise à la mode ; leurs progrès dans le cœur du pays, le calme rendu peu à peu aux provinces subjuguées, permirent aux savants d'en essayer à leur tour la conquête pacifique. A partir de ce moment commencèrent à paraitre, prémices de la riche moisson qui germera plus tard sous notre Protectorat Tunisien, des ouvrages fréquents où les trésors des territoires assujettis autrefois à Rome furent réunis, classés, examinés avec méthode. La lumière pénétra dans ces régions enveloppées jusqu'alors d'une obscurité profonde. Carthage[1], métropole de l'Afrique, partagea le sort du pays qui l'environne ; les connaissances précises que nous possédons sur elle ne remontent guère au-delà de 1830. L'éclat de son nom, la majesté de ses ruines, une position favorable entre toutes, y attirèrent toujours, il est vrai, des visiteurs. Grâce à ces circonstances particulières, l'état où la réduisit l'invasion musulmane nous est assez bien connu. Pourtant les auteurs qui s'arrêtèrent en cette solitude n'expliquent guère ce qu'ils décrivent. Si par hasard ils tentent de le faire, leur ignorance ou leur naïveté les conduit bien vite aux pires erreurs ; il a fallu de longues recherches sur le terrain pour démêler en partie ce qu'ils avaient brouillé. Au contraire, quand ils se contentent de reproduire ce qu'ils ont sous les veux, il arrive plus d'une fois que leur témoignage doit être pris en sérieuse considération. Les documents relatifs à l'histoire de Carthage, comme ceux qui concernent toute l'Afrique septentrionale, se répartissent donc en trois groupes : les témoignages antiques ; les témoignages du moyen âge et des temps modernes ; les travaux du XIXe siècle. Deux appendices, à la fin du volume, contiendront les passages des anciens et ceux des auteurs arabes et chrétiens qui ont trait à la topographie de la ville. Le lecteur ayant ainsi en mains les textes eux-mêmes, il n'y a pas lieu d'y insister dans cette introduction. Les ouvrages d'érudition auxquels ces textes trop incomplets ont servi de fondement constituent aujourd'hui une bibliothèque déjà considérable. Sur le point de m'occuper de Carthage à mon tour, je ne saurais me dispenser de dire quelques mots de mes prédécesseurs et de leurs œuvres. Cette revue rapide de ce qui a été fait jusqu'à présent permettra de comprendre, je le voudrais du moins, ce qui reste à faire et justifiera sans doute la hardiesse de mon entreprise. Les efforts de notre siècle avaient été comme annoncés par quelques précurseurs, dont les principaux sont Hendreich, Caroni et Estrup. Le travail de HENDREICH (1664) repose sur une connaissance très réelle des écrivains antiques. Il a su en extraire tout ce qui se rapporte à notre ville, et même quelque chose de plus. En effet, dans son désir d'être bien informé, il accueille avec une confiance presque ingénue les affirmations les plus suspectes et s'imagine que des poètes comme Virgile, Silius Italicus et Valerius Flaccus sont des sources authentiques pour l'époque d'Hannibal et les temps antérieurs. Malgré ce manque de critique, et aussi malgré une certaine tendance à confondre Carthage libre et Carthage romaine, il peut rendre des services à ceux qui traiteraient de la période punique ; sur elle se concentre presque toute son attention. Des six cent trente-quatre pages de son texte, les huit dernières seulement concernent la colonie de C. Gracchus et ses vicissitudes jusqu'à la chute définitive. Si j'ajoute que Hendreich n'a point fait le voyage de Tunis et qu'il bâtit sa topographie uniquement d'après les textes (p. 59-83), on comprendra que j é lui doive fort peu et que son nom paraisse à peine clans ce volume. CARONI, au contraire, qui vint cent quarante ans plus tard, avait séjourné dans la Régence. Tombé entre les mains des corsaires et captif pendant de longs mois, il eut tout le loisir, comme il en avait le goût d'étudier les antiquités si abondantes en Tunisie. Carthage l'attira surtout : il y fit de fréquentes visites dont il notait soigneusement les résultats. Ces observations, jointes au récit de ses aventures, forment la plus grande partie de son livre. Caroni appartient au groupe des auteurs descriptifs dont je réunirai, à l'appendice, les passages principaux. Cependant il n'est pas un simple narrateur ; ce qu'il voit, il cherche à s'en rendre compte. à l'identifier. De là certaines discussions partielles sur l'aqueduc, les citernes, etc., qui ont servi à la plupart de ceux dont je vais citer les noms, et que j'utiliserai à mon tour. ESTRUP le suivit d'assez près. Malgré le titre qu'il donne à sa dissertation, cet auteur ne laisse pas complètement de côté Carthage romaine : c'est même par elle qu'il commence. Il en fait une histoire sommaire et lui attribue presqu2, toutes les ruines qui subsistent encore. Passant ensuite à la ville phénicienne. il s'efforce d'en marquer la position, d'en tracer les contours, de remettre à leur vraie place l'isthme, la tænia, le lac, les murailles, les divers quartiers ; le Cothon, Megara et Byrsa, sur lesquels les historiens nous ont transmis des documents plus abondants et plus précis, remplissent chacun leur chapitre particulier. Esirup nous avertit qu'il a consulté dans les bibliothèques et musées de Vienne, Venise. Rome et Naples, de vieilles cartes fort précieuses ; que celle dont le comte BORGIA[2] préparait la publication lorsqu'il mourut lui a été confiée ; qu'il a eu sans cesse entre les mains Shaw et Noah, ainsi que le Ragguaglio de Caroni dont sa carte est imitée des secours extérieurs ne l'ont point garanti contre de graves erreurs que je signalerai en leur lieu ; une excursion, même rapide entre la Goulette et Gamart, l'en eût préservé. Mais Estrup n'alla pas en Afrique. Je reconnais d'ailleurs qu'il a mis à profit les anciens et les modernes, dont il avait minutieusement dépouillé les écrits ; et, pour ce motif, son étude ne doit pas être négligée. Pour tenter une reconstitution de Carthage, il était indispensable de posséder un état exact des lieux ; faute de ce fil conducteur, Hendreich, Estrup et même Caroni avaient marché trop au hasard. Leurs successeurs eussent été condamnés aux mêmes errements, si un homme courageux, FALBE, capitaine de vaisseau et consul de Danemark à Tunis, ne s'était imposé la lourde tache de dresser une carte détaillée de la région. Ce travail parut en 1833. Falbe était demeuré onze années dans le pays[3] et avait eu le temps d'examiner la configuration du sol et les restes de la cité disparue. Cette longue initiation était nécessaire pour aboutir à des résultats sinon définitifs, du moins précis et auxquels on pût se fier à l'avenir. Falbe lui-même l'a dit, il est impossible de se procurer des connaissances exactes sur ce vaste terrain au bout d'une promenade de quelques jours ; et il est bon de se prémunir contre toute relation qui serait le fruit d'aperçus aussi fugitifs[4]. Son œuvre se compose de deux parties, un atlas in-folio et un volume de texte. L'atlas contient six planches, dont la première seule est importante pour le sujet qui m'occupe[5] ; c'est un plan des ruines de Carthage depuis la Goulette jusqu'au-delà du cap Gamart. Pour le tracer, Falbe eut à vaincre des difficultés de tout genre : fanatisme ignorant et soupçonneux du gouvernement et des indigènes, qui l'oblige à renoncer à toute action qui aurait attiré les regards et à choisir des lieux déserts comme stations principales[6] dans ses opérations ; jalousie mesquine de rivaux sans loyauté, qui recourent à tous les moyens, même à la destruction[7], pour vexer un chercheur plus heureux, etc. Sa volonté persévérante parvient à les surmonter ; et, après deux années de travail, il achève son grand ouvrage. Les explications des anciens sur cette topographie diffèrent souvent, car leurs récits sont, pour ainsi dire, occasionnels et ne forment point un corps particulier d'histoire[8]. Désormais, grâce à Falbe, cet inconvénient va s'atténuer ; nous sommes munis d'un bon instrument de vérification. Sa carte est construite, déclare-t-il, avec une telle exactitude qu'un savant qui désirerait que son correspondant à Tunis entreprit une recherche pourrait lui indiquer, à huit ou dix pas de distance près, le point même où il faudrait faire cette recherche[9]. La précision dont l'auteur se glorifie, ceux qui ont usé de son ouvrage sont unanimes à la reconnaître. Dureau de la Malle, le premier, rend pleine justice à Falbe, qu'il a eu constamment sous les yeux. Sans son plan si exact, qui représente avec tant de fidélité les contours et le relief du terrain, ce travail sur la topographie de Carthage eût été impossible, ou le résultat infructueux[10]. En maint autre endroit[11] il renouvelle ces éloges. Beulé[12], Tissot[13], M. de Sainte-Marie[14], M. de Roquefeuil[15], en un mot, tous ceux qui ont étudié Carthage sont d'accord avec Dureau de la Malle pour vanter a conscience et le mérite de l'auteur. Ils sont d'accord aussi dans leurs réserves au sujet du petit volume de texte. Moins archéologue que topographe, l'officier danois se borne bien souvent à dire ce qu'il a vu et à faire une sorte de légende explicative de sa carte. Il s'attarde peu à discuter, sauf sur deux questions, capitales il est vrai, celle des ports et celle de l'aqueduc. Ce qui lui manque, c'est la pratique des témoignages anciens, sans laquelle on essaierait en vain de se représenter l'aspect de la région aux siècles passés. Et comme, d'autre part, il n'avait pas les moyens d'entreprendre des fouilles, son œuvre, excellente en partie, demeure cependant incomplète. Toutefois on ne la jugera équitablement qu'en se souvenant de ce qu'il a écrit sur lui-même : Si quelqu'un avant moi avait livré au public le véritable plan de Carthage, j'aurais pu en tirer parti pendant un séjour de plusieurs années et consacrer mon temps et mon argent à explorer tous les détails du terrain[16]. Le travail de Falbe, disait Letronne en 1837, est le fondement de tout ce qu'on écrira désormais sur Carthage[17]. La vérité de cette assertion était démontrée depuis deux ans déjà par l'exemple de DUREAU DE LA MALLE. En 1835 il avait publié ses Recherches Sui' la Topographie de Carthage ; et son premier soin, nous venons de le voir, fut de proclamer tout ce dont il était redevable à son devancier. Mais, tout en s'inspirant du consul de Danemark, l'érudit français n'en composa pas moins un livre personnel. Letronne les a fort bien caractérisés tous deux : Le premier ouvrage (celui de Falbe) renferme le travail d'un habile ingénieur ; l'autre, celui d'un savant antiquaire[18]. Dureau de la Malle en effet, très versé dans la connaissance de l'antiquité, pouvait, mieux que Falbe, éclairer la topographie à l'aide des données historiques. En outre il voulut embrasser Carthage tout entière ; Falbe n'avait accordé qu'une attention légère à la colonie romaine. L'étude de Dureau de la Malle se divise en deux parties sensiblement égales, consacrées, la première à Carthage punique, la seconde à Carthage romaine et byzantine. Elles comprennent une série de chapitres d'étendue très diverse, dont chacun se rapporte à une seule question, position de Carthage, position de la Tænia, situation des ports, position du Forum et de Byrsa, Megara, etc. Il s'agit de déterminer tout d'abord une ou deux localités ; cela fait, on procède du connu à l'inconnu ; la position du Cothôn nous donne celle du Forum[19], d'où dérivent celles du temple d'Apollon, de la Curie et les autres à la suite. Cette méthode est surtout visible dans la première partie. Le fondement de tout le système est le récit d'Appien. Le choix est bon ; Appien s'inspire de Polybe, qui assistait au siège et à la prise de la ville. Une comparaison fréquente avec Diodore, Tite Live, Strabon, Orose... tient l'esprit en éveil et permet de rectifier les renseignements inexacts d'Appien. Mais que penser d'autorités comme Virgile et Silius Italicus ? Dureau de la Malle a trop de bon sens pour ne pas comprendre que tous deux sont sujets à caution ; il agit néanmoins presque comme si on pouvait se fier à eux sans hésiter[20]. Cette facilité à tout accepter le porte à conclure sans assez de réserve de ce qui existait certainement sous les Romains à ce qui devait exister avant eux[21]. La seconde partie offre les mêmes caractères généraux, même goût des choses d'autrefois, même érudition, même enthousiasme pour le sujet, non sans quelque emphase dans les termes. Pourtant la méthode fragmentaire, chère à l'auteur, y offre plus encore que précédemment des inconvénients sérieux. Les Pères de l'Eglise nous ont transmis assez de détails sur la capitale africaine à l'époque impériale pour qu'on puisse grouper les textes et établir de larges catégories. On aimerait à voir décrire chaque quartier avec ses édifices, au lieu de parcourir le terrain en tout sens, en quête des monuments. Le départ entre ce qui est connu et ce qui est encore ignoré se ferait ainsi de lui-même. On ne l'aperçoit guère à première vue dans les Recherches sur la Topographie de Carthage. Dans ce voyage d'exploration à travers la colonie romaine, Dureau de la Malle a su presque éviter un écueil, dont il s'était moins bien gardé auparavant. Ses identifications y sont plus d'une fois contestables, du moins n'a-t-il pas tenu à identifier à tout prix ; et la liste des terræ incognitæ, qu'il laisse à d'autres le soin de révéler, est plus étendue qu'on ne l'attendrait de lui. Car le doute scientifique ne lui est pas habituel ; d'ordinaire il s'exprime du ton d'un homme sûr de son fait. La visite des lieux lui eût inspiré d'autres sentiments ; en constatant le peut qui subsiste de Carthage, il eût conçu quelque défiance au sujet des théories trop absolues. Mais, à son époque, les érudits n'avaient guère coutume d'aller vérifier sur place l'exactitude de leurs hypothèses. Dureau de la Malle, comme ses contemporains, fit, qu'on me passe le mot, de l'archéologie en chambre. Aussi ne sent-on pas dans ses pages les vives impressions d'un homme qui a vu la contrée qu'il décrit. Enfin le perpétuel mélange de l'histoire et de la topographie n'est pas sans produire une regrettable confusion. Les récits intercalés dans les discussions empêchent çà et là de saisir la suite des arguments. Aujourd'hui encore, malgré les récentes découvertes, introduire la chronologie dans l'étude topographique de Carthage est une entreprise téméraire ; comment pouvait-elle réussir il y a soixante ans ? Malgré ses faiblesses et ses erreurs, qui s'expliquent le plus souvent part la date à laquelle il fut composé, le livre de Dureau de la Malle a une réelle valeur. L'auteur n'exagère pas quand il dit qu'avant lui la topographie de Carthage romaine n'était pas encore ébauchée, les matériaux n'étaient pas même assemblés ; tout était à réunir, à coordonner, à discuter pour en former un ensemble[22]. Son mérite est d'avoir débrouillé ce chaos. Nous qui sommes mieux pourvus de documents authentiques et à qui les fouilles ont apporté la solution de plus d'un problème, nous aurions mauvaise grâce à ne pas avouer que les Recherches de Dureau de la Malle sont le complément des Recherches de Falbe. Tous deux ont frayé la voie où leurs successeurs marchent d'un pas moins incertain[23]. Parmi les tentatives les plus sérieuses en apparence, en réalité les plus éphémères, qui furent faites en vue de poursuivre ces études, il faut compter celle de la SOCIÉTÉ ÉTABLIE À PARIS POUR L'EXPLORATION DE CARTHAGE. Le dessein était généreux, les plans grandioses ; l'entreprise avorta tristement. On annonçait à grand fracas une publication destinée à étonner le monde ; il n'a paru qu'un très mince volume où la grande cité tient très peu de place. Dureau de la Malle[24] avait préconisé la création d'un comité qui révélerait aux savants d'Europe les merveilles cachées clans le sous-sol de Byrsa et des alentours. Il ne doutait pas qu'on ne retirât de lei quantité d'objets d'art. Le bénéfice qu'on réaliserait, en les vendant aux musées publics ou aux particuliers, permettrait de continuer les fouilles. Cette idée fut adoptée, mais avec modification ; tout souci de lucre banni, on résolut de fonder une association purement scientifique et artistique[25]. Voici la liste des principaux adhérents :
L'acte notarié qui constituait la Société est du 21 août 1837[27]. Plusieurs de ces noms sont mal connus et doivent représenter sans doute de riches amateurs ou des financiers dont l'appoint n'était pas négligeable. Le duc de Luynes, Letronne, Raoul Rochette et bureau de la Malle constituent l'élément scientifique. Falbe et Temple, les promoteurs réels du mouvement, avec Dureau de la Malle, pouvaient seuls prêter un concours vraiment actif, parce que seuls ils connaissaient le pays. De fait, le peu qui subsiste de cet essai infructueux est leur œuvre exclusive. Ce qui manquait le moins à cette petite phalange, on plutôt à ses inspirateurs, c'est l'enthousiasme. Leur Avant-propos atteint parfois au ton du dithyrambe. Le monde savant, écrivent-ils, n'apprendra pas sans quelque satisfaction que Carthage est pour ainsi dire sur le point de ressusciter de ses décombres, et qu'on pourra bientôt peut-être suivre le tracé des anciennes rues à Carthage, comme dans ces deux célèbres villes d'Italie que la science a déterrées sous les laves du Vésuve. Par contre, l'argent vint lentement. La première mise de fonds ne s'éleva qu'à 23.600 francs, somme très insuffisante pour débuter, si Falbe et Temple ne s'étaient chargés gratuitement de diriger les opérations. Il semblait d'ailleurs que les dispositions du gouvernement tunisien fussent devenues plus favorables qu'au temps où Falbe s'occupait de dresser sa carte. Nous étions à peu près certains, assurent nos explorateurs, que le bey de Tunis, loin de s'opposer à notre projet, lui accorderait au contraire aide et protection et ne mettrait aucun obstacle an transport en France des objets d'art et d'antiquité qui seraient découverts au cours de nos travaux. Il y a loin de cette confiance aux craintes exprimées par le consul de Danemark quatre années auparavant. A distance l'illusion est facile ; c'est sur place que les deux missionnaires de la Société devaient savoir au juste à quoi s'en tenir. Ils quittent Paris le 7 septembre 1837 ; ils sont à Bône
le 19. L'expédition de Constantine venait d'être résolue ; elle pouvait
servir les intérêts de l'archéologie. En effet, bien accueillis par les chefs
militaires, ils suivent l'armée jusqu'à Constantine, et, le long de la route,
multiplient les observations astronomiques ou géodésiques, copient les
inscriptions et dessinent les monuments qu'ils rencontrent. Après la chute de
Constantine, ils retournent à Bône, s'embarquent pour Tunis et se disposent à
commencer les fouilles de Carthage. C'est pendant le délai de quelques jours
nécessaire aux préparatifs que fut rédigée la Relation d'une Excursion de
Bône à Guelma el à Constantine. Elle forme la partie principale du petit
volume qui nous occupe. Un appendice de trente-cinq pages fournit le texte des
inscriptions déchiffrées. A Carthage les travaux durèrent quatre mois, et l'on peut croire que l'ardeur de Falbe et de Temple fut récompensée par le succès. Nous possédons, disent-ils[28], plusieurs plans des fouilles exécutées à Carthage, des dessins de mosaïques, des copies de peintures à fresque provenues de ces fouilles... une foule d'objets d'art de toutes espèces... On annonçait que le cahier prochain serait tout entier consacré à décrire les fouilles avec leurs résultats. Le prochain cahier ne parut pas ; et nous n'avons aujourd'hui, en fait.de résultats certains de Cette mission, que deux médiocres planches annexées à la relation sur Bône et Constantine[29]. Au moment de lancer ce premier fascicule, une bonne nouvelle parvenait aux directeurs restés à Paris. Ils l'insérèrent à la fin de leur Avant-propos sous cette forme : N. B. — Quinze caisses de mosaïques, peintures et vases antiques, ont été expédiées de Toulon sur Le Havre. Seize autres caisses viennent d'arriver à Marseille. J'ignore ce que sont devenus ces précieux colis. Ainsi se termina cette bruyante équipée, dont l'histoire pourrait être intitulée assez justement : Beaucoup de bruit pour rien. Ce n'est pas la seule expédition dans ces parages qui mériterait une pareille épigraphe. Le célèbre BARTH, avant de s'enfoncer dans l'intérieur de l'Afrique, en parcourut les pays méditerranéens de 1845 à 1847 ; il nous a laissé de Carthage une description utile. Barth n'est pas archéologue de métier, mais il aime l'archéologie, et il a pris pour guides ceux qui avaient bien parlé de Carthage avant lui, Falbe et Dureau de la Malle ; ce dernier surtout lui a servi dune manière presque continue. Toutefois Barth ne lui emprunte que l'interprétation des témoignages anciens. Pour ce qu'il a sous les yeux, il ne s'en rapporte qu'à lui-même ; il prend des mesures, note avec scrupule l'orientation des édifices et l'aspect des différents quartiers. Aussi sou 'enquête, en dépit d'une certaine lourdeur ou monotonie dans la forme et d'une ou deux idées discutables, nous fournit de bons éléments de comparaison avec les récits des autres voyageurs, et peut nous aider, tant la probité scientifique de l'auteur inspire de confiance, à exercer sur leurs assertions un contrôle vraiment efficace. Nathan DAVIS, chapelain anglican de Tunis, s'établit à Carthage de 1856 à 1858[30] ; il était chargé par le gouvernement anglais d'une mission officielle pour en explorer l'emplacement. On ne lui ménageait ni la protection, ni l'argent, ainsi qu'il le déclare lui-même[31] ; la bienveillance des autorités tunisiennes lui était acquise. Jamais, semble-t-il, entreprise archéologique ne se présenta sous de plus heureux auspices. Comment Davis profita-t-il des ressources mises à sa disposition ? Il nous le raconte dans un volume de 631 pages, dont l'aspect imposant inspire au premier abord une respectueuse déférence. On admire d'instinct les importantes découvertes de Fauteur, et l'on jouit par la pensée des choses qu'il va nous révéler. L'illusion cesse vite ; parmi tous les livres qui portent sur la topographie de Carthage, il n'en est pas de plus gros, il n'en est pas aussi de plus vide. Sur les vingt-huit chapitres dont il se compose, le quatorzième, le seizième, le vingt-troisième et les quatre derniers contiennent le récit d'une rapide enquête à Utique et dans le centre de la Tunisie ; ils ne répondent donc pas au titre, et nous n'avons pas à en tenir compte ici. Vingt et un traitent de Carthage proprement dite, ou plutôt ont la prétention d'en traiter ; car ils renferment le plus souvent. tout autre chose que ce qu'on s'attend à y trouver. Les aventures des ouvriers de Davis, les racontars de son drogman, les billevesées de son chef de chantier s'y étalent tout au long. Voulez-vous des légendes arabes, des scènes de mœurs à Tunis ? Elles abondent. Il se garde bien d'omettre aussi la visite à ses fouilles du bey et d'autres puissants seigneurs. Mais que nous importent ces personnages ? En quoi leur présence intéresse-t-elle l'archéologie ? Tout cela conviendrait peut-être, à condition qu'on l'ordonnât avec plus d'art, à un travail de vulgarisation sur la Tunisie ; dans un livre qui affecte des allures scientifiques, ces hors-d'œuvre, ce bavardage insupportable sont tout à fait déplacés et indisposent le lecteur. C'est parmi ces digressions qu'on est réduit à démêler quelques renseignements profitables, au prix de quel labeur ! ceux-là seuls le savent qui ont tenté l'aventure. Les découvertes sont médiocres, surtout si l'on considère combien de temps dépensa Davis et de quelles facilités il a joui. Plusieurs mosaïques, des statues romaines, un certain nombre d'inscriptions puniques et latines, voilà le bilan de sa campagne. Il se soucie peu des monuments eux-mêmes et se hâte de les abandonner dès qu'il présume en avoir extrait tout ce qu'ils renferment d'intéressant. Le but oh tendaient ses efforts, il l'avoue sans ambages à diverses reprises[32], n'était point d'éclaircir les problèmes topographiques, mais d'enrichir de pièces rares les collections du British Museum. Réussit-il au gré de ceux qui l'avaient envoyé ? Le doute est permis à cet égard. L'ordre lui parvint en effet, sans qu'il s'y attendit, de suspendre ses recherches[33]. On le louait cependant des services qu'il venait de rendre ; aussi se déclare-t-il heureux de cette approbation, au souvenir du vers fameux : principibus placuisse viris non ultima laus est. La critique est plus difficile à contenter que les grands, si tant est que les éloges décernés à Davis ne furent point une banale politesse. Et comment pourrait-elle estimer un ouvrage conçu d'après un plan aussi bizarre, où le compte rendu d'une même fouille, découpé en plusieurs morceaux, est noyé sous le flot des anecdotes fastidieuses, où les indications précises, lorsqu'elles existent, sont fournies avec une excessive parcimonie ? Ce n'est pas le moment de discuter les théories extravagantes de Davis. Il suffira de rappeler ici qu'il dépense un chapitre (le quinzième) à déterminer l'endroit où Énée aborda en Afrique ; et qu'il nous raconte avec assurance l'histoire de Carthage primitive, dès les âges antérieurs à la fabuleuse Didon. C'est le système de Dureau de la Malle, aggravé de toute l'ignorance d'un amateur. Davis estime Dureau de la Malle malgré ses imperfections[34]. Mais il n'a pas assez de mépris lorsqu'il parle des travaux que Beulé conduisit en même temps que les siens sur le même terrain ; tel.de ses chapitres n'est qu'un long persiflage de son concurrent[35]. Je sais ce qu'on est en droit de reprendre dans Beulé ; lui du moins était un homme érudit et intelligent. Le dépit d'un rival chagrin perce trop sous les reproches dont Davis l'accable. Il considérait Carthage comme son domaine ; il ne se consola pas d'y voir débarquer un intrus. On comprend maintenant pourquoi l'œuvre de cet Anglais a été sévèrement jugée[36]. Maltzan a beau louer celui qu'il appelle der fleissige dreijaehrige Forscher und Sucher im Schutte Karthago's[37], il reste seul de son opinion ; son client ne saurait trouver grâce devant des juges impartiaux. Des entreprises brouillonnes comme celle de Davis ne font que nuire à la cause qu'elles prétendent servir. Leur résultat le plus clair est de dilapider et même d'anéantir des trésors qui, recueillis par des mains plus habiles, auraient grossi le patrimoine commun de la science[38]. Le récit de l'exploration de BEULÉ est contenu dans les Lettres de Carthage et dans les Fouilles à Carthage. Les Lettres adressées à M. Naudet, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, et à M. Guigniaut, membre de la même compagnie, sont au nombre de quatre. Elles remontent à l'année 1859, pendant laquelle Beulé conduisit deux campagnes de recherches, l'une au mois de mars, l'autre d'octobre à décembre. Au printemps, il s'occupait de Byrsa ; à l'automne, de l'aqueduc, des tombeaux du Djebel Khaoni et des ports. Cette correspondance se distingue par quelque chose de rapide dans l'allure et de dégagé dans le mouvement, avec une expression brillante, et juste assez de science pour nous rappeler que l'auteur siégeait à l'Institut. On y sent par-dessus tout le lettré nourri de la lecture des historiens, qui ressuscite par un effort d'imagination les hommes d'autrefois et revit les siècles disparus. L'enthousiasme subsiste dans les Fouilles, publiées en 1861. Toutefois l'auteur a eu le temps d'introduire un ordre plus harmonieux dans la disposition, des faits, il est plus à l'aise pour développer les principaux, il a pu rassembler ses preuves et mettre entre elles la cohésion qu'elles réclament ; les Fouilles sont un monument bâti avec les matériaux que contenaient les Lettres. Cette similitude, quant au fond des choses, nous autorise donc à réunir les deux ouvrages dans une seule appréciation des idées et du système. Les vues de Beulé sur la topographie carthaginoise viendront à leur place au cours de ce volume ; c'est surtout de ses tendances qu'il doit être question maintenant. Je viens de le montrer tout épris de son sujet et plein d'une sorte d'amour, à l'endroit de la ville qu'il interroge. Avec un auteur ainsi ému, la sécheresse et l'ennui ne sauraient être à craindre. Tout au contraire, on peut appréhender qu'entraîné par l'ardeur de ses sentiments il ne méconnaisse les droits et les devoirs de la critique. Beulé n'échappe pas à la loi commune ; à son gré, la seule Carthage qui compte c'est la première ; Carthage romaine n'en est que le prolongement, ou plutôt le diminutif. On ne rencontre cette opinion nulle part exprimée de façon catégorique ; elle existe néanmoins partout latente. Et la conséquence suit d'elle-même. Carthage punique est l'essentiel ; il importe donc avant tout d'en retrouver sous la terre, peut-être çà et là sur le sol, les débris épars. Quand on raisonne de cette manière, on n'est pas loin de qualifier de punique tout ce qu'un heureux hasard ou des calculs habiles mettent entre vos mains. Boulé ne va pas jusque-là ; sa grande intelligence le met en garde contre toute méprise grossière. Habitué à distinguer les appareils de maçonnerie, il concède aux Romains tout ce qu'il ne saurait leur retirer sans erreur manifeste. Mais, dès que le doute est possible, ses préférences reprennent le dessus. Et quand il ne subsiste rien, pas même des ruines, il a beau jeu pour interpréter, de très bonne foi, dans un sens favorable à ses idées, les témoignages des historiens et des géographes. On peut, à mon avis, formuler un second reproche contre le système qu'il adopta dans ses fouilles. Jetons un coup d'œil sur son plan de Byrsa (pl. I), où il note les endroits que ses ouvriers attaquèrent. On en distingue une quinzaine pour le moins. Dans la plupart d'entre eux il se borna à de simples sondages ; si les résultats souhaités n'apparaissaient pas aussitôt, il se transportait ailleurs, espérant un meilleur succès. Cette fièvre de la découverte et la méthode éparpillée qui en dérive ont empêché Beulé d'aboutir, sur la colline de Saint-Louis, à quelques-unes des plus curieuses trouvailles qu'une marche plus patiente réservait au P. Delattre. En effet plusieurs des tranchées ouvertes par ce dernier se relient à celles de Beulé. Moins de hâte, quelques coups de pioche de plus, auraient donc suffi pour que, dès 1859, nous connussions les monuments qui viennent à peine d'être dégagés sur les flancs du plateau. Devons-nous regretter ce retard ? Je ne le crois pas. Les préoccupations trop exclusives de notre auteur, l'absence d'un musée proprement dit à Carthage, l'instabilité ou l'indifférence de ceux à qui aurait été confiée la garde de ces débris, nous eussent sans doute privés de la joie de les connaître tels qu'ils sortaient de terre, sans dommage nouveau. Soyons justes envers Beulé et avouons, en dépit des critiques auxquelles il demeure en butte, que son œuvre fut utile, qu'elle fut belle, quoiqu'elle n'ait pas rempli toute son attente. Entre Falbe et le P. Delattre, c'est lui qui a le mieux exploré la péninsule. Le terrain lui est donc familier, et il ne hasarde pas de ces assertions étranges qui déparent çà et là le livre de Dureau de la Malle. Eu outre, il donna un rare exemple de désintéressement lorsqu'il se mit à l'ouvrage sans aide matérielle, ni subvention d'aucune sorte, entravé, loin d'être soutenu dans ses projets, par le mauvais vouloir du gouvernement impérial[39]. Poursuivre dans des conditions aussi défavorables une campagne de plusieurs mois n'est pas le fait d'une lime commune. Nous ignorons le chiffre des dépenses consenties en vue de ces fouilles, qui étaient, suivant l'aimable expression de Beulé, une satisfaction personnelle[40]. Elles furent considérables, n'en doutons pas, et je me demande si le caractère un peu incertain de sa marche ne provient du souci fort légitime de ne pas les accroitre outre mesure. Il dut s'apercevoir qu'il avait trop présumé de ses forces, car ce ne peut être la tâche d'un particulier de fouiller une semblable étendue[41]. Les gouvernements seuls, ajoutait-il, pourront entreprendre des fouilles vastes et vraiment fécondes. Qu'on ne juge point alors trop sévèrement ceux qui, les premiers, abandonnés à leurs propres ressources, auront enfoncé la pioche jusqu'à la couche de ruines puniques, et entrevu une moisson que de plus heureux recueilleront[42]. Que ce vœu de Beulé soit entendu ! Discutons ses théories, mais rendons hommage à sa courageuse initiative[43]. Je ne ferai que mentionner Victor GUÉRIN, bien qu'il ait consacré plus de trente pages à notre ville dans son Voyage archéologique. Son dessein était surtout de parcourir l'intérieur de la Tunisie. Mais le moyen, quand on est historien ou archéologue, de passer devant Carthage sans s'y arrêter ? Victor Guérin fit donc le traditionnel pèlerinage ; et on sent, au ton dont il le raconte, que la vue de ces débris épars l'impressionna vivement. Pressé d'accomplir ce qui était sa véritable mission, il n'eut pas le temps d'observer le terrain en détail, encore moins d'y installer des ouvriers. Aussi n'a-t-il pas la prétention (je me sers de ses propres paroles) d'apporter sur cette vaste question des vues nouvelles ou plus approfondies[44]. Falbe et Dureau de la Malle, Beulé plus encore, lui ont fourni presque tous les matériaux de ses restitutions. Et, si je ne pouvais tout à fait omettre sa relation, du moins doit-elle être considérée comme secondaire. L'ingénieur DAUX, envoyé par Napoléon III pour examiner les ruines de la Tunisie, séjourna deux ans dans le pays (1865- 1867), et en rapporta un volume composé de deux études : Sur l'aspect général des ruines du Zeugis et du Byzacium (p. 1-111) et Sur la ville d'Utique et ses environs (p. 113-271). Dans l'une et dans l'autre Carthage tient peu de place. L'auteur n'en parle guère que lorsqu'il a besoin d'un terme de comparaison ; et alors il s'exprime moins en archéologue qu'en ingénieur. MM. S. Reinach et Babelon le jugent selon son mérite, lorsqu'ils voient dans ses Recherches le fruit d'une imagination trop vive, un vrai roman topographique[45]. A leur suite je répéterai que son livre doit être consulté avec la plus grande défiance[46]. Sans être un savant de profession et sans avoir procédé au moindre sondage, VON MALTZAN a trouvé le moyen, après deux excursions à Carthage (la seconde est de 1868), de redresser çà et là les jugements des spécialistes, des les convaincre d'erreur, et même d'exprimer une ou deux hypothèses qui ne sont pas sans intérêt. C'est que Maltzan sait regarder ; c'est qu'il n'est pas débarqué à Carthage, comme la plupart de ses devanciers, avec l'idée préconçue de découvrir du punique à tout prix. Il se moque d'eux, et il en a le droit, puisqu'il a évité la faute qu'ils ont commise. Peut-être cependant pourrait-on lui adresser un reproche à lui aussi. Il fait grand cas de Boulé, c'est justice ; mais élever Davis presqu'au même rang, n'est-ce pas lui accorder un honneur dont il est bien indigne ? Quoique, en théorie, Maltzan ne les égale pas l'un à l'autre, en pratique, il ne met guère entre eux de différence. Je ne saurais partager cette manière de voir. Les fouilles ne furent reprises qu'en 1874, par M. DE SAINTE-MARIE, alors premier drogman du consulat général de France à Tunis. Désigné par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres pour rechercher des inscriptions puniques en vue du Corpus Inscriptionum Semiticarum, il prolongea ses investigations, avec quelques intermittences, du 25 août 1874 au 4 décembre 1875. Il tâta divers points entre la colline de Saint-Louis et la mer et dirigea même un effort vers le Djebel Khaoui. Mais les stèles puniques qu'il avait mandat de rassembler se rencontrèrent toutes en un seul endroit ; elles atteignirent au chiffre de 2.200 environ[47]. Ailleurs il ne déterra que des fragments romains, dont plusieurs ne sont pas dépourvus de valeur. Il se transporta ensuite à Utique. C'est le récit de cette campagne de dix-sept mois que nous présente d'abord l'auteur. Son journal, bien tenu au courant, nous initie à toutes les péripéties du travail. Six chapitres où sont énumérés et décrits les objets extraits par ses ouvriers à Carthage comme à Utique, vases, statuettes, verres, lampes, inscriptions grecques et latines, terminent la première partie du volume. La seconde renferme un Essai sur la Topographie de Carthage aux deux périodes de son existence. Cette étude topographique, et surtout le séjour à Utique, ne rentrent pas de soi dans la Mission à Carthage. Ce désaccord entre le titre et le contenu du volume serait même plus sensible si j'avais conduit plus loin mon analyse. Qu'avons-nous besoin en effet qu'on nous expose par le menu toutes les négociations intervenues entre M. de Sainte-Marie et l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres ? Que viennent faire ici les lettres officielles à lui écrites par le gouverneur général de l'Algérie, ou encore celles qu'il échangea avec les officiers du port de Toulon, après l'explosion du Magenta[48] ? Elles eussent été avec profit reléguées dans un appendice. Les stèles d'Altiburos, dont il est traité en plusieurs pages, n'ont aucun rapport non plus avec notre ville. L'ensemble manque donc de composition. Le même défaut, comme il est naturel, se rencontre aussi dans le détail, et spécialement lorsque l'auteur aborde la topographie. Plus d'une fois les temps sont mêlés, et l'on conclut sans raison du romain au punique ou du punique au romain ; on nous promet des développements qui ne viennent pas ; il est impossible de saisir l'ordre suivi dans l'énumération des divers quartiers et monuments. M. de Sainte-Marie s'autorise beaucoup de ses prédécesseurs, mais il discute peu leurs témoignages, et l'on n'aperçoit pas qu'il se soit formé une opinion personnelle sur la plupart des questions. Faut-il ajouter que les citations fausses ou incomplètes et les négligences de tout genre abondent dans cet ouvrage[49] ? Mais quel profit y aurait-il à en épuiser la liste ? Malgré son désir de bien faire, ce diplomate n'était pas assez préparé par ses occupations antérieures à rendre compte d'une mission scientifique. Dans son enthousiasme, il n'a rien voulu laisser perdre de ce qu'il possédait par devers lui ; et tout n'est pas également précieux dans ce qu'il nous offre. Remarquons d'ailleurs que neuf ans se sont écoulés entre la fin des fouilles et l'apparition du volume. Ce long intervalle n'aura-t-il pas affaibli les impressions du missionnaire, atténué la vivacité de ses souvenirs et, partant, nui à la perfection du livre ? La Mission est loin cependant d'être méprisable. Outre la désignation presque toujours précise de l'endroit d'on a été tiré chaque objet, elle renferme un nombre considérable de figures et de plans, la plupart d'une bonne venue. On y verra aussi reproduites, pour notre plus grande commodité, les cartes des écrivains qui ont exploré Carthage avant M. de Sainte-Marie. L'une d'elles au moins supplée très heureusement à l'original devenu fort rare ; c'est la réduction au tiers du plan de Falbe. Si l'on est donc fondé à dire, avec M. S. Reinach[50], que le récit aurait gagné à être réduit de cent pages sur deux cent trente-quatre, il convient d'ajouter comme lui que ces fouilles entreprises avec des ressources très modestes ont donné des résultats inespérés. Le programme de LABARRE ne vise pas à être original. Composée surtout d'après les documents réunis par Dureau de la Malle, cette dissertation est une esquisse à grands traits de l'histoire de Carthage depuis 146 avant Jésus-Christ jusqu'aux Vandales. Nous y voyons même défiler dans une revue rapide la plupart des hommes qui, durant cette longue période, jouèrent un rôle en Afrique. Car le narrateur, au lieu de se limiter à l'étude partielle qu'annonçait son titre, ne s'est pas interdit de s'occuper de la province tout entière. Pour raconter, comme il sied, les vicissitudes de la grande cité, une brochure de vingt-deux pages ne saurait suffire ; comment résumerait-on dans un aussi court espace les fastes de tout un pays ? Labarre se borne donc à effleurer cette ample matière ; les discussions lui sont presque interdites ; et son exposé, surtout quand il énumère les proconsuls du Ier siècle de l'ère chrétienne, prend parfois l'allure d'un procès-verbal. Pourtant il ne se traille pas servilement sur les traces de Dureau de la Malle. Parmi les diverses solutions des difficultés qu'il rencontre sur sa route, il sait choisir avec décision, sinon toujours avec bonheur. Son mémoire réclamera donc de temps en temps notre attention ; il donne une idée du sujet, mais combien superficielle ! Ce n'est pas à Carthage seule qu'est consacré le livre de Tissot ; mais, en traitant de l'Afrique romaine dans son ensemble, il a su faire a la capitale la place qui lui revenait. Le chapitre où elle est étudiée[51] forme un tout bien distinct ; on peut l'envisager en lui-même, abstraction faite du reste de l'œuvre. Deux parties le composent, relatives aux deux périodes de la ville la première est de beaucoup la plus considérable (p. 565-633). Tissot, comme Beide jadis, était plein du souvenir des guerres puniques ; les récits d'Appien le hantaient, et son plus vif désir était de vérifier sur le terrain l'exactitude de ses descriptions[52]. La part modeste qu'il accorde en revanche à la topographie romaine (p. 643-664.) se comprend sans peine. Les belles découvertes qui l'ont éclaircie pour nous en partie n'avaient pas encore eu lieu ; ou du moins elles se produisaient seulement quand Tissot, près de mourir, mettait la dernière main à son travail. Sur presque tous les points, force lui est de s'en tenir aux résultats obtenus par Beulé ou ceux qui l'ont précédé. J'aurais mauvaise grâce à le lui reprocher. Ce dont on peut lui demander compte, c'est l'usage déréglé qu'il fait des notes et esquisses de Daux. Les papiers de cet ingénieur, acquis par M. d'Hérisson, furent communiqués à Tissot, qui les prisa bien au-delà de leur mérite. Pour toutes les questions techniques, écrivait-il, on peut accorder une confiance entière aux observations de Daux. La carte où il les a coordonnées et mises en œuvre a pour nous la valeur d'un document original et de premier ordre[53]. Pareille crédulité se concevrait si Tissot n'avait jamais vu Carthage ; mais il a vécu en Tunisie, et bien avant que Daux n'y frit envoyé. Comment n'a-t-il éprouvé aucune surprise en face des révélations qu'on lui apportait sur un sol de lui connu ? Comment les a-t-il acceptées sans scrupule ? M. Salomon Reinach, le collaborateur de Tissot[54], nous a initiés à sa méthode de travail. Il n'avait pas de notes... Aussi écrivait-il fort souvent de mémoire, laissant en blanc ce qui ne lui revenait pas, au risque de commettre des erreurs, au risque aussi de donner sous son nom et sans références, avec-la plus entière bonne foi, des indications dues à ses autorités[55]. L'effet de ces habitudes fâcheuses est sensible dans le chapitre sur Carthage. On y relève des citations inexactes et de regrettables lacunes ; par exemple, les cimetières de la ville romaine sont complètement omis[56]. Tissot rachète ces défauts par une grande netteté d'exposition et un sens topographique très aiguisé. Il discute bien, sinon toujours à propos, les systèmes et opinions en vogue. Cependant, lorsque M. Reinach affirme que sa Géographie rend presque inutiles les publications antérieures qui touchent aux mêmes sujets[57], il m'est impossible de souscrire sans réserve à ce jugement, pour la partie où Carthage se trouve en jeu. Mettre Tissot à cette hauteur, c'est faire trop bon marché de Falbe, de Dureau de la Malle et de Beulé[58]. Ils sont nombreux ceux qui, depuis 1884, se sont consacrés à l'étude de la glorieuse cité. Les fouilles, souvent fructueuses, se sont succédé presque sans trêve pendant ces quatorze années ; sans trêve aussi, mémoires et notices de tout genre ont fourni un utile commentaire aux fouilles. Bien servis par les circonstances politiques, les archéologues français ont eu à cœur de faire connaître ce que la Tunisie fut autrefois. De cette ardeur Carthage a bénéficié plus peut-être qu'aucune autre partie de la Régence. Parmi tous les savants qui ont collaboré à sa résurrection, il en est un qui a droit à une mention toute spéciale ; je veux parler du R. P. DELATTRE. Ses écrits semés dans les revues les plus diverses ont assez répandu son nom pour que je n'aie pas besoin de m'étendre en longs renseignements sur lui. Ma Bibliographie offre une série importante de ses publications ; je suis loin d'en avoir épuisé la liste. Nécropoles puniques, cimetières païens et chrétiens, temples, basiliques, amphithéâtre, il a tout déblayé. Personne, aujourd'hui, ne possède comme lui la topographie de celle région qu'il habite depuis plus de vingt ans. Il est l'homme de Carthage ; et, pour exprimer toute ma pensée, les recherches du P. Delattre ont singulièrement facilité ma tâche. Je les citerai donc presque à chaque page ; de même, je m'appuierai sans cesse sur les écrits de ceux qui, depuis 1884, ont étudié Carthage concurremment avec lui. Tous ces travaux se ressemblent en un point, ils sont fragmentaires. Les érudits qui les ont rédigés ne traitent qu'un côté de la question ; ils limitent leurs efforts à un coin du territoire. Je ne saurais donc les passer en revue sans me perdre dans le détail. Au contraire, tous ceux dont j'ai parlé jusqu'à Tissot ont envisagé Carthage tout entière. Je pouvais plus aisément analyser leurs écrits. Il importait d'ailleurs, avant de me lancer à leur suite, de me demander s'ils n'ont pas épuisé la matière. L'examen dont je viens de consigner ici les résultats à grands traits m'a convaincu qu'il n'était peut-être pas téméraire d'entrer à mon tour dans la voie qu'ils ont frayée. Aussi bien, en admettant que Tissot et M. de Sainte-Marie, les derniers venus de ce groupe d'écrivains, nous aient appris sur Carthage tout ce qu'on en savait en 1884, depuis lors nos connaissances se sont accrues et le but à atteindre s'est reculé. Il y aura profit, je pense, à réunir tous les renseignements épars, fruit du labeur fécond de cette dernière période. Fallait-il patienter encore et attendre que nos richesses se fussent augmentées davantage ? En dresser dès aujourd'hui l'inventaire, n'était-ce pas s'exposer à ne donner qu'une œuvre éphémère, incomplète dès demain ? Certes, on ne saurait se flatter de rien produire de définitif sur un sujet tel que celui-ci. Mais il est bon, nécessaire même, de faire halte de temps en temps après une étape et de mesurer le chemin parcouru. Nous sommes arrivés, si je ne m'abuse, à l'un de ces moments de repos où l'on s'arrête avant de reprendre la marche. Certains indices me permettent de supposer qu'une accalmie temporaire va succéder à l'élan des premiers jours. Les grands travaux accomplis depuis notre prise de possession se ralentissent ; on construit peu, et le P. Delattre reste seul pour fouiller toute la presqu'île. Tarder plus longtemps à utiliser les matériaux accumulés, n'était-ce pas compter sur l'incertain ? Je souhaite que les trouvailles se multiplient et rendent bientôt indispensable une nouvelle étude d'ensemble. Il est prudent néanmoins de ne pas sacrifier le présent à l'avenir. C'est parce qu'ils ont raisonné ainsi que Falbe, Dureau de la Malle, Beulé, Tissot et les autres ont écrit leurs ouvrages et nous ont ainsi permis d'aller plus loin qu'eux. Presque tous du reste ne se souciaient que de topographie. Seuls, Dureau de la Malle, Labarre et Tissot y ont mêlé l'histoire. Il m'a paru qu'on pouvait essayer plus encore. Les inscriptions, les découvertes de toute sorte éclairant désormais d'un jour plus vif les textes anciens, j'ai cru l'heure propice pour tracer un tableau complet de la vie de Carthage. La description topographique, qui était tout ou presque tout chez mes prédécesseurs, n'occupera plus ici que la place qui lui appartient. Je la considère comme un cadre, dans lequel je tenterai de faire vivre et se mouvoir des hommes. |
[1] Cette forme du nom est consacrée par l'usage en France ; je l'ai maintenue uniquement pour ne pas heurter les habitudes. J'avais tout d'abord employé l'orthographe Karthage, la seule qui me semble fondée ; cédant à d'aimables représentations, j'ai rétabli l'autre à mon corps défendant ; je tiens pourtant à montrer que ma préférence pour Karthage n'est pas un pur caprice. Les grammairiens, à vrai dire, ne sont pas d'accord sur la question. Les uns, comme Priscien (Inst., I, 14, p. 12 ; dans Keil, Gramm. lat., II), Servius (ibid., IV, p. 422, l. 35 sq.), Cledonius (ibid., V, p. 28, l. 5 et 16), Marius Victorinus (ibid., VI, p. 5, l. 23 ; p. 33, l. 28), Maximus Victorinus (ibid., p. 195, l. 19 sq.), Terentianus Maurus (ibid., p. 331, v. 204 sq. ; p. 349, v. 797 sq.), Marius Plotins Sacerdos (ibid., p. 491, l. 7 sq.) admettent l'équivalence des lettres c et k ; mais d'autres ne partagent pas cette opinion. Probus (ibid., IV, p. 51, l. 11 sq.), considère comme une faute (vitium) l'orthographe Carthago ; Sergius (ibid., p. 477, l. 14 sq.) écrit à propos de l'emploi du k devant a : Hoc in paucis nominibus observatur, ut Kalendæ Karthago ; et Pompeius (ibid., V, p. 110, 1. 5 sqq.) : Modo non scribuntur nisi duo admodum verba, Karthago et Kalendæ... ; Albinus ajoute expressément (ibid., VII, p.304, l. 14) : Karthago et Kalendæ per k scribenda sunt, cetera per c melius. — Les témoignages des grammairiens se balancent à peu près ; il en va tout autrement si nous examinons les inscriptions. J'ai relevé dans les différents volumes du C. I. L., de l'Ephem. et de la Revue des publications épigraphiques de M. Cagnat, 170 textes qui portent le nom de Carthage ou l'ethnique dérivé de lui. Sur ce nombre, le c est employé 30 fois (22 Carthago, 7 Cartago, 1 Chartago) ; le k, au contraire (Karthago, plus rarement Kartago), 140 fois. Notons en outre que toutes les inscriptions de cette seconde catégorie, sauf 2, proviennent d'Afrique ; parmi celles où le c existe, 5 seulement sont africaines. La preuve me semble décisive les découvertes ultérieures ne sauraient, je crois, l'infirmer. Il n'est pas rare d'ailleurs, du moins en Afrique, de voir le k substitué au c devant l'a ; on lit par exemple peckatores (C. I. L., VIII, 2309), dedikaverunt (ibid., 8536), etc. (cf. ibid., p. 1110, et C.-W. Moeller, Titulorum africanorum orthographia, in-8°, Greifswald, Kunike, 1875, p. 37). Enfin, sur les monnaies, l'initiale est le plus souvent k (cf. Eckhel, IV, p. 142, Mueller, II, p. 154).
[2] Le comte Camillo Borgia de Velletri avait été chassé du royaume de Naples par les événements de 1815 : il se réfugia en Tunisie. Avec l'appui du bey, il put, pendant seize mois, parcourir toute la Régence, en étudier les monuments et recueillir des inscriptions ainsi que des collections de plantes. De retour à Naples, en 1817, il se disposait à publier le résultat de ses recherches, quand il mourut prématurément. Le Journal asiatique (Ire série, I, 1822. p. 186), d'où je tire ces renseignements, ajoute : sa veuve, la comtesse Adélaïde, fait imprimer actuellement la relation des voyages de son mari : elle paraîtra bientôt à Naples avec un grand nombre de planches. Je ne sache pas que ce livre ait jamais vu le jour. On trouvera encore des détails sur le comte Borgia dans Estrup (p. 7 et 13, n. 18), dans Beulé (Lettres, p. 47), et surtout dans HUMBERT (p. 1).
Ce dernier était un ingénieur hollandais au service du gouvernement tunisien ; il résida une vingtaine d'années à la Goulette. Chateaubriand y fut recul par lui en 1801 et profita beaucoup de ses indications. Ce séjour prolongé près de Carthage avait donné à Humbert le goût de l'antiquité : il se fit collectionneur et entreprit des études sur la topographie de la presqu'île ; mais il ne publia que le mémoire Notice sur quatre cippes et deux fragments, découverts en 1877, sur le sol de l'ancienne Carthage, Lyon, 1821. Son plan manuscrit de Carthage et du nord de la Tunisie fut édité par Dureau de la Malle (pl. 1) et reproduit par M. de Sainte-Marie (p. 214). Voici en quels termes Humbert parle de son travail (p. 1, n. 2) : Je me fis un plaisir de mettre au net les relevés faits à la hâte par le comte Camille Borgia, en les soumettant à une orientation et à une échelle plus exactes. Parmi ces relevés, celui du sol de Carthage n'offre cependant que des à peu près, n'étant qu'un essai dudit comte pour établir son système relativement à la situation des Ports de la ville Punique. J'ai fait ensuite pour moi-même un plan soigné de ce local... Sur Humbert, voir Châteaubriand, p. 450, et Noah, p. 264.
[3] Falbe, p. 13.
[4] Falbe, p. 12.
[5] Les autres ont trait soit à des parties de la Tunisie autres que Carthage, soit à des détails de cette ville. De même que je retiens ici la première planche seule de l'atlas, je ne parlerai non plus que de la première partie du texte (p. 1-57) qui en est l'explication.
[6] Falbe, p. 3.
[7] Falbe, p. 43.
[8] Falbe, p. 2.
[9] Falbe, p. 4.
[10] Dureau, p. 102.
[11] Dureau, p. 4, 5, 11, 23, etc.
[12] Lettres, p. 46.
[13] Tissot, G., I, p. 576, n. 3.
[14] Const., XVII, 1875, p. 86, n° 80.
[15] C. R. Inscr., 1898, p. 22 sqq.
[16] Falbe, p. 2.
[17] Journal des Savants, 1837, p. 647.
[18] Journal des Savants, 1837, p. 641.
[19] Dureau, p. 18.
[20] Dureau, p. 85-88.
[21] Dureau, p. 89.
[22] Dureau, p. 225.
[23] Cinq appendices terminent le volume. Les deux premiers et le quatrième sont de DUSGATE ; le troisième et le cinquième de Dureau de la Malle. Ils traitent des éléphants, des matériaux employés à Carthage, d'Orose et des sources où il a puisé, de l'aqueduc et du mont Zaghouan, enfin des eaux thermales de Carthage. Dusgate a aussi inséré quelques notes dans le corps même du livre. Comme il fit un séjour à Tunis en 1811-1812, son témoignage mérite d'être pris en considération. Des cartes renient l'ouvrage de Dureau de la Malle plus utile encore ; il a eu l'heureuse idée de reproduire à côté des siennes celles de Shaw, Mannert, Humbert, Bœtticher et Estrup.
[24] P. 172, n. 1.
[25] Excursions, Avant-propos, p. VI.
[26] Une nouvelle liste donnée par Temple et Falbe, ibid., p. 1, n. 1, omet le Dr Koreff et Thomassy : en revanche, le nom de Rumbolt se trouve ajouté.
[27] Telle est la date indiquée dans l'Extrait des Statuts (Excursions, Avant-propos, p. IV) ; Temple et Falbe écrivent celle du 18 août.
[28] Excursions, Avant-propos, p. XI sqq.
[29] On me saura peut-être gré d'en indiquer sommairement le contenu.
Pl. II, fig. 4 : Plan d'une maison... : c'est la ruine portant le n°10 dans le plan général de M. Falbe. Il s'agit peut-être d'une citerne.
Fig. 52 : Citerne de Carthage. Plan des citernes du bord de la mer.
Pl. IV, fig. 1 Mosaïque trouvée... dans la maison portant le n° 90 sur le plan... de M. Falbe. Femme presque nue couchée sur un hippocampe qui s'élance.
Fig. 2 et 3 : Figures de poisson et de lion peintes à fresque sur les murs de la même maison ; d'après la reproduction, on dirait de simples dessins au trait. Fig. 4, 5 et 6. Graphites très courts ; le premier donne le mot vale.
Fig. 7 : Peintures à fresque sur les murs d'un bâtiment portant le n° S7 dans le plan de M. Falbe, et nommé Dar Benat es Soltan (ou maison des filles du roi) ; des arabesques, un dessin géométrique, deux perroquets et un fragment de paysage. Cette figure et la première sont en couleurs.
[30]
Je donne ces dates d'après Franks (p. 206). Davis n'a pas pris la peine de nous
indiquer d'une façon claire à quel jour il commença et termina ses fouilles. Il
dit seulement que, débarqué à la Goulette le 14 octobre (p. 50 de son livre),
il se mit à l'œuvre le 11 novembre suivant : l'année manque. D'autre part, il
rapporte la visite que fit aux ruines de Carthage le prince Alfred
d'Angleterre, le 2 janvier 1859 (p. 532), et presque aussitôt (p. 541) l'ordre
lui arrive de suspendre ses recherches. Il y a lieu aussi de tenir compte d'un
passage de Beulé. Dans la seconde de ses Lettres de Carthage, qui est du
22 octobre 1859, il s'exprime en ces termes : Je vois
que le gouvernement anglais a cessé d'explorer le sol carthaginois et que le
champ ouvert à mes recherches devient plus vaste. Par conséquent, lors
du premier séjour de Bente à Carthage, qui est du début de la même année (sa
première lettre porte la date du 19 mars 1859), Davis devait encore s'y
trouver. En groupant ces divers renseignements, on est donc en droit d'assigner
comme durée à son séjour l'intervalle compris entre le 11 novembre 1856 et le
mois de mars 1859, environ deux ans et demi. Cf. Vaux, titre et préface.
[31] Ample means were placed at my disposal... (p. 48).
[32] Voir surtout les pages 130, 288, 405.
[33] Voir, p. 541.
[34] Voir p. 369, 392.
[35] Voir p. 196, 369-384.
[36] Voici quelques appréciations sur son compte : de Flaux (p. 277) : Les directeurs (du British Museum) ont trouvé que les découvertes ne répondaient pas, tant au point de vue de l'art que de la science, aux dépenses qu'elles entrainaient ; S. Marie (p. 133, n° 95) : De la comparaison des lieux avec les auteurs anciens, il n'a rien tiré. Reinach (p. 208) parle de ces fouilles d'amateur, puis il ajoute (n. 1) à propos de Carthage and her remains : C'est un fort méchant livre auquel on a fait l'honneur immérité d'une traduction allemande.
[37] Maltzan, I, p. 274.
[38] Davis donne en tète de son volume un plan de Carthage dressé d'après ses théories, c'est-à-dire absolument fantaisiste ; trente-trois gravures assez réussies, mais où l'on a quelquefois peine à reconnaître le véritable état des lieux, complètent l'illustration.
[39] B., Fouilles, p. 88 sq.
[40] B., Lettres, Avertissement, p. 2.
[41] B., Lettres, Avertissement, p. 44.
[42] B., Fouilles, p. 84.
[43] Beulé a mis six planches à la fin de ses Fouilles ; en voici le contenu : 1° plan de Byrsa ; 2° détail des constructions de Byrsa et fragments de sculptures ; 3° fragments de sculptures ; 4° plan des ports ; 5° fragments divers recueillis dans les ports ; 6° plan et coupe d'un tombeau du Djebel Khaoui.
[44] Guérin, p. 36.
[45] Bull. arch., 1886, p. 33.
[46] Bull. arch., 1886, p. 33. On trouvera des appréciations analogues dans S. Marie, p. 47 ; Reinach, p. 209 ; Tissot, G., II, p. XI et 795 ; et Cagnat, Cap., p. 188.
[47] Il est impossible de donner un nombre exact ; S. Marie en indique tour à tour 2170 (p. 39), 2190 et 2191 (p. 85).
[48] C'était un vaisseau de l'escadre de la Méditerranée sur lequel S. Marie avait embarqué les caisses contenant presque toutes ses trouvailles. Il fit explosion dans le port de Toulon, dans la nuit même qui suivit son arrivée (29 septembre 1875).
[49] Il en est de même dans la Bibliographie carthaginoise, due aussi à S. Marie, où l'on compte les lignes exemptes de fautes. L'auteur en a corrigé, il est vrai, une certaine quantité dans ses Recherches bibliographiques.
[50] Rev. arch., IV, 1884, p. 382 et 388. Voir aussi, sur la mission de S. Marie et ses résultats, C. I. S., p. 279.
[51] Tissot, G., I, p. 565-664.
[52] On s'en convaincra en lisant le programme d'exploration qu'il traçait à MM. S. Reinach et Babelon prêts à partir pour la Tunisie (R.-B., Rech., p. 4-5).
[53] Tissot, G., I, p. 577, note.
[54] Il lui a consacré une notice bibliographique dans les Fastes (p. VII-LXXXVIII) et une étude pleine de détails instructifs en tête du second volume de la Géographie (p. I-XXXIV).
[55] Tissot, G., II, p. XXIII.
[56] M. S. Reinach a fait disparaître cet inconvénient dans les Additions et Corrections du second volume. Il y résume en outre les principales découvertes advenues de 1884 à 1887 (p. 795-806).
[57] Rev. arch., IV, 1884, p. 357.
[58] On ne s'étonnera pas, je pense, de ne pas rencontrer dans cette liste le nom de Flaubert. En dépit des prétentions de l'auteur, la science n'a rien à démêler avec Salammbo. Quoi qu'on pense de la valeur littéraire de ce roman, on doit le tenir pour non avenu si l'on ne recherche que la vérité historique.