L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

DEUXIÈME PARTIE — LA RÉPUBLIQUE

XII — SPOLIATIONS ET COLLECTIONS.

 

 

La Grèce est à Rome. Comment y est-elle venue, et quelle place tenaient les chefs-d’œuvre de la sculpture grecque dans les édifices publics et privés ? Répondre à ces questions, c’est encore faire l’histoire des produits ou des imitations de l’art grec que Rome a en partie conservés et présente à nos regards ; c’est encore la Rome antique retrouvée dans les lieux et les monuments.

Les statues et les tableaux furent apportés par la conquête. A Rome, la conquête est le principe de tout. Les Romains ont conquis leur patrie, qui a d’abord été l’Italie, puis le monde ; la conquête a fait leurs commencements, leur grandeur et leur ruine.

Les Romains pratiquèrent de bonne heure ces spoliations par lesquelles ils se montraient les descendants légitimes des premiers habitants du Palatin. Ce fut d’abord, il est vrai, dans une intention religieuse, comme on le voit pour la Junon de Véies, apportée respectueusement sur l’Aventin par Camille. Le même motif fit agir sans doute T. Quintius Cincinnatus Capitolinus quand il apporta en triomphe de Préneste Jupiter Imperator et l’installa au Capitole[1], où son nom marquait sa place ; Fabius Fabricianus, quand il enleva aux Samnites une Vénus victorieuse[2], cette fois vaincue ; Fabius Maximus, quand il transporta de Tarente Hercule[3], dieu de sa race, Hercule, l’ancien dieu des Pélasges, sur le Capitole, autrefois habité par eux et où ils avaient dû fonder son culte. Mais à ces vols pieux vinrent bientôt se joindre des vols purement profanes, qui n’avaient d’autre but que d’orner les pompes triomphales.

Lorsque les belles villes de la Sicile et de la Campanie, Syracuse, Tarente, Capoue, tombèrent au pouvoir des Romains, les produits admirables de l’art grec firent leur entrée dans Rome devant le char des vainqueurs.

Ce fut après la prise de Syracuse qu’on vit pour la première fois des statues et des tableaux apportés à Rome en grande abondance. Tite Live déclare qu’ils étaient acquis par le droit de la guerre. Ce droit a encore été exercé par Napoléon ; mais on peut espérer qu’il ne le sera plus. Aujourd’hui, on ne livre plus les villes prises au pillage, on doit donc s’abstenir aussi de ce pillage en grand. Du reste, Tite-Live lui-même reconnaît que ce jour-là commencèrent des habitudes de spoliation qu’il déplore[4]. Polybe, sans doute par un retour patriotique sur le malheur des villes de Grèce tombées au pouvoir des Romains, invite noblement les vainqueurs à ne pas faire un ornement à leur patrie de la misère des vaincus[5] ; avec quelques ménagements, qu’il devait aux Scipions, il montre les inconvénients de cet abus de la victoire, qui laisse des haines profondes chez les peuples dépouillés, et il ajoute noblement : Ce qui fait l’ornement véritable d’une cité, ce n’est pas ce qui lui vient du dehors, mais la vertu de ceux qui l’habitent... la gravité des mœurs et la grandeur des âmes la décorent mieux que les tableaux et les statues.

Marcellus déposa dans les temples de l’Honneur et de la Vertu une partie des richesses d’art ravies à Syracuse ; il en avait laissé une autre partie aux Syracusains, et Cicéron le loue de cette modération relative[6] ; cependant Tite Live fait remarquer que ces temples furent frappés d’une malédiction dont semblèrent atteints eux-mêmes les dieux qu’on y avait transportés, car la plupart des merveilles qu’ils contenaient, de son temps avaient disparu[7]. Ces justices de l’histoire s’accomplissent quelquefois ; ce que la guerre avait pris, la guerre le reprend ; nous en avons fait à Paris la triste expérience.

Ainsi Xerxès avait enlevé de Milet l’Apollon de Canachus et d’Athènes, sans doute par sympathie pour un autre tyran, les statues d’Armodius et Aristogiton, meurtriers d’un des fils de Pisistrate ; niais Alexandre reprit ces dernières à Darius[8] et les rendit aux Athéniens, bien qu’il fût encore moins favorable à leur liberté que les fils de Pisistrate. De leur côté, les Romains prirent dans la ville de Cymé, pour l’appendre au toit du temple d’Apollon Palatin, un lustre qu’Alexandre avait enlevé de Thèbes[9]. Les ornements de bronze du Panthéon ont été dérobés par Urbain VIII ; mais à Syracuse, à Tarente, à Corinthe, les Romains n’avaient-ils pas fait avant les Barberini ce que n’ont point fait les barbares[10] ?

On sentait si bien que cet usage du droit de conquête n’était pas parfaitement régulier, que parfois un scrupule portait à restituer le bien volé au moins par d’autres. Avec cette générosité trop souvent admirée qui fait don du bien d’autrui, Scipion Æmilien renvoya aux villes de Sicile plusieurs statues que les Carthaginois leur avaient prises[11] ; Verrès devait plus tard les reprendre. De même, Auguste[12] fit reporter à Éphèse un Apollon qu’Antoine y avait dérobé, et des trois statues de Myron, enlevées également par Antoine au temple de Junon dans l’île de Samos, il en fit rendre deux. Ces restitutions entraient dans son plan de ménagement universel.

Après la prise de Syracuse, on commença, dit Tite-Live (XXVII, 16, 31), à admirer les merveilles de l’art grec. En effet, du triomphe de Marcellus date à Rome le triomphe du goût grec sur le goût étrusque.

Capoue et Tarente livrèrent aussi de grandes richesses d’art. Tarente, bien que déjà dépouillée par les Carthaginois, en livra presque autant qu’avait fait Syracuse a. Fabius montra plus de grandeur que Marcellus, s’abstenant de ce genre de butin ; il enleva cependant l’Hercule, mais, d’après ce que j’ai dit, j’aime à croire que ce fut par dévotion. Interrogé sur ce qu’on devait faire de statues représentant des divinités armées à l’air sévère, selon le type ancien : Qu’on laisse, répondit-il, aux Tarentins leurs dieux irrités. Mais ces statues étaient des colosses, et la difficulté de les emporter, jointe à l’ignorance où il était de leur beauté, furent, on peut le supposer, pour quelque chose dans l’abstention de Fabius.

Scipion Æmilien, qui fit aux Grecs, dépouillés par Carthage, les restitutions dont j’ai parlé, ne se montra pas si généreux envers les vaincus. Un grand nombre de leurs statues orna son triomphe ; un Apollon en or fut mis en morceaux et enlevé ainsi par le pillage des soldats au pillage de la république[13] ; mais on s’empara d’une statue d’Hercule devant laquelle les Carthaginois offraient des sacrifices humains[14] : l’objet d’un tel culte ne méritait point d’être respecté.

On ne dépouilla pas toujours la Grèce gratis ; parfois, bien que rarement, l’État achetait au lieu de prendre, mais c’était au moyen de ventes un peu forcées. Un jour, pour acquitter les dettes de la ville de Sicyone, Æmilius Scaurus s’empara des tableaux qu’elle possédait et les lit porter à Rome[15]. Cette dernière ressource des villes grecques épuisées par les impôts de l’État et l’usure des particuliers, pour remédier à leur détresse, contribua à enrichir Rome de leurs chef-d’œuvres.

Quand les Romains allèrent en Grèce combattre Philippe, ils se donnèrent pour les amis des Grecs ; ce qui n’empêcha point Flamininus, leur libérateur, de les dépouiller un peu, bien que Tite Live ait soin de remarquer qu’il avait pris plus de statues au roi de Macédoine qu’aux villes grecques. Cependant Tite-Live avoue que Flamininus emporta d’Éretrie beaucoup de statues et de tableaux. Le roi Antiochus méritait encore moins d’égards ; les Scipions n’étaient pas accoutumés à se gêner, et ils lui prirent cent trente-quatre statues[16]. Quant à Philippe et à Persée, c’étaient des rois barbares, indignes de conserver les souvenirs d’Alexandre. Metellus mit donc la main sur vingt-cinq statues en bronze de Lysippe qui offraient les portraits de ses lieutenants, parmi lesquels Alexandre avait voulu figurer lui-même ; Metellus en orna son portique[17]. Dans le triomphe de Paul-Émile, on vit défiler deux cent cinquante chariots remplis de statues et de tableaux[18]. Les Étoliens étaient des Grecs, cependant Fulvius Nobilior ne les épargna point ; il dépouilla sans pitié la ville d’Ambracie, qui avait été la résidence de Pyrrhus. Outre les Muses, dont j’ai parlé, on y trouva beaucoup d’ouvrages de sculpteurs grecs, très anciens modèles de statues qu’on exécuta depuis dans le goût archaïque. Fulvius emporta deux cent trente statues en marbre et deux cent quatre-vingt-cinq en bronze[19].

Un tribun accusa Fulvius pour avoir dépouillé Ambracie[20], mais sans succès. Il représenta que cette ville avait été privée de tous ses ornements ; que les simulacres des dieux, les dieux eux-mêmes, avaient été arrachés de leurs temples. Le Sénat avait déjà répondu aux Étoliens qu’on en référerait au collège des pontifes[21]. On ne dit pas que les pontifes aient ordonné la restitution. Un acte de justice assez rare frappa C. Lucretius : les habitants de Chalcis, dont il avait pillé les temples, portèrent plainte à Rome, les tribuns l’accusèrent, et il fut condamné à une amende de cent mille sesterces ; mais, cette fois encore, on ne parle point de la restitution des statues. Il est vrai qu’il avait orné de tableaux le temple d’Esculape[22] ; peut-être dut-il à cette offrande pieuse de pouvoir garder le reste.

Le respect religieux protégea un seul temple contre l’avidité d’un général romain. Fulvius Flaccus[23] avait enlevé les tuiles de marbre du temple de Junon Lacinienne, dans le Brutium : il pouvait alléguer que c’était pour orner un autre temple, celui qu’il élevait, dans le champ de Mars, à la fortune Équestre, en souvenir de ses victoires d’Espagne. Les tuiles étaient déjà arrivées à Rome, et on les portait furtivement du navire au temple, à travers le champ de Mars. Flaccus espérait en cacher l’origine, mais elle fut connue. Aussitôt la Curie frémit à la pensée d’une telle impiété ; le Sénat décida que les tuiles seraient reportées et remises à leur place. Depuis ce temps, Flaccus passa pour n’avoir plus qu’une raison troublée. En apprenant que de ses deux fils, qui faisaient la guerre en Illyrie, l’un était mort et l’autre gravement malade, il se pendit. On vit dans cette triste fin une vengeance de Junon. Si ce fut un remords qui la causa, ce fut un remords religieux dans lequel le respect de la propriété n’entrait pour rien. Certains descendants des anciens Romains feraient comme leurs ancêtres : le remords d’avoir volé dans une église pourrait les rendre fous, non à cause du vol, mais à cause de l’église. Je ne puis m’empêcher de remarquer qu’on renvoya les tuiles dans le Brutium, mais qu’on ne renvoya pas les statues à Ambracie.

Nulle voix ne s’éleva contre Mummius, le meurtrier de Corinthe, dont il dépouilla le cadavre. Le nom de Mummius est célèbre par un mot qui a immortalisé sa barbarie. On sait qu’ayant embarqué pour Rome de nombreux chefs-d’œuvre, il avertit ceux qui devaient les transporter qu’en cas d’accident ils seraient tenus de les remplacer. Ses soldats jouaient aux dés sur un tableau dont la beauté était proverbiale, le Bacchus d’Aristide[24]. Mummius voulut le faire vendre à l’encan, mais le roi Attale en ayant offert un prix considérable, environ cent vingt mille francs, Mummius se ravisa[25] et l’emporta à Rome, où il fut placé dans le temple de Bacchus, Cérès et Proserpine[26].

Comment s’étonner de la barbarie de Mummius quand on voit bien plus tard l’élégant Cicéron, si familier avec la langue et la littérature grecques, obligé, pour ne pas heurter le dédain officiel des juges de Verrès, de traiter avec mépris l’admiration des Grecs pour les chefs-d’œuvre de leur art, la déclarer puérile[27] et s’excuser de connaître les noms de leurs plus grands artistes.

La simplicité de Mummius fut exploitée par un autre Romain. Le grand père de Lucullus avait élevé un temple à la Félicité ; il demanda à Mummius de lui prêter quelques statues pour célébrer la consécration du nouvel édifice ; Mummius, qui ne tenait point à ces choses, prêta volontiers les statues, mais une fois consacrées, elles ne purent plus être rendues, ce qui fut fort indifférent sans doute à Mummius.

Mummius était un honnête barbare, spoliateur très désintéressé, ce à quoi, à cause de cette barbarie même, il n’avait pas grand mérite ; mais d’autres, plus connaisseurs, furent moins scrupuleux. Jusque-là, on avait volé surtout pour l’État, on commença à voler pour soi, vol double, car c’était spolier aussi l’État. On orna bien encore les temples des rapines de la conquête, mais on en orna aussi les maisons, les villas, les jardins des particuliers. Ceux qui agirent autrement, dans les derniers siècles de la république, sont cités comme des modèles de vertu antique[28].

Sylla donna à Jupiter, ou plutôt lui rendit, les colonnes enlevées à son temple d’Athènes et qu’il fit placer au Capitole[29], mais on ne dit pas qu’il ait placé à Rome dans aucun temple la Minerve d’ivoire prise en Béotie[30] ; il garda certainement pour lui le petit Apollon pris à Delphes, et que ce Louis XI de l’aristocratie baisait dévotement dans les grandes circonstances[31]. Cet Apollon était sa Sainte Vierge. On n’a point dit que des objets d’art aient orné son triomphe et cependant ils ne pouvaient manquer au spoliateur des principaux temples de la Grèce, mais c’est qu’il ne les montrait point au peuple, préférant les garder, car sa passion pour les belles choses était grande, comme il le fit voir dans le choix des proscrits. Quelquefois ces enlèvements étaient funestes aux objets d’art enlevés. Sylla, ne pouvant emporter de Delphes un très grand vase, le fit briser[32]. La Centauresse de Zeuxis périt en route.

Ce fut pour l’État que Varron et Murena firent enlever de Sparte des peintures murales dont ils ornèrent le Comitium[33].

A la fin de la république, ce brigandage des particuliers prit des proportions démesurées. Clodius, à en croire Cicéron, aurait achevé de dépouiller la Grèce de tableaux et de statues qu’il déposa soigneusement dans sa maison du Palatin[34], et qui servirent à relever la magnificence des jeux qu’il donnait au peuple. Mais il restait encore beaucoup à prendre, même après Clodius et Verrès.

Verrès, dont Cicéron a immortalisé les rapines, était un collecteur maniaque. Il fit d’abord une expédition en Grèce, dépouillant littéralement les temples, puis il s’abattit sur la Sicile, dont il était préteur. Là ses larcins se firent avec une incroyable audace et une sorte de régularité administrative. Verrés avait à son service deux artistes pour découvrir les chefs-d’œuvre et éclairer sa rapacité. Il empruntait un vase d’or à un prince ale Syrie pour le montrer, disait-il, à ses ouvriers et ne le rendait pas ; il arrachait un anneau du doigt du possesseur. Un citoyen de Messine, nommé Héius, avait rassemblé dans un sanctuaire privé une foule de chefs-d’œuvre de l’art grec, Verrès força Héius à les lui vendre à vil prix.

Verrès parait avoir été connaisseur. Quand un vase orné de bas-reliefs lui avait plu, il s’en emparait, détachait les bas-reliefs et renvoyait le vase ; mais il aimait aussi le vol pour le vol et il déroba les clous d’or du temple de Minerve, qui est devenu la cathédrale de Syracuse[35].

Les objets volés[36] par Verrès furent apportés à Rome. Il les étala d’abord dans le Forum, d’où ils disparurent bientôt pour aller orner ses jardins et ses villas ; c’est ainsi que plusieurs statues grecques dérobées par lui ont pu servir d’originaux à d’autres statues qui sont restées à Rome. Parmi celles-ci, je citerai l’Amour de Praxitèle, l’Hercule de Myron et son Apollon, les Canéphores de Polyclète, une Diane en robe longue tenant un arc dans une main, un flambeau dans l’autre, trois Cérès, la Sapho de Silanion, une belle tète de Méduse Nous avons trouvé à Rome des imitations de ces statues ; par ces imitations, nous pouvons nous former une idée des originaux que possédait Verrès et reconstruire en partie cette galerie, incomparable monument de son dilettantisme[37] et de son avidité. L’avidité de Verrès fut punie par celle d’Antoine, car les vases corinthiens qui restaient au voleur, ce qui prouve qu’on ne l’avait point forcé à restituer, tentèrent l’indigne ami de César et le portèrent à mettre l’ancien préteur de Sicile sur les listes de proscription du triumvirat. Antoine lui-même a été flétri comme spoliateur par Juvénal et associé à la honte de sa victime[38].

Plutarque parle des statues et des tableaux que possédait Lucullus, Pline nous en fait connaître la source[39] : Multa (signa) et Luculli invexere. Les Lucullus ont apporté à Rome beaucoup de statues.

Du moins les Lucullus, en faisant leur part, faisaient aussi la part de l’État ; si, à Sinope, le vainqueur de Mithridate s’adjugea la statue du héros Autolycus, pour obéir à un oracle dans lequel il lui avait été dit qu’Autolycus voulait lui parler[40] ; un autre Lucullus plaça au Capitole l’Apollon de Calamis, apporté d’Apollonie[41], et devant les rostres Hercule brûlé dans sa tunique[42], expression assez juste de l’état de la république romaine, dévorée, au temps de Lucullus, par une ardeur fatale qui devait lui être mortelle, et comme Hercule se sentant mourir, sentiens suprema.

Pompée montra aux Romains dans ses triomphes non plus des statues de marbre ou de bronze, c’était trop peu pour le luxe de Rome et pour la vanité de son général, mais des statues d’or et d’argent, parmi lesquelles figuraient celles de Mithridate et de Pharnace[43] ; on y voyait aussi, des raretés précieuses, entre autres choses les premiers vases murrhins ; la vaisselle de Mithridate, dont l’inventaire employa trente jours. La richesse de la matière commençait à plus attirer l’attention que le mérite de l’art. La vanité de Pompée lui avait fait imaginer pour ses triomphes toute sorte de bizarreries fastueuses : on y vit une table à jouer (une espèce de trictrac) large de trois pieds sur une longueur de quatre, et formée de deux pierres précieuses seulement ; une lune en or, une montagne en or, avec des animaux et des fruits ; enfin une statue de Pompée en perles[44].

Tout ce butin fut déposé par Pompée au Capitole[45], ainsi que la collection de pierres gravées de Mithridate, genre de collection qui devint alors de mode à Rome[46], surtout depuis que César, et après lui Auguste, en eurent donné l’exemple. César déposa les siennes, au nombre de six, dans le temple de Vénus. Pour Auguste, il ne faisait don de sa collection ni à Jupiter, ni à personne ; il la gardait pour lui.

On ne voit pas que César ait fait paraître dans ses magnifiques triomphes quelques-uns de ces chefs-d’œuvre de l’art grec qu’il aimait tant ; voulant surtout plaire à la multitude pour l’asservir, il employait vis-à-vis d’elle des séductions auxquelles elle était plus sensible. César, qui la connaissait, savait qu’elle aimerait mieux s’asseoir devant les vingt-trois mille tables dressées pour elle que de contempler les plus grandes merveilles de l’art grec.

Grâces à toutes ces spoliations de la Grèce, les unes au profit de l’État, les autres au profit des particuliers, Rome se remplit de statues grecques ; Müller dit qu’on les comptait par cent mille (Arch., p. 174) ; les portiques, les villas, les maisons opulentes devinrent de véritables musées.

On peut en dire autant des temples, où les objets d’art furent, souvent réunis en collections sans avoir aucun rapport avec la destination de l’édifice religieux qui les recevait.

En effet, si le Jupiter Tonnant de Polyclète, les Jupiters de Léocharès et de Mentor, la bonne Fortune de Praxitèle étaient bien placés au Capitole, le Mars colossal de Scopas dans le temple de Mars, et, à cause de Mars, une Vénus du même auteur ; dans le temple de Neptune, Neptune, Thétis et Achille, aussi de Scopas ; et de lui encore dans un temple d’Apollon, Apollon, Diane et les Niobides, leurs victimes ; dans un autre, les Apollons de Philiscus et de Timarchide ; la Vénus Anadyomène, dans le temple de César, descendant de Vénus et très dévot à son aïeule ; souvent il n’y a rien de commun entre le culte auquel un temple était consacré et les divinités parfois fort diverses dont les images l’embellissaient. Que faisaient dans le temple du Capitole, l’Hercule de Tarente, l’Apollon de Lucullus et un tableau de Nicomaque représentant l’Enlèvement de Proserpine ?[47] que faisaient Esculape et Diane dans le temple de Junon[48] ? que faisait surtout Mars dans le temple de la Concorde[49] ? Ce dernier édifice, qui contenait en outre les statues de Mercure[50], de Cérès[51], de Minerve[52], de Latone avec ses deux enfants[53], de Bacchus[54], d’Apollon et de Junon[55], n’était-il pas devenu une véritable galerie plutôt qu’un temple consacré à la religion de la divinité dont il portait le nom ? A moins qu’on ne dise que ce nom était justifié par la réunion de tant de personnages mythologiques disparates.

Mais il y a plus, les temples de Rome renfermaient des statues et des tableaux qui n’avaient rien de religieux. Dans le temple de la Concorde se voyaient une Cassandre[56], un Marsyas[57] et quatre éléphants en obsidienne[58], dans le temple d’Apollon, un acteur tragique et un enfant ; dans le temple de la Bonne Foi, un enfant auquel un vieillard enseignait à jouer de la lyre[59] ; le Thésée de Parrhasius au Capitole[60] ; enfin, un chien léchant sa blessure, aussi au Capitole, dans la cella de Junon, mis là, Pline l’affirme, à cause de sa beauté et de la vérité de son expression[61], et qui n’avait aucune autre raison de s’y trouver, pas plus que la Minerve de Phidias dans le temple de la Fortune de ce jour, à laquelle Paul-Émile la dédia[62]. En effet, sort bonheur n’avait eu qu’un jour, celui du triomphe ; la veille et le lendemain avaient été des jours de deuil.

Sous l’empire, le grand musée de Rome fut le temple de la Paix, où, à côté du héros de Timanthe[63], Vespasien fit déposer le chandelier aux sept branches et les autres objets précieux tirés du temple de Jérusalem.

Je le répète, les temples de Rome n’étaient-ils pas des musées et comme des salles d’exposition de l’art grec, et n’est-ce pas un signe du sentiment artistique qui arrive et du sentiment religieux qui s’en va ?

Cela même était grec, car en Grèce les temples renfermaient de vraies collections d’art[64], recevaient aussi des chefs-d’œuvre tout à fait étrangers au culte qu’on y célébrait.

Cela est aussi ou du moins a été italien ; c’est ainsi qu’on a réuni dans le Campo Santo de Pise, lieu consacré d’abord à la religion et où l’on dit encore la messe le jour des morts, des sculptures de tout genre et de tout âge et qu’au seizième siècle on exposait les tableaux nouveaux dans l’église du Panthéon.

En Grèce, on étalait aux regards dans les jeux pythiques des tableaux et des statues ; des prix étaient donnés aux meilleurs ouvrages[65] : c’était pour les Grecs une exposition universelle. Zeuxis exposa un de ses tableaux pour de l’argent[66].

A Rome, comme en Grèce, on plaçait aussi les objets d’art sous les portiques[67], lieux de promenade et, si j’osais le dire, de flânerie pour les Romains. Sous le portique d’Hercule, ajouté par Philippe, beau-père d’Auguste, au temple d’Hercule Musagète, se voyaient plusieurs peintures d’Antiphile qui n’avaient aucun rapport avec Hercule : l’Hélène de Zeuxis[68], un Bacchus, un Alexandre enfant, un Hippolyte effrayé par le monstre[69], du même auteur, et dans le portique d’Octavie des tableaux de la guerre de Troie par le peintre Théon[70].

Pompée plaça dans son portique un tableau où Polygnote avait peint un homme sur une échelle, duquel on ne pouvait dire s’il montait ou descendait[71], et un tableau de Pausias où des bœufs noirs, rus de face en raccourci, se détachaient sur un fond sombre. Pompée parait avoir aimé les singularités ; César aimait les chefs-d’œuvre.

Parmi les portiques de Rome, le portique de Metellus, qui devint plus tard celui d’Octavie, fut le plus riche en objets d’art, comme, avant le temple de la Paix, celui de la Concorde parmi les temples.

Ce vaste portique quadrilatéral, dont l’entrée subsiste encore, embrassait un temple de Jupiter et un temple de Junon qu’une église a remplacés, une bibliothèque, une curie ; dans tous ces édifices étaient des statues et des tableaux, œuvres d’artistes grecs : dans le temple de Jupiter, une statue du Dieu par Pasitelès[72], la Vénus accroupie de Polycharme[73] ; dans le temple de Junon, une statue de la déesse par Denys et une autre par Polyclès[74], une Diane et un Esculape de Cephisodote, fils de Praxitèle[75], une Vénus de Philiscus, qui était peut-être la Vénus de Médicis ; dans la curie d’Octavie, Alcibiade en Amour tenant la foudre[76].

Dans la schola d’Octavie, — un lieu de réunion comme la schola des médecins d’où provient une Amazone du Vatican[77], — outre un Amour attribué à Praxitèle[78], on admirait un tableau d’Antiphile représentant Alexandre et le prudent Philippe[79] avec Minerve, enfin, sous le portique lui-même, les cavaliers tués au passage du Granique, ouvrage en bronze de Lysippe, commandé par Alexandre[80]. Là était aussi une Vénus de Phidias[81], l’Hercule divinisé d’Antiphile[82] ; et une statue de Cornélie, mère des Gracques[83].

Dans le Forum, parmi les nombreuses statues honorifiques auxquelles on doit attribuer une origine romaine, se voyaient aussi quelques statues d’origine grecque ; près du Comitium un Alcibiade et un Pythagore, et devant les rostres, les trois sibylles[84], personnages pélasgiques qui plus tard s’appelèrent à Rome la ville fatale, les trois destinées, tria fata[85], et qui semblaient être là pour personnifier les trois moments de la journée du peuple romain, son glorieux matin, son orageux midi et le long déclin de sa splendeur[86].

Dans le Forum et dans le Comitium étaient étalées des peintures grecques ; il est parlé d’un grand tableau de Sérapion qui couvrait tous les balcons sur le côté méridional du forum, celui qu’on appelait les Boutiques vieilles[87] ; dans le Comitium était cette peinture qu’on avait apportée de Sparte en détachant les briques du mur sur lequel elle était tracée[88].

Les septa, lieu destiné aux élections dans le Champ de Mars qui avait commencé par ressembler à un parc à brebis (ovile), les septa furent décorées de statues et de tableaux. On y avait placé deux peintures dont les gardiens répondaient sur leur tête ; l’une représentait Pan et le jeune Olympus, l’autre Chiron et le jeune Achille[89]. Les sujets de toutes deux se retrouvent à Rome dans des groupes ou des bas-reliefs.

Comme les édifices publics, les demeures des particuliers étaient ornées de chefs-d’œuvre venus de la Grèce à Rome ; les citoyens opulents formaient des galeries de tableaux[90] semblables à celles des princes romains de nos jours. On y voyait des peintures anciennes[91] à côté de peintures modernes[92] ; il y en avait pour tous les goûts ; et l’on s’entendait à les placer dans un jour avantageux, in bono lumine[93].

Les maisons étaient remplies des ouvrages de Phidias, de Polyclète, de Myron, de Parrhasius[94], des coupes de Mentor.

Lucullus avait une pinacothèque (galerie de tableaux) qu’on visitait avec empressement[95], comme on visite aujourd’hui la galerie Borghèse ou la galerie Doria. Il avait aussi une collection de statues comme celle de la villa Ludovisi ; il les faisait venir d’Orient et d’Athènes ou les faisait exécuter à Rome par Arcésilas[96].

Les jardins qui correspondaient aux vignes du seizième siècle et aux villas urbaines ou suburbaines de notre temps, étaient également remplis des chefs-d’œuvre de l’art grec. Les plus souvent cités sous ce rapport sont les jardins des Servilius, sur le penchant de l’Aventin[97]. Dans ces jardins se trouvaient réunis l’Apollon de Calamis, la Cérès et la Flore de Praxitèle, la Vesta de Scopas et le portrait du philosophe Callisthène[98] ; là durent se rencontrer le frère et l’amant de Servilie, Caton et César. Si la sévérité chagrine de Caton était moins sensible que le goût élégant de César aux grâces de Praxitèle, il pouvait se plaire davantage à l’image du contradicteur opiniâtre d’Alexandre[99].

Les jardins de César, amateur délicat des arts, devaient être remplis de chefs-d’œuvre ; les anciens n’en parlent pas, mais nous pouvons en juger par deux belles statues qui en proviennent, l’une probablement, le Méléagre du Vatican, l’autre certainement, la Vénus de l’Hermitage. En revanche, les anciens parlent beaucoup des richesses artistiques que renfermaient, non pas les jardins de Pollion (horti Asiniani), situés vers la porte Majeure, mais ce qu’on appelait ses monuments, qui étaient sur l’Aventin comme les jardins de Servilius. On voit que l’Aventin, dans l’origine habité surtout par les pauvres gens, entre lesquels il avait été réparti, était devenu presque aussi aristocratique que son voisin le Palatin. Ce qu’on appelait les monuments de Pollion se composait d’un ensemble d’édifices parmi lesquels était sa bibliothèque, la première qui fut publique à Rome. Dans ces édifices Pollion avait distribué un Apollon, un Neptune et des statuts bachiques de Praxitèle ; une Vénus de son fils Céphisodote[100], un Bacchus d’Eutychide, élève de Lysippe, les Thespiades de Cléomène et plusieurs autres statues parmi lesquelles le groupe maintenant à Naples et connu sous le nom du Taureau Farnèse[101].

Enfin, les villas des Romains, c’est-à-dire leurs maisons de campagne, s’embellissaient des trésors de la Grèce. Cicéron faisait venir des statues d’Athènes pour orner sa bibliothèque, son académie et son lycée de Tusculum.

Son rival Hortensius n’était pas moins passionné que lui pour les (ouvres de l’art grec ; il paya environ trente mille francs les Argonautes, tableau d’un peintre peu connu, Cydias[102]. Hortensius poussa même cette passion trop loin, si, comme le lui reprochait Cicéron, un sphinx donné par Verrès l’avait décidé à défendre ce grand coupable.

On voit qu’il y avait à Rome d’ardents amateurs de l’art grec ; le sévère Brutus portait à une statue d’enfant par Strongylion une admiration qui la rendit célèbre[103].

Agrippa donna une somme énorme pour deux tableaux[104]. Pline raille son austérité, torvitas, de cette faiblesse. La modestie servile d’Agrippa s’effaçant par calcul devant la vanité d’Auguste, est une faiblesse que je pardonne plus difficilement à sa torvitas.

Les copies, alors comme aujourd’hui, se payaient beaucoup moins cher que les originaux. Une copie de la Bouquetière[105] de Pausias, cette Glycère son émule dans l’art de composer des tableaux avec des fleurs, ne fut vendue à L. Lucullus que deux talents, pas tout à fait dix mille francs. Il avait acheté ce tableau à Athènes comme on achète aujourd’hui à Rome des tableaux des grands maîtres :, le voyage d’Athènes était pour les Romains d’autrefois ce qu’est pour nous le voyage de Rome.

Lucullus ne peut guère n’avoir payé que douze mille francs environ à Arcésilas la statue de la Félicité[106], cette déesse à laquelle il avait dédié un temple ; car Arcésilas fit payer à un chevalier romain le moule en plâtre d’un cratère un talent (prés de cinq mille francs).

L’état voyait d’un œil jaloux ce genre de richesses demeurer dans les mains des particuliers. César fit acte de popularité en exposant aux regards du public un Ajax et une Médée dans son forum, devant le temple de Vénus[107], et agrippa prononça un discours fort admiré de Pline[108] à l’effet de faire passer dans le domaine public des statues et des tableaux qui étaient exilés dans les villas, à peu près comme tant de chefs-d’œuvre sont enterrés dans les châteaux de l’Angleterre. On ne dit pas qu’il y ait compris ses Argonautes, tableau de Cydias, pour lequel il avait construit tout exprès un édifice dans sa villa de Tusculum[109]. Les statues des particuliers passaient en effet quelquefois dans le domaine public ; un Hercule à la tunique, placé près de la tribune aux harangues, et qui avait appartenu aux Lucullus, portait une inscription où il était dit qu’un édile l’avait fait retourner de la propriété privée dans le domaine public[110].

Nous avons suivi pas à pas la migration de celte Grèce de l’art à Rome ; type visible, pour ainsi dire, de la migration et de l’installation de l’esprit grec dans la ville déjà maîtresse du monde.

On a pu voir que les œuvres de l’art grec étaient partout : dans les édifices et les lieux publics, dans les habitations privées de la ville et de la campagne. Quand on ressuscite Rome parla pensée, il faut distribuer tous ces chefs-d’œuvre dans la cité qu’ils remplissaient, dans les temples, les portiques, les maisons, où nous les avons replacés, alors on a le spectacle complet de la Grèce à Rome, et par ce spectacle on acquiert le sentiment de ce que Rome, en tout genre, a reçu de la Grèce.

 

 

 



[1] Tite-Live, VI, 29.

[2] Plutarque, Parallèles, 37.

[3] Plutarque, Fabius, 22.

[4] Tite-Live, XXV, 40. Licentia spoliandi.

[5] Polybe, IX, 10.

[6] Non plane exspoliare urbem. (Verrines, II, 4, 51.)

[7] Tite-Live, XXV, 40.

[8] Pline, XXXIV, 19, 21.

[9] Pline, Hist. nat., XXXIV, 8.

[10] Tout le monde tonnait l’épigramme contre Urbain VIII (Barberini) :

Quod non fecerunt barbari fecere Barberini.

[11] Cicéron, Verrines, II, 4, 33-35-39. Claudius Pulcher restitua à son possesseur un Amour qu’on attribuait à Praxitèle. (Ibid., 4.)

[12] Strabon, XIV, 1, 14.

[13] Appien, Guerres puniques, 127-133. Plutarque, Flamininus, 1. Il fut placé en face de l’entrée du grand cirque.

[14] Il orna le portique appelé des Nations. (Pline, XXXVI, 5, 26).

[15] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 3.

[16] Tite-Live, 37, 59.

[17] Velleius Paterculus, I, 19.

[18] Plutarque, Paul-Émile, 32.

[19] Tite-Live, XXXIX, 5.

[20] Tite-Live, XXXIX, 4.

[21] Tite-Live, XXXVIII, 44.

[22] Tite-Live, XLIII, 4.

[23] Tite-Live, XLII, 3 ; Valère Maxime, I, 1, 20.

[24] Strabon, VIII, 6, 23. Mummius négligea, ou sa dévotion l’empêcha de prendre des vases d’airain et des vases en terre qui furent retrouvés depuis dans les tombeaux de Corinthe ; ces vases de terre étaient en très grand nombre, ce qui montre encore l’origine grecque des vases peints qu’on a improprement appelés étrusques. On sait les rapports très anciens de Corinthe et de l’Étrurie.

[25] Pline, Hist. nat., XXXV, 8, 1.

[26] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 6. Fulvius Nobilior, qui avait laissé à Ambracie des figures en argile modelées par Zeuxis, ne paraît pas avoir été beaucoup plus connaisseur que Mummius.

[27] Nugatorium. Verrines, II, 4, 14. Les Grecs admirent ces choses que nous méprisons (ibid., 60). Les spoliations de Verrès lui sont reprochées surtout comme un sacrilège (ibid., 33).

[28] Servilius Isauriens. (Cicéron, Verrines, II, 1, 21.) Cicéron parle de ces vols comme d’un abus général. (Pro Pomp., 22.)

[29] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 2.

[30] Pausanias, IX, 33, 4.

[31] Valère Maxime, I, 2, 3 ; Plutarque, Sylla, 29.

[32] Plutarque, Sylla, 12.

[33] Pline, Hist. nat., XXXV, 9, 4. Ces peintures étaient sur un mur en briques ; on détacha les briques avec le stuc qui les recouvrait. Du moins Varron et Murena ne firent pas comme ceux dont parle Cicéron (Verrines, II, 4, 3), et qui, après avoir enlevé des objets d’art, per simulationem ædilitatis, les emportaient chez eux.

[34] Cicéron, de Dom. ad Pont., 43.

[35] Verrines, II, 4, 21 ; ibid., 56.

[36] Verrès ne volait pas toujours les propriétaires des objets d’art dont il s’emparait, mais alors il se rattrapait sur ses agents ; il les chargeait d’offrir aux spoliés une somme insignifiante qu’il ne rendait pas. (Cicéron, Verrines, II, 4, 21.)

[37] Cicéron cite des preuves de ce dilettantisme ; il reproche à Verrès de passer ses journées dans un atelier, entouré d’ouvriers qu’il occupait à appliquer sur des vases les reliefs enlevés à d’autres vases. (Verrines, II, 4, 21.)

[38] Juvénal, Satires, VIII, 105.

Inde Dolabellæ, atque bine Antenius,inde

Sacrilegos Verres referebant navibus altis

Occulte spolia et plures de pave triumphos.

[39] Pline, Hist. nat., XXXIV, 17, 1.

[40] Strabon, XII, 3, 11. Plutarque, Luc., 23.

[41] Strabon, VII, 6, 1. Pline, Hist. nat., XXXIV, 18, 1. Cet Apollon avait trente coudées (45 pieds). Nibby (R. mod., II, p 616) suppose que les pieds et les mains gigantesques de la cour du palais des Conservateurs peuvent provenir de cet Apollon, mais on n’y trouve point la dureté attribuée à Calamis. Appien (Bell. Illyr., 30), dit que Lucullus le plaça sur le Palatin. Est-ce que, du temple de Jupiter Capitolin, il aurait passé dans la maison des Lucullus ?

[42] Pline, Hist. nat., XXIV, 19, 42. Sentiens suprema in tunica.

[43] Pline, Hist. nat., XXXIII, 54, 1.

[44] Pline, Hist. nat., XXXVII, 5. 6. 7. Appien, Bell. Mithrid., 116.

[45] Strabon, XII, 3, 31.

[46] Scaurus, beau-fils de Sylla, forma une collection du même genre. Ces collections de pierres gravées expliquent jusqu’à un certain point leur incroyable abondance ; même aujourd’hui, chaque coup de pioche donné dans le sol de la campagne romaine en fait trouver une.

[47] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 44. Cependant il faut remarquer que ce tableau était dans la cella de Minerve, et que Minerve figure presque toujours dans les bas-reliefs où est représenté l’enlèvement de Proserpine.

[48] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 12.

[49] Ibid., XXXIV, 19, 38.

[50] Ibid., XXXIV.

[51] Ibid., 39.

[52] Ibid., id.

[53] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 27.

[54] Ibid., XXXV, 40, 7. Strabon, VIII, 6, 23.

[55] Ibid., XXXIV, 19, 24.

[56] Ibid., XXXV, 40, 19.

[57] Ibid., XXXV, 36, 6.

[58] Ibid., XXXV, 67, 1.

[59] Ibid., XXV, 36, 36

[60] Ibid., XXXV, 36, 9.

[61] Ibid., XXXIV, 17, 3.

[62] Pline, Hist. nat., XXIV, 19, 5.

[63] Ibid., XXXV, 56, 12.

[64] Le temple de Junon à Olympie était devenu une espèce de galerie, ou ce que nous appellerions un museum d’ouvrages d’art, dit Quatremère de Quincy.

Ce temple de Junon était si bien une collection de chef-d’œuvre, qu’il est appelé par Strabon (XIV, 1, 15) une galerie de tableaux, il y avait, entre autres, trois statues colossales de Myron : Jupiter, Minerve et Hercule. Dans le temple de Minerve Areia à Platée (Pausanias, X, 4, 1), une peinture de Polygnote représentait Ulysse tirant vengeance des prétendants et une peinture d’Onésias, l’expédition des chefs Argiens contre Thélos. Un père, nous l’avons vu, avait fait vœu, si son fils guérissait, de présenter au temple de Jupiter, à Olympie, une riche offrande de statues (Pausanias, V, 26, 2) : ce furent Amphitrite et Neptune. Vesta, Proserpine, Vénus, Ganymède, Digne, Esculape et Hyge, Bacchus, Orphée, Homère, Hésiode ; ces personnages divins et humains semblent pris au hasard, et le tout parait moins une offrande faite à un temple qu’un don fait à un musée. Enfin l’Hélène, ou une réplique de l’Hélène de Zeuxis, avant qu’on l’eût transportée à Rome, était à Crotone (Pline, XXXV, 36,  ; Cicéron, de Invent., II, 1), dans un temple de Junon, déesse du mariage, à laquelle, en cette qualité, ne pouvait guère être agréable, le portrait de l’épouse infidèle de Ménélas. Mais on ne songeait point à honorer Junon ; on voulait exposer un beau tableau de Zeuxis, n’importe dans quel temple. J’en dirai autant de peintures qui ornaient l’intérieur du temple de Minerve à Syracuse et qui n’avaient rien de religieux, car elles représentaient les victoires d’Agathocle.

[65] Luc., Herodot., 4.

[66] Élien, Var., IV, 12.

[67] Voyez sur le portique qui entourait le temple de Jupiter sauveur au Pirée, Letronne, Lettre d’un antiquaire à un artiste, p. 205.

[68] Pline, Hist. nat., XXXV, 36, 6.

[69] Ibid., 35, 2.

[70] Ibid., 40, 19.

[71] Ibid., 35, 2. 40, 3. Il faut y ajouter une Calypso et un Alexandre de Nicias (XXXV, 40, 8), et une peinture d’Europe et Cadmus par Antiphile (ibid., 57, 2), qui, transportée plus tard dans un autre portique de Rome, lui fit donner le nom de portique d’Europe.

[72] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 26.

[73] Ibid., 5, 23. Voyez la remarque 37 de l’édition de M. Littré.

[74] Ibid., 5, 22.

[75] Ibid., 5, 12.

[76] Ibid., 5, 16.

[77] M. P. Cl., 265. Avec cette inscription : Translata de schola Medicorum. Schola ici ne veut pas dire école, mais lieu de réunion, quelque chose comme la Lesché des Grecs et un peu comme nos cercles ou clubs.

[78] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 71.

[79] Ibid., 57, 2.

[80] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 13.

[81] Ibid., 5. Le lieu où étaient placées les statues suivantes est indiqué seulement d’une manière vague in Octaviæ operibus, c’est-à-dire dans un des édifices dont l’ensemble se rattachait au portique d’Octavie.

[82] Ibid., 40, 14.

[83] Ibid., 14, 1.

[84] Ibid., 11, 2.

[85] Procope, B. goth., I, 25.

[86] En grec moirai. Pausanias (VIII, 57, 2) parle des moirai qu’on voyait à l’entrée d’un temple de Mégalopolis.

[87] Pline, Hist. nat., XXXV, 57, 2.

[88] Pline, Hist. nat., XXXV, 49, 4.

[89] Ibid., 5, 17.

[90] Des pinacothèques. Ce mot était grec, comme l’usage qu’il désignait. Les pinacothèques avaient été d’abord en Grèce attachées aux temples et disposées pour recevoir des tableaux consacrés aux dieux par la piété ; mais à Athènes, près des propylées, se trouvait une salle dont les murs étaient couverts de peintures qui n’avaient rien de religieux, une véritable galerie nationale (Pausanias, I, 22, 6-7 ) ; le Lycée, l’Académie, l’Odéon, étaient, aussi bien que les temples, ornés d’ouvrages des meilleurs artistes. (Strabon, IX, 1, 17.)

[91] Pinacothecas veterum tabulis consuunt. (Pline, XXXV, 2, 1.)

[92] Pline (XXXV, 40, 23) cite parmi ceux dont les tableaux remplissaient les galeries de Rome Denys et Sosipolis, qui, selon M. Brunn (II, p. 304), vivaient dans le dernier siècle avant l’ère chrétienne.

[93] Cicéron, Brutus, I, 75.

[94] Juvénal, Satires, VIII, 100.

Plena domus lune omnis

Et cum Parrhasii tabulis signisque Myronis

Phidiacum vivebat ebur, necnon Polycleti ;

Multus utique labor, rme sine Mentore mensæ.

[95] Plutarque, Lucullus, 39 ; Varron, de R. rust., I, 2, 10.

[96] Drumann, Gesch. Roms, IV, p. 174.

[97] Selon Nibby (R. ant., II, p. 559), au-dessous du bastion de San-gallo.

[98] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 11, 13, 25.

[99] Cette statue était un sculpteur grec nommé Amphistrate. (Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 23.)

[100] Hist. nat., XXXVI, 5, 11-12.

[101] Ibid., 21-22.

[102] Ibid., 40, 6.

[103] Ibid., 19, 32.

[104] Ibid., 9, 1. Près de 250.000 francs, selon Brotier.

[105] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 2. Stéphanoplocos, mot à mot, celle qui tresse des couronnes.

[106] Ibid., 45, 3.

[107] Ibid., 9, 1.

[108] Ex privato in publicum restituisse. (Pline, Hist. nat., XXXV, 9, 1.)

[109] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 6.

[110] Ibid., 19, 42.