L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

DEUXIÈME PARTIE — LA RÉPUBLIQUE

X — LA GRÈCE À ROME DANS L’ART.

 

 

Je n’ai pu suivre dans leurs détails les guerres de Grèce et d’Orient, qui m’auraient entraîné trop loin de Rome, où le titre de ce livre m’a retenu ; mais je puis y constater encore aujourd’hui un résultat de ces guerres, l’importation de l’art grec, signe et mesure de l’influence qu’exerça la civilisation grecque sur la civilisation romaine.

Cette influence fut elle-même le résultat de ce que j’appellerai l’invasion de la Grèce à Rome. Artistes, philosophes, rhéteurs grecs y affluèrent aussitôt que le centre du pouvoir y eut été transporté. Si je ne trouve plus à Rome cette foule qui l’inonda, j’y trouve encore une autre population aussi d’origine grecque, qui précéda ou suivit celle-ci, cette population muette mais expressive de statues venues de la Grèce ou sculptées à Rome, soit par des Grecs, soit par des Romains disciples des Grecs. Dieux, héros, grands hommes devenus citoyens de la ville reine par la présence de leurs images qui la remplissaient tout entière, et dont les survivants peu nombreux en comparaison, y forment encore la réunion la plus considérable en ce genre qui soit dans tout l’univers.

Avant de m’engager dans le récit des événements qui amenèrent la fin de la république, récit qui ne devra pas être interrompu, je vais m’arrêter pour contempler ce grand fait de l’invasion du génie grec manifesté parla présence de l’art grec à Rome, l’étudiant dans les monuments qui sont encore là pour l’attester.

Le point de vue que j’ai adopté et qui fait de cet ouvrage un guide historique autant qu’une histoire, ne me permet pas de suivre l’influence de la Grèce sur les mœurs, les lettres et la philosophie romaine ; il en sera traité ailleurs dans un autre travail (les Origines romaines), qui formera le complément de celui-ci ; mais l’adoption même de ce point de vue me commande d’étudier l’influence que je signale dans les produits de l’art antique qui sont restés à Rome. Je vais faire, pièces en main, leur généalogie et chercher les titres de noblesse de l’art romain. Par là, les statues et les bas-reliefs que renferment le Vatican, les musées du Capitole et de Saint-Jean de Latran, les collections des palais et des villas, acquerront un intérêt indépendant de leur valeur propre, car trop souvent ces œuvres d’art sont comme les descendants des familles illustres, dont la provenance est le plus grand mérite. Cette provenance est ici curieuse à rechercher, et c’est cette recherche que j’ai entreprise. Ce sera encore de l’histoire, l’histoire de l’art à Rome, écrite aussi dans les monuments ; ce sera en même temps un guide à l’aide duquel on pourra s’orienter dans l’étude de ces monuments, rattachés à leur origine et expliqués par elle.

Je me hâte de le dire, une telle étude serait impossible si l’art antique n’avait eu pour principe de reproduire à l’infini les mêmes types en les diversifiant, mais sans les altérer profondément. On peut appliquer aux œuvres de cet art ce qu’a dit Condorcet sur l’unité d’organisation des êtres vivants : constance dans les types, variété dans les modifications.

De plus, il était impossible qu’un artiste médiocre se permît de créer un type nouveau ; s’il avait osé le faire, ce typé n’aurait point prévalu : chaque fois qu’on en trouve un bien caractérisé, on est donc en droit d’affirmer qu’il vient d’un maître, et on doit seulement chercher auquel des grands artistes grecs, dont les Romains reproduisirent constamment les œuvres, il convient de l’attribuer.

L’influence de la Grèce sur Rome ne se manifeste pas seulement dans les imitations de l’art grec par les Romains, mais encore dans les emprunts que la sculpture a faits à la poésie des Grecs. J’aurai soin de signaler les plus frappants, Ainsi les statues et les bas-reliefs nous feront remonter par un double courant à la source grecque, et le grand fait de l’action qu’a exercée le génie hellénique sur le génie romain nous sera deux fois révélé.

Nous pouvons suivre à Rome tout le développement de l’art grec. Il commença par d’informes ébauches, semblables aux monstrueuses idoles des peuples sauvages, s’éleva ensuite de la beauté rude à la beauté fière, descendit à la beauté gracieuse et ne tomba dans la barbarie que lorsque la barbarie eut envahi le monde.

En Grèce, les premiers symboles de la Divinité furent une pierre, une poutre, une colonne. On ne saurait se flatter de retrouver à Rome ces symboles antiques. Rien non plus ne nous est resté des figures barbares par lesquelles on exprimait les types divins primitifs, sauf les statues en gaine et à forme de momie qui représentent la Diane d’Éphèse ; à quelques époques qu’elles appartiennent, elles renouvellent le type primitif de ce symbole de la fécondité universelle. Ici l’art nous a conservé fidèlement le maillot d’où il est sorti.

La déesse est couverte de mamelles et d’animaux sortant de son sein. Presque toujours la matière dont elle est formée, pierre ou métal, est noire ou au moins de couleur sombre[1] pour exprimer qu’elle se confondait avec la Nuit, mère des êtres[2]. Les extrémités et les produits vivants de la déesse sont figurés en marbre blanc pour montrer que la lumière, qui est la condition de la vie, est sortie de cette Nuit.

On peut se former une idée du palladium, image informe de Pallas, au moyen de quelques monuments antiques où il est figuré[3]. Certaines madones très grossières et très vénérées, peuvent aussi donner une idée approximative de ces images sans art auxquelles la dévotion populaire s’attachait de même en raison de leur antiquité.

On voit à Rome de nombreux bas-reliefs exécutés dans le style qu’on nomme archaïque ; mais, pour la plupart d’entre eux, ce style n’est pas original ; il a été imité à une époque comparativement récente. L’imitation est parfois si habile qu’il est difficile de la reconnaître, et souvent on ne l’a pas reconnue. Celui de ces bas-reliefs qui me semble le plus certainement ancien est la prétendue Leucothoé de la villa Albani[4]. Tout me paraît être réellement archaïque dans ce précieux bas-relief, la plus ancienne sculpture qui soit à Rome[5].

Quand les anciens font de l’ancien et on en a fait souvent à Rome dans la sculpture, comme le peintre Overbeck y fait aujourd’hui, avec un grand talent, du moyen âge, cet archaïsme artificiel se trahit soit par l’exécution[6], soit par la matière[7], soit par les accessoires plus modernes que le sujet[8], soit par le sujet plus moderne lui-même que le style[9], soit par des différences de style dans diverses parties de la composition ; car quelquefois le même bas-relief offre juxtaposées des figures appartenant à des âges divers dont on a imité simultanément les caractères successifs[10].

Le goût de l’archaïsme a duré très tard, c’est ce que prouve son emploi dans des sculptures que leur médiocrité, leur lourdeur[11] ou leurs attributs, datant du temps de l’empire, font rapporter à une époque bien postérieure au style dans lequel on les a traitées.

S’il est à Rome une statue antérieure à Phidias, c’est la Pénélope du Vatican. La main gauche, appliquée sur le rocher, forme avec le bras un angle droit et ressemble à un pied ; un imitateur savant de l’archaïsme ancien n’eût point fait cette main-là. C’est l’inexpérience de l’art grec à ses commencements, mais la pose est expressive et il y a déjà dans le style une grande puissance[12].

Une Minerve archaïque de la villa Albani[13] qui fait  pressentir l’époque des sculpteurs d’Égine, ces devanciers de la perfection, fournit aussi un type de l’art grec avant elle et peut-être avant eux[14].

Il n’est plus permis de donner aux bas-reliefs et aux statues archaïques le nom d’étrusques, que leur donnait encore Winckelmann. Ces bas-reliefs et ces statues sont ou veulent paraître d’ancien style grec. Ce style se montre sur les vases dits étrusques parce que ces vases, soit ceux qui ont été trouvés en Étrurie, soit ceux qui proviennent de pays grecs, comme la Grande-Grèce et la Sicile, présentent les types de l’art grec ancien conservés par des artistes grecs, ou qu’ont empruntés des artistes étrusques[15].

En réservant ce qui appartient à l’époque on les types anciens ont été contrefaits, les bas-reliefs imités du stylé archaïque donnent une idée vraie de ce que fut ce style à diverses époques, dans la période qui a précédé le temps de la belle sculpture grecque ; et on acquiert une idée assez juste des œuvres si rarement conservées de cette période, grâce à une suite de pastiches bien faits.

L’un des plus anciens est l’autel qui a la forme d’un puits et où sont figurées les douze grandes divinités. On ne peut douter que ce bas-relief du Capitole ne soit imité de l’ancien style grec. Les douze dieux sont disposés de même sur un autel de forme semblable qui a été trouvé à Corinthe[16], et qui lui-même offrait sans doute une imitation de l’autel des douze dieux au temps des Pisistratides. C’est le style de cette époque antique qu’on a voulu imiter dans le bas-relief romain. Le bas-relief qui porte le nom de Callimaque[17] est dans son archaïsme d’une extrême élégance, qui trahit la contrefaçon. Rien dans ce bas-relief n’appartient à Callimaque ; le style imité est antérieur et le goût d’imitation postérieur à son temps.

On avait cru reconnaître dans les figures féminines du Capitole les danseuses lacédémoniennes dont il fut l’auteur[18] ; mais les danseuses lacédémoniennes étaient des statues, et ceci est un bas-relief[19].

Quelquefois un détail de la composition ou de l’ajustement, un attribut d’origine antique, en présence d’une statue ou d’un bas-relief peu anciens, reporte l’esprit à l’époque primitive de l’art grec. Ainsi Bupalus, un des plus anciens sculpteurs de la Grèce, imagina, nous le savons, de donner à la Fortune le genre de coiffure et de placer dans sa main la corne d’abondance[20] qui sont les attributs de cette déesse dans des statues de l’époque romaine[21]. La pomme fut placée anciennement dans la main de Vénus par un sculpteur d’Égine, Canachus[22], et des ailes furent données très anciennement à la Victoire[23]. Le voile qu’ont des Junons romaines était porté par les vieilles idoles en bois de la déesse.

C’est dans un dessein religieux que l’on reproduisait un type antique et sacré. La Junon Sospita[24] au Vatican conserve la peau de chèvre, les souliers à la poulaine, costume obligé de cette vieille divinité pélasge ; nais, dit Visconti, la disposition de la peau de chèvre qui lui sert de manteau et de la tunique, la symétrie recherchée des plis, rappellent le style ancien ; tandis que la douceur des traits, la délicatesse de l’exécution, font reconnaître la main d’un artiste des derniers temps de la république romaine. D’autres disent même du temps de l’empire.

Opposition piquante entre l’accoutrement de la déesse tel que la tradition religieuse l’avait consacré et les procédés savants d’un art avancé.

Dans un même ouvrage se rencontrent et se touchent, pour ainsi dire, les extrêmes de la sculpture antique.

En étudiant les bas-reliefs archaïques, on voit les imitations du style antique s’en rapprocher ou s’en éloigner plus ou moins. Il s’y montre plus ou moins altéré ou plutôt perfectionné. Les unes sont si voisines de ce style, qu’on peut douter si elles en sont des reproductions ou des types originaux.

Ailleurs, l’intention est encore archaïque, mais le style est plus harmonieux, la roideur des contours et des attitudes est adoucie, les détails sont traités avec un soin extrême ; enfin l’archaïsme se combine avec un sentiment complet de la beauté sans disparaître tout à fait.

Ainsi l’on peut à Rome, par des monuments, la plupart, il est vrai, d’imitation, se faire une idée de ce qu’était l’art grec dans sa première période, et, à travers les monuments qui correspondent aux divers degrés parcourus par lui dans cette période, on s’achemine, pour ainsi dire, vers l’atelier de Phidias.

L’époque qui précède immédiatement Phidias est représentée à Rome soit par des originaux, soit par des imitations.

On a considéré comme un spécimen de cette époque intermédiaire entre la sculpture grecque primitive et la grande époque de Phidias des bas-reliefs[25] qui retracent plusieurs travaux d’Hercule.

Parmi les reproductions artistiques d’œuvres anciennes de la statuaire grecque se rapportant à cette époque, je citerai deux statues qui se voient à Rome.

L’une est incontestablement une copie de l’Apollon Philésien de Canachus, qui tenait un daim[26], L’exécution de cette copie, dont l’original existait au temps de Xerxès, paraît dater de l’empire[27]. C’est encore un témoignage bien frappant de la persistance des types religieux et du style ancien, que la religion perpétuait en les consacrant.

Ménechme, sculpteur, qu’on s’accorde généralement à placer avant Phidias, est cité par Pline[28] comme l’auteur du Taureau pressé par le genou et la tête renversée. Or c’est exactement dans cette attitude qu’on voit très souvent un taureau qu’immole une Victoire ou un Génie.

La Jeune Fille victorieuse à la course[29] semble appartenir encore, par quelques détails, à l’époque qui a précédé Phidias ; mais il y a tant de finesse et tant de grâce dans la ravissante figure, qu’on est tenté d’y voir un souvenir de cette époque, un retour vers elle, et, plutôt qu’un prélude, un écho.

Quelquefois ce retour vers le passé ne se trahit que par une imitation partielle et très légère dans la disposition des cheveux ou dans les plis d’une draperie.

Par ces imitations du style qui a précédé et préparé le style de Phidias, nous arrivons à Phidias.

On peut, à Rome, faire connaissante avec le grand style de Phidias lui-même.

J’oserais attribuer à Phidias ou à un de ses élèves un fragment de bas-relief dont le style est tout à fait semblable à celui des marbres du Parthénon. Il représente un guerrier tombé et un guerrier prêt à frapper[30].

La tête du cheval de bronze du musée Capitolin est aussi très semblable aux têtes de chevaux du Parthénon[31]. Ce sont, avec le bœuf de bronze également au Capitole, trois des belles œuvres de la statuaire grecque transportées à Rome.

Phidias, comme il le dit au sculpteur Panænus, et comme fit plus tard Euphranor, s’était inspiré d’Homère pour créer son Jupiter, le vrai Jupiter ! s’écria en le voyant Paul Émile, et qui a fait dire à un poète de l’Anthologie :

Oui, Phidias avait vu Jupiter, et nous le voyons grâce à lui.

A Rome, une tête colossale[32] révèle la majestueuse beauté du Jupiter d’Olympie, qui, de l’aveu de tous, lui a servi de modèle.

Mais je crois qu’il faut lui donner un peu plus de sévérité pour atteindre au type encore sévère de Phidias[33]. Cette expression grave et douce est-elle bien celle du dieu qui ébranle l’Olympe d’un mouvement de ses noirs sourcils[34] ? Le Jupiter de Phidias a péri à Constantinople par un incendie, mais nous possédons l’original de cet original perdu dans les vers d’Homère, dont il était la copie.

L’attitude du Jupiter Olympien nous est transmise par une statue un peu lourde, mais qui en reproduit la disposition générale assez fidèlement[35]. Pour nous faire une idée de la statue de Phidias, il faut mettre cette tête sur cette statue et donner à celle-ci une hauteur de quarante pieds.

Une des mains du Jupiter Olympien soutenait une Victoire. Rome s’empara de ce signe, qui devint un attribut impérial ; car elle eut, ce qui était un peu honteux, ses empereurs-Jupiter : par exemple, son Tibère-Jupiter[36], après avoir eu son César-Jupiter[37]. On voit aussi Jupiter avec l’aigle et la foudre, comme était un Jupiter d’Olympie[38]. Les inspirateurs de celui-ci furent sans doute le dieu d’Homère, qui se réjouit de la foudre, et le Jupiter de Pindare, sur le sceptre duquel dort l’aigle divin.

Phidias avait reproduit sept ou huit fois, et sous différents aspects, le type de Pallas Athéné, de la déesse chaste, guerrière et civilisatrice, expression de ce que la pensée religieuse des Grecs a conçu de plus intelligent et de plus pur.

Les types des principales Minerves de Phidias, on appelait ainsi à Rome l’allas Athéné, peuvent s’y retrouver encore.

D’abord le type de la Minerve Vierge, la Minerve du Parthénon[39] ; un certain nombre de statues rappellent par divers traits cette Minerve célèbre, dont M. le duc de Luynes a si noblement entrepris et si savamment dirigé la restitution, exécutée par Simard et ingénieusement contrôlée par M. François Lenormant à l’aide d’une statuette que son père avait eu le temps de signaler à Athènes avant d’y mourir. Quelques-unes de ces statues se rattachent directement à Pallas Vierge par le casque, orné comme était le sien d’un sphinx et de griffons ou de chevaux ailés[40], d’autres, qui n’ont plus cette ressemblance, ont encore le serpent prés d’elles, la lance à la main, le bouclier au pied, la tête de Gorgone sur la poitrine[41] ; même là où manquent l’un ou l’autre de ces attributs donnés par Phidias à sa Minerve, l’air sévère et parfois dur du visage[42] rappelle son style et l’expression que devait avoir la Pallas Vierge[43], la joue sévère (torva genis), virile et lançant de dessous son casque un regard glauque, comme le second Philostrate[44] peint une Minerve. Plus cette expression est marquée, plus on est près du caractère que devait avoir la Minerve du Parthénon.

Au sommet de l’Acropole se voyait de loin une Pallas colossale de Phidias, en bronze[45] ; elle levait la lance et présentait le bouclier dans l’attitude du combat. C’était Pallas combattant, promachos ; une foule de statues nous offrent la répétition de cette Pallas[46], telle que les descriptions des anciens et les médailles nous la font connaître[47].

Phidias était aussi l’auteur d’une Minerve qu’on appelait la belle[48]. Lucien vante le contour du visage, la douceur des joues, la beauté du nez : quelque chose de cette beauté douce, avec la force, caractère du temps de Phidias, se montre dans une belle Pallas de la villa Albani[49], un des types les plus remarquables de cette grande époque.

A cette douce Minerve de Phidias se rattachent les Minerves pacifiques, qui ne sont point armées[50] ou ne le sont que partiellement, qui ont pour symbole l’absence de l’égide[51] ou l’égide jetée en écharpe à travers la poitrine[52], qui tiennent le casque à la main ou la lance renversée[53], qui sont vêtues d’un grand manteau ; Minerve alors n’est plus la déesse de la guerre, mais la déesse des travaux paisibles, l’ouvrière, Ergané[54].

Cette Minerve ne combat pas, elle médite, et chez elle la douceur remplace la sévérité ; elle finit même par prendre une physionomie rêveuse, les regards tournés vers le ciel[55].

Aucune Minerve n’ayant égalé la célébrité des Minerves de Phidias, dont une était à Rome, on peut lui attribuer avec vraisemblance l’origine du plus grand nombre, au moins, de celles que renferment les collections romaines. La Minerve voilée, dont il existe un exemplaire, je crois unique, à la villa Albani, a été rattachée par O. Müller à une cérémonie grecque. A Athènes, dans la fête des Plyntèries, on portait une Minerve voilée. L’accoutrement de cette petite figure aurait donc une origine grecque ; il en est certainement de même de la Minerve de la villa Ludovisi, dont l’auteur est nommé, de la Minerve d’Antiochus.

La couronne d’olivier qui entoure le casque d’une Minerve du Vatican[56] indique un souvenir de la Minerve Poliade, qui avait précédé à l’Acropole les Minerves de Phidias, qui était en bois d’olivier, et dans le voisinage de laquelle avait poussé l’olivier sacré sorti de terre à la voix de la déesse.

Avant Pallas qui préside aux arts et aux combats, avant la Minerve hellénique Pallas-Athenè, était la vieille Pallas pélasgique, déesse de la nature, comme toutes les divinités pélasges, déesse aquatique qu’on appelait Tritonide ; il y a une allusion a cette antique Minerve dans une statue de Minerve accompagnée d’une figure de femme marine[57].

L’idéal multiple de Minerve qui a prévalu, étant une création de Phidias, on peut faire remonter jusqu’à lui la forme sous laquelle Rome est ordinairement représentée ; car Rome, quand elle choisit son symbole, s’identifia, et elle en avait ou au moins en avait eu le droit, avec la déesse de la sagesse et de la guerre.

Rome personnifiée, cette déesse à laquelle on érigea des temples voulut d’abord être une Amazone[58], ce qui se conçoit, car elle était guerrière avent tout. C’est sous la forme de Minerve que Rome est assise sur la place du Capitole[59].

Sedet æternumque sedebit.

Au commencement de l’empire, Rome personnifiée apparaît rarement : les premiers empereurs[60] n’aimaient pas l’image de la souveraine qu’ils avaient détrônée ; quand elle fut bien morte, on put sans danger faire son apothéose[61].

Les Amazones nous ramènent à Phidias ; à l’extérieur du bouclier de la Minerve du Parthénon, Phidias avait figuré un combat d’Amazones[62]. La célébrité de la Minerve de Phidias nous autorise à voir en lui le véritable créateur du type des Amazones et des réminiscences de ce combat, tant de fois répété[63], dans les nombreux bas-reliefs où ces vierges belliqueuses sont aux prises avec des guerriers[64]. Quelques-uns sont d’une grande beauté et d’un style grec très pur ; d’autres, dont l’exécution est médiocre et même défectueuse, trahissent leur origine par des intentions admirables[65].

Sur la partie concave du bouclier de la déesse, Phidias avait ciselé la guerre des géants contre les dieux[66], sujet répété sur deux bas-reliefs du Vatican[67]. On croit qu’il décorait le fronton du Panthéon[68].

Enfin sur les sandales de Minerve, Phidias avait trouvé place pour un combat de Centaures et de Lapithes[69], tels que nous les montrent un bas-relief et une mosaïque du Vatican[70], qui nous retracent des scènes reproduites souvent par l’art grec, et que la poésie d’Hésiode avait sculptées sur le bouclier d’Hercule[71].

Les nombreux Esculapes qu’on voit dans les galeries de Rome, et qui se ressemblent beaucoup, peuvent être ramenés à deux classes, les Esculapes assis et les Esculapes debout. Les Esculapes assis dérivent, je pense, de l’Esculape de Phidias.

Phidias fit pour le temple d’Épidaure une statue d’Esculape en or et en ivoire. Cette statue était assise[72]. Le renommé et de l’auteur du lieu doit avoir fourni le type dominant, surtout dans l’origine, du dieu d’Épidaure.

Les Esculapes debout reproduisent très exactement, nous le verrons en son lieu, l’Esculape de Pyromaque, sculpteur postérieur à Alexandre, tel que le représentent, d’après sa statue, les médailles de Pergame.

Toutes ces statues, d’après Phidias ou Pyromaque, sont anonymes ; le seul Esculape dont on connaisse l’auteur est médiocre, et cet auteur est un sculpteur inconnu, Assalectus[73].

Habent sua fata...

L’Esculape d’Épidaure tenait d’une main un bâton, l’autre était posée sur la tête d’un serpent[74], symbole de la vie qu’Esculape conservait, rendait, et même, ceci semble une épigramme, ôtait quelquefois[75] ; aux pieds du dieu était un chien qui a disparu dans les reproductions successives d’Esculape[76].

Hygie, déesse de la santé, est souvent associée à Esculape. Les Romains durent accueillir avec une faveur particulière le culte de cette déesse, qui, avant l’importation d’Esculape venu chez eux d’Épidaure sous la forme d’un serpent, figurait déjà dans leur religion sous le nom de la déesse sabine de la santé, Salus[77]. L’association de ces divinités semble avoir été propagée par Scopas, qui la reproduisit deux fois[78], et par Bryaxis[79], son contemporain. La première statue d’Hygie dont il soit fait mention est celle du sculpteur Denys, offerte à Olympie par Smicythus[80] pour la guérison de son fils, malade de la poitrine. Hygie trouvait naturellement sa place dans une telle offrande. Elle fut pour ainsi dire enfantée à l’art par l’amour paternel. Quand on sait cela, on ne peut regarder une statue d’Hygie sans quelque attendrissement.

L’art grec fut encore autrement le père d’Hygie, sous la forme qu’on adopta souvent depuis sur les monuments, celle d’une femme donnant à boire à un serpent dans une coupe. Car cette composition fut d’abord celle de la Minerve-Hygie, qui était honorée à l’Acropole d’Athènes[81] ; dans un bas-relief du Vatican[82], on reconnaît au casque décoré du sphinx, des chevaux ailés et à l’égide que c’est bien Minerve et la Minerve de Phidias, laquelle remplit un office analogue auprès du serpent Érichthonius[83]. On ôta à Minerve son casque, on la dépouilla de l’égide ; le serpent Érichthonius fut remplacé par le serpent d’Esculape, symbole de la vie, et c’est ainsi que la Minerve de Phidias, qui était une Minerve-Hygie, fut transformée en Hygie, telle que nous la montrent les statues et les bas-reliefs de Rome[84].

Hygie devint ainsi une jeune fille gracieuse, debout prés d’Esculape assis et posant, avec une aimable familiarité, sa main sur l’épaule du dieu ; la santé s’appuie sur celui qui la soutient.

Un grand nombre de sculpteurs grecs consacrèrent leur ciseau à reproduire après Phidias et Scopas, et d’après eux, l’image d’Esculape[85], secourable divinité à laquelle dut s’attacher une dévotion universelle comme les maux dont on croyait lui devoir la guérison. Le nombre de ces statues dans les musées de Rome donne une idée du nombre bien plus grand encore de celles qu’avait multipliées la religion de la douleur et de la reconnaissance.

On y voit aussi des tablettes votives, des ex-voto, comme on dit aujourd’hui, offrandes faites à la suite d’une prière exaucée, et inspirées par le sentiment qui couvre de figures en cire des membres guéris, et de tableaux représentant les accidents funestes et les secours merveilleux, les murs des chapelles où sont invoquées certaines madones en renom.

Cet usage moderne est antique ; cet usage, qui fut romain et auquel les auteurs latins font plus d’une allusion, était grec. Un bas-relief dont j’ai parlé tout à l’heure[86], et qui est venu de Grèce, en fait foi ; sur ce bas-relief grec, comme sur plusieurs bas-reliefs romains, une famille vient implorer Esculape et Hygie. M. Schnetz avait vu sans doute une famille de paysans romains invoquer la madone au lieu d’Hygie, quand il a fait un de ses meilleurs ouvrages[87]. Ailleurs c’est Esculape qui apparaît à un homme couché[88] ou assis, comme les saints apparaissent dans les ex-voto modernes à des malades pour leur annoncer leur guérison ; ou bien Mercure présente au dieu de la médecine le malade qui s’agenouille dévotement devant lui[89] ; comme, dans les ex-voto modernes, des saints où la Vierge présentent à Dieu le donataire à genoux. Le plus gracieux de ces actes de piété est le vœu d’une jeune mariée à Hygie[90] que son nouvel état la porte à implorer ; le plus touchant est une prière écrite en grec sur la base d’une petite statue d’Esculape, et dans laquelle un père demande au dieu de conserver la santé de ses enfants[91].

Sur un de ces bas-reliefs, Mercure présente un homme agenouillé à Esculape, auquel il rend grâces de sa guérison. Ce qui est exprimé par la présence des trois Grâces, dont le nom en grec avait, ainsi qu’en français, le double sens de bienfait et de reconnaissance pour un bienfait. Enfin on trouve la figure des membres guéris eux-mêmes : un bon nombre d’yeux, de mains, de pieds, etc., ont été découverts dans l’île Tibérine, près du temple d’Esculape, qui paraît en avoir été aussi bien pourvu que pas une église de Rome[92]. On voit au Vatican un pied entouré par un Serpent[93], dont Esculape avait sans doute rendu la morsure innocente ; on y voit aussi l’empreinte de deux pieds[94] semblable à celles que j’ai remarquées souvent en Égypte, et qui, dans l’un et l’autre pays, indiquait, je pense, un pèlerinage accompli.. Rome, le but de ce pèlerinage était probablement le temple d’Esculape, auquel on était venu demander une guérison. Enfin on croit qu’une statuette d’enfant[95] représente un enfant votif.

L’imitation du grand style de Phidias est visible dans plusieurs sculptures qu’il a inspirées[96], et sur tout dans les colosses de Castor et Pollux, domptant des chevaux, qui ont fait donner à une partie du mont Quirinal le nom de Monte Cavallo.

Il ne faut faire aucune attention aux inscriptions[97] qui attribuent un des deux colosses à Phidias et l’autre à Praxitèle, Praxitèle dont le style n’a rien à faire ici ; son nom a été inscrit sur la base de l’une des deux statues, comme Phèdre le reprochait déjà à des faussaires du temps d’Auguste, qui croyaient augmenter le mérite d’un nouvel ouvrage en y mettant le nom de Praxitèle[98]. Quelle que soit l’époque où les colosses de Monte Cavallo ont été exécutés[99], malgré quelques différences, on doit affirmer que les deux originaux étaient de la même école, de l’école de Phidias[100].

II y a Rome d’autres Dioscures moins beaux que ceux de Monte Cavallo, le Castor et le Pollux, qui sont au haut de la rampe du Capitole. Comme le temple de Jupiter Tonnant était près de là, et que ce temple renfermait un Castor et un Pollux du sculpteur grec Hégias ou Hégésias[101] ; on lui a attribué le Castor et le Pollux du Capitole, mais ces statues n’ont rien de la dureté et de la sécheresse reprochées à Réglas par Quintilien et Lucien[102]. D’ailleurs elles ont été trouvées loin du temple de Jupiter Tonnant et du Capitole[103], où le hasard seul les a amenées.

A Rome, il est des bas-reliefs qui rappellent le sentiment du beau parfait et le grand calme dont sont empreintes les processions de jeunes filles sculptées sur les métopes du Parthénon[104] ; l’un d’eux surtout qu’on a interprété diversement et qui ne sera jamais pour moi autre chose que la Séparation d’Orphée et d’Eurydice[105].

Les deux époux vont se quitter. Eurydice attache sur Orphée un profond regard d’adieu. Sa main est posée sur l’épaule de son époux, geste ordinaire dans les groupes qui expriment la séparation de ceux qui s’aimaient. La main d’Orphée dégage doucement. celle d’Eurydice, tandis que Mercure fait de la sienne un léger mouvement pour l’entraîner. Dans ce léger mouvement est tout leur sort, l’effet le plus pathétique est produit par la composition la plus simple ; l’émotion la plus pénétrante s’exhale de la sculpture la plus tranquille.

Il aurait fallu nommer avant Phidias Calamis, qui le précéda de quelques années. Une des compositions de Calamis ne doit pas être oubliée à Rome, car ce sujet païen a été adopté par l’art chrétien des premiers temps. Les représentations du Bon Pasteur rapportant la brebis, expressions touchante de la miséricorde divine, ont leur origine dans le Mercure porte-bélier[106] (Criophore). Quelquefois c’est un berger qui porte un bélier, une brebis ou un agneau[107] ; l’on se rapproche ainsi de l’idée du bon pasteur. En général, le bon pasteur, dans les monuments chrétiens, porte une brebis, la brebis égarée de l’Évangile ; mais quelquefois aussi il porte un bélier[108], et alors le souvenir de l’original païen dans la composition chrétienne est manifeste.

Ce n’est pas le seul emprunt qu’ait fait à l’art païen l’art chrétien. Les enfants qui foulent le raisin, tels qu’on les voit dans les mosaïques de l’église de Sainte-Constance, les bas-reliefs de son tombeau et ceux de beaucoup d’autres tombeaux chrétiens sont bien d’origine païenne, car on les voit aussi figurer dans des bas-reliefs où paraît Priape[109]. Enfin quand il fallut re présenter la baleine qui engloutit Jonas, les naïfs artistes des catacombes, qui n’avaient jamais vu de baleine, adoptèrent, pour représenter le cétacé inconnu, la figure d’un animal fantastique, figuré souvent sur les sarcophages païens avec une tête de serpent, un corps et une queue de poisson. Myron, qui excellait à reproduire le caractère des animaux réels, avait aussi représenté cet animal fantastique que les anciens nommaient Pristis[110].

Les deux principaux élèves de Phidias furent Alcamène et Agoracrite. Alcamène, que Lucien met sur la même ligne que son maître. Le premier représenta la triple Hécate dans un groupe de statues colossales, c’est-à-dire forma une triade composée de la lune, de Diane et d’Hécate, exprimant ainsi l’unité de la vie céleste, terrestre et souterraine. Rome renferme plusieurs copies réduites de la triade colossale d’Alcamène[111].

L’une des trois figures tient la clef du monde infernal. Proserpine la tenait dans le temple de Junon à Olympie[112] ; on la plaçait aussi aux mains de Pluton en signe de son empire. Ce signe d’un pouvoir sur le monde invisible s’est conservé à Rome dans les trois clefs qui ouvrent ou ferment les trois mondes invisibles.

Alcamène est le plus ancien auteur connu d’une statue de Vulcain, ce dieu disgracieux que l’art a aussi peu favorisé que l’hymen, car ses images sont rares ; son accident, je parle de celui qui le rendit boiteux, offrait un obstacle à la sculpture. A cet égard l’art grec, qui savait tout embellir, avait fait un tour de force par la main d’Alcamène. Le Vulcain d’Alcamène était boiteux, et ce défaut ne choquait point[113]. Quant à Euphranor, il prit hardiment son parti pour la religion du beau dans l’art contre l’orthodoxie mythologique ; son Vulcain ne boitait pas[114]. Sur l’autel rond du Capitole, le sculpteur a fait comme Euphranor, Vulcain ne boite pas du tout.

Je ne sais si l’on trouverait à Rome une statue de Vulcain, mais les fables grecques qui se rapportent à ce dieu sont reproduites sur plusieurs bas-reliefs. On le voit forgeant les armes d’Achille[115].

L’aventure de Vénus et de Mars dans laquelle Vulcain était intéressé, et qu’Homère n’a pas dédaigné de raconter, a amusé le ciseau de plus d’un sculpteur dans l’antiquité ; elle figure sur un monument singulier[116] qui semble consacré aux prouesses amoureuses de deux divinités dont les exploits en ce genre étaient liés aux origines de Rome : Vénus, mère d’Énée, et Mars père de Romulus.

Une petite statue du Vatican[117] rappelle une curieuse anecdote dont le héros est Agoracrite. Alcamène et lui avaient fait chacun une statue de Vénus. Celle d’Alcaméne fut jugée la meilleure par les Athéniens. Agoracrite, indigné de ce qui lui semblait une injustice, transforma la sienne en Némésis[118], déesse vengeresse de l’équité violée, et la vendit aux habitants du bourg de Rhamnus, à condition qu’elle ne serait jamais exposée à Athènes. Ceci montre combien sa Vénus avait gardé la sévérité du type primitif. Ce n’est pas de la Vénus du Capitole ou de la Vénus de Médicis qu’on aurait pu faire une Némésis. Némésis avait pour emblème la coudée, signe de la mesure que Némésis ne permet point de dépasser, et l’avant-bras était la figure de la coudée, par suite, de la mesure[119]. C’est pourquoi quand on représentait Némésis on plaçait toujours l’avant-bras de manière à attirer sur lui l’attention. Dans la Némésis du Vatican la donnée sévère est devenue un motif aimable. Cet avant-bras, qu’il fallait montrer pour rappeler une loi terrible, Némésis le montre en effet, mais elle s’en sert avec grâce pour rattacher son vêtement[120].

Suivant une tradition intéressante et peu vraisemblable, les Perses auraient apporté un bloc de marbre pour élever un trophée à la victoire qu’ils espéraient remporter à Marathon, et Phidias[121] aurait taillé dans ce bloc insolent une statue de la déesse qui punit la présomption et abaisse l’orgueil. Plusieurs pièces de l’Anthologie célèbrent ce triomphe éclatant et vengeur de Némésis.

J’ai eu occasion dans cette histoire de rappeler que Phidias ou Agoracrite, son élève, avait représenté Cybèle[122]. C’est selon toute vraisemblance cette Cybèle de Phidias ou d’Agoracrite qu’on voit assise entre deux lions au Vatican, et très postérieurement figurée sur des sarcophages, car on a dû, dans cette composition souvent répétée, imiter un original célèbre[123].

Le rival de Phidias fut Polyclète, dont on comparait la Junon au Jupiter Olympien. Ces deux grands sculpteurs concoururent ensemble et Polyclète l’emporta. Le sujet proposé était une Amazone[124]. Rome possède trois répétitions d’une Amazone, qui est vraisemblablement celle de Polyclète[125], car c’est l’ouvrage victorieux qui a dû être le plus souvent reproduit. On a supposé que cette Amazone tenait un arc ; mais les Amazones n’ont jamais d’arc sur les bas-reliefs, bien que cette arme leur soit donnée par les poètes grecs : l’arc faisait mieux dans un vers que dans une statue. Une pierre gravée a permis à M. O. Müller de retrouver l’attitude véritable de l’Amazone de Polyclète : elle tenait une lance ou un grand bâton pour le saut ou plus proprement pour la voltige[126].

Une autre Amazone, dont il y a aussi trois répétitions à Rome[127], nous fait connaître l’œuvre d’un troisième concurrent. Nous savons que ce concurrent, nommé Ctésilas ou plutôt Crésilas, était l’auteur d’une Amazone blessée. Les trois Amazones blessées de Rome ne peuvent être que des copies de la célèbre Amazone de Crésilas[128].

Sur l’une d’elles est inscrit le nom de l’auteur de la copie, c’était un Grec appelé Sosiclès.

Les statues d’Amazones, pas plus que les Amazones des bas-reliefs, n’offrent jamais cette monstruosité du sein coupé, née d’une étymologie douteuse du mot Amazone, et que l’art antique a toujours repoussée ; tout au plus y faisait-il, en voilant un des seins des Amazones, une discrète allusion.

Phidias avait créé le type de Jupiter, Polyclète créa le type de Junon. Il a attaché son nom à cette conception qui lui appartient, par sa Junon colossale en or et en ivoire[129], comme était le Jupiter Olympien de Phidias, mais Alcamène[130] aussi avait fait une Junon. Alcamène fut le disciple de Phidias et son collaborateur au Parthénon ; l’idéal de Junon sortit donc primitivement, sinon de la main au moins de l’atelier de Phidias. Phidias lui-même[131] avait mis une Junon dans le bas-relief en or qui décorait le trône de Jupiter Olympien.

A Rome, une Junon surpasse toutes les autres par son aspect et rappelle la Junon de Polyclète par sa majesté[132] : c’est la célèbre Junon Ludovisi[133] que Gœthe admirait tant, et devant laquelle dans un accès de dévotion païenne, seul genre de dévotion qu’il ait connu à Rome, il faisait, nous dit-il, sa prière du matin.

Cette tête colossale de Junon offre bien les caractères de la sculpture de Polyclète : la gravité, la grandeur, la dignité ; mais ainsi que dans d’autres Junons qu’on peut supposer avoir été sculptées à Rome, l’imitateur de Polyclète, on doit le croire, adoucit la sévérité, je dirai presque la dureté de l’original, telle qu’elle se montre sur les médailles d’Argos, et celles d’Élis. La Junon de Polyclète devait exprimer quelque chose de cette âpreté conjugale[134] qui caractérise l’épouse grecque, depuis la hautaine Clytemnestre jusqu’à l’acariâtre Xantippe. La femme romaine, plus dépendante du mari, lui était plus soumise. Aussi parmi les Junons romaines, s’il en est qui conservent un air assez dur[135], trait caractéristique qui ne pouvait manquer à la Junon grecque, ce caractère est atténué chez la plupart d’entre elles[136] ; elles sont majestueuses sans être dures, et en général d’une majesté un peu pesante, comme est souvent la beauté des femmes romaines.

Junon était surtout pour les Romains la déesse du mariage, la matrone divine, la reine auguste du foyer. La Junon Téléia, qui en Grèce présidait au mariage, dut être bien accueillie à Rome, où Junon remplissait les mêmes fonctions sous le nom de Pronuba, et où il y avait un vieil autel de Junon Juga (celle qui joint) ; c’est la Junon Téléia qui doit plus que toute autre avoir fourni le type des Jutions romaines. Ce type est surtout reconnaissable dans une Junon du Vatican[137], qui est voilée comme l’était Junon Pronuba.

Junon allaitant Mars[138] est un sujet très romain, car ici Junon est la mère de famille, et Mars sera le père de Romulus. Il est impossible à Rome de ne pas remarquer la ressemblance tout extérieure de ce groupe avec le groupe si fréquemment rencontré de la Vierge et du divin enfant ; mais Junon mère et nourrice n’a rien et ne pouvait rien avoir de l’expression touchante que les grands artistes italiens ont donnée à la Vierge-Mère. La Vierge représentée dans les plus anciennes Catacombes, par sa pose majestueuse et tranquille se rapproche ou plutôt est encore voisine de cette Junon.

Winckelmann a cru retrouver dans deux figures en terre cuite de la villa Albani[139] une reproduction de deux petites canéphores en bronze de Polyclète, que la cupidité de Verrès avait transportées à Rome[140] ; mais leur style est plus ancien que celui de Polyclète, on pourrait plutôt les retrouver dams les canéphores en marbre de la même villa ; l’eximia venustas, dont parle Cicéron, leur convient très bien, de même qu’on découvre toute la majesté du style de Phidias dans la cariatide du Vatican[141].

Je suis bien tenté de rapporter à un original de Polyclète, qui aimait les formes carrées, le Mercure du Belvédère, qui n’est pas très svelte pour un Mercure[142]. On a cru reconnaître que les proportions de cette statue se rapprochaient beaucoup des proportions prescrites par Polyclète[143]. Poussin, comme Polyclète, ami des formes carrées, déclarait le Mercure, qu’on appelait alors sans motif un Antinoüs, le modèle le plus parfait des proportions du corps humain ; il pourrait à ce titre remplacer jusqu’à un certain point la statue de Polyclète, appelée la règle, parce qu’elle passait pour offrir ce modèle parfait, et faisait règle à cet égard. De plus, on sait qu’un Mercure de Polyclète avait été apporté à Rome[144]. Des formes robustes convenaient d’ailleurs à Mercure, qui, en Grèce, présidait aux palestres, où l’on plaçait sa tête au-dessus d’une gaine[145] ; l’abondance de ces Hermès fit donner leur nom à toutes les statues de ce genre qui devinrent à Rome l’ornement des villas antiques et où elles ornent encore fréquemment les villas modernes. Les Hermès, comme la palestre qu’ils décoraient, avaient une origine grecque ; leur forme était un souvenir des statues de l’époque ancienne avant le dégagement des membres.

Une des œuvres les plus célèbres de Polyclète était le Diadumenos[146] : un jeune homme attachant un bandeau autour de sa tête, attitude gracieuse que Phidias avait déjà donnée au beau Pantarcès, dont il avait placé, l’image à Olympie, au pied du trône de Jupiter[147].

Cette composition de Polyclète est fidèlement reproduite dans une statue du palais Farnèse[148] ; on la reconnaît dans un torse mutilé de la villa Borghèse[149] et sur un cippe funèbre du Vatican, par une allusion au nom de celui à qui le cippe a été érigé, et qui s’appelait Diadumenus[150].

On peut donc, à Rome, se faire, en rapprochant ces trois reproductions certaines du Diadumenos de Polyclète et du Pantarcès de Phidias, se former, au moins sous le rapport de la composition, une idée exacte de ces chefs-d’œuvre perdus.

L’enfant qui tient des osselets et semble craindre qu’on ne les lui enlève[151] a sans doute été détaché par un copiste du groupe fameux des deux Enfants nus jouant aux osselets de Polyclète[152], comme la Jeune Fille aux osselets, maintenant dans notre collection du Louvre, a pour origine une des deux filles de Pandarus, que Polygnote avait peintes occupées à ce jeu[153]. Quand la peinture[154] et la poésie[155] antiques ont représenté l’Amour et Ganymède faisant une partie d’osselets, elles l’ont fait sans doute d’après Polyclète.

Il n’y a pas une statue dont l’original soit connu avec plus de certitude que le discobole[156]. Cet original fut l’Athlète lançant le disque de Myron.

C’est bien la statue se contournant avec effort dont parle Quintilien[157] ; en effet, la statue, penchée en avant et dans l’attitude du jet[158], porte le corps sur une jambe, tandis que l’autre est traînante derrière lui. Ce n’est pas la main, c’est la personne tout entière qui va lancer le disque.

Outre le discobole du Vatican et celui du palais Massimi[159], il existait à Rome une troisième reproduction de l’œuvre de Myron : un sculpteur français, Monot, en a fait un guerrier tombé sur le genou en combattant[160], contresens bizarre dans une traduction trop libre de l’antique faite à la manière des traductions du temps de Monot.

A côté du discobole penché en avant, on en a placé un autre debout[161], dont l’inventeur peut être Naucyde[162] ; son discobole n’est point dit, comme celui de Myron, lancer le disque ; il pouvait donc être debout[163] et le tenir à la main.

Tout le monde a remarqué dans le musée du Capitole[164] une vieille femme serrant des deux mains une bouteille, la bouche entr’ouverte, les yeux mourants tournés cers le ciel, comme si, dans la jubilation de l’ivresse, elle savourait le vin qu’elle vient de boire. Comment ne pas voir dans cette caricature en marbre une reproduction de la Vieille Femme ivre de Myron, qui passait pour une des curiosités de Smyrne[165].

Myron, célèbre, comme chacun sait, par son habileté à rendre le caractère des animaux, montra, avant Lysippe, et sa vieille femme ivre le prouve, une tendance prononcée au naturalisme[166], ce qui est bien remarquable chez un contemporain et un condisciple de Phidias. De même aussi que Lysippe, Myron semble avoir eu une prédilection pour le dieu qui personnifiait la force physique, pour Hercule.

On cite de Myron trois Hercules[167], dont deux à Rome ; l’un de ces derniers a probablement servi de modèle à l’Hercule en bronze doré du Capitole.

Cette statue a été trouvée dans le marché aux Bœufs (Forum Boarium), non loin du grand cirque. L’Hercule de Myron était dans un temple élevé par Pompée et situé près du grand cirque[168] ; mais la statue du Capitole, dont le geste est maniéré, quel que soit son mérite, n’est pas assez parfaite pour qu’on puisse y reconnaître une œuvre de Myron. Peut-être Pompée n’avait placé dans son temple qu’une copie de l’un des deux Hercules de Myron et la donnait pour l’original ; peut-être aussi Pline y a-t-il été trompé. La vanité que l’un montra dans tous les actes de sa vie et le peu de sentiment vrai que trahit si souvent la vaste composition de l’autre s’accordent également avec cette supposition et la rendent assez vraisemblable[169]. Il y avait au même lieu un Hercule appelé l’Hercule triomphal, plus ancien que Myron, car on disait qu’il avait été consacré par Évandre.

Myron excellait à représenter les animaux par des statues, comme Vicias par des peintures ; sa Vache surtout était célèbre[170], dont le mérite de naturel et de vérité, le plus frappant pour la foule, a été célébré à l’envi par les épigrammes de l’Anthologie[171].

D’abord dans l’Agora d’Athènes, elle fut transportée, entre l’époque de Cicéron et celle de Pausanias[172], à Rome, où, au sixième siècle, Procope la vit encore[173].

Visconti a cru retrouver au Vatican une copie de la vache de Myron[174], mais elle n’est pas digne de cette origine. Une vache du musée de Saint-Jean de Latran (salle VII), bien que l’exécution soit loin d’en être parfaite, me paraîtrait mieux mériter un tel honneur. Elle a cet œil effaré qu’a souvent été exposé à remarquer le voyageur, dans les vaches rencontrées au milieu de la campagne romaine, s’enfuyant à son passage et ne tardant pas à revenir sur lui.

Le bœuf de bronze venu d’Égine, et placé dans le marché aux Bœufs, était-il de Myron ? On n’a pour le croire qu’une faible probabilité. C’est que Myron, qui était célèbre dans l’airain, employait de préférence le bronze d’Égine, comme Polyclète le bronze de Délos[175].

Le bœuf de bronze du Capitole, dont j’ai déjà parlé, est assez beau pour être de Myron[176]. Ce bœuf a été trouvé, il est vrai, loin du Forum Boarium, sur l’autre rive du Tibre, mais il pouvait y avoir, été transporté par un des deux ponts qui réunissaient ce marché à la rive opposée. De ce côté étaient plusieurs jardins ou villas, entre autres les jardins de Geta, qui, après sa mort, appartinrent à Caracalla, son frère et son meurtrier. Caracalla n’était pas homme à se gêner pour dépouiller un marché public au profit d’une villa impériale.

Le bœuf du Capitole peut être aussi un des quatre bœufs en, bronze qu’Auguste avait placés devant le temple d’Apollon Palatin[177].

La Salle des animaux, au Vatican est comme un musée de l’école de Myron ; le naturel parfait qu’il donna à ses représentations d’animaux y éclate partout. C’est une sorte de ménagerie de l’art, et elle mérite de s’appeler, comme celle du Jardin des Plantes, une ménagerie d’animaux vivants[178].

Ces animaux sont pourtant d’un mérite inégal parmi les meilleurs morceaux on compte des chiens qui jouent ensemble avec beaucoup de vérité, un cygne dont le duvet, un mouton tué dont la toison sont très bien rendus, une tête d’âne très vraie et portant une couronne de lierre, allusion au rôle de l’âne de Silène dans les mystères bachiques.

Hors de cette salle est un chien qui pourrait bien nous offrir une copie du célèbre chien léchant sa blessure[179] qui devait être de Myron ou de Lysippe ; car sa perfection était si grande, que les gardiens du temple de Junon sur le Capitole, où il avait été placé, en répondaient sur leur tête.

Des animaux, sans être d’après Myron, peuvent avoir eu un modèle grec. Un lion du Vatican rappelle par son altitude celle des lions de Venise[180], apportés du Pirée, dont la provenance grecque n’est pas douteuse.

Au contraire, une origine grecque est invraisemblable pour certains animaux moins connus des Grecs que des Romains. Ceux-ci en devaient la notion aux jeux de l’amphithéâtre[181] ou de la naumachie. Les crocodiles, les rhinocéros, les éléphants, ont dû être copiés d’après nature ; ils l’ont été souvent très inexactement. Ceux qui ont eu l’occasion de voir des crocodiles ne sont point contents de leurs portraits romains. Une tête de rhinocéros est tout à fait de fantaisie[182].

En continuant nos promenades à travers les musées de Rome, nous ferons un second pas dans l’histoire de l’art grec. Nous avons vu l’énergique roideur qui caractérise l’époque primitive, la grandeur et la majesté chez Phidias et Polyclète, la nature chez Myron. Nous allons voir arriver le mouvement et le pathétique avec Scopas, l’auteur de Niobé et des Niobides.

En effet, c’est à Scopas qu’appartient la pensée de cette grande composition, formée de statues. dispersées dans tons les musées de l’Europe, dont les plus nombreuses, sinon toutes les plus belles[183], sont à Florence, après avoir été à Rome, dans la villa Médicis.

Pline (H. n., XXXVI, 5, 16) ne savait s’il devait attribuer les Niobides à Scopas ou à Praxitèle. Je me décide, avec Schlegel et Wagner, pour Scopas[184]. Sans sortir de Rome, nous apprendrons à trop bien connaître le charmant génie de Praxitèle pour pouvoir le retrouver dans l’expression profonde de douleur héroïque et de désespoir sans abattement empreinte au front de Niobé, la jeune fille se pressant contre le sein de sa mère n’a pas la délicatesse exquise des compositions enchanteresses de Praxitèle. Praxitèle fut le sculpteur de la grâce et Scopas le sculpteur de l’expression[185].

Les statues de Niobé et de ses enfants, qui sont à Florence, la plupart du moins, ont été trouvées à Rome, près de Saint-Jean de Latran, là où les Plautii Laterani eurent leur magnifique demeure et leurs jardins, horti Laterani, qui ont donné à la basilique sort nom.

Peut-être elles ornaient la villa de Plautius Lateranus, dans laquelle il conspira, avec Pison et Lucain, contre Néron. Le spectacle de divinités vengeresses punissant l’orgueil dut les exciter à le frapper sur le trône.

Les statues de Scopas décoraient très probablement le fronton d’un temple[186] et d’un temple d’Apollon[187].

Mais les copies de Florence, trouvées la plupart près de Saint-Jean de Latran, ont pu être employées à orner une demeure privée, surtout une demeure magnifique, comme celle des Laterani[188].

L’œuvre de Scopas rappelait elle-même des œuvres plus anciennes qui avaient pu lui servir de modèle. Phidias avait sculpté la même scène au-devant d’un des pieds du trône de Jupiter à Olympie[189]. A Rome, on peut rapporter à la composition des Niobides une des filles de Niobé protégeant son frère, et un frère soutenant sa sœur qui s’affaisse à ses pieds[190], un Niobide tombé sur un genou[191], un Niobide et une Niobide penchée[192] fuyant[193], et des têtes de Niobé et de Niobides éparses dans diverses collections, quelquefois fort belles[194], enfin d’assez nombreux bas-reliefs représentant la Vengeance d’Apollon et Diane, sur lesquels nous reviendrons b propos des bas-reliefs dramatiques.

Ce qui était propre au génie de Scopas, ce que nous pouvons reconnaître encore dans les compositions qu’il a inspirées, c’est l’expression, le mouvement, avec un sentiment de la beauté qui n’abandonnait jamais le grand artiste. Tel il se montra dans les Niobides, tel aussi sans doute dans ce magnifique ensemble de divinités marines et d’êtres océaniques[195] faisant cortége aux fils de Pélée et l’accompagnant à l’île ou aux îles des Bienheureux[196], qui a été si souvent reproduit partiellement par des bas-reliefs, des mosaïques, quelquefois des statues, et jusque sur des cuirasses, en guise d’ornement.

Les bas-reliefs décorent des sarcophages, et j’en parlerai en parlant des sarcophages. Parmi les mosaïques, je citerai la plus considérable de celles qui existent, la magnifique mosaïque du Vatican.

Les statues qui représentent des néréides assises sur des dauphins ou emportées par des tritons ou des centaures marins sont évidemment des groupes détachés de la grande composition de Scopas[197].

Je mentionnerai particulièrement le joli torse d’une néréide assise, dans la cour du Belvédère, près de l’entrée de la Salle des animaux, pour avoir occasion de dénoncer et de flétrir l’indignité du mutilateur, qui, entre deux visites que j’ai faites au Vatican, a cassé les pieds de cette néréide, des pieds charmants, pour les emporter. Vol stupide !

Les tritons, soufflant dans leur conque, expriment le bruit des vents[198], et leur fougue l’impétuosité des vagues.

L’ardeur des tritons de Scopas, emportant les nymphes de la mer, est arrivée jusqu’à ceux de Raphaël dans sa belle fresque de Galathée[199], où l’inspiration de Scopas, transmise à Raphaël par les bas-reliefs et les mosaïques, vit encore ; jusqu’à ceux des Carraches dans leur chef-d’œuvre, les fresques du palais Farnèse, où la licence païenne est portée plus loin que dans les originaux païens eux-mêmes.

D’autres statues peuvent dériver de la grande composition maritime de Scopas. Telles sont celles qui représentent l’Océan[200] ; tel est le Palémon, assis sur un dauphin[201], de la villa Borghèse, d’après lequel a été évidemment conçu le Jonas de l’église de Sainte-Marie du Peuple, qu’on attribue à Raphaël[202]. Ainsi, à Rome, les créations de l’art grec peuvent être suivies, non seulement dans les œuvres de l’antiquité, mais jusque dans les productions de l’art moderne ; on n’a qu’à aller du Vatican à la Farnésine et de la villa Borghèse à l’église de Sainte-Marie du Peuple, qui en est tout proche, pour voyager de Scopas à Raphaël.

Neptune devait faire partie de cet ensemble de divinités marines qu’on plaça dans son temple[203]. Il ne devait pas y figurer, comme le dieu violent d’Homère, qui ébranle la terre, qui brise les rochers, et que, pour cette raison, l’on représente armé de son trident, un pied sur un rocher[204] ou une proue de navire, attitude par laquelle on voulait exprimer la force, car on l’a donnée aussi, à Melpomène. Le Neptune que Scopas avait placé dans le cortège d’Achille devait être plutôt un dieu paisible et secourable aux nautoniers, favorable aux pécheurs, et, à ce titre, portant dans sa main un dauphin[205], dont la rapidité exprimait celle de la marche du dieu, tel que nous le fait voir un bas-relief du Vatican.

Ce Neptune semble glisser sur les ondes. Ainsi Neptune avait été reproduit comiquement par un ancien peintre grec, Cléanthe, dans une Naissance de Minerve, tableau où il avait placé Neptune apportant un thon à Jupiter qui gémissait dans les douleurs de l’enfantement[206], sujet traité sérieusement sur des bas-reliefs[207] et avec sublimité par Pindare, quand il représente Minerve s’élançant du front de Jupiter et poussant un immense cri dont le ciel et la terre sont épouvantés[208].

C’est de ce Neptune que doivent dériver la plupart des bustes[209] dont les cheveux semblent mouillés, dont la bouche ouverte exprime la grande voix de la mer et semble faire entendre ce cri puissant de son dieu, qu’Homère dit égaler le cri de dix mille hommes.

Le génie impétueux de Scopas avait exprimé le délire bachique dans sa Ménade tenant le reste d’un chevreau qu’elle a déchiré[210]. Parmi les ménades qui paraissent sur les bas-reliefs, nous pouvons reconnaître à ce détail les imitations de la ménade de Scopas ; elles sont assez nombreuses[211].

La violence de l’ivresse n’empêche pas leur pose d’être gracieuse, et j’attribue à une exagération des imitateurs de Scopas ces ménades dont le corps se ploie et se renverse avec une violence convulsive dans l’emportement de l’orgie sacrée[212].         

celui qui exprimait si bien l’ivresse avait représenté Bacchus[213], peut-être Bacchus en proie à l’ivresse qu’il communique, ainsi qu’il représenta Apollon livré à l’enthousiasme qu’il inspire, et probablement sous son ancienne forme de Bacchus barbu. Le type jeune et gracieux que devait créer Praxitèle était encore à naître[214] ; car, s’il y a un idéal divin qui porte manifestement l’empreinte de la mollesse gracieuse, caractère du génie de Praxitèle, c’est le Bacchus jeune et presque féminin tant de fois reproduit.

Nous devons nous attendre que Scopas, qui fut le statuaire de la passion et des sens, n’ait pas oublié Vénus ; en effet, on cite de lui trois statues de cette déesse[215] : l’une d’elles était à Rome, et quelques-uns la préféraient[216] même à la Vénus de Praxitèle ; une autre était la Vénus vulgaire, banale (Pandémos), assise sur un bouc[217], en signe de lasciveté. Cette conception grossière, indigne du génie de Scopas, — comme la fondation du culte de Vénus Pandémos, était peu digne de la sagesse de Solon, — il faut le dire à l’honneur de l’art antique, ne nous a été transmise par aucune reproduction qui ait survécu. La volupté gracieuse des Vénus de Praxitèle a fait oublier la Vénus impudique de Scopas. Elle avait cependant une place naturelle à Rome dans le temple de Vénus Érycine, la patronne des courtisanes ; au lieu de cela, elle était à Élis, en regard de la Vénus Uranie de Phidias, sans doute pour faire contraste[218].

On a supposé, mais sans preuve, il me semble, que la Vénus embrassant Mars, et qui a le pied ordinairement posé sur un casque, la Vénus victorieuse, était originairement de Scopas[219]. Ce groupe, souvent répété, fut employé à représenter dans cette attitude un couple romain[220] ; et les adieux d’un époux qui va combattre à sa femme. On reconnaît alors facilement que Mars et Vénus sont des portraits, comme sur la porte Saint-Denis à Paris on reconnaît à sa perruque Louis XIV dans le costume héroïque d’Hercule.

Scopas, plus délicat cette fois, avait pour ainsi dire décomposé l’amour, et en avait exprimé, dans des œuvres distinctes, les divers degrés et les diverses nuances : le désir (pothos), le charme  (himeros), enfin l’amour lui-même (éros)[221]. D’après cela, Scopas paraît avoir été l’inventeur ou l’un des inventeurs de ces petits génies que les Latins appelaient cupidines[222], que nous appelons des amours, et qu’à Rome on voit folâtrer sur les monuments de l’empire aussi souvent que dans les tableaux de la Renaissance, sur les murs et les plafonds des casinos des dix-septième et dix-huitième siècles. Ils se jouent parmi les représentations océaniques imitées de la grande composition de Scopas.

Dans les bas-reliefs romains, ces Amours se livrent à tous les exercices, tous les jeux. De là sont venus les Amours enchaînés[223], vendangeant, pêchant, moissonnant, qu’on voit en statuettes ou en bas-reliefs ; et figurant dans les peintures de Pompéi après celles qu’a décrites Philostrate[224].

L’Amour dormant est un sujet trop souvent reproduit pour ne pas avoir été traité par quelque sculpteur[225] célèbre aujourd’hui, jadis inconnu.

Scopas avait groupé pour un temple de Samothrace Vénus avec un personnage mythologique peu connu, le Lumineux (Phaéton) et l’Amour[226].

Depuis Scopas, Vénus a été associée bien souvent avec l’Amour. Une impératrice romaine, en Vénus, ayant un Amour debout à côté d’elle[227], est un résultat bien éloigné, il est vrai, de l’association établie par Scopas entre ces deux divinités.

Scopas sut exprimer des ardeurs plus relevées que celles de sa Vénus vulgaire ; il fut l’auteur de l’Apollon Citharède, l’Apollon qui joue de la lyre, l’Apollon inspiré ; personnifier l’enthousiasme poétique dans le dieu qui le fait naître, était une conception hardie et digne du génie de Scopas. Comme Phidias pour Jupiter, il avait un modèle dans Homère peignant Apollon qui joue de la lyre au festin des dieux, et, après Homère, dans Hésiode et dans Pindare[228].

Nous savons que l’Apollon Citharède de Scopas était dans le temple d’Apollon Palatin, élevé par Auguste[229] ; les médailles, Properce et Tibulle, nous apprennent que le dieu s’y voyait revêtu d’une longue robe.

Ima videbatur talis illudere palla.

Tib., III, 1, 35.

Pythius in longa carmina veste sonat.

Prop., II, 31, 16.

Nous ne pouvons donc hésiter à admettre que l’Apollon de la salle des Muses au Vatican[230] a eu pour premier original l’Apollon de Scopas.

Nous savons aussi qu’un Apollon de Philiscus et un Apollon de Timarchide (celui-ci tenant la lyre), sculpteurs grecs moins anciens que Scopas, étaient dans un autre temple d’Apollon, prés du portique d’Octavie, en compagnie des Muses[231], comme l’Apollon Citharède du Vatican a été trouvé avec celles qui l’entourent aujourd’hui dans la salle des Muses. Il est donc vraisemblable que cet Apollon est d’après Philiscus on Timarchide, qui eux-mêmes avaient sans doute copié l’Apollon à la lyre de Scopas et l’avaient placé au milieu des Muses.

Apollon est là, ainsi que plus anciennement il avait été représenté sur le coffre de Cypsélus, avec celle inscription qui conviendrait à la statue du Vatican : Alentour est le chœur gracieux des Muses, auquel il préside ; et, comme a dit Pindare, au milieu du beau chœur des Muses, Apollon frappe du plectrum d’or la lyre aux sept voix (Nem., V, 22).

Il y a d’autres Apollons qui ont la lyre auprès d’eux ou la portent à la main et même la frappent du plectrum ; mais leur type semble postérieur à l’Apollon Citharède de Scopas. Ils sont nus ou presque nus, et le sien était vêtu, ce qui est toujours un signe d’antériorité. La plupart reproduisent le type d’Apollon tel qu’il fut conçu par Praxitèle. Les uns ont le bras posé au-dessus de la tête comme l’Apollino de Florence, qui est, nous le verrons tout à l’heure, d’après Praxitèle, ou une grâce féminine, ce qui est encore de Praxitèle.

Les Apollons assis[232] doivent avoir une autre origine et provenir des Apollons grecs, dont l’existence est attestée par les auteurs, mais sans désignation de leur attitude.

Le type de ces Apollons devait être antique, car l’Apollon le plus archaïque que nous connaissions est assis. En général, après l’époque des idoles grossières, les divinités assises ont précédé les divinités debout[233].

Apollon nous conduit aux Muses.

Il n’y eut d’abord que trois Muses, comme trois Heures ou Saisons et trois Grâces. Elles désignaient trois dons : la mémoire, la méditation et le chant[234], plus tard, il y en eut neuf ; alors elles désignèrent di verses branches de la littérature et des arts. La diversité et la spécialité des attributs donnés aux Muses correspondent à une époque où les emplois de l’intelligence sont distincts et les genres déterminés. Cependant une certaine confusion entre les attributs des Muses montre que les genres auxquels elles présidaient n’étaient pas toujours nettement séparés.

Les statues des Muses, employées dans l’antiquité à décorer les demeures de tous ceux qui se piquaient de goût pour les belles lettres, étaient nécessairement fort nombreuses ; elles le sont aussi beaucoup dans les collections romaines ; surtout en tenant compte de celles qu’une restauration inexacte a transformées en diverses divinités. Quelquefois aussi on a fait une Muse de ce qui était tout autre chose. Les plus remarquables sont celles qu’on a réunies au Vatican dans la salle des Muses, et qui, presque toutes, ont été trouvées au même endroit, près de Tivoli, dans un bois d’oliviers où l’on croit qu’a existé une villa de Cassius[235].

Les attributs des Muses[236] représentent les divers genres de littérature grecque[237] et souvent les affinités de’ ces genres. Calliope tient les tablettes et Clio le rouleau de papyrus ; attributs qui conviennent et à la Muse (le la poésie héroïque et à la Muse de l’histoire c’est que, dans l’origine, l’histoire fut la sœur de l’épopée. Il y a peu de différence entre les images d’Euterpe, d’Érato et de Terpsichore, qui président au chant lyrique, à la musique et à la danse, mêlés encore au temps de Pindare ; Melpomène est parfois gigantesque, — la tragédie grecque était plus grande que nature : — telle est la Melpomène du Louvre ; elle vient du palais Riario, voisin du théâtre de Pompée, qu’elle décorait sans doute, et le palais Riario rappelle une tragédie sinistre, le meurtre du courageux et malheureux Rossi. Les pampres bachiques dont Melpomène est couronnée enseignent que la tragédie est née en Grèce des fêtes de Bacchus. Sa figure est sévère, sa pose est virile ; elle a pour chaussure le haut cothurne, et pour emblème la massue et le masque tragique. Thalie est couronnée de lierre et tient à la main le tambour de basque, instrument bachique ; car, chez les Grecs, l’origine de la comédie, aussi bien que de la tragédie, remontait à Bacchus. Thalie, dans le principe, Muse de l’églogue, autant que de la comédie, rappelle, par sa houlette[238] qu’elle tient à la main, comme Apollon berger, cette origine pastorale. Assise négligemment, elle est aussi aimable d’aspect que Melpomène, le pied posé sur un rocher, a de grandeur et de fierté dans son attitude. Polymnie est la Muse des hymnes sacrés, des enseignements mystérieux que le mythe à la fois cache et révèle, et dont la robe serrée, qui voile et dessine tout ensemble les formes de la Muse, est l’expressif et gracieux symbole. Avec le temps, cette idée de mystère, bien descendue de sa haute origine, s’appliqua au sens enveloppé des pantomimes[239], indiqué par le manteau dont s’entoure Polymnie.

Enfin Uranie, la Céleste, le globe à la main, personnifie la science, dont l’étude du ciel fut le premier objet, et qui avait aussi sa Muse, parce qu’à l’origine la science et la poésie ne faisaient qu’un.

Au Vatican, on a placé avec raison, à l’entrée de la salle des Muses, Mnémosyne[240], la mémoire, qui d’abord fut l’une d’elles, et qui, plus tard, est devenue leur mère ; car, à mesure que le temps a marché, la tradition a joué un plus grand rôle dans les lettres, et la tradition se conserve par la mémoire.

Les attributs des Muses, comme leurs noms, sont grecs, et se. rattachent, on vient de le voir, à l’origine grecque elle-même des arts, des lettres et des sciences ; origine attestée par ces noms et ces attributs que les Muses conservèrent chez les Romains.

Quelques-uns de ces attributs sont très anciens : le maître de Phidias, Agéladas, avait déjà placé la Ivre de Terpsichore dans la main d’une des Muses antiques de l’Hélicon, et Canachus, dans la main d’une autre, la double flûte d’Euterpe[241]. A l’époque de Phidias, on cite des Muses de Praxias, élève de Calamis[242] ; puis les nouvelles Muses de l’Hélicon, au nombre de neuf[243] ; d’autres enfin durant l’époque romaine. C’est qu’en Grèce le culte des Muses ne fut jamais interrompu.

Les Muses du Vatican sont considérées par Visconti comme des copies de celles qui étaient à Rome dans le temple d’Apollon, près du portique de Metellus, depuis portique d’Octavie ; et dont l’auteur était Philiscus[244], sculpteur rhodien, auquel nous ramèneront deux statues célèbres, la Vénus de Médicis et l’Apollon du Belvédère.

Euphranor ne fut pas dans l’antiquité moins célèbre que Scopas. Le Vatican possède une statue de Pâris jugeant les déesses[245]. Cette statue est-elle, comme on le pense généralement, une copie du Pâris d’Euphranor ?

Euphranor avait-il choisi le moment où Pâris juge les déesses ? Les expressions de Pline (XXXIV, 19, 27) pourraient en faire douter : il ne l’affirme point ; il dit que dans la statue d’Euphranor on eût pu reconnaître le juge des trois déesses, l’amant d’Hélène et le vainqueur d’Achille.

Ne faut-il donc pas chercher plutôt le Pâris d’Euphranor dans les Pâris debout[246], dont l’attitude, plus indéterminée, se prèle mieux à cette diversité d’expressions et de rôles que lui attribue la phrase de Pline ?

Je n’oserais l’affirmer. La statue du Vatican est de beaucoup la plus remarquable des statues de Pâris. On y sent, malgré ses imperfections, la présence d’un original fameux ; de plus, son attitude est celle de Pâris sur plusieurs vases peints et sur plusieurs bas-reliefs[247], et nous verrons que les bas-reliefs reproduisaient très souvent une statue célèbre. Il m’est impossible, il est vrai, de voir dans le Pâris du Vatican tout ce que Pline dit du Pâris d’Euphranor. Je ne puis y voir que le juge des déesses. L’expression de son visage montre qu’il a contemplé la beauté de Vénus, et que le prix va être donné. Rien d’annonce l’amant d’Hélène, ni surtout le vainqueur d’Achille[248] ; mais ce qui était dans l’original aurait pu disparaître de la copie. Plus vraisemblablement cette diversité d’expressions données à une même figure, et qui répugne à la simplicité du génie de la statuaire antique, est-elle une invention de Pline ou des auteurs qu’il suivait, et dont il a inséré souvent les jugements singuliers et les admirations démesurées pour l’illusion matérielle et pour la difficulté vaincue dans sa très savante, mais très peu critique compilation.

Une femme priant d’Euphranor[249] peut être considérée comme le plus ancien type connu de ces femmes aux bras étendus qu’on appelle des Orantes, attitude qu’on prêta souvent aux impératrices romaines avant de la donner aux figures plus saintes tracées sur les murs des catacombes.

Euphranor fut à la fois grand sculpteur et grand peintre. L’exercice de plusieurs arts par le même artiste n’était pas moins fréquent dans l’ancienne Grèce ; où on l’attribuait à Dédale, le représentant mythologique du premier art grec, qu’il ne le fut en Italie à l’époque de la Renaissance[250].

Euphranor fut aussi écrivain[251] ; de même qu’à cette époque[252], dans l’antiquité, bon nombre d’artistes ont été auteurs, quelques-uns poètes ou philosophes, d’autres ont écrit sur les arts.

Entre ceux qui réunirent le don de plusieurs arts, je ne citerai que les principaux.

Parmi les sculpteurs, il suffira de nommer Phidias[253] ; Pythagoras, statuaire de Samos, qui, lui aussi, avait été peintre ; Zeuxis, qui modelait en terre[254] comme Michel-Ange, et Protogène, qui moulait en bronze ; Polyclète et Myron, qui furent peintres et sculpteurs. Cette réunion de talents était si commune, qu’elle existait même chez des artistes qui n’ont laissé aucune mémoire[255].

Des peintres et des sculpteurs furent aussi architectes, sans parler de Clisthène, peintre de décorations et architecte.

A une époque très ancienne, le statuaire en bronze Théodore avait construit le labyrinthe de Samos. On attribuait à Callimaque, lequel était aussi peintre, comme statuaire, l’invention du trépan, et comme architecte l’invention de l’ordre corinthien. Polyclète construisit le théâtre d’Épidaure, qui passait pour le plus beau de la Grèce, et Scopas, le temple de Minerve Alea, à Tégée, qu’il décora dé sculptures. Clæétas, peintre, améliora la forme des carcerès de l’hippodrome d’Olympie, qui furent perfectionnés, après lui, par un autre sculpteur, Aristide. Sostrate., statuaire, bâtit le phare d’Alexandrie, et le plan de cette ville, improvisée par le génie d’Alexandre, fut l’œuvre de Dinocrate ; monument plus glorieux au conquérant que ne l’eût été le mont Athos, taillé, comme te proposait ce hardi sculpteur, pour lui faire une gigantesque statue.

L’un des plus anciens sculpteurs grecs, Bupalus, fut architecte ; Mandroclès, peintre et ingénieur comme Léonard de Vinci, avait jeté un pont sur le Bosphore pour Darius allant combattre les Scythes, et avait ensuite peint le passage de l’armée persane sur ce pont.

Parmi les artistes en même temps poètes ou écrivains, le sculpteur Gitiadas composa un hymne en l’honneur de Minerve. Le peintre Timagoras fit des vers à l’occasion d’une défaite éprouvée par lui dans un concours ; un autre peintre, nommé Apollodore, se plaignit en vers que Zeuxis lui dérobât son art. Comme le peintre grec Polyeidos, renommé pour ses dithyrambes, comme Euripide lui-même, qui avait peint dans sa jeunesse, à Rome, Pacuvius fut peintre et poète. C’était chez cet imitateur de la tragédie grecque encore une imitation de la Grèce.

De même pour les philosophes. Platon et Pyrrhon avaient cultivé la peinture avant de se livrer à la philosophie. Ménédémus fut peintre de décorations en même temps que philosophe. Métrodore était peintre, comme Socrate sculpteur. Il y eut aussi un comédien sculpteur, Cratinas, à Athènes, où, du reste, l’art du comédien n’avait rien de déshonorant, puisque Sophocle, qui fut général, jouait dans ses pièces, et y lançait la balle avec grâce dans le rôle de Nausicaa. De même l’exercice d’un art libéral en Grèce n’empêchait point d’être un personnage militaire et politique. Témoin Ménédémus, le scénographe envoyé par les Érétriens au secours de Mégare ; témoin Hippodamus, architecte du Pirée et de la ville de Rhodes, qui, le premier introduisit l’usage des rues régulières à angle droit (je ne sais s’il faut l’en bénir) ; de plus, orateur, législateur, et qui, selon Aristote, embrassait toutes les sciences.

Les écrits des artistes anciens sur l’art qu’ils cultivaient furent excessivement nombreux. Ménechme, sculpteur, avait composé un traité sur son art, et Apelles avait dédié à un de ses élèves un traité sur le sien. On cite d’un sculpteur fécond, Xénocrate, un jugement sur le célèbre peintre Parrhasius, et l’on sait l’existence d’un écrit de ce même Xénocrate sur l’art de la ciselure, art que ne dédaignèrent point les plus grands statuaires, Phidias et Myron. Des artistes de toutes les époques et de tout genre avaient traité des différents arts à leur point de vue et à celui de leur temps. Ménechme avait composé sur la torentique, qu’il cultivait, un ouvrage encore plus digne de confiance que le bel ouvrage de Quatremère de Quincy. Protogène avait écrit sur le dessin et la figure, comme Euphranor sur la composition et le coloris, et Polyclète sur la proportion des parties du corps humain, dont son Doryphore offrait le modèle.

On n’en finirait point si l’on voulait énumérer tous les architectes grecs qui ont traité de l’architecture, souvent à propos des monuments dont ils étaient les auteurs. Que ne donnerions-nous pas pour avoir l’ouvrage qu’écrivit sur le fameux Mausolée, Salyrus, un de ses constructeurs, et Ictinus sur le Parthénon[256] ? Pythagoras, faisant la théorie de cette universalité d’aptitude chez les artistes grecs, soutenait qu’un architecte doit être instruite en toutes choses.

Enfin, comme Vasari a composé un livre sur les peintres les plus illustres, Pasitelés en avait composé un sur les sculptures les plus renommées.

Rien ne montre mieux que cette énumération rapide et volontairement incomplète à laquelle nous a conduits le triple talent d’Euphranor, la richesse de l’organisation grecque et cette fécondité d’un même génie donnant plusieurs moissons , qui n’a reparu dans le monde qu’à l’époque de la renaissance italienne.

Avec. Scopas nous sommes sortis de l’école de Phidias et de Polyclète, l’école du calme sublime, pour entrer dans l’agitation sublime ; chez Praxitèle nous allons trouver la sublimité dans la grâce.

Nul sculpteur de l’antiquité, s’il revenait à la vie, ne trouverait ses œuvres plus souvent reproduites. Nous reconnaîtrons, à Rome, presque tous les types créés par l’aimable génie de Praxitèle en le suivant à la trace de son charme.

Dans quel musée n’y a-t-il pas une copie du Satyre de Praxitèle ? Un jeune Satyre appuyé contre un arbre, l’air tranquille et le regard quelque peu malin. A Rome, on le voit plusieurs fois répété dans des copies de beauté inégale ; la plus remarquable est celle du Capitole[257].

L’aimable adolescent vient de jouer quelque tour aux nymphes des bois ; il s’est un peu fatigué à courir après elles, et maintenant, dans un gracieux repos, il rêve avec un demi-sourire aux espiègleries qu’il a faites et à celles qu’il médite. C’est une donnée bien peu sérieuse, c’est un sujet bien léger ; mais on sent, en présence des belles reproductions du Satyre de Praxitèle, que le grand artiste avait mis dans ce personnage sans importance une profonde beauté[258].

La gaieté et la malice, qui étaient dans le caractère traditionnel du Satyre, ont été exprimées fréquemment avec un certain caractère bestial[259]. Ces statues ne procèdent point de Praxitèle ; ce qui lui appartient, c’est d’avoir remplacé l’expression animale de ces sentiments par une expression fine et délicate.

On peut regarder comme des variantes du Satyre de Praxitèle diverses autres statues qui s’en rapprochent par la grâce élégante du type et par l’absence de cette expression animale qui caractérisait les Satyres avant lui.

Le jeune Satyre qui tient une flûte[260] est trop semblable à celui dont je viens de parler pour n’être pas de même une reproduction de l’un des deux Satyres isolés de Praxitèle, son Satyre d’Athènes ou son Satyre de Mégare ; on pourrait croire aussi que le Satyre à la flûte a eu pour original le Satyre de Protogène, qui, bien que peint dans Rhodes assiégée, exprimait le calme le plus profond et qu’on appelait celui qui se repose (anapauomenos)[261] ; on pourrait le croire, car la statue a toujours une jambe croisée sur l’autre, attitude qui, dans le langage de la sculpture antique, désigne le repos. Il ne serait pas impossible non plus que Protogène se fût inspiré de Praxitèle ; mais en ce cas il n’en avait pas reproduit complètement le charme, car Apelles, tout en admirant une autre figure de Protogène, lui reprochait de manquer de grâce[262]. Or, le Satyre à la flûte est très gracieux ; ce qui me porte à croire qu’il vient directement de Praxitèle plutôt que de Praxitèle par Protogène.

Un Amour de Praxitèle, celui de Thespies, n’eut pas moins de célébrité que son jeune Satyre, et il n’en faisait pas moins de cas lui-même. On le sait par une malice ingénieuse de Phryné. Praxitèle lui avait dit de choisir entre ses ouvrages celui qu’elle aimerait le mieux. Pour savoir lequel de ses chefs-d’œuvre l’artiste préférait, elle lui fit annoncer que le feu avait pris à son atelier. Sauvez, s’écria-t-il, mon Satyre et mon amour ! Phryné, ainsi renseignée, choisit cet Amour et le consacra dans un temple de Thespies, sa ville natale, où le culte de l’Amour était ancien et dominant. La belle statue y devint le but de pèlerinages entrepris incessamment pour aller contempler ce chef-d’œuvre.

Il y a à Rome[263] un Amour qui ne ressemble à aucun autre : ce n’est pas l’Amour enjoué et souriant, tel qu’on le représente d’ordinaire ; c’est un Amour pensif et presque triste. Son regard est baissé et profond ; il semble dire, comme dit un Amour dans l’Anthologie : Je ne suis pas le fils de la Vénus vulgaire[264]. C’est que l’antiquité a connu aussi la passion profonde et douloureuse, la passion de Phèdre et de Didon. L’extrême délicatesse et la grâce exquise de ce torse mutilé, mais ravissant, son expression[265], son attitude[266], me décident à y voir une admirable copie, et peut-être une réplique faite par Praxitèle lui-même, de son chef-d’œuvre préféré, l’Amour de Thespies[267].

S’il m’était donné, comme à Phryné, de choisir entre toutes les statues qui portent le cachet de Praxitèle ; c’est celle-là que je prendrais.

Ce pourrait être aussi une copie d’un autre Amour de Praxitèle qui était dans la ville de Parium[268] ; mais la probabilité est moins grande, car on ne voit pas que celui-ci soit venu à Rome.

Aucun de ces Amours de Praxitèle ne peut avoir fourni le modèle de l’Amour essayant son arc, qu’on rencontre si souvent dans les collections[269] et qui doit, pour cette raison, avoir un original célèbre, car il n’est dit d’aucun de ses Amours qu’il essayât ou tendit son arc.

L’Amour à l’arc forme avec celui que nous venons de considérer le plus parfait contraste : c’est l’amour pétulant, folâtre ; il essaye son arc avec malice et s’apprête à lancer à droite et à gauche ses flèches, qui, toutes, portent coup. Il n’a pas la suavité de Praxitèle, il est plein de vivacité, d’entrain, de vie. D’après ces caractères, avec Visconti et Meyer[270], j’attribuerais très volontiers son origine à Lysippe.

De la même famille est l’Apollon au lézard[271] (Saurocthone). Apollon presque enfant épie un lézard qui se glisse le long d’un arbre. On sait, à n’en pouvoir douter, d’après la description de Pline et de Martial[272], que cet Apollon, souvent répété, est une imitation de celui de Praxitèle, et quand on ne le saurait pas, on l’eût deviné.

Je rattache aussi à Praxitèle le petit Apollon de Florence, à peu près du même âge, qui me paraît porter le même cachet de grâce et d’ingénuité, et par lui les Apollons qui ont de même la tête appuyée sur le bras[273].

Les Apollons nus et dont le caractère est féminin[274] me semblent devoir nous reporter également au sculpteur dont le génie délicat a excellé à rendre la grâce féminine. Je crois antérieur à Scopaset à Praxitèle le type d’Apollon assis. Tel est l’Apollon berger de la villa Ludovisi. Cet Apollon berger est un dieu pélasge ; son culte remonte à l’époque pastorale. J’ai dit qu’en général les dieux assis sont plus anciens que les dieux debout, en laissant de côté l’époque tout à fait ancienne. Mais ce type antique de l’Apollon berger a été rajeuni pour ainsi dire et a reçu un caractère de jeunesse et une grâce élégante d’une main qu’à travers l’imitation on sent avoir été la main de Praxitèle.

La ressemblance du type si fin de l’Apollon au lézard et du charmant bronze du Capitole le Tireur d’épine est trop frappante pour qu’on puisse se refuser à voir dans celui-ci une inspiration de Praxitèle ou de son école[275]. C’est tout simplement un enfant arrachant de son pied une épine qui l’a blessé, sujet naïf et champêtre analogue au Satyre se faisant rendre ce service par un autre Satyre[276]. On a voulu y voir un athlète blessé par une épine pendant sa course et qui n’en est pas moins arrivé au but ; mais la figure est trop jeune et n’a rien d’athlétique. Le moyen âge avait donné aussi son explication et inventé sa légende. On racontait qu’un jeune berger, envoyé à la découverte de l’ennemi, était revenu sans s’arrêter et ne s’était permis qu’alors d’arracher une épine qui lui blessait le pied. Le moyen âge avait senti le charme de cette composition qu’il interprétait à sa manière, car elle est sculptée sur un arceau de la cathédrale de Zurich qui date du siècle de Charlemagne[277].

Praxitèle, le sculpteur de la grâce et de l’amour, s’était complu dans le gracieux type de Vénus. On connaît l’existence de six Vénus de Praxitèle[278].

La plus célèbre est la Vénus de Gnide ; transportée à Constantinople, elle y a péri[279] ; mais les médailles de Gnide en offrent une représentation exacte ; grâce à elles, on peut lui comparer les Vénus qui existent à Rome.

La déesse était debout ; une main s’abaissait avec un geste pudique, l’autre tenait un linge posé sur un vase.

Il y a au Vatican une statue[280] dont l’attitude est exactement celle de la Vénus de Gnide, chef-d’œuvre de Praxitèle. Des scrupules analogues à ceux qui firent préférer par les habitants de Cos sa Vénus vêtue à sa Vénus nue ont fait affubler d’une draperie la copie de la Vénus de Gnide au Vatican.

C’était une grande nouveauté de montrer Aphrodite sans voile. Praxitèle poussa même la profanation du type sacré jusqu’à prendre pour modèle là courtisane Phryné se baignant dans la mer pendant les fêtes de Neptune aux yeux de la Grèce assemblée. Dans une épigramme de l’Anthologie[281], Vénus dit : Où Praxitèle a-t-il pu me voir nue ? Phryné et toute la Grèce aurait pu répondre à sa question. Ce qui prouve combien la chose était nouvelle, c’est qu’on voit des Vénus vêtues ou à demi vêtues qui appartiennent certainement à une époque de l’art plus récente que Praxitèle ; et même, sur un bas-relief bien postérieur à lui[282], Vénus se présente vêtue au jugement de Pâris. C’était cependant bien le cas ou jamais d’adopter l’innovation de Praxitèle.

Il fallait un prétexte à tant d’audace[283]. L’artiste supposa que la déesse venait de déposer ses vêtements pour entrer au bain, ou allait les reprendre pour en sortir. Ce prétexte avait été fourni par Phryné. De là le voile posé sur un vase à parfums qu’on voit sur les médailles de Gnide et qu’on retrouve prés de la Vénus du Capitole[284], bien que la disposition des mains ait déjà changé et que toutes deux soient dans l’attitude pudique[285] de la Vénus de Médicis. A cette différence prés, ces deux Vénus dérivent de la Vénus de Gnide, dont la Vénus du Capitole est une imitation plus rapprochée.

Celte imitation est romaine. On le reconnaît à quelques détails du torse qui sont romains. La vérité et la complaisance avec lesquelles la nature est rendue dans la Vénus du Capitole faisaient de cette belle statue, — qui pourtant n’a rien d’indécent bien que par une pruderie peu chaste on l’ait reléguée dans un cabinet réservé, — faisaient de cette belle statue un sujet de scandale pour l’austérité des premiers chrétiens. C’était sans doute afin de la soustraire à leurs mutilations qu’on l’avait enfouie avec soin, ce qui l’a conservée dans son intégrité ; ainsi son danger l’a sauvée. Comme on l’a trouvée dans le quartier suspect de la Subura, on peut supposer qu’elle ornait l’atrium élégant de quelque riche courtisane.

La Vénus de Médicis, qui n’est plus à Rome, mais qui y a été trouvée et dont le nom rappelle qu’elle y fut placée dans la villa des Médicis, la Vénus de Médicis est une imitation charmante, mais tardive et déjà assez éloignée de la Vénus de Praxitèle[286], dont elle a conservé la grâce, mais en y mêlant une coquetterie qui révèle un âge moins ancien. Le vase et le linge ont disparu, et avec eux toute allusion à l’idée du bain, toute excuse à la nudité. Vénus n’est nue que pour se montrer.

On attribue, en général, cette statue à Cléomène. Le nom de ce sculpteur se lit sur la plinthe qui porte la Vénus de Médirais. Il est reconnu que cette plinthe est moderne, et, par conséquent, l’inscription ; on croit qu’elle a été transportée d’une base antique sur la base qui l’a remplacée. Mais la chose n’est pas si assurée que cette attribution de la Vénus de Médicis à Cléomène soit hors de doute. Dans le cas on on ne l’admettrait pas, je proposerais pour l’auteur de la gracieuse statue Philiscus, dont la Vénus se trouvait dans le portique d’Octavie[287], près duquel a été découverte, dit-on, la Vénus de Médicis.

Deux Amours folâtrent, sur le dauphin[288] qui est à côté de la Vénus de Médicis, et qui est aussi, mais, sans Amours, près de la jeune sœur de la Vénus de Médicis, la statue tirée, il y a quelques années, des jardins de César[289]. Les Amours près de Vénus, dont l’idée remonte à Scopas, paraissent fréquemment dans des monuments assez modernes ; on voit un ou plusieurs Amours à côté des impératrices romaines déguisées en Vénus, comme des Amours accompagnent les portraits des grandes dames du dix-septième et du dix-huitième siècle, accoutrées aussi en déesses. Deux Amours, dont l’un sur un dauphin, se tiennent des deux côtés d’une vieille impératrice représentée en Vénus[290].

Le motif du bain est encore indiqué dans la Vénus accroupie[291]. On ne saurait douter que son attitude n’exprime celte idée du bain, qui rappelle la Vénus de Gnide, car derrière une Vénus accroupie de la villa Ludovisi est un enfant tenant un linge pour l’essuyer[292]. On a donc pu, avec toute raison, reconnaître dans cette gracieuse Vénus le type souvent répété de la Vénus qui se lavait[293]. Près de la Vénus accroupie a été trouvée une base sur laquelle on lit le nom de Bupalus, sculpteur grec très ancien, et on l’a reproduit sur la base moderne ; mais Bupalus ne pouvait être l’auteur de cette conception empreinte d’une grâce évidemment beaucoup plus récente. D’ailleurs Bupalus, qui avait représenté les Grâces vêtues[294], n’aurait pas représenté Vénus nue.

Quant à Vénus Anadyomène[295], elle est figurée dans de nombreuses répétitions, au moment où elle vient de sortir des eaux, tordant d’un mouvement gracieux ses cheveux encore humides.

On ne cite aucun sculpteur grec ancien comme ayant imaginé ce motif si heureux. Mais en Grèce on avait deux fois représenté Vénus sortant de la mer. Parmi les bas-reliefs en or qui décoraient la base du trône de Jupiter à Olympie[296] était une Vénus Anadyomène.

La Vénus Anadyomène dont les répétitions sont si connues ne peut descendre de celle-là ; il y a dans sa pose trop de grâce et je dirai trop de coquetterie pour qu’on en puisse faire remonter la conception au temps de Phidias.

Mais, à une époque toute différente et assez postérieure, Apelles avait peint Vénus sortant des flots, et le tableau d’Apelles[297] a très bien pu servir d’original à la charmante Vénus Anadyomène que nous connaissons. Ce ne serait pas, nous le verrons, le seul exemple d’une statue ou d’un bas-relief ayant pour original un tableau[298]. Le tableau d’Apelles était placé dans le temple d’Esculape à Cos. Les habitants de Cos s’étaient donc relâchés, au temps d’Apelles, de la sévérité qui leur avait fait repousser, à cause de sa nudité, la Vénus de Praxitèle.

La gracieuse Vénus Anadyomène, que chacun connaît, a donc le mérite de nous rendre une peinture perdue d’Apelles ; elle en a un autre encore, c’est de nous conserver dans ce portrait — qui n’est point en buste — quelques traits de la beauté de Campaspe[299], d’après laquelle Apelles, dit-on, peignit sa Vénus Anadyomène. De même les répétitions de la Vénus de Guide nous conservent jusqu’à un certain point l’image idéalisée sans doute de Phryné. On voit que si la recherche des origines de la statuaire romaine a ses aridités inévitables, elle a aussi ses compensations[300].

La Vénus Genitrix, la Vénus Génératrice, la Vénus mère, est une Vénus romaine. C’est une Vénus sérieuse et chaste dont on ne voit aucun exemple dans les produits de l’art grec ; en Grèce, du moins, car la Vénus Genitrix qui ornait le forum de César fut l’œuvre d’un sculpteur grec, Arcesilas, mais travaillant à Rome pour des Romains. Cette statue d’Arcesilas a été nécessairement le type des Vénus Genitrix qu’on voit dans les collections[301]. L’attitude est toujours la même. Le vêtement de dessus est ramené par un mouvement gracieux de la main, pour couvrir pudiquement un des seins montré nu en signe de fécondité[302].

Vénus Victorieuse, Vénus armée, ancien type hellénique[303], fut surtout pour les Romains Vénus qui triomphe de Mars et le désarme en l’embrassant, comme dans les beaux vers de Lucrèce[304] ; elle a souvent le pied sur un casque posé à terre. On a vu le type de ces Vénus Victorieuses, ou une Victoire dans notre incomparable Vénus de Milo, mais on ne cite aucun artiste grec célèbre[305] à qui on puisse attribuer une Vénus Victorieuse soit groupée avec Mars, soit tenant un bouclier, comme on a supposé qu’était la Vénus de Milo. Ces deux suppositions ont leurs difficultés[306]. Pour trouver au chef-d’œuvre que nous sommes fiers de posséder une origine digne de lui, j’oserais proposer d’y voir la Vénus Céleste de Phidias[307].

Certes, notre Vénus n’est pas au-dessous de cette appellation et de cet auteur.

On a attribué la Vénus de Milo à Scopas ; l’auteur de la Vénus au bouc peut difficilement être l’auteur de notre chaste et sublime Vénus.

L’histoire des Grâces est la même que celle de Vénus. Elles furent d’abord vêtues[308]. Telles étaient sans doute, dominant la tête de Jupiter Olympien, les Grâces de Phidias[309]. Socrate, qui avait été sculpteur, les avaient représentées ainsi[310], et Apelles les peignit de même ; ce ne fut qu’après l’époque d’Alexandre qu’on osa les montrer nues, comme on peut les voir dans une salle attenante à la cathédrale de Sienne. Comme pour Vénus, on eut recours d’abord, afin d’excuser cette hardiesse, au prétexte du bain, et on plaça, pour y faire allusion, auprès d’elles des vases à parfum[311]. Les Grâces, dans l’origine, se confondaient avec les nymphes[312], qui se baignaient dans les fontaines, dont elles exprimaient le charme[313], comme les néréides exprimaient la grâce de la mer, et auxquelles leurs statues servirent souvent d’ornement.

C’est sans doute de Praxitèle, créateur de la Vénus gracieuse, que Bacchus reçut la douceur féminine[314] qui caractérise presque toujours les images de ce dieu dans lequel il y a de la Vénus[315]. La mythologie[316] qui prêtait les deux sexes à Bacchus, fut favorable à celte fusion de leurs deux types, qui était si fort dans le goût des anciens, et qui, même avant Praxitèle, s’était montrée dans les Apollons[317].

Avant Praxitèle, Bacchus avait été représenté barbu et en robe traînante[318]. Dans les bas-reliefs archaïques, comme sur les vases archaïques, il a toujours une barbe pointue. Perfectionné par l’art, ce Bacchus a pris l’air majestueux qu’offrent les Bacchus indiens[319]. Bacchus armé, sujet rare qui se voyait à Delphes, se voit sur un bas-relief de la villa Albani[320].

Praxitèle fut donc le créateur du Bacchus nu, jeune[321] et féminin dont le type a prévalu, et qui se trouve à chaque pas dans les collections de Rome, soit seul, soit appuyé sur un adolescent[322] ou une jeune femme[323], en imitation du groupe de Praxitèle dans lequel le dieu était entre un satyre et l’Ivresse, groupe d’où, en général, ce dernier personnage a disparu, mais dont il fait encore partie dans un bas-relief du Vatican[324].

Bacchus avait, du reste, apparu sous cette l’orme gracieuse aux poètes grecs. Sa chevelure est celle que décrit un hymne homérique[325], et O. Müller a reconnu dans un des Bacchus de Rome le ventre de Bacchus dont parle Anacréon.

Des figures attribuées à l’épouse mystique de Bacchus, Libera, celles-là seules sont certaines qui sont adossées à un Bacchus dans un double hermès. Le type de Libera existe à Rome depuis la fondation (en l’an 258 de Rome) du temple de Cérès, Bacchus et Libera, temple où se trouvait certainement sa statue, sans doute de travail grec, car c’est dans la décoration de ce temple que l’art grec fit à Rome sa première apparition.

Praxitèle avait aussi composé un groupe de Mercure portant Bacchus enfant[326]. Ce groupe a été reproduit par plusieurs bas-reliefs[327] ; ils nous donnent lieu de croire que dans la composition de Praxitèle il s’agissait du petit Bacchus confié aux déesses qui doivent l’élever. On peut aussi retrouver le motif du groupe de Praxitèle varié selon l’usage de l’art antique, lequel appliquait une donnée heureuse à dés sujets analogues, dans des statues de satyres portant un enfant à cheval sur leur épaule[328], comme Mercure devait porter, le petit Bacchus dans le groupe de Praxitèle et comme j’ai vu des mères grecques porter leur enfant. Cette manière de le porter convenait mieux que celle du bas-relief à une statue.

Peut être y a-t-il également une réminiscence de cet enlèvement du petit Bacchus dans le Silène, qu’on aurait substitué à Mercure, tenant dans ses mains Bacchus enfant[329], belle réplique au Vatican d’un marbre du Louvre encore plus beau.

Je pense que ce chef-d’œuvre est une imitation modifiée du Mercure nourricier de Bacchus, par Céphisodote, fils de Praxitèle[330]. On y a vu aussi une imitation d’un groupe célèbre, bien que l’auteur en soit inconnu, qui représentait Silène empêchant un enfant de pleurer (XXXVI, 5, 17) ; mais Pline eût indiqué que cet enfant était Bacchus, et Bacchus n’a nulle envie de pleurer.

Il en est de Mercure comme de Bacchus.

Avant le Mercure nu, jeune, imberbe, il y a eu le Mercure vêtu, âgé et barbu, avec cette longue barbe pointue que lui donnent les vases archaïques et les bas-reliefs archaïques, tels que le putéal du Capitole. Le premier passage de l’un de ces types à l’autre doit s’être opéré avant Praxitèle, peut-être dés le temps de Phidias, qui avait fait un Mercure[331], et plus certainement de Polyclète, qui en avait fait un autre, venu à Rome, dans lequel j’ai été conduit à voir l’original du Mercure du Belvédère[332]. De ce Mercure, aux formes un peu charnues, de Polyclète, durent procéder, comme on l’a dit, les Mercures de la Palestre, reconnaissables à leur carrure athlétique[333]. Ces Mercures-là sont bien représentés à Rome par une statue du dieu qui s’appuie sur un hermès[334], ornement ordinaire des palestres ; comme le Mercure des places publiques par un Mercure trouvé dans le forum de Préneste[335]. Mercure Orateur, ayant le bras levé dans l’attitude qui désigne les orateurs[336], est aussi un Mercure des places publiques.

Mais Mercure Messager des dieux, Mercure leste, agile, type qu’a réalisé un sculpteur moderne, Jean de Bologne, dans une statue hardiment lancée, mais trop à l’effet pour qu’elle puisse nous rendre une donnée antique ; ce Mercure Messager, c’est celui qui figurait dans le groupe célèbre de Praxitèle dont je viens de parler ; c’est Mercure emportant le petit Bacchus tel qu’on le voit à Rome sur plusieurs bas-reliefs et tel qu’il est rappelé par diverses statues dans lesquelles un personnage bachique qui l’a remplacé emporte un enfant.

A ce Mercure de Praxitèle il faut donc rapporter ceux qui nous présentent le messager divin assis se reposant de ses courses à travers les airs, ou prêt à en entreprendre de nouvelles. En asseyant le dieu, on a changé l’altitude du Mercure de Praxitèle, mais on n’en a pas altéré le type. Le plus beau spécimen de Mercure messager et assis est à Naples ; l’admirable bronze d’Herculanum est digne d’avoir été fait d’après Praxitèle. Un autre, beaucoup moins beau, se trouve au Vatican[337].

Quant aux autres statues de Mercure, dispersées dans les collections de Rome, plus elles ont de légèreté et d’élégance, plus il y a de probabilité qu’elles dérivent du Mercure de Praxitèle. La bourse que Mercure tient à la main ne paraît pas un attribut très ancien[338]. Mercure dieu du commerce est une conception prosaïque plus romaine que grecque et qu’exprime son nom latin de Mercurius, le dieu de la marchandise. Homère donne au fils de Maïa le caducée et les ailes aux talons, et ne parle pas de bourse, mais l’idée du bonheur, de la richesse que peut procurer la verge magique de Mercure, est une idée plus générale et plus haute, d’où sont sorties celles de commerce et de bourse. Celle-là est déjà dans l’hymne à Mercure[339]. Cet hymne, attribué à Homère, est rappelé vivement par une jolie statue de Mercure enfant[340] ; elle exprime très bien la malice du dieu qui, né à peine, avait déjà volé les bœufs d’Apollon, et dont l’hymne homérique raconte avec complaisance les espiègleries. Le petit Mercure pose son doigt sur ses lèvres, demandant le secret, comme il le demande dans l’hymne au vieux laboureur Oncheste. Une de ces espiègleries fut de mettre la main sur une tortue et avec son écaille de fabriquer en jouant une Ivre, exploit enfantin auquel fait allusion la lyre dans la main de Mercure ou la tortue à ses pieds[341].

Il y avait à Rome des Ménades et des Silènes de Praxitèle[342]. Ces danseurs et ces danseuses bachiques bondissent encore à nos yeux dans un grand nombre de bas-reliefs qui décorent les sarcophages romains ; ils sont en général d’une mauvaise époque ; ce qu’ils conservent de fougue gracieuse, ils le doivent sans doute a Praxitèle, dont les Silènes dansants et les Ménades durent être l’origine de la plupart des compositions de ce genre. Ces personnages bachiques furent reproduits aussi par des statues qu’on voit plusieurs fois répétées dans les collections romaines ; tantôt ce sont de vieux Satyres, comme l’était, nous le savons[343], un des Silènes dansants de Praxitèle ; tantôt ces Satyres dansants sont jeunes[344] et ce n’est pas une raison de les enlever à Praxitèle, qui aimait à représenter jeunes les personnages mythologiques, témoin Bacchus et Apollon.

Des personnages bachiques de Praxitèle qui étaient à Rome viennent, je crois, en droite ligne, soit les ménades, reconnaissables à leur peau de panthère[345], soit les vieux Silènes, dont la plupart ont admirablement la physionomie de l’ivresse[346], mais qui parfois présentent un caractère de noblesse où l’on sent cette inspiration divine[347] par laquelle Silène, personnage à la lois grotesque et sublime, comme l’a très bien compris Rabelais, pouvait, ainsi qu’on le voit dans la sixième églogue, pénétrer les secrets de la nature et de l’avenir. Enfin Praxitèle serait-il le premier auteur d’un autre personnage bachique, Pan aux pieds de bouc, personnage assez rare, dont cependant les images devaient être nombreuses, à en juger par la quantité de pièces de vers dans l’Anthologie qui décrivent des statues de ce dieu.

L’Œnophore[348] de Praxitèle était un satyre portant une outre remplie de vin sur son épaule. Cette donnée a été plus d’une fois reproduite et variée ; elle se trouve bien souvent à Rome[349] dans des figures de toute sorte qui peuvent provenir originairement de l’Œnophore. L’Œnophore de la villa Albani a paru à un historien de l’art antique ne pas être indigne de Praxitèle[350].

La souplesse fut un des caractères du facile génie de Praxitèle. Celui qui avait créé le type de la Vénus nue, du jeune Apollon et du jeune Bacchus, tous deux presque féminins, sut représenter la chaste Diane[351].

Une fois, et ceci n’étonnera point de la part de Praxitèle, ayant à figurer les douze grandes divinités, il s’était abstenu de l’austère Artémis et l’avait laissé exécuter par un autre statuaire[352], Strongylion.

Mais il sut plier aussi la mollesse de son voluptueux ciseau à ce type sévère. On connaît l’existence de plusieurs Dianes de Praxitèle[353] ; en général, les statues de Diane peuvent se rapporter à trois types principaux, tous trois sont représentés à Rome. Diane est lucifère, chasseresse ou vengeresse[354].

Diane Lucifère, qui tient un ou deux flambeaux[355], en rapport avec la lune, est considérée comme une puissance de la nature ; c’est probablement le type le plus ancien de la déesse, après celui de la Diane d’Éphèse qui personnifiait la vie et la fécondité universelles.

Diane chasseresse que font reconnaître le carquois, et quand il a péri la courroie qui l’attachait restée sur la poitrine ou le pli qu’elle a laissé, le chien, la biche, la tête de sanglier.

Diane vengeresse qui perce de ses flèches les Niobides et les géants Tityus ou Orion.

Diane Lucifère est toujours vêtue d’une longue robe qui tombe jusqu’à ses pieds. Son manteau est souvent enflé derrière sa tête ; elle marche, le mouvement de sa draperie flottante rappelle la Diane des bas-reliefs allant trouver Endymion et qui est la lumière nocturne, la Lune.

Diane chasseresse porte en général une courte tunique laissant voir le genou — nuda genu[356].

Celle-ci marche ou est immobile, elle tient son arc ou porte la main à son carquois pour en tirer une flèche. Assez fréquemment les attributs de la Diane Lucifère et de la Diane chasseresse sont réunis[357].

Une Diane de Damophon qui avait le carquois, portait d’une main un flambeau[358], de l’autre, tenait deux serpents. C’était donc une déesse triple, Diane, Lune et Hécale tout ensemble, comme la petite statue du Capitole, dont une main tient aussi un serpent.

Des deux Dianes de Praxitèle, l’une était à la fois une Diane lucifère et une Diane chasseresse[359], on ne sait ce qu’était l’autre, mais on peut penser qu’elle était la Diane chasseresse à la courte tunique[360].

Praxitèle l’avait débarrassée de sa longue robe, qui, à l’origine, a enveloppé Diane comme toutes les autres divinités. Le sculpteur hardi qui osa dévoiler le corps de Vénus, pouvait bien découvrir le genou de Diane. Scopas l’avait peut-être précédé encore ici, car c’est en tunique courte qu’est représentée sur les bas-reliefs la Diane vengeresse exterminant les Niobides[361]. Quand Diane saisit une flèche dans son carquois, mais n’est accompagnée ni du chien ni de la biche ni de la tête du sanglier, on peut y voir la Diane vengeresse de Scopas perçant les tilles de Niobé de ses traits ; les Dianes que la présence de ces divers attributs indique compte chasseresses et les Dianes à la fois chasseresses et lucifères proviennent plutôt de Praxitèle.

Différents types de Diane devaient exister avant Praxitèle et même avant Scopas. Mais, ou nous ne savons rien[362], de la forme qu’on leur donnait, ou nous voyons qu’ils étaient différents[363] de ceux que nous trouvons reproduits à Rome, et que par conséquent, nous ne ferons pas remonter plus haut que ces deux grands sculpteurs.

Les deux types de la Diane de Praxitèle abondent à Rome, il serait trop long d’énumérer toutes ces Dianes, et chacun pourra facilement les ramener aux groupes naturels que j’en ai formés[364] ; aucune d’ailleurs ne mérite d’être particulièrement signalée à l’admiration.

Mais je mentionnerai deux circonstances qui peuvent servir à expliquer la quantité des images de Diane d’après Praxitèle qu’on trouve à Rome.

Céphisodole son fils, son élève, et à ce double titre son imitateur, avait fait, vraisemblablement d’après lui, une Diane qui était à Rome[365].

A Rome était aussi, une Diane de Philiscus[366]. Philiscus avait pu s’inspirer pour cette Diane d’un des deux types créés par Praxitèle, comme il s’inspira de sa Vénus de Cnide, si Philiscus a été véritablement l’auteur de la Vénus de Médicis, ce que nous avons trouvé quelques motifs d’admettre.

La souplesse fut, comme je l’ai déjà remarqué, le caractère du génie facile de Praxitèle ; outre les divinités de son choix, les plus gracieuses, dont il renouvela et on peut dire créa les types destinés à dominer dans l’art après lui, Vénus, l’Amour, Apollon, Bacchus, Flore, il sut reproduire les traits de divinités d’un caractère différent, de Neptune, de Latone, de Cérès, de Junon. Plusieurs de ces statues de Praxitèle furent transportées à Rome, où elles durent servir de modèles à un certain nombre de celles que nous y voyons aujourd’hui.

On sait qu’il y avait à Rome un Neptune[367] et une Cérès[368] de Praxitèle.

Le Neptune[369] nu avec le trident, remplaça sans doute depuis Praxitèle, s’il ne l’avait fait avant, le Neptune à la longue robe, que l’on voit sur les monuments archaïques.

Praxitèle avait figuré par un groupe de statues en bronze une scène pathétique que nous offre bien souvent le marbre des bas-reliefs . Cérès poursuivant sa fille enlevée par Pluton[370], et très probablement, en pendant, un sujet, dont la reproduction est beaucoup plus rare, Proserpine ramenée à la clarté du jour[371]. La Cérès poursuivant Proserpine de Praxitèle, nous est rendue par la Cérès éplorée des bas-reliefs.

Il avait, aussi groupé Cérès et Proserpine avec Bacchus[372], par allusion à leur association dans les mystères[373]. Un groupe semblable devait exister à Rome, où il y eut dès les premiers temps de la république, un temple dédié à ces trois divinités, mais ce groupe n’y a pas encore été retrouvé. Le type de la Cérès de Praxitèle doit être cherché à Rome dans les Cérès, dont la forme est la plus fine et la plus délicate[374].

Quant à la Cérès féconde (Mammosa), reconnaissable à l’ampleur de sa poitrine et à la largeur de ses flancs, dont il existe un magnifique exemplaire au Vatican[375], il n’y a aucune raison d’attribuer à Praxitèle la création de ce type majestueux, dans lequel la grâce ne saurait dominer.

Il faut en reporter l’origine à d’antres statuaires grecs que nous savons avoir représenté Cérès et particulièrement à Sthénis, auteur d’une Cérès qui se voyait à Rome[376]. Ce fut dans la Sicile, dont la fertilité était célèbre que l’idéal de la Cérès féconde dût atteindre, toute sa perfection et aussi tolite son ampleur. Deux statues de cette déesse y furent dérobées par Verrès[377]. On n’en connaît pas les auteurs, mais on doit présumer qu’elles étaient belles, car Verrès était connaisseur, ou au moins bien conseillé. Il se peut que nous devions à ses larcins la belle Cérès féconde du Vatican.

Les Junons de Praxitèle[378] devaient avoir plus de douceur que la Junon de Polyclète et j’ai été en droit de leur attribuer, au moins en partie, l’adoucissement du type, que j’ai remarqué chez les Junons romaines.

D’autres sculpteurs grecs ont concouru à ce résultat. A Rome, le portique d’Octavie renfermait deux statues de Junon[379], l’une de Denys[380] et l’autre de son frère Polyclès, auteur de l’Hermaphrodite et duquel on ne devait pas attendre une bien grande sévérité d’expression. Polyclès était un disciple attardé de Praxitèle. C’est donc à celui-ci, soit directement, soit indirectement par ses imitateurs, qu’on doit faire remonter le caractère de douceur, qui remplace en général chez les Junons romaines, l’austérité[381] de la Junon de Polyclète, telles que nous la montre les médailles d’Aros.

Praxitèle nous a retenu longtemps dans son aimable compagnie. C’est qu’il n’y a pas un sculpteur grec dont les créations, et elles sont nombreuses, aient fourni davantage à l’imitation romaine. Ce génie heureux, abondant, divers, qui excellait dans la grâce et savait tout rendre, a beaucoup inspiré, parce qu’il a beaucoup plu : là est le secret du grand nombre des reproductions de ses types. A Rome, les Vénus, les Amours, les Apollons, les Bacchus, les Dianes, les Cérès, les Junons, les Mercures, procèdent le plus souvent de Praxitèle. Il y a peut-être, dans les collections, deux cents statues qui viennent de lui.

Le fils de Praxitèle, Céphisodote, pour ne pas mentir à son sang, voulut être l’auteur d’une Vénus[382]. On disait que sous ses doigts le marbre devenait semblable à une chair vivante, genre de mérite bien digne du fils de Praxitèle. On est plus étonné de lui voir faire des portraits de philosophes[383], il est vrai qu’en réparation il fit des portraits de courtisanes[384].   

Pline cité d’un autre sculpteur plus ancien, nommé aussi Céphisodote, un Orateur, parlant la main élevée, geste qui depuis caractérisa toujours les statues de ce genre, et qui caractérise l’Orateur du Vatican[385]. Comme Céphisodote, fils de Praxitèle, avait Phocion pour beau-frère, on pourrait, en supposant une erreur de Pline, espérer retrouver dans la’ statue du Vatican les traits de Phocion, peut-être au moins un geste qui lui était propre ; mais si l’attitude donnée par Céphisodote à son Orateur a été conservée ; pour les traits et le costume, cette statue est devenue purement romaine. C’est probablement le portrait d’un citoyen d’Otricoli, lieu où elle a été trouvée, comme l’Orateur de Florence est le portrait d’un Romain et n’a rien d’étrusque.

C’était un devancier de Praxitèle dans le genre gracieux ce Léocharès[386], auteur d’un Ganymède enlevé par l’aigle de Jupiter, ou plutôt par Jupiter déguisé en aigle. Pline dit que l’aigle sentait qui il enlevait, et qu’en saisissant le vêtement, les serres de l’oiseau semblaient vouloir ménager le bel enfant[387]. Le Vatican possède une copie du groupe de Léocharès[388] dans laquelle la délicatesse de l’intention indiquée par Pline ne s’est pas conservée, mais dont la disposition est la même. Enfin, à Rome, on peut retrouver une répétition bien tardive de la composition de Léocharès, là où on ne s’attendrait pas à la rencontrer, sur la porte de bronze de Saint-Pierre ; en regard du pape Eugène IV couronnant deux empereurs, les habitudes païennes de la Renaissance ont placé Ganymède et l’aigle, aussi bien que Léda et le cygne.

Ganymède debout[389], avec ou sans l’aigle à côté de lui, a une autre origine. Si le nom de Phaidimos qu’on lit sur le tronc auquel un de ces Ganymèdes est appuyé était authentique, on pourrait rapporter cette origine à un sculpteur grec, du reste inconnu, mais l’inscription est suspecte.

Nous arrivons à Lysippe.

Avec Lysippe l’art grec, sans renoncer à l’idéal, continue à se rapprocher de la réalité[390]. Il marche de ce côté par la force comme Praxitèle y marchait par la grâce. Lysippe, qui avait été ouvrier en bronze, prit pour sa devise la réponse d’un autre artiste, le peintre Eupompe, auquel on demandait le nom de son maître ; Eupompe montra une foule qui passait et dit : Il faut imiter la nature. Le réalisme commençait à menacer l’art grec de prendre chez lui la place de l’idéal ; Lysippe annonçait la décadence avant d’y arriver par son excessive facilité, il avait fait quinze cents statues, — véritable Lope de Véga de la statuaire ; — par la recherche minutieuse des détails[391] ; par le goût de l’allégorie, dont sa célèbre statue de l’Occasion[392] était un signe[393]. L’art grec, encore dans sa perfection, allait descendre.

C’est que la Grèce déclinait. Au lieu de Périclès gouvernant par le génie et l’éloquence Athènes libre, on avait Alexandre subjuguant Athènes et la Grèce par le génie et par les armes.

Aussi, à l’idéal de Phidias succédait le naturalisme de Lysippe. Avec Praxitèle, on s’était déjà acheminé, bien que de loin, à l’amollissement de l’art, né de l’amollissement des âmes. Cette mollesse a perdu les arts, s’écrie Pline : Artes desidia perdidit. C’est que les facultés de l’homme sont, solidaires ; quand la société perd son énergie, l’art s’affaiblit du même coup ; quand le cœur est atteint, l’organisation souffre.

Mais les Grecs étaient si admirablement doués que leur déclin fut merveilleux. Ceux qui faisaient pressentir la décadence étaient des artistes du premier ordre. Ceux qui devaient en subir jusqu’à un certain point l’influence, tout en faisant vers la perfection un dernier retour, furent les auteurs de la Vénus de Médicis et de l’Apollon du Belvédère.

On a trouvé par hasard à Rome, il y a quelques années, une statue d’après Lysippe, aujourd’hui un des plus beaux ornements du Vatican ; c’est l’Athlète se frottant le bras avec un strigile[394]. Ce sujet, qui offre a la sculpture un motif heureux, a été traité plusieurs fois dans l’antiquité ; il l’avait été avant Lysippe par Dédale de Sycione[395] et par Polyclète[396]. Lysippe, venu un peu lard, sous Alexandre, avait, on le voit par les sujets qu’il a choisis, plus d’habileté que d’invention. Il reproduisit les principaux types créés ou transformés par Praxitèle.

L’original de la statue du Vatican était en bronze, comme tous les ouvrages connus de Lysippe[397] ; mais elle a bien le caractère qu’on sait avoir été celui de ses ouvrages, ces statues pleines de vie, animosa signa, comme dit Properce ; c’est la vie et la nature même ; ce sont les formes élancées que Lysippe substitua aux formes carrées que préférait Polyclète[398]. De plus, Lysippe exécuta plusieurs statues d’athlètes ; nous en connaissons par Pausanias une demi-douzaine. Pour toutes ces raisons, Rome a le droit d’adresser à ceux qui viennent visiter son strigillaire[399], ce vers de Martial, moins la fin :

Nobile Lysippi munus opusque vides.

Tu vois un ouvrage fameux et un don de Lysippe.

Le strigillaire est le don, sinon l’ouvrage de ce sculpteur, car c’est à son inspiration que nous le devons.

S’il est un type divin que Lysippe se soit complu à reproduire, c’est celui d’Hercule. Phidias et Polyclète avaient créé les plus sévères : Jupiter, Minerve, Junon ; Scopas les plus animés : Apollon inspiré et chantant sur sa lyre, Apollon et Diane lançant leurs traits contre les Niobides représentés dans toutes lés attitudes de la terreur et du désespoir ; les divinités marines bondissant sur les flots ; la Ménade dans l’emportement de l’ivresse. Praxitèle les plus gracieux : Vénus, l’Amour, le jeune Bacchus et le jeune Apollon. Lysippe, tout en renouvelant des types déjà créés, s’attacha de préférence à Hercule, dieu de la force, de la force qui, sous Alexandre, gouvernait le monde.

Les types renouvelés par Lysippe furent un Satyre[400], un Amour[401], un Bacchus[402], un Neptune[403]. On ne rencontre parmi eux ni une Vénus, ni une Diane, ni une Cérès, ni une Junon[404], ce qui semble prouver que ces types divins avaient été définitivement arrêtés par Praxitèle et ne furent pas sensiblement modifiés après lui, car Lysippe ne l’a pas fait, et à partir de Lysippe on ne trouve plus d’artistes assez célèbres pour l’oser. Parmi les œuvres connues de celui-ci, on remarque quatre Jupiters[405]. L’idéal de Jupiter avait peu varié après Phidias ; cependant il fut présenté un peu autrement, debout, nu, tenant la foudre. On doit sans doute quelques-unes de ces modifications aux quatre Jupiters de Lysippe. L’un d’eux était colossal, comme un de ses Hercules. Le colossal était un signe des temps qui venaient, c’était le caractère de la monarchie d’Alexandre, comme ce devait être celui de l’empire romain. Un autre Jupiter de Lysippe était entouré par les Muses[406] ; elles passaient d’Apollon à Jupiter, de l’inspiration libre au service de la puissance ; elles devaient être conduites à Rome par Hercule (Musagète), c’est-à-dire traînées par la force.

On n’avait pas attendu Lysippe pour faire des statues d’Hercules ; il y en avait d’antérieures[407] à l’âge de Phidias, une de Polyclète[408], une de Scopas[409], trois de Myron[410], qui, à plusieurs égards, fut le prédécesseur de Lysippe. L’art, avant Lysippe, s’acheminait vers cet idéal d’Hercule que Lysippe devait achever de réaliser.

Aucun des Hercules de Lysippe n’était l’Hercule fondateur des jeux d’Olympie et vainqueur dans ces jeux, institués par lui. Mais des statues consacrées à cet Hercule existaient certainement en Grèce, notamment à Olympie. On peut donc signaler une provenance grecque dans les Hercules romains qui portent la couronne de peuplier ou d’olivier, deux arbres apportés par le héros pour ombrager le stade d’Olympie[411], et dont le dernier servait à former les couronnes des athlètes vainqueurs[412]. Cette provenance grecque n’est pas moins évidente dans les Hercules dont les oreilles sont écrasées par le ceste, ce qui est une allusion à la victoire remportée à Olympie par le fils de Jupiter dans le pancratium, dont le pugilat formait la partie principale.

On sait l’existence de quatre Hercules de Lysippe[413] au moins. Deux restèrent en Grèce, mais deux furent apportés à Rome ; l’un était au Capitole[414], l’autre, d’une dimension assez médiocre pour pouvoir être placé sur une table (Epitrapezios)[415], dans la maison d’un particulier. Il y a à Rome, dans la villa Albani, un petit Hercule[416] en bronze qu’on pourrait mettre sur une table, mais qui, du reste, ne ressemble en rien à l’Iercule Epitrapezios de Lysippe, car il est debout et l’autre était assis. En revanche, il ressemble beaucoup à l’Hercule Farnèse de Naples que l’on croit, avec raison, imité d’un Hercule de Lysippe. A Florence, sur une statue très semblable à cet Hercule, sont écrits en grec ces mots : Ouvrage de Lysippe[417].

Le nom de Glycon l’Athénien, qui se lit sur l’Hercule Farnèse, s’est retrouvé sur la base d’un autre Hercule. La forme des lettres placerait l’Hercule Farnèse sous l’Empire[418] ; sans doute cette statue célèbre n’appartient pas à la plus grande époque de l’art, mais elle ne saurait en être rejetée si loin, et Glycon, dont le, nom n’est pas cité une fois par les anciens, m’a tout l’air d’avoir été un copiste.

Eutycrate, fils de Lysippe, fit un Hercule[419] comme le fils de Praxitèle une Vénus, et Daippus, autre fils de Lysippe, un Athlète au strigile ; à cela près, Eutycrate préféra un genre austère au genre plus gracieux de son père.

Il est un célèbre torse d’Hercule qu’on appelle par excellence le torse. Quelle a été l’original du torse d’Hercule au Vatican[420], ce chef-d’œuvre que palpait de ses mains intelligentes Michel-Ange aveugle et réduit à ne plus voir que par elles ? Heyne a pensé que ce pouvait être une copie en grand de l’Hercule Epitrapezios de Lysippe, mais par le style cette statue me semble antérieure à Lysippe. Cependant on lit sur le torse le nom d’Apollonios d’Athènes, fils de Nestor[421], et la forme des lettres ne permet pas de placer cette inscription plus haut que le dernier siècle de la République.

Comment admettre que cette statue aussi admirée par Winckelmann que par Michel-Ange, ce débris auquel on revient après l’éblouissement de l’Apollon du Belvédère, pour retrouver une sculpture plus mâle et plus simple, un style plus fort et plus grand ; comment admettre qu’une telle statue soit l’œuvre d’un sculpteur inconnu dont Pline ne parle point[422], ni personne autre dans l’Antiquité[423], et qu’elle date d’un temps si éloigné de la grande époque de Phidias, quand elle semble y tenir de si près ?

Pour moi, chaque fois que je me suis arrêté devant le torse, c’est-à-dire chaque fois que je suis allé au Vatican, je me suis toujours plus pénétré de l’idée que celte supposition était inadmissible. J’ai cherché quel pouvait être l’auteur original de cet Hercule ; je crois, d’après le style, qu’on doit remonter au delà du siècle d’Alexandre, au delà de Lysippe.

Pour rattacher le torse à la sculpture grecque, il faut d’abord déterminer ce que la statue mutilée qui est devant nous représentait.

C’était Hercule ; la peau de lion dont un lambeau subsiste en est la preuve. Mais que faisait cet Hercule ? On a beaucoup discuté sur ce point[424] ; une chose paraît certaine, c’est qu’une autre figure était près de lui[425]. On a supposé que cette figure était celle d’une femme qu’entourait un des bras d’Hercule, Iole, s’il était sur la terre, et s’il était dans l’Olympe, Hébé.

Mais quand on a voulu reproduire cette attitude supposée en complétant la statue, il s’est trouvé qu’elle n’avait jamais pu être la sienne[426].

Ainsi près d’Hercule était une autre figure, mais non une figure embrassée par lui. Le personnage le plus souvent associé à Hercule sur les monuments de tout genre est Minerve[427]. Il y avait à Thèbes une Minerve et un Hercule d’Alcamène, disciple de Phidias[428].

Pourquoi le torse du Vatican ne serait-il pas d’Alcamène ou, si l’on veut, d’après Alcamène, par Apollonios[429] ? La statue placée près du demi-dieu aurait été celle de Minerve que certainement il n’embrassait pas. Si le torse est une merveilleuse copie, Apollonios serait le nom du copiste comme Sosielès pour l’Amazone blessée de Crésilas, Ménophante pour la Vénus de Praxitèle, Glycon pour l’Hercule de Lysippe. Les originaux des grands sculpteurs sont tellement rares à Rome, qu’on a toujours quelque peine à en admettre un ; cependant la juste admiration que le torse a inspiré à Michel-Ange, à Winckelmann, à Visconti, m’autorise à voir dans ce chef-d’œuvre mieux qu’une imitation. Mais alors il faudrait supposer que l’inscription, très postérieure à la statue, est mensongère, ce qui n’est pas sans exemple, comme Phèdre nous l’a appris. Un Cynocéphale du musée égyptien porte aussi les noms de deux prétendus fils de Phidias ; or, jamais un fils de Phidias n’a pu être l’auteur de ce vilain singe. Le torse a été trouvé prés du théâtre de Pompée, dont on peut croire qu’il était un ornement. Nous avons déjà trouvé un Hercule dans un temple élevé par Pompée qui, comme tous les caractères faibles, devait avoir le culte de la force[430].

Si le torse venait d’Alcamène, il éveillerait en nous, avec un profond sentiment d’admiration, un beau souvenir de liberté, car l’Hercule d’Alcamène fut dédié dans le temple de Thèbes par Thrasybule, après qu’il eut délivré sa patrie des trente tyrans[431].

Lysippe, dit Pline, fit un char du soleil et des quadriges de diverses sortes[432], c’est-à-dire destinés à des usages divers, les uns à honorer les vainqueurs de l’Hippodrome, les autres à être dédiés dans les temples à la suite d’une victoire de ce genre. Ces chars étaient ou des biges (à deux chevaux) ou des quadriges (à quatre chevaux). Aristodéme fut célèbre pour ses biges[433]. Une salle du Vatican a été nommée salle de la biga, à cause d’un char à deux chevaux en marbre, très restauré, qu’on y conserve[434]. On a placé dans le musée étrusque un char en bronze qui, trop petit pour avoir jamais servi, a dû être offert dans un temple comme le premier. Celui-ci, par une destinée singulière, a passé de là dans une église, celle de Saint-Marc à Rome, où il faisait fonction de chaire épiscopale. Du reste, cet emploi de la sculpture était très ancien en Grèce, où il se liait à l’usage d’élever des statues aux athlètes vainqueurs. Agéladas, qui fût le maître de Phidias, plaça la statue de Cléosthène sur un char à quatre chevaux[435] avec celle de l’homme chargé de conduire le char qu’à ce qu’il parait Cléosihène n’avait pas conduit lui-même ; on faisait courir à Olympie comme à Londres ou à Paris. Il y a à Rome deux images de conducteurs de char[436], les rênes entortillées autour du corps, avec un couteau, pour les couper en cas d’accident. Enfin les chars servaient aussi à décorer un monument comme le quadrige en terre ouvrage étrusque placé sur le temple de Jupiter Capitolin ou ceux dont les arcs de triomphe étaient surmontés. Avant d’être étrusque ou romain, cet usage était grec[437].

Pas plus que Myron, duquel on peut dater les premières tendances au naturalisme dans l’art grec, Lysippe ne dédaigna les sujets qui tournaient au grotesque, comme le prouve sa joueuse de flûte ivre[438] qui pouvait faire pendant à la vieille femme ivre de Myron. Aussi bien que Myron, Lysippe se plut à la représentation des animaux. Outre ceux qui figuraient dans sa Chasse d’Alexandre, il était l’auteur d’un lion tombé, apporté à Rome de Lampsaque par Agrippa[439], et qui put servir de modèle aux lions qu’on voit à Rome, parmi lesquels le plus beau, le plus vrai, est le lion du palais Barberini. Pour la chienne léchant sa blessure, on hésite entre lui et Myron[440]. Ceci montre combien ce que nous savons de ces deux sculpteurs établit entre eux d’analogie[441].

Si le cheval de bronze du Capitole n’était revendiqué par l’école de Phidias, on pourrait l’attribuer à Lysippe, auteur d’un cheval qui semblait prêt à s’élancer et à courir, suivant l’expression d’un poète de l’Anthologie, et auquel l’art avait donné la vie[442].

L’art grec fleurit dans les royaumes nés de l’empire d’Alexandre, mais un art d’imitation. Cet art transplanté prit parfois un air étranger ; cependant son caractère natif prévalut même en Orient.

Le génie de la Grèce et le génie oriental se rencontrèrent dans Alexandrie, ville égyptienne et grecque, mais moins égyptienne que grecque. L’art aussi y fut plus grec qu’égyptien.

L’art égyptien continua à reproduire les anciens types sacrés presque sans altération.

Chose remarquable : en général, on reconnaît que la Grèce a influé sur l’Égypte à l’intériorité de la sculpture égyptienne, quand elle a subi cette influence. Les statues égyptiennes du temps des Ptolomées n’ont plus le caractère de la grande époque de l’art national sous les Thoutmosis ou les Ramsès.

Le génie égyptien était d’une nature si particulière, si exclusive, que le goût grec qui, à Rome et partout ailleurs, a introduit la perfection, en Égypte n’a amené que l’abâtardissement. Pour s’en convaincre que l’on compare les hiéroglyphes de l’Obélisque de Saint-Jean de Latran[443], les plus beaux du monde, avec ceux de l’époque des Ptolomées dans le musée égyptien du Vatican[444] ; et, sans sortir de ce musée, la statue de la mère[445] de Sésostris, sculpture en partie de convention, mais pleine de fierté, avec les statues lourdes et froides de l’époque Alexandrine[446] et l’on verra la différence.

Cependant, à son premier contact avec la Grèce, l’art égyptien en avait éprouvé une heureuse influence. Voyez les beaux lions du Vatican ; un sentiment nouveau de la nature se trahit dans les muscles, à côté du style convenu qui subsiste dans la crinière. Ces lions, qui portent le nom du roi Nectanébo, sont de l’âge qui précède immédiatement celui d’Alexandre[447].

Mais laissons l’art égyptien dont je n’ai parlé que pour indiquer le contraste que présentent l’action de la Grèce sur cet art qu’elle fait dégénérer et l’action de la Grèce sur l’art romain dont elle crée la beauté.

Il faut qu’il y ait une certaine analogie entre les peuples pour que l’imitation de l’un soit salutaire à l’autre. Si leurs génies sont trop différents, ils se repoussent ou n’agissent l’un sur l’autre que pour se dénaturer mutuellement. Les unions ne sont fécondes qu’entre des êtres de même espèce ; entre des êtres trop différents, si elles produisaient quelque chose, elles produiraient des monstres.

heureusement pour lui, l’art grec à Alexandrie resta grec. Il n’emprunta à l’art égyptien ni ses types ni ses procédés ; il ne lui emprunta que certaines matières comme le basalte et le porphyre. L’usage de ces matières avant l’empire, car alors leur usage pénétra partout[448], prouve pour les statues où elles sont employées une provenance alexandrine.

Or, on ne peut placer sous l’empire certaines statues en porphyre et en basalte, parce que leur style est antérieur à l’empire[449], ou parce que leur sujet ne convenait pas à l’empire. Pourquoi aurait-on fait sous l’empire le portrait d’une reine d’Égypte[450], quand il n’y avait plus de royaume d’Égypte, ou le portrait d’un grand citoyen de la république comme Scipion[451] quand il n’y avait plus de république et de citoyens ; d’un Cornélius, après que la gens Cornelia a disparu de l’histoire et lorsque d’autres familles envahissaient son tombeau ?

Avant l’empire, l’on ne dut guère reproduire à Rome les images des divinités égyptiennes dont le culte y était nouveau et peu autorisé. Ces productions au contraire, abondent sous Adrien, quand l’Orient a envahi Rome. Les divinités égyptiennes s’embellissaient sous le ciseau grec ou romain. En Égypte, Ammon avait de grandes cornes de bélier ; considérez au Vatican un beau masque d’Ammon[452], Ammon est devenu Jupiter ; seulement on a indiqué son origine égyptienne par deux très petites cornes de bélier qui ne le déparent point. Du reste, le dieu Ammon fut adopté de bonne heure en Grèce par la mythologie et par la poésie aussi bien que par l’art.

Il ne faut pas compter parmi les divinités vraiment égyptiennes le dieu Sérapis ; Sérapis était un Pluton grec transporté en Égypte et affublé d’un nom égyptien[453].

Le caractère infernal de Pluton et de Sérapis est souvent indiqué par la couleur sombre du basalte[454]. Le célèbre sculpteur Bryaxis, contemporain de Scopas, avait donné ce caractère à son Sérapis, en étendant une teinte noire sur les diverses matières dont il était composé.

Quelquefois les rayons dont la tête de Sérapis est entourée[455] font du dieu ténébreux un dieu en même temps solaire ; dans cette association, constante en Égypte, du principe infernal et du principe lumineux, l’idée égyptienne reparaît. On peut dire que Sérapis, qui succéda aussi à Esculape par ses oracles, détrôna Pluton ; on rencontre moins d’images de Pluton que de Sérapis. Je ne connais pas un grand sculpteur[456] grec cité comme auteur d’un Pluton. Ce dieu lugubre ne souriait pas au génie des Grecs, et pour cette raison il occupa rarement le ciseau imitateur des Romains[457].

Par une autre raison les Romains représentèrent rarement Saturne, l’ancien dieu latin[458]. Leur art était si peu original que lorsqu’ils ne pouvaient s’inspirer de l’art grec ils négligeaient leurs propres divinités.

L’art grec conserve toute sa beauté dans des statues qui n’ont rien d’égyptien que le sujet et la destination. Il en est ainsi pour le Nil, qui ornait à Rome un temple d’Isis[459]. Cette admirable statue n’est pas plus égyptienne que le Tibre de Paris qui lui servait de pendant, et lui ressemble par la qualité du marbre et la nature de l’exécution, toutes raisons de conclure que le Nil a été sculpté à Rome[460], où le Tibre a dû l’être[461].

L’original alexandrin était plutôt ce Nil en basalte que l’on conservait dans le temple de la Paix[462]. Le fleuve y était de même, ainsi que dans un tableau grec[463], entouré d’enfants représentant les seize coudées dont le nombre constituait la crue normale du Nil[464].

L’art du portrait fleurit à Alexandrie, on en peut juger par les beaux camées des Ptolémées. Quant aux prétendus Ptolémées des collections de Rome, ce sont en général des athlètes. L’on fit beaucoup de portraits d’athlètes durant l’époque alexandrine ; souvent ces athlètes sont d’un style plus ancien qu’on imite volontiers à cette époque d’archaïsme savant[465].

Trogue Pompée, répété par Justin (XIII, 1), affirme que tous les successeurs d’Alexandre étaient beaux ; il ne pouvait le savoir que par leurs camées, leurs médailles ou leurs statues. Cela prouve seulement que ces rois étaient rois absolus, rois orientaux, et que l’art devenu servile dans le servile Orient avait, comme l’éloquence, ses panégyristes.

L’Orient ouvert à la Grèce par Alexandre, en adopta bientôt les arts ; on voit Antiochus-Épiphane, celui qui relevait les monuments d’Athènes, promener dans sa procession célèbre cent sculptures en marbre des premiers artistes athéniens[466].

Le royaume de Pergame — ses souverains rivalisaient avec les premiers Ptolémées pour la protection des lettres et, l’encouragement des arts , sa bibliothèque le disputait à la bibliothèque d’Alexandrie, — le royaume de Pergame eut aussi ses sculpteurs célèbres ; Pline en cite plusieurs, dont les statues se rapportaient aux événements des guerres d’Eumène et d’Attale contre les Gaulois[467], statues, dont selon quelques-uns, le Gaulois blessé, du Capitole, et le Gaulois qui se tue, de la villa Ludovisi [468], sont des originaux ou des imitations.

Un sculpteur de Pergame, Stratonicus, avait gravé sur une coupe un satyre endormi, peut-être celui qui dormait au bord de la mer, quand survint la belle Amymone. Stratonicus l’avait placé sur la coupe, plutôt qu’il ne l’y avait gravé[469], disait-on pour exprimer la vérité avec laquelle était représenté le sommeil du satyre. Cette vérité se retrouve dans une belle statue de satyre endormi connue sous le nom de Faune Barberini, qui, déterrée auprès du mausolée d’Adrien, a été portée à Munich, après avoir probablement servi de projectile aux soldats de Bélisaire, lorsque assiégés par les Goths, dans ce mausolée dès lors transformé en forteresse, comme il l’est encore aujourd’hui, ces soldats lancèrent contre les assaillants les statues dont il était décoré. Le chef-d’œuvre imité de Stratonicus est allé dans le pays d’où venaient les Goths ; mais il est resté à Rome une statue qui par sa disposition lui est analogue, bien que l’exécution en soit très inférieure[470].

Esculape debout tenant le bâton autour duquel s’enroule le serpent, cet Esculape dont presque chaque galerie possède des exemplaires[471], est celui de Pyromaque de Pergame ; car il est très exactement représenté sur des médailles de cette ville, la plus célébre par le culte d’Esculape, après Épidaure[472].

Sur ces médailles le dieu a auprès de lui Hygie dont on le voit sans cesse accompagné ; entre eux, est le petit Télesphore, à l’aspect riant, symbole de la santé, rendue par la médecine, et qui en effet avec sa longue robe et son capuchon, a assez l’air d’un convalescent[473] en robe de chambre et en bonnet de nuit[474].

Cet Esculape de Pergame devint l’Esculape romain ; le serpent enroulé autour du bâton du dieu figurait le serpent sous la forme duquel Esculape était venu dans l’île du Tibre. Une statue trouvée dans cette île est à Naples, et on voit encore le bâton et le serpent d’Esculape sculptés sur la proue en pierre de l’île à laquelle on avait donné la forme d’un vaisseau.

Carthage aussi était devenue très grecque avant d’être soumise aux Romains. Annibal écrivait en grec et avait auprès de lui des Grecs, pour écrire l’histoire de ses campagnes ; Diogène de Laërce parle d’un philosophe carthaginois appelé Asdrubal, qui prit le nom grec de Clitomachus. La ville conquise renfermait diverses productions de l’art grec et l’on sait que le sculpteur grec Boëthos, auteur d’une composition gracieuse et souvent répétée : l’enfant qui serre le cou d’une oie, vivait à Carthage[475]. Pausanias parle d’un enfant assis, de Boëthos[476] ; et Pline dit qu’il s’attachait à représenter des enfants[477], comme l’a fait dans les temps modernes un sculpteur très distingué ami du Poussin, Duquesnoy qui excellait dans ce genre et qui a très habilement restauré les enfants qui entourent la statue du Nil au Vatican.

Dans le siècle qui suivit le règne d’Alexandre, l’art grec subit une décadence que Pline a signalée. L’époque de cette décadence est celle de la Grèce délivrée et asservie par les Romains ; elle aboutit à une sorte de renaissance, dont Rome, dans le dernier âge de la république, fut surtout le théâtre ; Rome aussi était déchirée alors par les factions, mais elle était encore libre.

En Asie, en Égypte, où se fondent du moins des monarchies stables, dans l’île de Rhodes, dont l’activité commerciale soutient la force et défend l’indépendance, l’interruption de la marche de l’art n’a pas lieu au même degré, et la décadence est moins visible. Les plus beaux jours de l’art grec étaient passés ; mais, je l’ai dit, il y avait dans cet art un tel fond d’énergie productive qu’il devait jeter encore un vif éclat. Oui, la sculpture fleurira de nouveau, elle sera toujours belle, mais elle sera moins grande.

Dans cette époque, la grâce prédomine sur la force et tourne à la mollesse ; le dramatique l’emporte sur le caractère et tourne à l’exagération.

Cet amollissement de l’art est sensible dans la Vénus Anadyomène, la Vénus accroupie, la Vénus de Médicis, enfin dans le voluptueux hermaphrodite de Polyclès.

Le plus beau des hermaphrodites a passé de la villa Borghèse au Louvre, mais il en reste à Rome une réplique fort belle aussi, et un souvenir assez piquant : la façade d’une église. La statue avait été trouvée dans le jardin des religieuses de Sainte Suzanne, sur l’emplacement des jardins de Salluste. Le cardinal Scipion Borghèse offrit aux bonnes sœurs de réparer leur église, si elles voulaient lui abandonner leur hermaphrodite, dont elles ne savaient que faire, et qui ne scandalisait point le cardinal.

Polyclès, dont l’âge touche à l’époque de renaissance indiquée par Pline[478], était auteur d’un hermaphrodite[479] ; célèbre statue en bronze qui doit avoir été le type des hermaphrodites couchés, les plus nombreux comme les plus beaux[480]. Cette conception gracieuse, et cette œuvre admirable[481], convenaient bien à l’époque de Polyclès, celle de la renaissance de l’art antique, renaissance qui conserva dans ses plus beaux ouvrages des traces de l’affaiblissement qui l’avait précédée.

Ce type rendu d’abord avec une simplicité grave dans les hermaphrodites debout, puis avec une grâce molle dans les hermaphrodites couchés, finit par aboutir à des groupes tout à fait licencieux.

Continuons à suivre dans les musées de Rome la marche de l’art grec après Lysippe. L’excès de l’expression est avec l’excès de la grâce le caractère de cet art à une époque d’admirable décadence. L’excès de l’expression se rencontre ou est près de se rencontrer dans une composition sublime, le Laocoon[482]. Toute belle qu’elle est, la tête de Laocoon exprime surtout la douleur physique, et le découragement du désespoir. Ce n’est plus cette héroïque fermeté que Niobé conservait dans sa majestueuse désolation ; Laocoon est trop un patient, pas assez un héros ; il dépasse les limites que l’art grec s’était presque toujours imposées, sa bouche crie, ou au moins gémit ; c’est trop.

Ce que l’on a dit de la compassion qu’il ressent pour ses enfants, de son indignation contre le ciel qui lui envoie un supplice immérité, de sa résignation dans la douleur[483], est pure imagination pour qui regarde le Laocoon sans parti pris d’y trouver ce qui n’y est point ; il souffre, il souffre admirablement, voilà tout.

Par la nature du sujet, les muscles sont gonflés, les nerfs sont tendus, les veines font saillie[484]. Tout cela est d’un ciseau merveilleux, tout cela est ennobli et adouci autant que possible par le génie d’un grand artiste ; mais le calme, condition ordinaire de la belle sculpture grecque, est forcément absent.

De là une impression pénible qui, en présence d’une sculpture trop douloureuse, trouble un peu la pure jouissance de l’art. Elle a été finement exprimée dans une épigramme de l’Anthologie[485], dont l’auteur, s’écrie à propos du Philoctèle de Parrhasius : Ô le meilleur des peintres, tu es parfait, mais laisse à la fin ton héros, qui a tant souffert, se reposer de sa souffrance.

Malgré ma profonde admiration pour le Laocoon, quand je l’ai trop longtemps admiré je ne puis m’empêcher de lui adresser cette douce plainte du poète de l’Anthologie.

Je ne suis pas le seul, le sculpteur Daneker n’aimait pas à le regarder longtemps ; mais je ne vais pas si loin qu’un autre allemand, Kotzebue ; celui-ci disait ridiculement : Le Laocoon me rappelle le Mangeur d’hommes, que dans mon enfance j’ai vu rouer à Weimar.

Ce groupe immortel est un ouvrage grec transporté à Rome ; nous savons par Pline le nom des trois sculpteurs rhodiens qui travaillèrent ensemble au Laocoon[486] : ce furent Agésander, Athénodore et Polydore, probablement un père et ses deux fils[487], qui exécutèrent l’un la statue du père, et les autres celles des deux fils, touchante analogie entre les auteurs et l’ouvrage.

Le Laocoon a été trouvé, non dans la maison dorée de Néron, sous les thermes de Titus, — où les ciceroni montrent, dans une niche, une base trop étroite pour lui, — mais près de là, vers les Sept-Salles, dans une vigne appartenant à un Romain nommé Félice de Frédis, comme l’atteste l’inscription gravée sur son tombeau dans l’église d’Araceli. Le palais de Titus, que décorait le Laocoon, et qui auparavant avait fait partie de la maison dorée de Néron, était dans cet endroit, non loin de l’amphithéâtre de la famille Flavienne, le Colisée, dont la porte d’entrée et la loge impériale étaient pour cette raison de ce côté.

A quel moment de l’art grec peut appartenir le Laocoon ? Lessing, qui croyait que les auteurs avaient eu devant les yeux, en le composant, les vers de Virgile, le plaçait sous l’Empire. Nous verrons que si le Laocoon a une origine poétique, ce n’est pas dans l’Énéide qu’il faut la chercher, mais dans une tragédie perdue de Sophocle[488].

Winckelmann et Meyer[489] placent le Laocoon à une époque belle encore de l’art grec, celle qui suivit la mort d’Alexandre. Un passage de Pline, dans lequel Lessing avait cru trouver la preuve que le groupe célèbre était du temps de l’empire, ne le prouve nullement[490], et il me paraît impossible de faire descendre si bas la date d’un tel chef-d’œuvre. Son exécution est d’un meilleur temps[491], et la violence même de l’expression, qui semble devoir l’en écarter, ne l’en éloigne pas absolument. La douleur physique avait été exprimée dans l’âge du grand style par le sculpteur Pythagoras, puisqu’on croyait sentir la douleur de son blessé en le regardant[492].

Ceux qui voulaient que le Laocoon ne remontât pas au delà du premier siècle de l’empire ont fait remarquer que Pausanias n’en parle point. Il leur a été répondu que Pausanias ne nous a pas laissé un catalogue complet de toutes les statues antiques ; d’ailleurs, si le Laocoon n’existait point au temps de Pausanias, il serait postérieur au second siècle, ce qui est impossible. Un argument historique me semble achever de donner raison à Winckelmann contre Lessing.

Les auteurs du Laocoon étaient Rhodiens, ce peuple auquel, dit Pindare (Ol., VII, 50-2), Minerve a donné de l’emporter sur tous les mortels par le travail habile de leurs mains, et dont les rues étaient garnies de figures vivantes qui semblaient marcher. Or, le grand éclat, la grande puissance de Rhodes, appartiennent surtout à l’époque qui suivit la mort d’Alexandre. Après qu’elle se fût délivrée du joug macédonien, presque toujours alliée de Rome, Rhodes fut florissante par le commerce, les armes et la liberté[493], jusqu’au jour où elle eut embrassé le parti de César ; Cassius prit d’assaut la capitale de l’île et dépouilla ses temples de tous leurs ornements[494]. Le coup fut mortel à la république de Rhodes, qui depuis ne s’en releva plus.

C’est avant cette fatale époque, dans l’époque de la prospérité rhodienne, entre Alexandre et César, que se place le grand développement de l’art comme de la puissance des Rhodiens, et qu’on est conduit naturellement à placer la création d’un chef d’œuvre tel que le Laocoon[495].

L’école de Rhodes se rattachait à Lysippe par son disciple Charès[496], auteur du fameux colosse de Rhodes qui avait 105 pieds, la hauteur de la colonne Trajane. Lysippe avait poussé très loin l’expression. Un poète de l’Anthologie[497] a dit de lui : Lysippe, main hardie, artiste brûlant, l’airain de ton Alexandre semble du feu. De là procède l’expression si vive et presque démesurée du Laocoon. On peut y trouver, dit O. Müller, quelque chose du caractère de l’éloquence un peu asiatique des Rhodiens ; leur sculpture dut s’éloigner de la sculpture attique par une tendance plus marquée à l’effet. L’école rhodienne, comme Lysippe lui-même, auteur du plus grand colosse après celui de Charès, aimait le colossal. Outre le colosse de Charès, on en voyait cent autres à Rhodes, et, signe de la facilité rhodiennenous avons remarqué la facilité chez Lysippetrois mille statues. Cette école, en toutes choses, penchait vers le démesuré. Dans le Laocoon, l’expression ne va pas jusqu’au démesuré, mais elle en approche beaucoup.

Une dernière question se présente : le Laocoon est-il un original ou une magnifique copie ? Pline dit que les trois statues dont se compose le groupe étaient d’un seul morceau, et ce groupe est formé de plusieurs, or en a compté jusqu’à six. Ceci semblerait faire croire que nous n’avons qu’une copie, mais j’avoue ne pas attacher une grande importance à cette indication de Pline, compilateur plus érudit qu’observateur attentif. Michel-Ange, dit-on, remarqua le premier que le Laocoon n’était pas d’un seul morceau ; Pline a très bien pu ne pas s’en apercevoir plus que nous et répéter de confiance une assertion inexacte.

Le grand problème, c’est l’Apollon du Belvédère, cette statue la plus vantée de Rome, et dont les anciens ne parlent pas. Rien ne fait mieux sentir combien il est quelquefois difficile d’assigner une œuvre d’art à son véritable auteur quand il n’a pas signé :

. . . Non iuscriptis auctorem reddere signis.

On connaît l’enthousiasme de Winckelmann pour l’Apollon du Belvédère. Les louanges que Winckelmann lui a données sont justes, seulement, il n’a pas tenu compte de la beauté plus haute de chefs-d’œuvre qu’il ignorait. Prodiguant au sujet de l’Apollon du Vatican les termes d’une admiration enthousiaste, il n’a rien laissé à ajouter pour les marbres du Parthénon. S’il eût connu ce nec plus ultra de l’art grec, il eût gardé pour lui l’éloge suprême ; Winckelmann ne s’est pas trompé de note, mais de gamme, ou, si l’on veut, de clé. Son dithyrambe est un beau chant qu’il faut transposer ; il faut le faire descendre dans l’échelle des tons, en réservant les portées les plus hautes pour Phidias et pour les maîtres qui l’ont suivi.

L’Apollon du Belvédère, on le reconnaît généralement aujourd’hui, n’est pas un produit de l’art grec à son point de croissance le plus parfait, c’est une ravissante fleur née plus loin de, la racine.

Chose étrange, on ne saurait affirmer que l’Apollon du Belvédère soit l’original ou la reproduction d’une des statues mentionnées par les anciens, on ne sait à quelle œuvre grecque le rapporter.

Ce ne peut être aux Apollons de Calamis, comme le voulait Visconti. Rome possédait, il est vrai, deux Apollons de Calamis[498], mais ce que l’on sait de la dureté du style de Calamis[499] ne peut convenir à l’Apollon du Belvédère, qui est le contraire de la dureté. De plus, ce type, contemporain de Phidias, ne saurait être tacitement celui de l’Apollon du Belvédère, qui lui est si postérieur. La même objection, tirée de la différence des styles et des dates, s’applique aux Apollons de Myron[500], à celui d’Euphranor, à celui de Phidias[501], et encore mieux aux Apollons antérieurs à Phidias.

D’autres ont pensé que l’Apollon du Belvédère pourrait être l’Apollon perçant de ses flèches les Niobides, dans la grande composition de Scopas ; outre la diversité des styles, l’original de l’Apollon du Belvédère était en bronze, on le voit à la draperie, comme l’a reconnu Canosa, et l’Apollon de Scopas, qui très probablement décorait le fronton d’un temple, était en marbre. Ce ne peut même être une copie de Scopas ; les bas-reliefs où ce sujet est traité d’après Scopas montrent Apollon immobile et lançant ses flèches ; l’Apollon du Belvédère marche et il a lancé les siennes.

Une opinion tout à fait invraisemblable est celle qui veut reconnaître dams l’Apollon du Belvédère la statue de l’Apollon Palatin, consacrée par Auguste à célébrer la victoire d’Actium. Les médailles et Properce nous apprennent que l’Apollon Palatin tuait représenté vêtu d’une robe longue et jouant de la lyre.

Quant à y voir un portrait idéalisé d’Auguste, auquel l’Apollon du Belvédère ne ressemble point, ou de Néron, auquel il ne ressemble pas davantage, et qui se faisait représenter sous les traits d’Apollon Citharède, ces opinions ne sont pas soutenables ; grâce au ciel, un chef-d’œuvre de l’art n’est pas un chef-d’œuvre de bassesse.

Est-ce Apollon qui vient de percer le serpent Python, de ses traits[502] comme le pensait Winckelmann ? Non, le dieu n’abaisse pas ses regards vers un reptile vaincu il regarde devant soi et regarde plus loin. D’ailleurs, la mort de Python fut un exploit d’Apollon enfant, et même accompli selon quelques-uns presque le jour où il vint au monde[503]. Je ne puis donc partager l’illusion d’un savant allemand, M. Thiersch, qui croit voir errer sur les lèvres de l’Apollon du Belvédère les paroles que, dans l’hymne attribué à Homère, le dieu triomphant adresse au reptile vaincu.

Ce n’est pas davantage Apollon chassant de sort temple les Furies qui sont venues poursuivre Oreste jusque-là ; car dans les Euménides d’Eschyle (180), Apollon menace les Euménides de ses traits, et ne les lance pas contre elles ; comme nous le verrons, le plus probable est qu’Apollon tenait un arc à la main, mais l’expression de son visage dit qu’il s’en est servi.

On a aussi supposé que l’Apollon du Belvédère figurait le dieu repoussant les Gaulois de son temple[504]. Quand il s’agit d’une œuvre de l’art antique et surtout de la statue d’un dieu, il y a presque toujours à parier pour la mythologie contre l’histoire.

Une statuette en bronze venue de Grèce et maintenant en Russie[505] a donné lieu à une nouvelle supposition sur le complément à donner à l’Apollon du Belvédère dont les mains et les deux avant-bras sont des restaurations modernes, et, par suite, sur l’action dans laquelle le dieu aurait été représenté.

Cette statuette ne tient ni l’arc ni la lyre[506], mais l’égide, la peau de chèvre avec la tête de Gorgone, que les poètes et Homère en particulier placent dans la main d’Apollon. La grande ressemblance de la statuette de bronze du comte Stroganoff et de l’Apollon du Belvédère a décidé plusieurs savants et parmi eux un archéologue très expérimenté, M. Brunn, à admettre que l’Apollon du Belvédère tenait aussi dans sa main gauche l’égide.

Celte ressemblance et l’autorité de M. Brunn parlent bien haut. Cependant j’ai quelque peine à me figurer au bout du bras de l’Apollon, d’où pendent deux lais de draperie, la peau de chèvre qui formerait un troisième appendice du même genre. L’œil, ce me semble, en serait désagréablement frappé[507], et j’ai vu plusieurs sculpteurs partager cette impression. L’arc, en somme, me paraît avoir moins d’inconvénients, et je m’y tiens provisoirement.

Malgré cette légère différence, l’Apollon Stroganoff et l’Apollon du Belvédère proviennent évidemment d’un même original, et le premier ayant été trouvé en Grèce, c’est une raison de croire que cet original commun à tous deux était grec.

Je crois donc qu’il faut en revenir à l’idée d’Apollon qui vient de lancer ses flèches ; mais, d’après les raisons que j’ai alléguées, ce ne peut être ni contre le serpent Python, ni contre les Niobides, et rien ne me paraît mieux rendre compte de l’attitude victorieuse et de l’allure superbe du dieu que la supposition d’après laquelle l’artiste, s’inspirant d’Homère, comme l’avait fait bien avant lui Phidias pour Jupiter, aurait voulu montrer Apollon qui vient d’atteindre de ses traits l’armée des Grecs et marche sur les montagnes le cœur rempli de joie. D’autres têtes, fort semblables à celle de l’Apollon du Belvédère[508], font voir qu’il en existait plusieurs répétitions, et c’est une preuve de plus `de la célébrité du mystérieux original qu’elles reproduisent.

Quel est-il cet original si difficile à découvrir, et quel artiste a exécuté cette statue dont il coûte de laisser la gloire à un sculpteur anonyme ! S’il fallait absolument prononcer un nom propre, je proposerais celui de Philiseus, né à Rhodes, comme les auteurs du Laocoon, et auteur d’un Apollon qui existait à Rome[509]. Le goût de l’éclat et de l’effet, caractère de l’école rhodienne, la plus brillante du reste des écoles grecques après Alexandre, pourrait se retrouver clans l’Apollon du Belvédère, et le choix de ce dieu, si nous avons bien compris son action, — agissant comme dieu-soleil en lançant ces traits qui donnent la mort, ce qu’on peut entendre des ardeurs de l’été répandant les contagions, — le choix d’Apollon-soleil ne messiérait pas à un enfant de cette île que Pindare appelle l’épouse du Soleil[510], dont les habitants avaient la religion du soleil ; comme le font connaître et la tradition suivant laquelle ce dieu eût été après un déluge le créateur d’une race nouvelle, celle des Héliades, et le fameux colosse, qui était une gigantesque image du soleil.

La statue de Philiscus était, dit Pline, dans le temple d’Apollon ; or, Apollon était à Rome le dieu salutaire, le dieu Médecin, c’est-à-dire, d’une manière générale,, celui qui écarte les maux. Si Philiscus a, comme la nature du marbre nous forcera à l’admettre, travaillé à Rome, il est naturel qu’il ait voulu approprier le dieu terrible, qui donne les maladies, au culte qu’à Rome on rendait à celui qui pouvait les guérir ; de là le serpent placé auprès de la statue du Belvédère. Cet attribut d’Esculape était celui d’Apollon médecin[511].

Unir dans un même symbole le dieu formidable et le dieu secourable ; celui qui frappait et celui qui guérissait, était dans le génie des religions antiques[512], et a passé de là dans les superstitions modernes. On m’assure que les gens de la campagne, en Italie et même en France, croient que tel saint ne guérit de telle maladie que parce que c’est lui qui l’envoie.

Mais Philiscus devait avoir un modèle. Ici je proposerai timidement Praxitèle, dont il y avait un Apollon à Rome[513] ; nous aurions une copie de cet Apollon modifiée par Philiscus. L’original de l’Apollon du Belvédère peut bien, ce me semble, appartenir à la gracieuse famille des Apollons de Praxitèle, et il serait devenu plus théâtral dans la reproduction de Philiscus sous l’influence du goût rhodien.

Mais pour cela il faudrait que Philiscus fût venu à Rome, ce qui n’a rien d’invraisemblable, mais ce que nous ne savons point.

Car il paraît certain que l’Apollon du Belvédère a été exécuté à Rome ; le marbre de la statue est regardé généralement aujourd’hui comme un marbre italien[514]. Après bien des discussions, on en est revenu à l’opinion de ce minéralogiste français, lequel, au milieu de l’enthousiasme sans borne qui proclamait cette statue le chef-d’œuvre de l’art grec, à l’inspection déclara que le chef-d’œuvre de l’art grec ne venait point de Grèce, ce qui n’empêchait point du reste qu’il ne pût avoir été exécuté à Rome par un ciseau grec d’après un modèle grec.

Quelle que soit la provenance de l’Apollon du Belvédère, s’il n’efface pas tout ce qu’il y a de sculpture dans le monde, et même à Rome, il n’en est pas moins une œuvre d’une singulière beauté. La réaction de dédain provoquée par les louanges sans mesure dont il a été l’objet, est beaucoup plus injuste que ces louanges n’étaient exagérées, et j’aimerais mieux être coupable des phrases les plus ridicules du président Dupaty que d’avoir à me reprocher ce blasphème d’atelier : L’Apollon ressemble à un radis ratissé.

Quand on trouverait, en le comparant aux marbres du Parthénon, les muscles trop adoucis, on ne pourrait s’empêcher d’admirer l’élégance suprême de toute la statue, certains détails rendus avec un sentiment exquis ; et la tête, la physionomie triomphante et radieuse ! Un poète grec disait, en parlant de l’ancien Apollon d’Onatas : Beau par la tête et le regard[515]. Il eût dit de même à propos de l’Apollon du Belvédère.

Quelle est donc cette statue, la seule peut-être parmi les belles statues de Rome dont il soit impossible d’indiquer l’origine grecque ? J’y vois comme un résultat mystérieux du travail des siècles, comme une fleur dont la semence inconnue a été apportée par tous les vents. Peut-être l’Apollon du Belvédère provient-il d’un type ancien modifié, transformé par bien des générations d’artistes.

A travers Onatas, Calamis, Phidias, Myron[516], Pythagoras, Léocharès, Praxitèle, Lysippe et beaucoup d’autres, passant par le bois, l’airain, l’ivoire et le marbre, ce type est arrivé à la main ignorée qui, à une époque d’élégance et d’habileté, a mis plus de charme encore que de grandeur dans une conception d’où le charme pourtant n’a pas banni la sublimité.

Chacun de ces statuaires a pu concourir pour sa part à préparer de loin l’Apollon du Vatican. L’Apollon de l’Éginète Onatas était déjà remarquable par la tête et le regard. L’Apollon de Calamis était l’Apollon qui chasse les maux ; le type de l’Apollon dorien est reproduit selon O. Müller dans l’Apollon du Belvédère[517]. Myron, célèbre par la beauté de ses têtes, n’est peut-être pas étranger à la beauté de la sienne, Léocharés à sa grâce, et encore moins Praxitèle s’il a fourni l’original de la statue. Lysippe enfin, par son influence sur l’école de Rhodes, a pu transmettre quelque chose de son ardeur au Rhodien Philiscus, pour moi auteur présumé de l’Apollon du Belvédère.

Ce chef-d’œuvre ainsi compris serait le dernier terme d’une série dont les premiers seraient l’Apollon Agyeus, qui était une pierre conique[518], et l’Apollon d’Amyclée, lequel, sauf le visage, à peine indiqué, sauf les pieds et les mains, qui faisaient saillie, ressemblait à une colonne[519]. Le terme extrême est cet Apollon si svelte, si dégagé, dont le visage est si fièrement animé, et que Maxime de Tyr semblait avoir devant les yeux quand il peignait un jeune homme qui, l’arc à la main, marche avec les pieds d’un dieu.

En présence des belles œuvres de la dernière heure telles que la Vénus de Médicis, l’Apollon du Belvédère, une opinion s’est formée qu’il faut combattre : on a cru que l’art grec s’était soutenu à la même hauteur pendant cinq siècles. Visconti a été jusqu’à dire, en parlant d’ouvrages postérieurs à Alexandre, et même datant de l’empire, qu’ils avaient surpassé les chefs-d’œuvre de l’ancienne école.

Les choses ne sont point allées ainsi, et, j’ose le dire, au Vatican, en présence de l’Apollon du Belvédère, parce qu’au Vatican je me souviens du Parthénon.

L’histoire des arts et des lettres montre partout une époque de rudesse et de vigueur précédant une époque de perfection, après laquelle vient une époque de grâce et de raffinement que suit une ère de décadence avec des retours momentanés et incomplets vers la beauté des âges qui ont précédé. Cette marche, en quelque sorte nécessaire, et que l’art suit fatalement, peut être étudiée à Rome dans les transformations d’un type qu’on y rencontre fréquemment, la tête de Méduse. Cette tête a commencé par être hideuse. A l’état ancien, la Gorgone a d’énormes dents de sanglier et tire la langue en faisant une horrible grimace[520]. Avec le temps, la tête de Méduse change d’aspect, elle n’est plus que terrible, elle devient même belle. La bouche, d’abord affreusement béante, ne fait plus que s’entrouvrir. Les serpents, ne se montrent plus qu’à peine dans la chevelure et finissent par en disparaître : le mouvement et l’entortillement fantastique des cheveux les figure et les remplace[521]. On s’explique ainsi comment Cicéron, parlant d’une sculpture volée par Verrés, a pu dire : Gorgonis os pulcherrimum[522], un très beau visage de Gorgone, et comment le peintre Timomaque était renommé pour la beauté qu’il avait donnée à la Gorgone[523]. Selon Lucien, c’est par la beauté que les Gorgones pétrifient[524].

L’art grec a passé par ces phases, il est arrivé à un art grand avant Phidias, partait avec Phidias et ses premiers successeurs, gracieux avec Praxitèle. Après Lysippe, il y a eu interruption, comme nous l’apprend Pline, et, comme il nous l’apprend encore, au bout d’un siècle et demi environ il y a eu une renaissance, niais une renaissance incomplète, et les traces de l’affaiblissement subsistent même après la résurrection[525].

L’Apollon du Belvédère à Rome, la Vénus de Médicis à Florence, le Combattant d’Agasias à Paris, sont des produits admirables de cette époque de l’art grec entremêlée de chutes et de retours. C’est une seconde vie de l’art antique ; mais la seconde vie dans les arts n’est pas comme la seconde vie de l’homme, elle est toujours plus imparfaite que la première. Cet arbre, quand il repousse, ne s’élève jamais autant qu’avant d’être coupé. Dans la physique des arts, le fleuve qui se précipite ne remonte pas à la hauteur de sa source.

L’histoire explique cette marche des choses. L’époque héroïque des républiques grecques, et en particulier d’Athènes, l’époque de Marathon et de Salamine prépare l’âge de Périclès ; puis l’esprit public diminue, les caractères s’abaissent et la Grèce tombe aux pieds d’Alexandre. Comme toujours, la plus brillante servitude est punie justement par les misères qui la suivent. Après Alexandre, la Grèce est déchirée et l’art semble périr.

Une tradition de l’art grec se conserve dans les royaumes sortis du fractionnement de l’empire d’Alexandre, chez les rois de Pergame et surtout en Égypte ; mais une tradition amoindrie, car la grande inspiration a fini sans retour avec la liberté. Cette tradition se perpétue surtout dans la république commerciale de Rhodes, tandis que s’y conservent, avec la liberté, la richesse et la puissance. Après que les Romains ont pacifié la Grèce en l’asservissant, le génie des arts, indomptable chez les Grecs, refleurit sous la domination étrangère et dans la capitale des vainqueurs. Mais rien ne serait plus faux, malgré des produits éclatants de l’imitation, que de comparer cette époque du talent reproductif avec les époques de génie créateur. Sous l’empire, l’art n’a comme l’humanité que des moments, et les très bons ouvrages sont des exceptions presque autant que les très bons empereurs.

Cependant, selon Visconti et quelques autres, l’art se serait soutenu à la même hauteur durant cinq siècles, et à la fin de ce temps on le verrait plutôt se perfectionner que déchoir.

Quand j’entends un homme tel que Visconti soutenir une thèse aussi contraire aux enseignements de l’histoire et aux lois de l’esprit humain, je m’étonne ; mais je me rappelle bientôt que cette thèse fut celle des dernières années de sa vie, lorsqu’il était venu vivre en France sous un souverain plus sympathique à l’empire romain qu’aux républiques grecques, et à qui probablement il ne déplaisait pas qu’on mit le siècle d’Auguste au-dessus du siècle de Périclès. Je crains que la liberté d’esprit de Visconti ne se soit pas assez soustraite à ces influences[526], surtout quand je vois une telle opinion se produire, soit sous son nom, soit sous le nom d’autrui, dans des ouvrages qu’il inspirait et dont la publication était ordonnée par celui qui en France avait fondé l’empire.

Peut-être l’influence dont je parle n’a-t-elle été pour rien dans l’opinion que je combats. Cette opinion a été partagée par d’autres critiques éminents, comme M. Thiersch, qui n’avait aucun motif particulier de la soutenir. Je n’accuse donc personne, et si je me suis laissé aller à une défiance peut-être injuste, c’est qu’en écrivant ce livre j’ai eu plus d’une fois occasion de remarquer combien la complaisance, directe ou indirecte, a faussé l’histoire. C’est à ceux qui ne veulent flatter personne à y chercher la flatterie sous tous ses déguisements pour l’en bannir.

 

 

 



[1] En bronze, Musée du Capitole, salle du Cheval, deux à la villa Albani, une en marbre noir, l’autre en basalte vert ; dans l’une de ces statues (au Vatican, gal. des Candél., 81) qui est en marbre blanc, la tradition du symbole s’est perdue.

[2] Un ancien sculpteur grec, Rhœcus, avait fait une statue de la Nuit pour le temple de la Diane d’Éphèse. (Pausanias, X, 38, 3.)

La Nuit est appelée la Mère, de l’éther et du jour. (Hesiod., Theog., 124.)

[3] Par exemple, dans un bas-relief de la villa Borghèse, ayant pour sujet le rapt de Cassandre, au pied de la statue de Pallas ; les figures principales n’offrent rien d’archaïque, mais le palladium sur l’autel est d’après un art beaucoup plus ancien. On en peut dire autant d’une figure d’Apollon sur un bas-relief du Vatican. (M. P. Cl., 587.)

[4] Aujourd’hui on y voit plutôt, au lieu du petit Bacchus, dans les mains de Leucothoé, un enfant présenté à une déesse Kourotrophos (qui nourrit et élève les enfants). Leucothoé et le petit Bacchus forment un groupe dont la composition est entièrement différente. (Cour du palais Lante.)

[5] La maigreur des bras de la femme assise, l’angle déplaisant que forme son pouce avec le reste de la main, la grosse tête de l’enfant.

[6] Un Apollon assis du Vatican (M. P. Cl., 595) semble d’abord pouvoir être considéré comme le specimen d’un art très ancien, mais Visconti et M. Gherard y reconnaissent également un faire plus moderne.

[7] La qualité du marbre dément l’apparence d’archaïsme qu’on a cherché à donner aux monuments ; lorsqu’ils sont en marbre de Carrare, l’emploi de ce marbre ne permet pas de les faire remonter à une bien haute antiquité ; l’emploi d’un marbre à veines colorées empêche également d’attribuer une origine aussi ancienne qu’on l’a fait quelquefois à des statues bachiques et dites étrusques de la villa Albani. Non fuisse tum auctoritatem maculoso marmori, dit Pline (XXXVI, 6, 1).

[8] Bas-relief de la villa Albani (grand Salon), trois femmes et une Victoire sont traitées dans le style archaïque, mais au fond est un temple corinthien de l’époque romaine.

[9] Quand par exemple une figure archaïque est surmontée d’une tête d’impératrice ; mais, des exemples qu’on a cités, il faut retrancher ceux où la tête n’appartient pas à la figure et a été rapportée.

[10] Autel de Gabie (M. Chiar., 182), des Ménades aux corps flexibles, aux mouvements impétueux, prés d’une Vénus roide dont les cheveux, soulevés par un Amour, s’écartent en équerre.

L’autel quadrangulaire du Capitole (salle des Hercules) fournit un lrappant exemple du même contraste. Sur la face du monument qui représente Jupiter entouré des divinités de l’Olympe, une figure à gauche a encore un caractère remarquablement éginétique ; il est à peine sensible dans quelques autres figures, et absent du plus grand nombre, par exemple, des Curètes dansants. Rhéa donnant à Saturne la pierre emmaillottée qu’il doit dévorer n’a non plus rien ou presque rien d’archaïque. Ici on peut croire que l’artiste, oubliant l’imitation du style antique, s’est inspiré de Praxitèle, qui avait traité le même sujet (Pausanias, IX, 2, 5) ; comme dans la tête de Junon placée au-dessous de la tête éginétique et si différente par le style, il paraît s’être inspiré de la Junon de Polyclète.

[11] Trois femmes qui se tiennent par la main (M. Chiar., 360).

[12] M. P. Cl., 261. M. Brunn croit à un archaïsme d’imitation ; la statue a été restaurée. Une répétition non restaurée (M. Chiar., 130), montre un certain progrès, la main est moins barbare.

[13] Dans un coin du salon. Les autres statues, dites archaïques de Rome, me paraisssent d’imitation, tels sont le Bacchus ou prêtre de Bacchus de la villa Albani (salle d’en bas), un athlète du Capitole, etc. ; une belle tête de femme de la villa Ludovisi est peut-être de l’ancien style attique.

[14] Elle offre une certaine ressemblance avec la Minerve tout à fait primitive des métopes de Sélinonte.

[15] Je n’ai point fait entrer dans l’histoire des types grecs dont les reproductions se voient à Rome, les monuments déterrés en Étrurie et déposés au Vatican dans le Musée Grégorien, parce que ces monuments ne sont point la Grèce à Rome, mais la Grèce en Étrurie ; ils ne se trouvent à Rome qu’accidentellement, comme ils pourraient se trouver à Londres ou à Paris.

[16] Müller, Arch. att., I, 42.

[17] M. Capit., salle des Philos.

[18] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 11.

[19] Si l’on voulait retrouver une reproduction des danseuses de Callimaque, on le pourrait plutôt dans ces danseuses dont la robe courte est pareille à celle de la jeune Spartiate victorieuse à la course (gal. des Candél., 222), et qu’on voit sur un bas-relief de la villa Albani, sur des bases de candélabres de la même villa et de la villa Borghèse.

[20] Pausanias, IV, 30, 4.

[21] M. P. Cl., 594. Statuette où les attributs caractéristiques de la Fortune ont été moins restaurés que dans d’autres statues de cette déesse. Quand le caducée n’a point de serpent et ne porte que des bandelettes, sa forme primitive, il est aussi un vestige de l’art ancien qui, pas plus que la poésie grecque avant Sophocle, ne connaissait le caducée entouré de serpents.

[22] Pausanias, II, 10, 4.

[23] Ibidem, V, 17, 1.

[24] Ou Lanuvienne (M. P. Cl., 552), et sur un autel de la villa Panfili, qui est de l’empire (dans le pré). La Junon de l’escalier du musée Capitolin n’a aucun droit au nom de Junon Lanuvienne, bien qu’on ait écrit sur sa base, en faisant un barbarisme, Lanumvina.

[25] M. Cap. Autel quadrangulaire, première salle du rez-de-chaussée. La barbe et les cheveux sont dans la donnée antérieure à Phidias, les figures se rapprochent de lui par le style.

[26] M. Chiar., 285. Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 25. Pausanias, X. 13, 3. L’Apollon Philésien est connu par les médailles de Milet.

[27] Gher., Ant. Bildwer, p. 173.

[28] Histoires naturelles, XXXIV, 19, 30 ; Tat. ad. gr. 54. Le groupe de Ménechme est rapporté sans raison par Tatien à l’enlèvement d’Europe ; on a commis la même erreur en restaurant un groupe du Vatican (M. P. Cl., 150). Sujet très fréquent sur les terres cuites et les bas-reliefs. L’original peut être d’après un autre Ménechme postérieur à Lysippe. (Br., Gesch., d. gr. k., I, p. 418.)

[29] Vat., gal. des Candél., 222. Une des jeunes filles qui couraient à Olympie, leur robe courte n’atteignant pas le genou et les cheveux flottants (Pausanias, V, 16, 2). Cette statue semble avoir été décrite par Sophocle, dans un passage de sa tragédie perdue d’Hélène redemandée. Il s’agit d’une jeune Spartiate, Hermione. Sa robe virginale voltige sur sa cuisse nue. Welck., Gr. tr., p. 121.

[30] Villa Albani, dans le Casino, au premier étage ; trouvé près de Sainte-Marie-Majeure. Je ne tiens pas compte ici d’un bas-relief apporté du Parthénon dans les temps modernes. (Vatican, M. Chiar., 372 A.)

[31] Calamis, venu un peu avant Phidias, n’eut point de rival pour les chevaux, sine æmulo, Pline, XXIV, 10, 22. — Ovid., ex Pont., epist., IV, 1, 33. Calamis, qui fut fondeur en bronze, serait-il l’auteur du cheval de bronze du Capitole qui, en effet, semble plutôt un peu antérieur que postérieur à Phidias ? Ce qui empêche de penser à Strongylion, lequel, selon Pausanias (VI, 30, 1), excella par-dessus tout dans les Chevaux et les Bœufs. Pausanias (IV, 10, 2) parle aussi des chevaux d’Agéladas, maître de Phidias ; mais ils ne devaient pas être encore arrivés à cette perfection.

[32] M. P. Cl., 339.

[33] Tous les statuaires grecs qui firent des Jupiters durent les faire d’après le célébre Jupiter d’Olympie, mais la sévérité du modèle a dit s’adoucir dans les imitations, adoucissement que leurs noms indiquent : Jupiter Philios, qui ressemblait à Bacchus (Pausanias, VIII, 31, 2). Jupiter Mellichios, Mansuctus (Paus., II, 20, 1). Cet adoucissement devait se faire sentir dans le Jupiter de Sthénis (Pline, XXXIV, 19, 40), et le Jupiter de Pasitelès, en ivoire, placé sous le portique de Métellus. Pasitelès était un sculpteur grec établi à Rome, vers les derniers temps de la République (Pl., XXXVI, 5, 26). L’auteur du beau buste du Vatican a pu imiter Phidias à travers Sthénis et Pasitelès ; ce buste est postérieur à Alexandre, selon Zoega ; du reste, la copie du Jupiter Olympien n’est pas complétement exacte, la traduction n’est point littérale, la couronne d’olivier que portait le Jupiter de Phidias (Paus., V, 11, 1) manque au buste du Vatican.

[34] II, 1, 528.

[35] Le Jupiter Vérospi (M. P. Cl., 325), refait en partie par l’Algarde on en a trouvé une répétition en petit à Corinthe.

[36] Villa Borgh., salon, 7.

[37] César tenant l’égide et brandissant la foudre.

[38] Pausanias, V, 22 4. Jupiter avec l’aigle et la foudre sur un bas-relief de Chios (Müller, Att., II, 66) ; avec la foudre, sur le candélabre Barberini et dans plusieurs statues de travail romain. La foudre ne pouvait manquer au Jupiter du Capitole, lieu fréquemment visité par elle. Ce Jupiter avait été un dieu fulgurateur étrusque.

[39] Pausanias, I, 24, 5.

[40] Sur la tête d’une statuette en bronze de la villa Albani (salle de l’Ésope) sont un sphinx, deux chevaux ailés sur les côtés, et huit sortant du casque au-dessus du front ; la Minerve de Phidias portait, selon Pausanias, un sphinx et des griffons, mais les chevaux ailés se voient sur des monnaies d’Athènes qu’on regarde comme présentant la tête de la Minerve du Parthénon (Fr. Len., la Min. du Parth., p. 36). Sphinx et griffons se retrouvent sur la Minerve en bas-relief du candélabre Barberini (M. P. Cl., 413). Ailleurs le griffon est associé au bélier (M. P. Cl., 376), qui le remplace quelquefois. Le sphinx et les quadrupèdes ailés sur le casque d’une Minerve au Parthénon et d’un grand nombre de Minerves à Naples, à Londres, à Dresde.

[41] Le serpent dans la Pallas Giustiniani (Nuov. br., 114), la robe descend jusqu’aux pieds comme dans la Minerve du Parthénon ; elle n’a plus la lance, mais elle a encore le bouclier que n’a pas la Pallas de Velletri à Paris, dont il existe une répétition au Capitole (galerie).

[42] La Gorgone de la Minerve du Parthénon était en or ; c’est ce que prouvent deux passages d’Érecthée, tragédie perdue d’Euripide (Euripide, Fragm. Did., p. 702-3).

[43] D’autres Minerves du Vatican, notamment un buste (M. Chiar., 197). Ce buste avait des yeux en pierre de couleur, comme la Minerve de Phidias ; on les a remplacés par des yeux en verre bleu, qui sont loin de faire le même effet.

[44] Philostrate, Jun., IX, 2. Description d’un tableau où se trouvaient Junon, Vénus et Minerve.

[45] Pausanias, I, 28, 2. Voyez X, 31, 4. Minerve Promachos combattait les géants.

[46] Vatican, M. P. Cl., 96, avec un mouvement violent et exagéré, b., M. Chiar., 448 ; M. Capit., salle des Hercules, 13 ; salle du Satyre, 16. Minerve combattant les géants, et probablement dans cette attitude, était brodée sur le peplos, qu’on portait processionnellement pendant les Panathénées.

[47] Nous le voyons aussi dans le bas-relief d’Ajax et Cassandre à la villa Borghèse, où le palladium, qui primitivement fut armé seulement d’une quenouille et d’un fuseau, puis de la quenouille et de la lance (Apollodore, III, 12, 3, 5), reproduit grossièremont la donnée de la Minerve Promachos ; c’était donc un type antérieur à Phidias et que Phidias avait conservé.

[48] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 5.

[49] Grand salon. Très-admirée par M. Ingres ; la description de Lucien (Im. 6) lui convient assez bien, sauf en ce qui concerne le nez, qui est en partie moderne.

[50] La Pallas de Velletri, au Louvre, qui n’a point d’autre arme que le casque, et dont le geste semble oratoire, offre le type de Minerve séparé de toute idée guerrière, et présente la déesse sous un aspect purement pacifique.

[51] M. Chiar., 496, 681.

[52] Cette disposition singulière de l’égide est trop souvent répétée pour être fortuite. On y voit un signe pacifique (M. P. Cl., 376 ; M. Chiar., 63 ; vill. Borgh., VI, 2, VII, 15). Quelquefois l’égide est rejetée en arrière, de manière à être à peine visible par devant, et à couvrir le dos tout entier. Vill. Ludov., I, 46.

[53] Sur l’autel des douze dieux au Capitole. Minerve tient son casque d’une main et sa lance de l’autre ; dans un bas-relief grec dont celui-ci est évidemment une imitation, la pointe de la lance est abaissée ; dans un bas-relief archaïque de la villa Albani, Minerve porte le casque à la main et une lance sur l’épaule. Une Minerve restaurée tient son casque à la main (M. P. Cl., 259). La Minerve de la villa Ludovisi, dont l’égide est en arrière, offre une trace visible d’un casque antique qu’elle tenait aussi à la main.

[54] La Minerve du forum de Nerva, qui préside aux travaux de femmes a un grand manteau. De même sur le bas-relief de la villa Albani, où elle surveille la fabrication du navire Argo. Dans l’Odyssée, quand elle apparaît à Ulysse comme une femme qui sait faire de beaux ouvrages, elle est revêtue d’un manteau qu’elle-même avait tissé (Od., XVI, 157), elle le dépose pour se préparer à la guerre. Voyei deux passages analogues dans l’Iliade. (V, 735-6, VIII, 385-8.)

[55] Vill. Borgh., VIII, 7. A Florence, une Minerve Uffizj, avec la chouette, a les regards tournés ainsi. La chouette peut étire le symbole de l’étude et de la méditation nocturnes. Elle accompagne une Minerve qui a été trouvée dans la société des Muses (M. P. Cl., 438) ; elle se tient prés de la Minerve industrieuse qui assiste à la fabrication du navire Argo ; on en a placé une avec raison dans la main de la Minerve couronnée de l’olivier pacifique. Une Minerve dont parle l’Anthologie (Anth. gr. Jacobs, 11, p. 31) était représentée avec une chouette et une chienne, double symbole de vigilance. La Minerve de la villa Albani porte sur la tête une peau de chien.

[56] M. Chiar., 496.

[57] Jardin du palais Rospigliosi.

[58] Jusqu’au régne de Commode Rome est représentée par une Amazone ; dans l’escalier du palais des Conservateurs, Rome, en tunique courte d’Amazone et le globe du monde à la main, reçoit Marc-Aurèle ; le globe dans la main de Rome date de César. Rome en Amazone, le sein découvert et le pied sur un trophée d’armes des vaincus (villa Albani, au pied de l’escalier du Casin). Tête de Rome avec la louve sur le casque (M. Chiar., 132), ce qui la distingue de Minerve. (Salle des Candel., 85 ; M. P. Cl., 88.)

[59] On a dit que cette statue est une Minerve accommodée en Rome mais elle ressemble beaucoup à une statue du Louvre (102) qui est assise sur un rocher, le rocher du Capitole, et qui, par conséquent, est bien Rome ; Minerve est rarement assise sur un rocher. Rome tenant à la main une Victoire est un emprunt fait à la fois au Jupiter d’Olympie et à la Minerve du Parthénon.

Dans la cour du palais des Conservateurs on a heureusement placé Rome, avec la longue robe et le manteau de Minerve, au-dessus de l’image d’une contrée vaincue. C’est de l’histoire.

[60] Vise., M. P. Cl., 11, p. 29.

[61] On a mélé les deux types, la Rome Amazone et la Rome Minerve, sur la base de la vraie colonne Antonine (jardin du Vatican). Rome a le sein nu comme une Amazone, la longue robe et sur la tête le casque au sphinx de Minerve.

[62] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 7. Ce sujet ne paraît point sur les monuments les plus antiques, le coffre de Cypsélus, le trône d’Apollon d’Amyclée, les bas-reliefs du temple de Minerve Chalciæcos à Sparte. Cependant il y a des combats d’Amazones au temple de Thésée ; il y en avait sur le mausolée d’Halicarnasse.

[63] Attale, roi de Pergame, avait placé à l’Acropole deux groupes de statues représentant, l’un un combat de Grecs et d’Amazones, l’autre une gigantomachie. (Pausanias, I, 25, 2.)

[64] Un très beau fragment au palais Farnèse, et M. Chiar., 301, 302. Les sculptures du temple de Phigalie, contemporain du Parthénon, présentent des combats d’Amazones dont plusieurs détails se retrouvent sur des bas-reliefs à Rome ; un combat d’Amazones, celui d’un sarcophage (M. P. Cl., 69), est analogue à un bas-relief apporté d’Athénes par lord Elgin et qui a péri.

[65] Remarquable combat d’Amazones sur un sarcophage du Capitole, salle du Satyre.

[66] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 7.

[67] M. P. Cl., 38. Les géants et deux déesses, sculpture d’une rudesse grandiose. M. P. Cl., 414, les géants seuls, avec les jambes terminées en serpent, que leur donna le premier le poète Pisandre (Pisandre, Fragm. did., p. 11). Une gigantomachie décorait le fronton du trésor des Mégariens à Olympie. (Pausanias, VI, 19, 9.)

[68] Nibby, R. ant., II, p. 692.

[69] Des combats semblables furent ciselés plus tard par Mys, d’après les dessins de Parrhasius, dans l’intérieur du bouclier de la Minerve Proniachos. (Pausanias, I, 28, 2.)

[70] M. P. Cl., 501. Mosaïque de la salle ronde. Des combats d’Amazones et de Centaures se retrouvent parmi les marbres du Parthénon, et ceux de Phigalie, sur la frisé du temple de Thésée, dans l’intérieur duquel ils avaient été peints par Micon (Pausanias, V, 17, 2). Alcamène, élève et collaborateur de Phidias, en avait orné la partie postérieure du temple de Jupiter à Olympie (Pausanias, V, 10, 2). Visconti ne doute pas que les bas-reliefs de Rome n’aient été faits d’après ces sculptures.

[71] Hés., Se. Here., 178.

[72] Esculape assis (M. d’Épidaure), médaille de Cléone inédite (Fr. Lenormant, Catal. Bohr) ; d’après un auteur chrétien, Athénagoras (Legat. pr. christ., XIV, p. 61). L’Esculape d’Épidaure était de Phidias. Pausanias (II, 27, 2) l’attribue à un sculpteur appelé Thrasymède. Quand il s’agit d’une statue en or et en ivoire destinée à un lieu si célèbre, et surtout de la création d’un type divin, on ne peut guère hésiter entre Phidias et un sculpteur obscur dont on ne sait pas même la date. D’autre part, l’inscription lue par Pausanias nommait Thrasymêde ; il faut supposer qu’au temps de Pausanias l’Esculape de Phidias avait été remplacé par un Esculape de Thrasymède, mais le type divin devait remonter à Phidias. Les Esculapes de ses disciples, Alcamène à Mantinée (Pausanias, VIII, 9, 1), Colotés à Cylléne (Strabon, VIII, p. 337), devaient le reproduire, et il dut faire abandonner celui de Calamis (Pausanias, II, 10, 3), différent de l’Esculape ordinaire, car il était imberbe (Pausanias, II, 10, 3). Scopas le représenta de même (Pausanias, VIII, 28, 1), c’est d’après cette donnée de Calamis et de Scopas qu’on a pu figurer Musa, médecin d’Auguste, par un Esculape imberbe (Nuov. Bracc., 17). Les médecins sont représentés sous les traits d’Esculape, qu’Homére appelle Médecin (Il., IV, 194) et qu’il dit leur père ; aussi Esculape tient-il parfois le volumen comme les médecins ; ce volumen peut être aussi un oracle écrit.

[73] Vu par Winckelman au palais Verospi.

[74] Le serpent était le symbole de la vie parce qu’il change de peau tous les ans. D’après une tradition singulière conservée dans un fragment d’une tragédie perdue de Sophocle (Soph., frag. did., p. 370) ; les hommes, auxquels Prométhée avait apporté le feu, méprisèrent ce présent et le donnèrent à un âne, qui le donna à un serpent pour obtenir de lui la permission de boire à une source dont celui-ci était le gardien. Le feu de Prométhée fut pris pour la vie, ce qu’il n’est point dans Eschyle.

[75] Esculape donnait la mort avec le poison sorti des veines de gauche de la Gorgone. (Apollodore, III, 10, 3,11.)

[76] L’Esculape barbu prit le dessus dans l’art ; l’Esculape de Timarchide et de Timoclès était barbu. (Pausanias, X, 34, 3).

[77] Sur les monnaies de la gens sabine Acilia Salus et Valetudo, déesses sabines, sont représentées comme l’est Hygie. (Müller, Arch., p. 669.)

[78] Pausanias, VIII, 28, 1 ; VIII, 47, 1.

[79] Ibidem, I, 40, 5.

[80] Ibidem, V, 26, 2.

[81] Ibidem, I, 23, 5. Ce que Minerve offrait au serpent Erichtonius n’était pas un liquide, mais la pâtée de miel qu’on déposait dans le temple de Minerve Poliade pour servir à la nourriture du mystérieux serpent qui fut transporté de la vieille Minerve de l’Erechtéum à la nouvelle Minerve du Parthénon.

[82] M. P. Cl., 413. Sur le candélabre Barberini ; la disposition de la figure de Minerve est la même que celle d’Hygie.

[83] La présence du serpent auprès de la Minerve Giustiniani (Nuov. bracc., 114), qui la rapproche de la Minerve du Parthénon, n’était nullement une raison de lui donner le nom de Minerva medica, et par suite d’appeler temple de Minerva mediva un débris de villa qui n’a jamais été un temple. De plus, cette confusion reposerait sur une autre erreur, si, comme il est probable, la Minerve Giustiniani n’a pas été trouvée prés du prétendu temple de la prétendue Minerva medica, mais, ce qui est beaucoup plus vraisemblable, prés de l’église de la Minerve, élevée elle-même sur les ruines du temple dédié à Minerve par Pompée.

[84] Hygie debout derrière Esculape dans un charmant bas-relief d’un goût grec très pur (M. P. Cl., 260). Groupe d’Esculape et d’Hygie (ibid., 399). Une figure de femme (M. Chiar., 683) n’a point, comme on le dit, fait partie d’un groupe semblable ; la trace d’une main, visible sur son épaule, ne prouve rien, car c’est Hygie qui s’appuie sur Esculape et non Esculape sur Hygie, la santé sur la médecine et non la médecine sur la santé.

[85]

On cite de Scopas un groupe d’Esculape et Hygie (Pausanias, VIII, 28, 1), un de Damophon (Pausanias, VII, 2, 35) ; un Esculape de Céphisodote, fils de Praxitèle, était à Rome (Pline, XXXVI, 5,12) ; un groupe d’Esculape et d’Hygie, par Nicerate, y était également (Pline, XXXIV, 19, 30). Ces diverses statues ont pu servir de modèles aux sculpteurs romains.

[86] M. P. Cl., 260. Les têtes sont modernes ; le restaurateur, qui avait le goût malheureux des apothéoses impériales, a fait d’Esculape un Trajan ; mais cette sottise ne change rien à la composition, dont le sens ne peut être douteux. Comparez l’Esculape et l’Hygie avec le groupe en face, 399, le même sujet. (M. Chiar., 594.)

On a trouvé de semblables tablettes votives en Grèce.

[87] Une famille de paysans romains implorant la Madone. Ce tableau est à Paris, dans l’église de Saint-Roch. Sur un sarcophage de Naples, une mère apporte son fils malade, comme dans le tableau moderne.

[88] M. Capitolin et M. de Saint-Jean de Latran. Cette composition rappelle un bas-relief grec décrit par Ælien (Suidas, s. v. Theopompos), dans lequel on voyait Théopompe, poète comique, malade et Esculape lui tendant la main.

[89] M. P. Cl., 447.

[90] M. Capit., S. des Phil.

[91] M. Chiar., 113.

[92] Coutume grecque. Huit figures de diverses parties du corps humain avec une prière au très haut, Jupiter Hupsistos pour obtenir de lui la guérison de ces parties malades. (Brit. M., Phig. Sal., 209-18.)

[93] Vat., Gal. des Candél., 126.

[94] Gal. des Candél., 142.

[95] Gal. des Candél., 99.

[96] Les Hermès mutilés de la villa Ludovisi, 1, 7, 48. Une figure sans tête,qui marche, M. Chiar., 176, probablement une Cérès poursuivant Proserpine ou une Diane allant trouver Endymion. Le mouvement de la figure et le beau jet de la draperie se remarquent dans une Minerve et une Iris du Parthénon, et dans deux femmes des bas-reliefs du temple de Phigalie (Stock., Phig., p. 200, 215), bâti par Ictinus, architecte du Parthénon. Dans la figure sans tête du Vatican, l’imitation du style de Phidias est évidente, mais la date de l’exécution, très postérieure, est indiquée par différents signes, entre autres par la profondeur à laquelle les plis sont fouillés.

[97] Ces inscriptions sont postérieures au moyen âge, car, au moyen âge, on croyait que les colosses étaient les portraits de deux philosophes.

[98] Phædr., V, prol., 6.

Qui pretium operibus magis inveniunt, novo

Si marmori nomen adscripserint Praxitelis suo.

Par un hasard singulier on a attribué à un savant de la Renaissance, Perotti, d’avoir fait pour Phèdre ce que, selon Phèdre, on avait fait pour Praxitèle, et d’avoir mis des fables de lui sous le nom de cet auteur ; mais Perotti a renducette supposition inadmissible, en publiant des vers latins de sa façon. Du reste, ces usurpations du nom d’un artiste célèbre étaient fréquentes dans l’antiquité. Pausanias s’en plaint en plusieurs endroits et Cicéron s’en était plaint avant Pausanias.

[99] Selon O. Müller, après le règne d’Auguste, selon M. Wagner, certainement sous l’empire. Le trou pratiqué dans l’œil pour marquer la prunelle prouve que leur exécution, très postérieure à Phidias, ne peut remonter plus haut que Tibère. Une des têtes est plus belle que l’autre. Müller a cru reconnaître dans l’un des colosses les proportions établies par le Canon ou règle des proportions de Lysippe. Ces différences peuvent s’expliquer par une différence entre les talents et les époques de deux copistes. Les Dioscures figurent parmi les bas-reliefs du Parthénon (Elg. S., 17-24), mais on ne sache pas que Phidias ait fait des statues de Castor et Pollux. Pline (XXXIV, 19, 5) parle bien d’un colosse nu de ce grand artiste qui était à Rome ; cela ne suffit pas pour voir en lui l’auteur de l’original grec des deux colosses nus de Monte Cavallo. Pausanias (I, 18, 1) mentionne un temple très ancien des Dioscures à Athènes, où les héros étaient représentés debout et leurs fils à cheval, mais il ne dit pas de qui étaient ces Dioscures. Ailleurs Pausanias (X, 9, 4) parle d’un Castor et d’un Pollux d’Antiphane, et un Antiphane est nommé parmi les sculpteurs qui ont travaillé à la frise de l’Érechthéum (Brunn, I, p. 249). Il devait être de l’école de Phidias ; on peut voir avec quelque vraisemblance dans cet Antiphane l’auteur de l’original des deux colosses.

[100] Le bonnet hémisphérique figurant une des deux moitiés de l’œuf de Léda, coiffure ordinaire des Dioscures, manque aux colosses de Monte Cavallo, mais reparalt sur des bustes et un bas-relief du Vatican. (Gal. des Candel., 109.)

[101] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 28.

[102] Quintilien, Inst. XII, 10. Lucien, Rhet. præc., 9.

[103] Dans les environs du Ghetto, selon Flaminio Vacca ; selon d’autres plus près du Capitole, vers Santo Stefano del Cacco.

[104] Telles sont des femmes qui exécutent une danse sacrée (M. Chiar., 642, 643) et une figure de femme tenant le petit Bacchus (ibid., 641), Médée et les Péliades. (M. de Saint-Jean de Latran.)

[105] Bas-relief de la villa Albani. On y lit en latin les noms d’Antiope, d’Amphion et de Zéthus, mais sur la réplique du même bas-relief qui est à Naples, les noms d’Eurydice, d’Orphée et d’Hermès sont écrits en grec, ce qui doit faire prévaloir l’explication suivant laquelle ce bas-relief a pour sujet la séparation d’Orphée et d’Eurydice ; explication bien autrement vraisemblable et bien autrement touchante que celle qui suppose représentée dans cette admirable sculpture Antiope se plaignant à ses fils des outrages de sa rivale Dircé. Du reste, il ne serait pas impossible qu’on eût employé une même composition à exprimer des sujets différents, et, quant à la diversité d’explication, il faut s’y résigner pour des compositions antiques dans les temps Fnodernes, puisque dans l’antiquité en expliquait déjà diversement les bas-reliefs du coffre de Cypsélus (Pausanias, V, 18, 2). La principale objection a été tirée du casque d’Orphée, mais Orphée est appelé Martis citharista (Hyg., fab. XIV), et du chapeau de Mercure, semblable au chapeau thessalien, coiffure de voyage convenable, cependant, pour cette course aux sombres bords et qui, d’ailleurs, est, à peu de chose prés, le chapeau du Mercure de l’autel rond du Capitole, d’un lercure du musée napolitain, et souvent du Mercure des vases grecs. Un scoliaste d’Aristophane (frag. Soph. Did, p. 267) dit positivement que ce chapeau, qui est le chapeau thessalien ou arcadien, était le chapeau de Mercure. Un bas-relief du Vatican le montre pendant sur les épaules de Mercure.

[106] Le même sujet fut traité par Onatas et Calliclès (Pausanias, V, 27, 5) et par Calamis (Pausanias, IX, 22, 2). Le Mercure d’Onatas portait le bélier sous son bras et le Mercure de Calamis sur son épaule. Le bélier qui accompagnait Mercure en Grèce (Pausanias, II, 3, 4) l’accompagne à Rome, sur le putéal du Capitole, sur le candélabre Barberini au Vatican et dans un bas-relief de la villa Albani ; le rapport du bélier et de Mercure était révélé dans les mystères de Cybèle (Pausanias, loc. cit.). Le motif du Mercure Criophore de Calamis, c’est que Mercure avait. délivré d’une maladie la gille de Tanagra en portant autour des murs un bélier sur ses épaules.

[107] M. du Valican, gal. des Candél. 265. Hermès de faune portant un chevreau sur son épaule, M. de Saint-Jean de Latr. Carrucci, p. 39, pl. 34.

[108] Statuettes du musée Kircherien ; là, c’est aussi un bélier qui regarde le bon pasteur, comme les bonnes brebis regardent le Christ dans les peintures des Catacombes et dans les mosaïques des anciennes églises.

[109] M. Chiar., salle des Candél., 271. Escalier du palais Mattei.

[110] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 8. Pristas (des scieurs de bois !) pour pristes, le même que pistrices ; probablement une confusion de Pline.

[111] Pausanias, II, 50, 2. Une au musée du Capitole, en bronze (salle du Cheval), une dans le palais des Conservateurs, une à la villa Albani. A la villa Borghèse (VI, 7), trois ligures disposées de même, représentant les trois Heures ou Saisons. Trois autres au Vatican (M. Chiar., 181), qui n’ont pas d’attributs, et dont les têtes sont en plâtre, me paraissent avoir représenté aussi les trois Saisons. En Grèce, les Heures furent primitivement au nombre de deux sur le trône d’Apollon Amyriéen (Pausanias, III, 18, 6), et les Saisons, de trois, comme en Égypte ; Eschyle, dans son Prométhée (154), n’en connaît pas davantage. Les trois Heures avaient aussi un sens moral et s’appelaient alors la Paix, l’Équité, la Justice. (Apollodore, I, 3, 1, 2.)

[112] Pausanias, V, 20, 1. Ce que Pausanias appelle une Proserpine et deux nymphes, c’était une triple Hécate.

[113] Claudicatio non deformie. Cicéron, de Nat. deor., V, 30. Val. Maxime, VIII, 11. Extern. 5.

[114] Dion Chrys., Or., 37.

[115] M. Capit. Galer. Une des jambes de Vulcain, peut-être intentionnellement, est cachée par une enclume.

[116] L’autel dédié par Faventinus (M. P. Cl., 44) ; le même sujet, bas-relief de la villa Albani. (Winckelm., Mon. ined.)

[117] M. Vat., gal. des Candel., 224. Une autre à la villa Albani, Winck., Mon. ined., 25.

[118] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 6.

[119] Rien qui dépasse la mesure, inscription de la Némésis de Smyrne (Anth. gr., II, p. 367) : Tu mesures la vie sous la coudée (ibid., II, p. 292). La même assimilation entre le bras et la mesure existe dans l’écriture hiéroglyphique.

[120] C’est aussi l’attitude de la charmante Diane de Gabie ; on la donnait à Diane ; le geste attribué par Agoracrite à Némésis et la branche qu’il avait mise dans sa main sont donnés à Diane sur une pierre gravée (Müller, Arch. Att., II, 1721,. Cette confusion entre Némésis et Diane, qui, elle aussi, est parfois vengeresse (V. plus loin), avait fait placer de petits cerfs sur la tête de Némésis.

[121] Pausanias, I, 33, 2. Les témoignages anciens hésitent entre Phidias et Agoracrite. On peut supposer, comme l’a fait M. Brunn (I, p. 240) que la statue fut exécutée par l’élève dans l’atelier du maître.

[122] Pausanias (I, 3, 4) dit Phidias, Pline (XXXVI, 5, 6) dit Agoracrite (M. P. Cl., 601). Sarcophage dans la salle lapidaire, à gauche.

[123] Il y avait à Thèbes une Cybèle plus ancienne des sculpteurs Aristomède et Socrate (Pausanias, IX, 25, 3), que Pindare avait dédiée avec un sanctuaire de la déesse ; elle était assise comme celles que nous voyons aujourd’hui.

[124] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 4.

[125] Une au Capitole (salle dite du Gladiateur), deux au Vatican (Nuov. bracc., 71, M. P. Cl., 265) ; l’Amazone de Slrongylion, probablement une répétition de l’Amazone de Phidias ou de celle de Polyclète, avait reçu le surnom d’Euknémos aux belles jambes ; elle était à Rome, car Néron l’emportait toujours avec lui dans ses voyages (Pline, XXXIV,19, 32). On a remarqué la beauté des jambes de l’Amazone du Capitole, Quant à celle du Vatican on n’en peut juger, car ses jambes ont été indignement restaurées (Bouill., M. des ant., t. I). Lucien parle d’une Amazone appuyée sur une lance. (Imag., 5.)

[126] Ot. Müller, De Amaz. Myrina., p. 19 et suiv.

[127] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 26. Une au Vatican, Nuov. bracc., 44, deux au Capitole, salles des Hercules, 10 et 25.

[128] Ce Crésilas fut l’auteur du guerrier grec mourant (Pline, XXXIV,19, 24) qui selon toute apparence a inspiré le prétendu Gladiateur mourant auquel s’applique merveilleusement bien ce que dit Pline du premier. Une inscription trouvée au Parthénon fait croire que cette statue du guerrier mourant était celle d’un chef athénien nommé Diitréphès (Pausanias, I, 23, 2) et que Crésilas en était l’auteur. Le nom de ce statuaire a été écrit tantôt Ciésilas, tantôt Désilas. (Br., Gescht. d. gr. K., I, p. 260-1.)

[129] Pausanias, II, 17, 4.

[130] Ididem, I, 1, 4.

[131] Ibidem, V, 11, 3.

[132] Dion. Hal., de Isocr., III.

[133] Les accessoires étaient différents dans l’original de Polyclète, car sur le large diadème de la déesse il avait sculpté les Grâces et les Heures, mais l’admiration dort la Junon de Polyclète fut l’objet me porte à le regarder comme l’auteur du type reproduit si souvent après lui.

[134] La Junon d’Homère est une épouse difficile, querelleuse, hautaine, dont Jupiter craint la langue sans frein et qu’il menace de battre pour en avoir raison (Illiade, XV, 17). Son fils même, Vulcain, se sert, en parlant d’elle, d’une expression qui semble désigner un caractère peu aimable et un aspect peu gracieux : il l’appelle xυνώπις, impudente : mot à mot au regard de chien. (Illiade, XVIII, 396.)

[135] Parmi les Junons de Rome qui me paraissent avoir mieux que d’autres gardé quelque chose du type sévère de la Junon d’Argos,tel que devait l’avoir exprimé Polyclète, j’indiquerai deux Junons de la villa Ludovisi, inférieures à la célèbre Junon de cette villa, mais plus voisines peut-être du type original, La Junon tenant un animal, de la villa Albani (Cofee House) et surtout la Junon qui fait partie d’un bas-relief de l’autel quadrangulaire du Capitole.

[136] Outre les Junons de Praxitèle (voir plus loin) qui ont dû concourir à adoucir le type, il y en avait une à Rome de deux sculpteurs grecs, Denys et Polyclès. (Pline, XXXVI, 5, 22.)

[137] La Junon trouvée à Lorium.

[138] M. Chiar., 241. Selon d’autres, Junon allaitant Hercule.

[139] Winckelmann, M. ined., 182, p. 240.

[140] Cicéron, Verrines, II, 4, 3.

[141] Nuov. bracc., 5. Ce n’est point pourtant, comme on l’a dit, une des cariatides de l’Érechthéum d’Athènes ; mais une belle copie antique ; une autre cariatide très semblable à celle-là, et en fort mauvais état, est dans la cour du palais Giustiniani.

[142] M. P. Cl., 55. Visconti le trouvait robuste ; plusieurs statues de Mercure très inférieures aident à complèler celle-ci ; elles ont la bourse ou le caducée ; celle du palais Farnèse a les ailes aux pieds.

[143] Cette carrure de formes, prescrite par le canon de Polyclète, n’avait, du reste, rien d’exagéré. (Luc., de Salt., 75.)

[144] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 7. M. Brunn, pour montrer par un exemple ce qu’entendait Pline quand il disait que dans les statues de Polyclète le corps portait sur une seule jambe, cite ce Mercure. Les jambes sont restaurées,mais leur position est celle qu’elles avaient dans l’antique. Pausanias (IX, 10, 2) cite un Mercure de Phidias, le Mercure du Belvédère n’a rien du style de Phidias.

[145] Un Mercure du Vatican (M. Chiar., 450) s’appuie sur un terme, ornement ordinaire des palestres.

[146] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 6.

[147] Pausanias, V, 11, 2 ; VI, 4, 3.

[148] La poitrine a une largeur qui rappelle la carrure attribuée par Pline aux ouvrages de Polyclète. Les poitrines de Polyclète étaient célèbres ; il me semble reconnaître dans celles du diadumène Farnèse le pectus polytcletium. (Ad Herenn., IV, 6.)

[149] Sous le portique, près de la porte. On a dit que c’était un Apollon détendant son arc ; mais le mouvement du bras gauche qui se dirige vers la place on serait la tête, si elle existait, ne permet pas de révoquer en doute l’action de la figure, quoiqu’il n’en reste que la portion supérieure du torse et une partie des bras. Ici encore, la poitrine est très développée ; le souvenir du fecit molliter puerum de Pline, à propos du Diadumenos de Polyclète, est si manifeste que j’ai vu des sculpteurs ne pas s’accorder sur le sexe de la statue à laquelle ce buste appartenait, et l’un d’eux être convaincu que c’était une femme.

[150] M. P. Cl., 7. L’attitude de ce Diadumenos, qui tient de chaque main un des bouts de la bandelette, reproduit peut être mieux la donnée d’une sculpture de Polyclète ou de Phidias que l’attitude du Diadumenos du palais Farnèse, attitude gracieuse, mais dont L’élégance, qui sëmble un peu raffinée pour Phidias ou Polyclète, pourrait bien être du l’ait de l’imitateur.

[151] M. Chiar., 338.

[152] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 6. L’autre enfant aux astragales est peut-être dans la salle des Candélabres (19).

[153] Pausanias, X, 30, 1. Les filles de Niobé qui jouent aux osselets, bas-relief cité par Müller (Arch., p. 720), offrent un détail emprunté aux joueurs d’osselets de Polycléte.

[154] Philostrate, Jun., 9.

[155] Apollodode Rhod., Argon., III, 111-20. Le geste de l’Amour, dans le poème, est très semblable à celui de la statue.

[156] Vatican. M. P. Cl., 618. Avec le nom de Myron, placé là sans doute pour désigner l’auteur de la statue originale, sur laquelle il devait être inscrit, car nous savons que Myron avait inscrit le sien sur un autre de ses ouvrages, un Apollon (Cicéron, Verrines, II, 4, 43). Cette statue était vraisemblablement en bronze, Myron affectionnait le bronze. (Br., G. d. gr. K., I, p. 146) ; le tronc d’arbre ajouté pour soutenir le marbre ne devait pas exister dans l’original.

[157] Distortum et elaboratum signum. Inst., XI, 13.

[158] Lucien, Philopseud., 18. Apollon lançant le disque ressemble très exactement au discobole de Myron, dans une peinture décrite par Philostrate (I, 23). Voyez aussi Stace :

Et abenæ, lubrica massæ

Pondera vix toto curvatus corpore juxta

Dejicit.

(Thébaïde, VI, 648.)

[159] Le plus beau et le mieux conservé ; plus exactement semblable à la statue de Myron que celui du Vatican, doit la tête mal placée est moderne. La tête du discobole Massimi se retourne vers le bras qui lance le disque άπεσταμμένον είς τήν δισxσφόρον. Cette tête est admirable, ce qui est encore une ressemblance avec Myron, qui excellait dans les têtes comme Polyclète dans les poitrines et Praxitèle dans les bras. (Ad Herenn., IV, 6).

[160] M. Capit. Gal. 36. Meyer y a retrouvé une particularité de la sculpture de Myron dont parle Pline (XXXIV, 19, 9). Pubem non emendatius jecisse quam rudis antiquitos instituisset. Des reproductions de l’œuvre célèbre de Myron se trouvent dans les musées de Paris, de Naples, de Turin, de Londres et de Munich.

[161] M. P. Cl., 615.

[162] XXXIV, 19, 30. Naucyde avait fait plusieurs statues d’athlètes vainqueurs, et celle-ci était probablement du nombre.

[163] Comme un discobole de Polyclète (Luc., Philops., 18) ; probablement l’original de celui de Naucyde.

[164] Galer. 20.

[165] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 20. La célébrité de la composition de Myron a pu concourir à la diffusion du proverbe anus ad armillum cité par Lucile et, par Apulée (Rich., Dict. des ant., p. 55), la vieille à la bouteille. La statue du Capitole nous montre le proverbe sculpté pour ainsi dire.

[166] C’est ce qui résulte des expressions de Pline : primus hic multiplicasse veritatem videtur (XXXIV, 19, 9), multiplicare veut dire ici augmenter, pousser plus loin. Pline ajoute en parlant de Myron : et corporum tenus curiosus Animi sensus non expressisse. Pétrone semble contredire Pline en disant de Myron : qui pæne hominum Animas ferarumque expresserat. Mais, c’est Animus et non pas Anima qu’on doit traduire par l’âme. Anima qui dans ce passage s’applique également aux hommes et aux brutes, c’est la vie.

[167] Strabon, XIV, 1, 14 ; Cicéron, Verrines, II, IV, 5 ; Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 8.

[168] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 8. In æde Pompeii Magni. Ædes au singulier se prend pour temple.

[169] D’autres statues qu’on voit à Rome peuvent avoir pour original une œuvre de Myron, un athlète du Capitole, qui appartient à la belle époque de l’art peut être d’après Myron ou d’après Pythagoras dont le pancratiaste l’emporta sur celui de Myron (Pline, XXXIV, 19, 10). On appelait pancratiasles ceux qui excellaient dans les cinq combats de là palestre. M. Brunn pense expliquer l’attitude du Silène dansant de Saint-Jean de Latran par celle du satyre de Myron contemplant la double flûte qu’a jetée Minerve (Pline, XXXIV, 19, 8. Ann. arch., 1858, p. 374), sujet représenté par un bas-relief qui est dans le même musée. (Garracci, M. de Saint-Jean de Latran, pl. 24, p. 36.)

[170] Pline, Hist. nat., XXIV, 15, 1.

[171] On en a compté jusqu’à trente. Il y en a neuf d’un même auteur. La vache de Myron a dû en partie l’avantage d’être si souvent célébrée au hasard qui l’a conservée au moins jusqu’au sixième siècle. Ces petites poésies sont en général étrangères au sentiment de l’art et n’expriment que la vérité de l’imitation par des hyperboles de toute sorte. Un berger jette des pierres à la vache, croyant qu’elle a quitté le troupeau, un veau est trompé, un taureau est trompé. On ne peut même savoir si elle allaitait et si elle mugissait ; on voit seulement qu’elle était en airain et très vivante.

[172] Cicéron (Verrines, II, IV, 60). Pausanias n’en parle pas.

[173] Bell. goth., IV, 21.

[174] Visconti, M. P. Cl., VII ; Pline, XXXI, 1 ; M. P. Cl., 209 ; en marbre gris, tête moderne.

[175] Pline, Hist. nat., XXXIV, 5, 4 ; XXXVI, 5, 20. Un Éginète plus ancien que Myron, Theopropos (Pausanias, X, 9, 2), était l’auteur d’un et peut-être de deux taureaux en bronze. (Brunn, Gesch. d. Gr. K., I, p. 96.)

[176] D’autres taureaux de bronze existaient du temps de Pausanias en Grèce et ont pu venir à Rome (Pausanias, V, 27, 6 ; X,16, 3). Il en existait douze en airain dont l’auteur était Phradmon, contemporain et rival de Phidias et de Polyclète. (Anth. pal., IX, 743.)

[177] Properce, III, 29, 7.

[178] Vivida signa, disait Properce en parlant des bœufs de Myron.

[179] Pline, XXXIV, 17, 3. M. Chiar., 467. Cette action n’est pas représentée par le chien du Vatican, mais eomme la mâchoire supérieure et l’extrémité des pattes sont modernes, on conçoit qu’elle a pu être celle de l’animal dans son intégrité. Son regard a une expression de langueur qui conviendrait bien à un chien souffrant. Peut-être le chien léchant sa blessure était-il de Lysippe (Brunn, Gesch. d. qr. K., I, p. 368) ; à plusieurs égards Myron fut le devancier de Lysippe. Les animaux et en particulier les chiens peuvent avoir été sculptés d’après lés peintures de Nicias, célèbre, surtout par ses chiens (Pline, XXXV, 40, 8). Enfin il faut dire qu’on avait sculpté des figures d’animaux avant Myron. Pour ne parler ici que des chiens, on en citait un de Simon, statuaire éginète, plus ancien que Phidias (Pline, XXXIV, 19, 40). C’est d’après un chien de Lysippe (Pline, XXXIV, 19, 8) qu’ont dû être sculptés les deux beaux chiens qui semblent garder l’entrée de la salle des animaux. (Meyer, I, p. 74).

[180] Phidias paraît encore ici comme le créateur d’un type par ses lions sculptés sur le marchepied du trône de Jupiter Olympien (Pausanias, V, 10, 2). Un lion marchant, sculpté sur le trône d’Apollon à Amyclée (Pausanias, III, 18, 8), est le plus ancien aïeul du beau lion en bas-relief du palais Barberini.

[181] Nous savons qu’à Rome les artistes faisaient sur les animaux des études d’après nature par l’aventure de Pasitélès qui, copiant un lion dans les navalia où étaient exposées des bêtes féroces venues d’Afrique, faillit être dévoré. (Pline, XXXVI, 5, 26.)

[182] M. P. Cl., 227.

[183] Le plus beau des Niobides est dans la Glyptothèque de Munich, si c’est bien un Niobide. Un groupe du pédagogue et d’un Niobide a été trouvé à Soissons ; c’est une contre-épreuve tardive et assez barbare de l’original de Scopas.

[184] Dans l’antiquité Ausone et l’auteur d’une épigramme de l’Anthologie (Anth. Pl., IV, 129) sont pour Praxitèle ; ces autorités ne sont ni bien anciennes ni bien considérables ; chez les modernes Winckelmann penche pour Praxitèle parce que la tête de Niobé ressemble à celle d’une copie de la Vénus de Gnide qui est au Vatican, mais cette ressemblance peut être du fait du copiste et ne pas remonter à Scopas. La Niobé de Florence n’est elle-même qu’une copie ; malgré sa beauté elle ne peut être du temps de Scopas.

[185] Scopas avait décoré de bas-reliefs un des côtés du tombeau de Mausole. M. Newton (Halicarnasse, II, 1, p. 231) a attribué avec raison à Scopas le combat d’Amazones du mausolée, en y signalant avec raison des attitudes voluptueuses et hardies, double caractère de ce génie ardent.

[186] En supposant Niobé, qui est debout, au milieu, les autres personnages tous plus ou moins inclinés, jusqu’à ceux qui sont tout à fait renversés, dessinent la double inclinaison des côtés de l’angle du fronton. Pline dit in templo, mais on disait in circo en parlant d’un temple hors et près du cirque.

[187] Pline nous apprend qu’il y avait une Niobé mourant avec ses enants, dans un temple d’Apollon Sosianus. On ne sait ce qu’était ce temple et où il était. Pline (XIII, 11) dit seulement que dans ce temple il y avait une statue d’Apollon en bois de cèdre et qu’elle venait de Séleucie ; cela permet de penser qu’elle avait été apportée de Séleucie à Rome par Sosius, général d’Antoine qui fit la guerre eu Orient. (Dion Cassius, XLIX. 22.)

[188] Une circonstance vient à l’appui de cette supposition : la différence de style, de travail, de marbre entre les statues de Florence est assez grande pour faire supposer qu’elles provenaient de répétitions inégales en mérite de la composition de Scopas et avaient été réunies par un collecteur dans une villa.

[189] Pausanias, V, 11, 2. On la voyait aussi aux propylées d’Athènes et dans la grotte qu’a remplacée le monument choragique de Thrasyllus. (Smith, Dict. of gr. and. r. geogr., I, p 285.)

[190] Groupe indiqué faussement sous le nom de Céphale et Procris (M. P. Cl., 401). Le corps et la tête du frère peuvent être suppléés par une des figures de Florence, selon Müller (Arch., p. 122). Ce groupe rappelle un peu un groupe des bas-reliefs de Phigalie. (Müller, Att., I, 123.)

[191] M. Capit., galerie, 40.

[192] M. du Capitole. C’est ainsi qu’on interprétait une figure tgalerie, 41) ; on l’avait placée près du Niobide tombé (ibid., 40). Ot. Müller pense (Arch., p. 122) qu’elle est bien la sœur de ce Niobide ; mais, pour le marbre et le style, elle ressemble beaucoup à une ligure voisine (53), qui est une Psyché, car le commencement des ailes est antique, et dont l’attitude est d’ailleurs fort semblable à celle d’une Psyché de Naples, près de laquelle est l’Amour, mais on a pu dans l’antiquité faire une Psyché d’une Niobide en lui donnant des ailes.

[193] Vatican, galerie des Candél., 264.

[194] La figure acéphale qui marche (M. Chier., 176) a été rapprochée par M. Gherard du torse d’une Niobide à Florence. (St. R., III, 2, p. 56.)

[195] Cette vaste composition pour laquelle, dit Pline (XXXVI, 5, 13), une vie entière n’aurait pas été de trop, avait été transportée à Rome et placée dans le temple de Neptune, voisin du cirque Flaminien. Pausanias vit Neptune et Amphitrite, la mer et des tritons, Palémon sur un dauphin, dans le temple de l’isthme de Corinthe. (Pausanias, II, 1, 7. Voyez Quatremère de Quincy, Jup. olymp., p. 372.)

[196] C’est l’opinion de Bœttiger, M. Welcker et, d’après lui, M. Brunn (I, p. 322) ne la partagent pas ; ils voient dans le groupe de Scopas Thétis suivie des néréides et des animaux marins et portant à son fils les armes forgées pour lui par Vulcain. Je ne nie point qu’on ait pu appliquer à cette intention la composition de Scopas, mais si c’eût été là son sens naturel et primitif, comment Achille était-il présent ? comment s’expliquer l’emploi si fréquent de cette représentation sur les sarcophages, qui s’explique au contraire très bien s’il s’agit d’un sujet qui se lie à des idées de mort et d’immortalité ? De plus, selon Euripide, les armes d’Achille sont apportées par terre (Él., 445). Sur le coffre de Cypsélus, les néréides qui apportaient les armes d’Achille étaient sur des chars (Pausanias, V, 19, 2), ce qui n’a jamais lieu pour les bas-reliefs.

[197] L’idée du groupe formé par un centaure marin et une néréide (M. P. Cl., 228) qu’on a fait servir à orner une fontaine doit remonter à Scopas ; ainsi que le torse de triton (M. P. Cl., 253) ; un autre torse acéphale et qui n’a ni jambes ni bras (salle lapidaire) peut être reconnu pour celui d’un triton à sa ceinture d’écailles, et sur ce faible indice rattaché à la même origine. Néréide ou Thétis tenant la queue d’un poisson (Villa Borgh., IV, 39). Femmes sur des chevaux marins (Nuov. br., 34 et 35). Souvent des Amours les accompagnent, un beau bronze au musée Hircherien (collège romain) représente un Amour qui embrasse un cheval marin.

[198] Mosclius, id., II, 423. Sur un autel dédié aux vents (M. Capit., salle du Faune), un personnage qui est ici un des vents, souffle dans une coquille en spirale tout à fait semblable à celle dans laquelle souffle un triton. (M. Chiar., 426.)

[199] A la Farnésine. Quelquefois dans les bas-reliefs antiques ces tritons et ces néréides font cortége à Vénus (h.-rel, de la villa Pinciana, Millin, Gal. myth., XLII, 474. Vill. Alb. Bouillon, M. des Ant., III, b. rèf., Müller, Arch., p. 584), ce qui alors forme une composition tout à fait analogue à celle de la Galathée de Raphaël. Un peintre de l’antiquité avait donné à celle-ci un char trainé par des dauphins (Philostrate, II, 18), comme l’a fait pour Galathée Raphaël qui semble s’être inspiré de ce tableau, dont il a reproduit plusieurs traits.

[200] Belle tête (M. P. Cl., 547) dans la barbe de laquelle sont artistement métés des poissons, des écailles, emblèmes ordinaires de l’Océan, et des raisins, probablement pour indiquer la Méditerranée. Aux raisins prés, un accoutrement semblable est donné dans des bas-reliefs à l’Océan (Villa Borgh., sarcgphage sous le portique). La statue connue sous le nom de Marforio (cour du musée Capitolin) est l’Océan et non un fleuve, car elle tient à la main une coquille marine.

[201] Villa Borgh., VI, 1. Dans le groupe de l’isthme de Corinthe se trouvait Mélicerte (Philostrate, Soph., II, 1, 9), ce qui entraînait Palémon son fils.

[202] Chapelle des Chigi. Il avait fait au moins le modèle. Castiglione parle d’un enfant exécuté en marbre par Raphaël et qu’un autre de ses contemporains dit avoir vu chez Jules Romain. (St. Rom., III, 5, p. 322-5.)

[203] Sur un bas-relief (M. Chiar., 45) sa présence parmi les néréides et les monstres marins est indiquée seulement par un trident.

[204] M. P. Cl., 460, et sur le putéal du Capitole. Le Neptune de l’isthme apporté peut-être à Rome par Mummius, tenait dans sa main droite un dauphin et avait le pied sur un rocher (Camée de Vienne, Müller, Att., II, 75) ; à Anticyre, Neptune était debout, tenant le trident ; il posait le pied sur un dauphin. (Pausanias, X, 36, 4.)

[205] Quelquefois Neptune tenant également un dauphin est sur un char traîné par des hippocampes, peut-être Neptune était-il sur un char ainsi traîné, dans la composition de Scopas.

[206] Athénée, VIII, p. 346.

[207] Bas-relief du palais Lancelotti.

[208] Pindare, Ol., VII, 36. Philostrate (II, 27) décrit un tableau qui semble d’après Pindare.

[209] M. Chiar., 606 A, et des statues de Neptune ; celles du moins qui n’ont pas le pied sur un rocher ou une proue de vaisseau ; dans une de ces statues (M. P. Cl., 394), on a fait un sceptre du trident, mais le trident se reconnaît à son manche carré. Le trident de Neptune était dans l’origine cet instrument dont se servent les pêcheurs de Naples pour harponner le poisson. Dans un bas-relief archaïque du palais Mattei (la cour), Neptune porte son trident sur l’épaule comme un instrument de pèche. Le trident fut aussi l’arme redoutable avec laquelle Neptune brisait les rochers et les montagnes

. . . . . . Trifida Neptunus cuspide montes

Impulit adversos,

(Claud., R. Pr., II, 179.)

Souvenir d’anciennes irruptions de la mer qui avait percé les montagnes. Le trident marin, fléau de la mer qui ébranle la terre, dit Eschyle (Prom., 924). Une autre origine du trident, c’est qu’il avait été donné à Neptune par les Cyclopes pour combattre les géants. (Apollod., I, 2, 1, 3.)

[210] Callistrate, Ekphr., 2.

[211] Une des plus belles est celle de l’autel de Gabie au Vatican, M. Chiar., 182. On la voit aussi deux fois répétée sur un vase de la villa Albani (salle d’en bas) ; ici elle est armée d’un couteau, une troisième se voit au même endroit sur un autre bas-relief. Les ménades, dont l’attitude est semblable et qui portent un thyrse à la main sont des variantes de la ménade au chevreau de Scopas. Elle a été célébrée plusieurs fois par les poètes de l’Anthologie, qui la voyaient encore à Constantinople. (Anthol. Plan., IV, 57-8-9-60.)

[212] Telle est la ménade du bas-relief de la villa Borghèse, transformée en Cassandre, dans l’antiquité, en remplaçant par une statue de Minerve ce qui dans d’autres représentations toutes semblables est une statue de Priape.

[213] Pline, Hist. nat., XXXV, 5, 10. Anth. Plan., IV, 257.

[214] Il y avait aussi un Bacchus de Calamis (Pausanias, IX, 20, 4) ; d’Alcamène (id., I, 20, 2), de Praxias (id., X, 19, 3), de Denys (id., V, 26, 5), de Bryaxis (Pline, XXXIV, 19, 21), avant celui de Praxitèle.

[215] Une à Rome dans le temple de Mars (Pline, XXXV, 5, 14) ; une autre en Samothrace (ib., 13) ; la troisième à Élis. (Pausanias, VI, 25, 2.)

[216] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 14. L’expression de Pline, antecedens, ne peut vouloir dire qui précède comme paraît l’admettre Müller, mais signifie certainement qui surpasse.

[217] La Vénus animale. Oppien (Cyneget., 1, 592) lui fait exciter les amours des bêtes. Silène et les bacchantes sont assis sur un bouc (relief bachique au Capitole, salle des Empereurs). Scopas avait cependant représenté la chaste Vesta ou Estia. La Vesta assise de Scopas était à Rome dans les jardins des Servilii (Pline, XXXVI, 5, 13). Les effigies de Vesta qu’on croit posséder à Rome et la Vesta Giustiniani qu’on n’y possède plus peuvent venir de là. A Athénes, Vesta levait un sceptre (Pindare, Dis. comm., p. 514). Sur le putéal du Capitole, Vesta tient une fleur. Dans la main de Vesta, la patronne de Rome, Rome plaça le palladium, son emblème.

[218] La Vénus Pandémos et la Vénus Ourania sont opposées l’une à l’autre dans une épigramme de l’Anthologie. (Anth. pal., VI, 340.)

[219] Peut-être parce que la Vénus de Scopas était à Rome dans le temple de Mars. Mais nous verrons (chap. XII), que très souvent il n’y avait aucun rapport entre les statues des divinités et le temple où on les avait placées.

[220] Capit., salle des Hercules ; Villa Borgh., salle VI.

[221] A Mégare. (Pausanias, I, 43, 6.)

[222] En grec pothoi ; ils. avaient dee ailes comme nos Cupidons. (Anth. palat., IX, 576.)

[223] A la villa Borghèse (S. v) et dans l’Anthologie (Anth. gr., II, p.17, 238, 276 ; Anth. Plan., IV, 195, 99.)

[224] Philostrate, I, 6-9 : Apollonios de Rhodes, passim, représente les Amours occupés à divers soins champêtres comme sur les bas-reliefs.

[225] C’est aussi un motif de sculpture décrit dans l’Anthologie. (Anth. gr., II, P. 128.)

[226] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 13. Une allusion à cette forme de la triade sacrée de Samothrace a été signalée par M. Gherard (St. R., II, 2, p. 258) dans un triple hermès du Vatican.

[227] M. P. Cl., 43. Sallustia Orbiana, la femme d’Alexandre Sevère. Ce groupe trouvé près de Sainte-Croix de Jérusalem dans la villa des Varii qui appartenait à Alexandre Sévère a fait donner à des ruines de cette villa le nom entièrement gratuit de temple de Vénus et de Cupidon. Autre impératrice et Vénus avec deux Amours à ses côtés. (M. Chiar., 673.)

[228] Hymn. ad Apoll. Pyth., 515 ; Hésiode, Boucl. d’Herc., 201.

[229] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 13.

[230] M. P. Cl., 516.

[231] Pline, Hist. nat., XXXV, 5, 22. Pline ne dit pas que ces Apollons avaient une longue robe ; mais comme il parle dans le même passage d’un autre Apollon nu, il est vraisemblable que l’un au moins des premiers devait être vêtu.

[232] L’Apollon berger de la villa Ludovisi (V. plus loin) et l’Apollon assis sur le trépied, tous deux conçus d’après une donnée religieuse aulique. L’Apollon berger est le dieu Pélasge ; la position de l’Apollon assis sur le trépied est hiératique.

[233] La Minerve Polias, le Jupiter et l’Esculape de Phidias ont précédé la Minerve du Parthénon, les Jupiters et les Esculapes debout. Les Heures dansantes ont d’abord été assises ; Pindare les appelle celles qui ont de beaux trônes.

[234] Pausanias, II, 29, 2. Suivant des interprétations plus modernes et plus raffinées : le chant, les instruments à cordes et les instruments à vent : les trois cordes de la lyre ou les trois genres de musique, le diatonique, le chromatique et l’enharmonique. Cicéron (Nat. deor., III, 21) en compte quatre primitives et neuf moins anciennes. Il y en a déjà neuf dans Homère et dans Hésiode. Il y en eut d’abord trois de Céphisidote dans le bois sacré de l’Hélicon, où ensuite on en plaça neuf nouvelles.

[235] Deux de ces Muses proviennent d’ailleurs : l’Uranie et l’Euterpe ; mais on a retrouvé depuis l’Uranie (M. P. Cl., 270) de la villa de Cassius, si c’est bien une Uranie ; elle est assise. Ces Muses ne sont pas toutes d’un mérite égal. Selon Visconti, l’Uranie assise et la Polymnie (M. P. Cl., 508) sont d’un style plus ancien ; elles doivent donc avoir une origine plus ancienne. Peul-être au moins, l’une des deux a-t-elle été faite d’après les Muses apportées d’Ambracie, ville où se trouvaient des objets d’art d’une haute antiquité (Pline, XXXVI, 5, 3). En effet, sur les monnaies d’Ambracie, la Polymnie est semblable à celle de la salle des Muses, tandis que la Melpomène, par exemple, est différente. On a trouvé dans la Sabine une répétition des Muses du Vatican. On en voit quatre à la villa Borghèse : Melpomène, Clio, Erato, Polymnie. (Salle IV, 8, 10, 16, 18.)

[236] Ces attributs ont été souvent donnés aux Muses par des restaurations peu intelligentes ; ainsi on a donné à une Euterpe au lieu d’une flûte un glaive, la prenant pour Melpomène (M. P. Cl., 13). Une confusion toute semblable est mentionnée dans l’Anthologie (Anth. Plan., IV, 218) ; un peintre au lieu de Melpomène avait représente Calliope.

[237] Dans le Musée d’Alexandrie chaque Muse avait sa salle consacrée aux réunions des pensionnaires qui cultivaient tel où tel genre de littérature.

[238] Thaleia présidait à la fertilité des champs. Thaleia a le même sens que Flora.

Nostra nec erubuit silvas habitare Thalia,

dit Virgile en parlant de la Muse champétre.

[239] Mnémosyne et sa fille Polymnie propices aux danseurs ; c’est-à-dire aux mimes. (Luc., de Salt., 36.)

[240] La Mnémosyne du Vatican (M. P. Cl., 535) avec son nom écrit en grec, ressemble à Polymnie ; elles paraissent dériver de deux des trois Muses primitives, la Mémoire et la Méditation. Les Muses elles-mêmes se sont appelées Mneiæ, les Mémoires. (Plutarque, Sympos., II, 14, 1.)

[241] Analt., II, p. 15, n° 35.

[242] Pausanias, X, 19, 3.

[243] Trois de Céphisodote, trois de Strongylion et trois d’Olympiosthène. (Pausanias, IX, 30, 1.)

[244] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 22.

[245] M. P. Cl., 255.

[246] D’assez nombreuses statues, en général des statuettes, représentent Pàris debout ; quelques-unes ont été reconnues pour des Athis, d’autres sont des prétres de Mithra (M. P. Cl., 435). Quand ces Pâris debout ont l’attitude de la réflexion, la main près du menton, il semble que le sculpteur a voulu exprimer l’incertitude qui précéda le fameux jugement ; mais on se figure mieux le juge assis, comme est la statue du Vatican que je crois d’après Euphranor.

[247] Quelques-uns sont à Rome : sur l’autel de Faventinus (M. P. Cl., 44), villa Panfili, villa Ludovisi, palais Spada. Dans ces deux dernières, Pâris tourne la tête vers un Amour qui va lui dicter sa sentence. L’auteur du bas-relief a traduit par une composition allégorique ce que l’auteur de la statue du Vatican a rendu, d’après Euphranor, par l’expression donnée au visage de Pâris. Ces divers bas-reliefs, fort semblables entre eux, avaient pour originaux des bas-reliefs grecs dont l’un a été trouvé à Andres (Ross, Reis, au. d. gr. inseln, II, p. 20). Le jugement de Pâris était dejà sculpté très anciennement sur le coffre de Cypsélus (Pausanias, V, 19, 1). C’est le point de départ de tous ces jugements de Pâris en bas-relief, dont l’un, celui de la villa Ludovisi a inspiré, a-t-on dit, le jugement de Pâris de Raphaël.

[248] Je crois que Visconti y a mis un peu de bonne volonté et de déférence pour Pline quand il a découvert dans la physionomie gracieuse et tranquille de Pâris un accorgimento misto d’ardire.

[249] Pline, XXXIV, 19, 27.

[250] Non seulement Michel-Ange, mais Léonard de Vinci, bien qu’à un moindre degré Raphaël et une foule d’autres ont réuni la pratique de plusieurs arts. Le Dominiquin s’essaya dans la sculpture et Jules Romain fut architecte.

[251] Pline, XXXV, 40, 4.

[252] Je n’ai pas besoin de rappeler les beaux sonnets de Michel-Ange, les Mémoires de Benvenuto Cellini, les ouvrages sur l’architecture d’Alberti, de Palludio, etc.

[253] Pline, Hist. nat., XXXV, 34, 1. De plus il dirigea les travaux d’architecture du Parthénon. (Plut., Périclès, 13.)

[254] Nous aurions peut-être à Rome les œuvres plastiques de ce grand peintre si la barbarie du goût romain ne les avait méprisées, sans doute à cause du peu de prix de la matière et ne les avait laissées dans la ville d’Ambracie. (Pline, XXXV, 36, 6.)

[255] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 33.

[256] Ictinus suivait l’exemple de ses prédécesseurs, un des plus anciens artistes grecs Théodore, fondeur en bronze et architecte avait écrit sur son temple de Junon à Samos, Philénus sur son temple de Minerve à Priène, Hermogène sur son temple de Bacchus à Théos et son temple de Diane à Magnésie.

[257] Salle dite du Gladiateur mourant 15.

[258] Ce Satyre ne peut être celui que Pline appelle le renommé ; car celui-là faisait partie d’un groupe où entraient Bacchus el, l’Ivresse (Pline, XXXIV, 19, 20), groupe reproduit par des statues (voy. plus loin) et par des bas-reliefs sur les sarcophages (M. P. Cl., 99). L’original du Satyre isolé répété tant de fois d’après Praxitèle, était, ou son Satyre de Mégare (Pausanias, I, 43, 5), ou plutôt celui de la rue des Trépieds à Athènes (id., I, 20, 1) ; tous deux cités par Pausanias comme ne faisant point partie d’un groupe et ne devant pas pour cette raison être confondu avec celui dont parle Pline et qu’il appelle le renommé ; — dénomination, je crois, mal appliquée par Pline, car elle devait appartenir au Satyre qui a été si fréquemment reproduit. — J’attribue cet honneur à celui de la rue des Trépieds plutôt qu’à celui de Mégare, parce que c’est le premier que Praxitèle voulut sauver de préférence, quand trompé par Phryné il crut ses ouvrages ménacés par un incendie. (Pausanias, I, 20, 1.)

[259] On peut croire que le Satyre de Myron (Pline, XXXIV, 19, 8), sculpteur plus réaliste que Praxitèle et qui excellait dans la représentation du type animal, tenait davantage de ce type, et rapporter à Myron ceux des Satyres romains où il est plus prononcé.

[260] Vat., Nuov. bracc., 120. M. Cap., Gal., 12, 33. Villa Borghèse.

[261] Pline, Hist. nat., XXXV, 30, 41.

[262] Élien, Var., XII, 41.

[263] M. P. Cl., 250. Un Amour fort semblable à celui-ci, et que l’on trouve encore plus beau, se voit à Naples ; un autre, bien certainement grec, parmi les marbres d’Elgin. (Müller, Arch. att., I ; Pl., XXXV, 145, p. 17.)

[264] Anth. Plan., IV, 201.

[265] Praxitèle avait mis presque de la pensée dans un de ses Amours, dit Callistrale (III, 4).

[266] Le col penché. (Anth. gr., II, 496.)

[267] Nous voyons par Cicéron (Verrines, II, 4, 2) qu’il y avait, outre le célébre Amour de Praxitèle pour lequel on faisait le voyage de Thespies, un autre Amour très semblable du même auteur, une réplique. Celui-là fut volé à Messine par Verrès. Pline (XXXVI, 5, 11.) fait faire entre eux à Cicéron une confusion qu’il ne fait point, car il dit l’un à Messine et l’autre à Thespies. Si la statue du Vatican était un original, ce que des sculpteurs n’ont pas jugé impossible, ce ne pourrait être le fameux Amour de Thespies donné par Praxitèle à Phryné, et qui, apporté à Rome par Caligula, rendu par Claude, repris par Néron (Pausanias, IX, 27, 3), y périt sous Titus, dans un incendie. Ce pourrait être la réplique volée par Verrès (Brunn, I, p. 341). Est-ce cette réplique que Pline, la confondant avec l’original, dit avoir existé de son temps dans un bâtiment dépendant du portique d’Octavie ? Si l’on ne veut pas que la statue du Vatican, à laquelle on fait quelques reproches et dont la tête est plus admirable que le buste, soit de la main de Praxitèle on peut admettre que nous avons sous les yeux une copie faite pour la remplacer à Thespies par un sculpteur athénien, Ménodore (Pausanias, IX, 27, 3). L’Amour de Thespies avait des ailes (Anth. pal., VI, 260) ; derrière les épaules de l’Amour du Vatican on remarque les trous qui ont servi à en attacher.

[268] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 11. Callistrate (III) cite encore un Amour de Praxitèle en bronze ; mais ce qu’il dit de sa main élevée et tenant un arc ne convient point à l’Amour du Vatican, et convient, au contraire, à une figure ailée trouvée récemment au Palatin par M. Rosa.

[269] Le plus beau au Capitole (Gal., 13) ; au Vatican (M. Chiar., 495) ; villa Albani.

[270] Visconti, M. P. Cl., I, p. 12. Meyer, I, p.129. Son attitude convient mieux au bronze qu’au marbre ; or, Lysippe préférait le bronze et Praxitèle le marbre : à en croire Properce, le marbre du mont Penthélique, voisin d’Athènes.

Praxiletem palria vindicat urbe lapis.

Placé à Thespies comme l’Amour de Praxitèle (Pausanias, IX, 27, 5), il a pu être confondu avec lui, et Callistrate paraît avoir déjà fait cette confusion, car la peinture qu’il nous a laissée (III) d’une statue de bronze qu’il attribue à Praxitèle convient mieux à cet autre Amour qu’à celui-ci, que sa grâce délicate nous force à revendiquer pour Praxitèle. Emporté et riant, ses yeux brillent ; il élève son arc et penche un peu de côté. L’Amour de Praxitèle ne tenait point un arc à la main, et le torse du Vatican n’a jamais élevé le bras.

[271] M. P. Cl., 264, en marbre ; en bronze à la villa Albani, salle de l’Ésope.

[272] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 21. Martial, Épigrammes, XIV, 172.

[273] Vat., M. Chiar., 648. Deux au Capitole. L’un, salle du Gladiateur, et l’autre, salle des Hercules. Type de l’Apollon Lucien tel qu’il est décrit par Lucien (Anach., 7), la main droite sous la tête, de la gauche tenant sa lyre, appuyé à une colonne ; on a donné la même attitude à l’Apollon Delphique caractérisé par le trépied.

[274] M. Capitolin, salle des Hercules. Apollon dont la chevelure ressemble à celle de Vénus. Le caractère d’Apollon était féminin même avant Praxitèle ; Winckelmann a pris un Apollon citharède pour une Muse, et l’on ne sait pas encore trop bien si une statue du Vatican (M. P. Cl., 582) est une Erato ou un Apollon ; dans les deux cas il s’agit d’un Apollon antérieur à Praxitèle, d’un Apollon citharède d’après Scopas, enveloppé d’une robe qui tombe jusqu’à ses pieds ; tandis que Praxitèle, qui représenta le premier Vénus nue et probablement aussi Bacchus nu (voyez plus loin) doit être le créateur des Apollons citharèdes nus, tels que l’Apollon très féminin de la salle de la Riga au Vatican (M. P. Cl., 614). On peut se représenter ainsi l’Apollon de Praxitèle qui était à Rome dans la maison de Pollion. (Pline, XXXVI, 5, 11.)

[275] M. Meyer (Gesch. d. bild. K, I, p. 303) croit y reconnaître le caractère du génie de Lysippe. J’y trouve bien plus la grâce exquise du génie de Praxitèle. On pourrait plutôt y découvrir quelques réminiscences d’un art un peu antérieur au sien.

[276] Vat., Salle des Candélabres, 74. Idylle en marbre ; petite scène d’après Théocrite. (IV, 51.)

[277] Je ne rapporte point à Praxitèle l’origine d’une autre statue de bronze qu’on admire au Capitole, le Camille, nom grec, il est vrai, mais donné par les Romains aux jeunes gens qui figuraient dans les cérémonies de leur culte. Cette statue représente un personnage religieux romain ; elle a été faite pour Rome. D’ailleurs, bien que très distinguée, elle n’a point la délicatesse parfaite des œuvres inspirées par Praxitèle ; si ce Camille avait un original grec, c’était une peinture de Parrhasius. (Pline, XXXV, 36, 10.)

[278] La Vénus de Gnide, la Vénus de Cos, une Vénus de Thespies, où elle était placée dans un temple à côté du portrait de Phryné, une Vénus en bronze à Rome, devant le temple de la Félicité, une à Alexandrie près du mont Latinus, une à Mégare.

[279] Cedrenus, Annales, 322.

[280] M. P. Cl., 574. Une statue (palais Chigi) exécutée, dit l’inscription qu’elle porte, par Ménophante, d’après la Vénus de Troas, nous ramène au type de Praxitèle à travers une double imitation ; ici le linge que tient Vénus n’est point posé sur un vase ; il cache une partie du corps, ce qui n’avait pas lieu pour la Vénus de Gnide : c’est une donnée nouvelle : l’intention de couvrir, qui, par égard pour la décence vulgaire, altère la vraie chasteté de l’art, qu’on remarque dans un grand nombre de statues romaines et qui triomphe dans la Vénus de Canova. Plusieurs de ces statues semblent avoir été décrites par Christodore (Anth. pal., Christod., Ekphr., 79).

[281] Anth. gr., II, 260.

[282] Villa Ludovisi. Dans le bas-relief de la villa Panfili, Vénus s’entoure d’un voile flottant.

[283] Scopas aurait devancé Praxitèle dans cette hardiesse. Pline cite de lui une Vénus nue (Pline, XXXVI, 5, 14). Cependant la sensation que produisit la Vénus de Praxitèle et la préférence que les habitants de Cos accordèrent à celle qui était vêtue semblent indiquer une nouveauté. Peut-être nue veut-il dire ici, chez Pline, à demi vêtue, comme la Vénus de Milo. Le mot nudus se prend parfois dans ce sens.

Nudus ara, sere nudus, ne veut point dire qu’on doit semer et labourer dans le costume de la Vénus de Gnide.

Les Gnidiens montrèrent bien qu’une pensée voluptueuse les avait guidés dans leur préférence, par les précautions qu’ils prirent pour qu’on ne perdit rien des charmes de leur Vénus. Le temple où ils la placèrent avait deux portes également ouvertes aux spectateurs (Pline, XXXVI, 5, 10 ; Luc., Am., 13). J’ai vu à Naples le même artifice employé pour faire valoir toutes les beautés de la Vénus Callipyge.

[284] Au musée Capitolin, cabinet réservé.

[285] Ce sentiment de pudeur gracieuse est exprimé par Philostrate (II, 1), nue et chaste.

[286] A part la différence d’attitude, la Vénus de Médicis rappelle à plusieurs égards et mieux que la Vénus du Capitole la description que fait Lucien (Am., 13-14, Im., 6) de la Vénus de Praxitèle. Elle en a conservé le sourire avec une grâce plus moderne que l’âge du sculpleur athénien. Ses cheveux étaient dorés et ses oreilles percées pour recevoir un ornement ; mais ce n’est pas là ce qui peut l’éloigner de l’époque antique, surtout les oreilles percées, qui se rencontrent dans des statues archaïques. Junon, dans l’Iliade (XIV, 182), se met des boucles d’oreilles, Vénus en porte aussi. (Hymne à Vénus, II, 8-9.)

[287] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 22. Au même endroit était une Vénus de Phidias (ib., 5) ; ce n’est pas d’elle que peut provenir la Vénus de Médicis, évidemment d’après Praxitèle. Des têtes de Vénus d’une physionomie plus sévère peuvent seules nous transmettre, dans des imitations médiocres, quelques reflets de la beauté que Phidias avait dû donner à sa Vénus. On s’est défié arec raison de ce nom de Cléomène qui se lit sur sept statues conservées, la plupart très belles, et sur un bas-relief. Cléomène avait sculpté des Thespiades imitées de celles de Praxitèle (Anth. Plan., IV, 167), que Mummius avait transportées à Rome (Pline, XXXIV, 19, 20 ; Strabon, VIII, 23 ; Brunn, I, p. 342-546). On a pu, par une erreur facile à comprendre, graver le nom d’un imitateur de Praxitèle sur une imitation de Praxitèle dont il n’était point l’auteur.

[288] Ce dauphin n’a rien à faire avec l’idée du bain ; il n’est là que pour indiquer l’origine de Vénus, née de la mer, car il accompagne une Vénus demi-vêtue placée dans un sanctuaire (M. Chiar., 39). Ce dauphin pouvait encore avoir trait à la Vénus de Gnide, qui était une Vénus Euplos, favorable à la navigation.

[289] Aujourd’hui à Saint-Pétersbourg dans le palais de l’Ermitage.

[290] M. Chiar., 675

[291] M. P. Cl., 429. Elle est assise sur un vase couché. Celle du Louvre répand sur elle des parfums.

[292] Vill. Lud., I, 11. Une pierre gravée montre Vénus accroupie s’apprêtant à recevoir l’eau qu’on va verser sur ses épaules (Müller, Att., I, 280). Ailleurs elle va reprendre son vêtement (ib., 281). La même attitude à peu près est donnée à Diane qui se baigne, dans un bas-relief d’Acréon, et à Danaé qui reçoit la pluie d’or. La Danaé de Praxitèle (Anth. pal., III, p. 37) était peut-être dans cette position ce qui expliquerait par un original célèbre le grand nombre de répétitions de la Vénus accroupie. Il est honteux à Bœttiger d’avoir vu dans une attitude qui s’explique si naturellement une allusion indécente au vers de Juvénal :

Ad terrain tremulo descendere clune puellæ.

A la Villa Borghèse (I, 21), une Vénus assise se frotte la jambe avec un linge, un petit Amour assis la regarde ; traduction familière et prosaïque de l’idée du bain.

[293] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 23. La Vénus accroupie du Vatican attend qu’on verse l’eau sur ses épaules et qu’on les essuie. M. Meyer pense qu’elle pourrait être l’original dont parle Pline, lequel dérivait peut-ètre lui-même de la Danaé de Praxitèle. Anth. Pl., IV, 262.

[294] Pausanias, IX, 35, 2.

[295] Vat., Nuov. br., 92. Gal. des Cand., 111. Toutes deux à demi vétues. On a combiné cette Vénus avec les Vénus dérivées de la Vénus de Gnide et avec les Vénus demi-vêtues, comme la Vénus de Milo (M. Chiar., 352, Villa Borgh., VII, 3.) Les deux Vénus Anadyoménes du Vatican (Nuovo bracc. et M. Chiar.) sont très semblables à la Vénus dont parle Ovide.

Nobile signum

Nuda Venus madidas exprimit imbre comas.

[296] Pausanias, V, 11, 3.

[297] Elle était exactement pareille à nos statues de Vénus Anadyomène, à en juger par la peinture des poètes de l’Anthologie (Anth. gr., II, p. 95.)

Un autre de ces poètes emploie presque les mêmes termes pour la décrire (Anth. gr., II, p. 15). Les deux Vénus Anadyomènes du Vatican sont à demi vêtues, celle d’Apelles était nue (Anth. Plan., IV, 179), comme une autre Vénus Anadyomène dont parle aussi l’Anthologie. (Anth. Plan., IV, 180.)

[298] Je crois reconnaître la Vénus Anadyomène primitive du bas-relief d’Olympie dans un bas-relief du palais Colonna ; elle est vue de face et tient des deux mains les deux extrémités de sa chevelure divisée. Il y a là une simplicité, une symétrie qui sont dans le goût d’une époque encore sévère. J’en dirai autant d’une Vénus soutenue sur une coquille par deux Tritons (cour du palais Mattei) ; je crois également qu’on doit rapporter à une imitation de la Vénus Anadyomène du trône d’Olympie une tête de femme (M. Chiar., 165) dont les cheveux semblent mouillés et dans laquelle on a cru voir la pâleur telle qu’elle est représentée sur les médailles romaines, tant le caractère de cette tête est sévère. Ce caractère nous rapproche de l’époque de Phidias. Un vers de l’Anthologie (Anth. gr., II, p. 292) me paraît se rapporter à la famille de ces Vénus Anadyomènes plus simples que celles de Praxitèle et d’Apelles, et à laquelle appartiennent de petits bronzes dont un peut se voir dans l’atlas du Manuel d’archéologie de Müller (II, 284). Le vers de l’Anthologie se traduit ainsi : Elle a dénoué ses cheveux qui tombent le long de son cou.

[299] Campaspe ou Pancaste dont Apelles était amoureux, et que lui céda Alexandre (Pline, XXXV, 36,24) ; d’autres disent Phryné (Athénée, XIII, p. 590) ; mais c’est probablement une confusion avec l’histoire de la Vénus de Praxitèle.

[300] Ou à combiné le type de la Vénus Anadyomène et de la Vénus accroupie. Un bas-relief (Vill. Borg., salle VIII) nous montre une Vénus accroupie portée dans une coquille et soutenue par des tritons comme dans le bas-relief Mattei cité plus haut, qui représente Vénus Anadyoméne. La Mer la soutenait dans le groupe de personnages marins de l’isthme de Corinthe (Pausanias, II, 1, 7). La Vénus accroupie de Florence, au lieu d’être assise sur un vase à parfum, est assise sur une coquille.

[301] M. Borgh., 1, 5. Vill. Lud., I, 34. M. Chiar., 546. Ici, c’est l’impératrice Sabine, qui est représentée en Vénus mère, quoiqu’elle n’ait jamais eu d’enfants, ne voulant pas, disait-elle, perpétuer la race d’un mari qui lui était justement odieux. Cette Vénus est représentée sur les médailles de Sabine avec le mot Genitrici.

[302] Aristénéte, I, 15. Ou bien, au lieu de le couvrir, le dévoile, ce qui exprimerait encore mieux la même idée ; le geste des statues de Vénus Genitrix est incertain.

[303] Gher., Gr. Myth., I, p. 384-5-93-7-8.

[304] M. Capit., salle des Hercules, Vill. Borgh., VI, 3, M. Chiar., 627. Les groupes de Mars et Vénus sont tous de sculpture romaine, et souvent des portraits.

[305] La Victoire de Brescia est assez belle pour avoir une origine grecque, et on peut considérer ce type grec d’auteur inconnu comme l’origine des nombreuses Victoires romaines jusqu’à celles, si grossières, de l’arc de Constantin.

[306] On n’a pas trouvé de Mars avec la Vénus de Milo, et le corps n’est pas assez penché en avant pour une Victoire écrivant sur un bouclier ; d’ailleurs les traits sont trop divins. La Vénus de Milo pourrait avoir été à la rigueur une Vénus se mirant dans le bouclier de Mars, telle qu’on la voit sur une médaille de Corinthe (Müller, Arch. att., II, 269) et comme on suppose qu’était la Vénus de Capoue. Apollonius de Rhodes (Arg., I, 743-6) la montre ainsi.

[307] Phidias avait fait deux statues de Vénus-Uranie ; l’une était à Élis, l’autre à Athènes (Pausanias, VI, 25, I, 14, 6). La Vénus d’Élis avait le pied posé sur une tortue, symbole de la voûte céleste ; la voûte d’un temple s’appelait tesludo. La Vénus de Milo pose le sien sur un objet qui n’a pas pu être déterminé.

[308] Elles le sont sur le candélabre Borghèse d’intention archaïque (au Louvre).

[309] Pausanias, V, II, 2.

[310] Si c’est le philosophe Socrate qui fut réellement l’auteur des trois Grâces de l’acropole d’Athènes (Pline, XXXVI, 5, 20 ; Diog. Lært., Soc.), ee dont on a douté, mais ce qui me semble assez problable puisque Socrate eut un sculpteur pour père. Lucien dit que Socrate avait abandonné la sculpture pour la philosophie. A Élis les statues des Grâces en bois et en marbre, signe d’antiquité, avaient des vétements dorés. (Pausanias, VI, 24, 5.)

[311] Groupe des trois Grâces ayant auprès d’elles un vase (St., R., III, 2, p. 97), sur lequel sont jetés des vètements (autrefois au Vatican).

[312] Hésiode les nomme ensemble. Welck., Ep. cycl., II, p. 89.

[313] J’ai parlé d’un bas-relief qui représente un homme à genoux devant les Grâces, près de lui sont Esculape et Mercure. Sur un autre bas-relief (M. P. Cl., 474), les nymphes remplacent les Grâces, et Hercule, dieu de la force, Esculape dieu de la santé ; au-dessous est écrit ex-voto Nymphabus. Ces nymphes sont nues et groupées comme les Grâces. C’est à cause de cette analogie des nymphes et des Grâces que les statues de celles-ci ornaient si souvent les bains et que les bains leur étaient si souvent consacrés, comme on le voit dans l’Anthologie. (Anth. Pl., passim.)

[314] Outre le Bacchus groupé avec le satyre et l’Ivresse (Pline, XXXIV, 19, 20), il y en avait un de Praxitèle à Élis (Pausanias, VI, 26, 1) probablement en marbre selon l’usage de Praxitèle. Faut-il en reconnaître une copie dans le Bacchus que décrit Callistrate et dont le bronze semblait de la chair ? (Callistrate, 8.)

[315] Ayant les grâces de Vénus (Euripide, Bacch., 236). Belle statue, Vill. Alb. (Müller, Arch., p. 591.)

[316] Bacchus avait été déguisé en jeune fille (Sen., Œd., 420) ; durant ses fêtes les hommes se déguisaient en femmes et les femmes en hommes comme chez nous pendant le carnaval : de là une statue virile avec un costume féminin (M. P. Cl., 495), et une tête de Bacchus avec une coiffure féminine (M. Chiar., 604). Une tête d’Ariane (M. Capit., salle du Glad.) passe maintenant pour une tête de Bacchus ; on a cru y reconnaître des cornes. Le caractère efféminé de Bacchus et l’ambiguïté de son sexe, à demi homme, dit Lucien, (D. dial 23) sont très cruement exprimés par Aristophane faisant parler Eschyle (Thesm., 134 et suiv.) Virgineum caput (Sen., Œd., 408.)

[317] Sur les rapports d’Apollon et de Bacchus, fr. Eur. Did. p. 735, V Fr. Lenormant, Inscriptions d’Éleusis, p. 256. On a douté parfois qu’un torse appartînt à l’un et à l’autre de ces dieux, à tel point qu’on a restauré un Apollon en Bacchus (M. Chiar., 178), bien que le carquois qu’on a laissé subsister près du prétendu Bacchus eût dut prévenir cette méprise. Les deux dieux placés en regard (M. P. Cl., 610, 614) font voir le caractère féminin commun à l’un et, à l’autre, sortent depuis Praxitèle.

[318] Nous savons qu’il était. barbu sur le coffre de Cypsélus (Pausanias, V, 19, 2), tenant une coupe comme on le voit souvent sur les bas-reliefs, et vêtu, dans la procession d’Antiochus Épiphane (Athénée, V, 198). Nous le voyons jeune, mais portant une longue robe, dans un bas-relief du musée Chiaramonli (501). C’est un commencement de la transformation que devait subir l’ancien Bacchus de Calamis (Pausanias, IX, 29, 4) pour arriver à celui de Praxitèle, et dont ceux de Myron (id., IX, 30, 1), de Scopas en bronze (Anth. gr., III, p. 206), de son contemporain Bryaxis (Pline, XXXVI, 5, 10), devaient indiquer les principaux degrés.

[319] Sur les bas-reliefs bachiques des sarcophages, ceux en particulier qui représentent la visite de Bacchus chez Icarius, et dans la statue de Bacchus indien qui porte le nom de Sardanaple (M. P. Cl., 608). L’idole adorée dans plusieurs bas-reliefs bachiques et qu’on appelle Sébasius ressemble à un Bacchus barbu et à robe longue. Des hermès accouplent Bacchus barbu et Bacchus imberbe (M. Chiar., 47). C’est près du nouveau qu’était l’ancien Bacchus, celui en robe, palla velatus, comme dit Pline (XXXVI, 5, 17) en parlant du Bacchus qu’un des quatre satyres placés dans la Curie d’Octavie portait sur ses épaules.

[320] Winckelm., M. inéd., 6. Zœg., B. ril., II. Bacchus avait pris part à la guerre contre les géants.

[321] Les deux Bacchus de Praxitèle étaient jeunes ; celui d’Élis est considéré par Müller (Arch., p. 123) comme le Bacchus jeune et ravissant de Callistrate (VIII) ; l’autre était jeune aussi, bien qu’il soit appelé liberum patrem par Pline (XXXIV, 19, 20). Pline se sert ailleurs de cette expression pour désigner Bacchus enfant (XXXIV 19, 37), et ici elle est appliquée au Bacchus, groupé avec un satyre et l’Ivresse que de nombreuses imitations nous montrent avoir été un Bacchus jeune. Liber pater ne veut pas dire autre chose que Bacchus. Bacchus est célébré déjà comme adolescent dans un des hymnes homériques (Hymn., V, 3-5) ; mais ces hymnes ne sont pas d’Homère et rien ne prouve que celui-ci soit antérieur à Praxitèle, ce Bacchus jeune est vêtu.

[322] M. P. Cl., 99, 555. Vill. Borgh., salon II. Vill. Lud., II, 14. Tantôt un satyre, tantôt Ampelos, dont le nom veut dire en grec la vigne, comme on le voit par un groupe de Naples dans lequel l’adolescent sur qui s’appuie Bacchus est à moitié vigne.

[323] Dans les bas-reliefs bachiques cett jeune femme est Ariane.

[324] M. P. Cl., 99.

[325] Hymnes, V, 4.

[326] Pausanias, V, 17, 1 ; sujet traité avant. Praxitèle à Amyclée : Trône d’Apollon (id., III, 18, 7), à Sparte (id., II, 8) par la sculpture ; par la poésie : Pindare (Pyth., IX, 59-61) parle de Mercure enlevant l’enfant divin à sa mère et le portant à la Terre et aux Heures qui siègent sur de beaux trônes.

[327] M. P. Cl., 493 ; M. Chiar., 183 ; M. Capit., galer. 48.

[328] Nuov. bracc., 29 ; Vill. Alb., salles d’en bas. Dans celui-ci le corps de l’enfant est moderne, mais une cuisse qui est antique suffit pour le restituer. Deux hermès portant un enfant sur l’épaule (M. de Saint-Jean de Latran). Ailleurs (M. P. Cl., 471), Mercure porte le petit Hercule.

[329] Nuov. bracc., 11.

[330] Pline, XXXIV, 19, 37. Silène, nourricier de Dacchus. (Pindare, fr. dith., 15.)

[331] Pausanias, IX, 10, 2 ; de plus dans les bas-reliefs de la base du tronc de Jupiter à Olympie (id., V, 111, 3), où Mercure était à côté de Veda comme sur le putéal du Capitole.

[332] Outre Phidias, Polyclète, Scopas et Naucyde (Pline, XXXIV, 19, 50) avaient représenté Mercure avant Praxitèle.

[333] Cratus le fort est une des épithètes que les poètes grecs donnent à Hermès.

[334] M. Chiar., 450. Hermès Énagonios. ός άγώνας έχει (Pindare, Ol., VI, 79). Mercure à l’état d’hermès dans les palestres (Anth. gr., II, p. 59), un tel hermès se plaint de n’avoir ni mains ni pieds.

[335] Hermès Agoraios. (M. P. Cl., 34)

[336] Hermés Logios (villa Ludovisi, salle II, 50) ; semblable au prétendu Germanicus du Louvre qui est un orateur.

[337] Gal. des Candél., 88. On peut rapprocher de ce Mercure assis deux autres Mercures qui le sont également : le Mercure près d’Hersé du palais Farnèse et le Mercure tenant une lyre de la villa Borghèse (VIII, 3). Une statue de Mercure décrite par Christodore était dans l’attitude du Jason, auquel elle a pu servir de modèle. Ce Mercure attachait sa chaussure comme il fait chez Homère (Anth. pal., Christod., Ekphr., 297) ; prêt à prendre sa course et le visage tourné en haut.

[338] Mercure semble tenir une bourse dans un bas-relief grec (Müller, Arch. att., II, 329) ; mais est-ce bien une bourse ?

[339] Hymn. in Merc., 526. Mercure est appelé un dieu utile. (Odyssée, VIII, 322 ; Illiade, XX, 54.)

[340] M. Chiar., 82. Statue acéphale qu’on rapproche de la première, (167), et, salle des Candélabres, un petit Mercure serrant une brebis contre son sein.

[341] Mercure, une lyre à la main (Vill. Borgh., VIII, 5 ; M. P. Cl., 417). La tortue au pied du Mercure orateur de la villa Ludovisi, comme de l’orateur (faux Germanicus) de Paris, atteste une assimilation remarquable de la musique et de l’éloquence. La tortue est près de Mercure s’adressant tendrement à Hersé (Pal. Farn.) ; là encore elle exprime l’éloquence employée par le dieu pour persuader la jeune fille.

[342] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 11. Avant Praxitèle, Praxias avait sculpté des Ménades sur le fronton du temple de Delphes (Pausanias, X, 15, 9). Pline, à propos des Ménades et des Silènes de Praxitèle, parle aussi de Canéphores. Les Canéphores de la villa Albani, que j’ai supposé dérirer de Polyclète et dont l’attitude est fort élégante, peuvent aussi venir de Praxitèle. Les noms des sculpteurs Criton et Nicolas que porte une d’entre elles ne prouvent rien contre cette origine, car ces noms peuvent être ceux des copistes. Pausanias cite aussi des Canéphores à Mégalopolis qui portaient des corbeilles de fleurs et dont la robe descendait jusqu’aux talons. (Pausanias, VIII, 31, 1).

[343] Par une épigramme (Anth., pal., IX, 756) sur un vieux satyre dansant de Praxitèle. Beau satyre dansant de la villa Borghèse (VIII, 1) ; un autre dans la mène salle et un dans le salon ; un au musée de Saint-Jean de Latran.

[344] Parmi les Silènes dansants de Praxitèle (Silène peut se prendre pour satyre), la plupart devaient être jeunes, car Praxitèle rajeunissait tout. On ne peut guère douter, je pense, que le beau satyre dansant de Pompéi qui a donné son nom à la maison du Faune, et le satyre de la tribune de Florence lequel ressemble à un Napolitain dansant la tarentelle, danse grecque comme Tarente, ne soient imités l’un et l’autre d’un satyre dansant de Praxitèle. A Rome, plusieurs des satyres que Visconti appelle dansants ne dansent point, car leur pied touche à terre tout entier ; mais il en est qui dansent véritablement (gal. des Candél., 176, 178). Enfin un pied qui subsiste seul de la statue à laquelle il appartenait (ib., 167) suffit pour indiquer par sa position que cette statue, celle d’un satyre bien probablement, dansait.

[345] Ménade au repos, cour du palais des Conservateurs sous le portique. Il pouvait y avoir de telles ménades parmi celles de Praxitèle. Pline distingue parmi les statues dont il fait mention les thyades, dont le nom indique l’emportement bachique, des ménades dont l’état n’était pas nécessairement violent.

[346] M. Capit., gal. 5 ; Vill. Borgh., III, 17.

[347] M. P. Cl., 491.

[348] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 21 ; Anth. gr., III, p. 118. Aux pieds de bouc.

[349] Gal. des Candél., 258. Ailleurs on voit les traces de l’outre sur l’épaule qui la portait. Petit hermès œnophore (Vill. Borgh., IV, 20 ; Vill. Alb., salle d’entrée). L’outre remplacée par un vase (gal. des Cand., l99), les deux sur un vase bachique (M. Capit , galer. 37), un satyre porte une outre sur le dos, un autre danse, un vase sur l’épaule. Ailleurs sont des enfants œnophores (M. Chiar., 595) des satyres œnophores figuraient dans la procession d’Épiphane. On a fait servir l’outre et le vase d’un Œnophore à répandre l’eau d’une fontaine (M. Chiar., 484, 485), il versait l’onde argentée des naïades (Anthol. pal., IX, 827).

[350] Hirt, Gesch.. d. b. K., p. 217.

[351] Le type de Diane incline à la virilité, les jambes sont légèrement masculines, le sein peu développé. On a pu accommoder en Diane une statue dont le sexe masculin est manifeste (Vat., salle des Candel., 200.)

[352] Pausanias, I, 40, 2.

[353] Pausanias, I, 23, 9 ; X, 37,1. Sans compter Diane avec Apollon et Latone (id., VIII, 9, 1). Un bas-relief de la villa Albain (gr. salle) représente ces trois divinités.

[354] Dans Homère elle est chasseresse ; Diane qui se plait à lancer des traits. Euripide l’appelle celle qui tue les bêtes sauvages (Iph. en Aut., 1369), mais il l’appelle aussi Lucifère (Iph. en Taur., 21).

[355] Les deux flambeaux faisaient allusion au double caractère de Diane bienfaisanle (sôteira), comme telle présidant aux accouchements (eutokia), et Diane redoutable en tant qu’Hécate. Ainsi Proserpine, elle aussi déesse de la vie et de la mort, est dite dans une inscription de Paros (Bœck, C. inscr., 2388) porter deux flambeaux, l’un pour donner la lumière, l’autre pour allumer l’incendie.

[356] Le nodoque sinus collecta fluentes s’observe sur beaucoup de statues de Diane à courte tunique, à plis flottants avec une ceinture au-dessus. Chrisostod., Eck., 308.

[357] Comme ils l’étaient dans les mains de la Diane pythique (Müller, Arch., p. 555), comme les place Sophocle dans les mains de la déesse, l’appelant à la fois Eléphabolos et Amphipuros (Soph., Trachin., 215).

[358] Pausanias, VIII, 57, 2. Cicéron dit la même chose de la Diane de Ségeste. (Verrines, II, 4, 34.)

[359] Celle d’Anticyre (Pausanias, X, 37, 1), qui portait un flambeau, avait le carquois derrière l’épaule et près d’elle un chien. La Diane de Ségeste volée par Verrès (Verrines, II, 4, 54) avait aussi l’arc et le carquois.

[360] C’était la Diane Brauronia (Pausanias, I, 23, 9), la terrible Artémis des peuples du Nord (Gher., Gr. Myth., I, § 329-31), la Diane homicide qui aime le sang et qui, par conséquent, avait pu devenir facilement une Diane chasseresse. La déesse cruelle de la Tauride, qui fut transportée à Athènes (Iph. in Aul., 1430-63), la Diane Brauronia a sur les bas-reliefs les attributs de Diane chasseresse. La Diane Laphria de Ménechme et Soidas (Pausanias, VIII, 18, 6) et de Damophon (id., IV, 31, 6), ayant Praxitèle, portait la courte tunigne. (Müller, Att., II, 165.)

[361] Bas-relief de la villa Albani dans l’escalier, la Diane de Scopas est dite une déesse qui lance ses flèches de loin. (Luc., Lexiph., 12).

[362] Sur le trône d’Amyclée Diane et Apollon lançaient leurs flèches contre le géant Tityus, sur le trône d’Olympie contre les Niobides.

[363] Ainsi la Diane Lucifère des bas-reliefs archaïques diffère des statues qui la représentent ; souvent elle tient à la main un énorme flambeau. Nous voyons par une médaille Etolienne (Müller, Arch. att., II, 165) que la Diane Laphrio, qui était Lucifère et chasseresse, n’avait, dans la forme sous laquelle on la représentait, presque aucun rapport avec nos Dianes chasseresses ou Lucifères.

[364] J’indiquerai seulement quelques spécimens bien caractérisés appartenant à chacun de ces groupes :

1° Dianes seulement Lucifères, en partie sernblables à la Diane-lune des bas-reliefs d’Endymion. En général, leur vêtement gonflé derrière la tête, tenant un ou deux flambeaux, quelquefois un croissant au-dessus du front. Une des ligures de la triple Hécate au Capitole, sous le péristyle ; gal. 44 ; au Vatican, M. Chiar., 548). Sur un bas-relief archaïque de la villa Albani, Diane tient deux flambeaux ;

2° Dianes à la fois Lucifères et chasseresses ; portant l’arc et le flambeau, sur les bas-reliefs archaïques, putéal, autel rond au musée du Capitole ; villa Albani, salle du grand bas-relief ; sur un bas-relief, une Diane ayant le carquois et tenait dans chaque main un flambeau ;

3° Dianes chasseresses, en courte tunique, ayant près d’elles un chien, une biche ou une tête de sanglier. Le type le plus remarquable de ce groupe est notre admirable Diane de Paris (Vat., M. P. Cl., 622 ; Nuov. bracc., 85 ; M. Chiar., 122, 123) ;

4° Dianes vengeresses ou combattant, rien qui indique la chasse, mouvement de saisir la flèche ; en robe courte, et aussi en robe longue, dans les deux cas, l’attitude est la même. (Capitole, salle des Hercules, 32.)

[365] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 12.

[366] Ibidem, XXXVI, 5, 22.

[367] Ibidem, XXXVI, 5, 12.

[368] Ibid., avec Flore et Triptolème, dans les jardins des Servilius. La Flore de Naples a été déterrée à Rome dans les thermes de Caracalla, pas très loin des jardins des Servilius ; mais l’association à Cérès et Triptolème me fait douter que Flore se trouvât avec eux. Je crois que la Flore dont parle Pline était plutôt une Proserpine (Cura, Libera).

[369] L’expression du caractère énergique du terrible dieu de la mer dut être complétée par le sculpteur dont le dieu de la force, Hercule, était le dieu favori, par Lysippe ; Lucien (Jup. tragæd., 9) cite un Neptune en bronze de Lysippe. On ne voit guère, après Scopas, en Grèce, d’autres statues de Neptune que ces deux-là.

[370] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 211. A Rome, bas-reliefs des sarcophages. (Cap., gal.)

[371] Pline parle de ce second groupe, immédiatement après avoir parlé du premier, en qui porte à l’attribuer également à Praxitèle. Je ne connais point à Rome de bas-relief où ce sgjet puisse être indiqué avec certitude, si ce n’est peut-être sur un des côtés d’un sarcophage dont la face est occupée par l’enlèvement de Proserpine et que San Bartoli (Admirand. Romæ, pl. 53-4) cite comme étant au palais Respigliosi. C’est Mercure et non Cérès qui vient chercher Proserpine pour la ramener sur la terre. Une Saison portant des fleurs, et qui est le printemps, indique le moment de ce retour, lié symboliquement, dans les mystères, au retour de la végétation reparaissant avec le printemps.

[372] Pausanias, I, 2, 4.

[373] Ce groupe, si ce n’est plutôt celui que formaient Démèter, Cora et Triptolème (p. 345), également de Praxitèle, paraît être l’original d’un bas-relief trouvé à Eleusis et d’une grande beauté. Il a été admirablement apprécié par M. Vitet, ce juge de l’art.

[374] La charmante petite statue du Vatican (gal. des Candél., 233) ; la belle Cérès de la villa Borghèse (I, 4), de laquelle il faut rapprocher une Cérès très mutilée sous le portique de la même villa (25). Les épis que celle-ci tient à la main sont antiques, chose très rare parmi les Cérès. C’est un des attributs dont il faut le plus se défier, car très souvent on l’a prêté, dans les restaurations en général faites sans discernement, à des statues qui n’avaient rien de commun avec Cérès. Ainsi on a fait une Cérès d’une bacchante tout en lui laissant sa nébride (villa Borgh.). Cérès est en général fort enveloppée du peplos (Théocr., VII, 52), par allusion aux mystères ; c’est pour la même raison qu’outre les épis elle tient souvent dans sa main les pavots dont était remplie la ciste sacrée d’Eleusis.

[375] M. P. Cl., 541.

[376] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 40. Plutôt qu’aux deux Cérès de Damophon, dont l’une (Pausanias, VIII, 51, 1) était groupée avec Proserpine et l’autre avec Junon (id., VIII, 37, 1) ; la seconde était assise et tenait un flambeau ; ce qui ne convient pas aux Cérès de Rome, toutes debout, seules et sans flambeau.

[377] L’une dans le temple, l’aube devant le temple de Cérès à Enna (Cicéron, Verrines, II, 4, 49). Cette dernière était groupée avec Triptolème comme la Cérès des jardins des Servilius.

[378] Pausanias en cite deux : une assise (VII, 9, 1) et l’autre debout (IX, 2, 5) ; celle-ci était la Junon Téleia, la Junon conjugale.

[379] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 22 ; XXXIV, 19, 3.

[380] Je le nomme ainsi pour le distinguer d’un sculpteur beaucoup plus ancien que j’ai appelé Dionysius.

[381] L’ancienne austérité du type de Junon se fait jour, comme je l’ai dit, malgré cet adoucissement dans quelques Junons de Rome et surtout dans deux Junons de la villa Ludovisi, moins belles mais plus sévères que le buste célèbre qui est l’une des principales gloires de cette admirable collection à laquelle il ne manque rien que d’être placée dans un local moins indigne d’elle.

[382] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 12, à Rome, chez Pollion. Il y eut deux sculpteurs de ce nom. L’un d’eux représenta Mercure soignant Bacchus enfant. Quoi qu’en dise Pline (XXXIV, 19, 37), je suis porté à attribuer cette composition au fils de Praxitèle, parce que Praxitèle avait traité à peu près le même sujet. Je vois là un exemple de plus d’un disciple imitant dans le choix d’un sujet le choix de son maître. De plus Céphisodote avait fait une Diane et une Latone (Pline, XXXVI, 5, 12), Praxitèle plusieurs Dianes et deux Latones. (Pausanias, III, 21, 10 ; VIII, 9, 1.)

[383] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 57.

[384] Tat., Ad. gr., 32.

[385] M. P. Cl., 392.

[386] Il avait été encore plus hardi que Praxitèle, car il avait représenté nue, non pas Vénus, mais Minerve, si dans Athénée il faut lire leocharès au lieu de lacharès (IX. p. 405). C’était probablement Minerve devant Pâris, comme elle était peinte dans la maison dorée de Néron. (Mirci, Cam. di Tito.)

[387] Pline, Hist. nat., XXXIV, 10, 29.

[388] Gal. des Candél., 119. Celui du musée Chiaramonti (674) est très inférieur ; Ganymède semble porter l’aigle. Une répétition a été trouvée en Grèce, une autre existe à Venise, où elle a été sans doute apportée de Grèce. Elle reproduit mieux que celle du Vatican le sentiment attribué par Pline à l’original ; ici l’aigle a bien l’air de savoir ce qu’il fait.

[389] M. P. Cl., 412. Nuov. bracc., 38.

[390] Selon Pline (XXXIV, 19, 16), Lysippe disait qu’il représentait les hommes non tels qu’ils sont, mais tels qu’ils paraissent. C’était s’attacher plus à la réalité superficielle qu’à la vérité profonde. Quintilien dit : Ad veritatem Lysippum et Praxitelem accessisse optime affirmant ; mais ce n’est pas l’excès, comme chez Démétrius, qui était trop vrai : nimius in veritate reprehenditur et fuit similitudinis quam pulchritudinis amantior (Quint., Inst, XII, 10). Ce que confirme la description de sa statue de Pellicus par Lucien (Phâtops., 18, 4). Démétrius avait fait le portrait de ce général avec son front chauve, son gros ventre... les poils de sa barbe agités par le vent, les veines saillantes, tout semblable à une personne vivante ; comme on voit, presque une caricature. Lysistrate, frère de Lysippe, prétendant suivre la nature encore de plus près, moulait les visages en plâtre, remplissait ces moules de cire et, formait ainsi un modèle qu’il retouchait (Pline, XXXV, 44, 1). Mais plus anciennement on négligeait la ressemblance pont la beauté. Lysistrate prenait aussi l’empreinte des statues. (ib.)

[391] Argutiæ operum custoditæ quoque in minimis rebus, dit Pline, XXXIV, 19, 16).

[392] Une épigramme de l’Anthologie (Anth. gr., II, p. 49) nous fait connaître le détail de cette allégorie. L’Occasion marchait sur la pointe des pieds, car elle est toujours prête à s’enfuir et à nous échapper ; elle portait un rasoir (dont la présence est justifiée par une équivoque sur le mot acmè, qui veut dire à la fois tranchant, et moment favorable), une touffe de cheveux sur le front pour qu’on pût la saisir. On voit qu’il y avait plus d’un jeu de mots dans l’allégorie de Lysippe.

[393] On n’est jamais tout à fait le premier en rien, bien avant Lysippe, Aristophon, frère de Polygnote, avait peint la Crédulité (Pline, XXXV, 40, 13). Du reste, l’Occasion (Kairos) n’était pas une pure abstraction : c’était une divinité véritable qui avait un autel à Olympie, à côté de celui de Mercure (Pausanias, V, 14, 7). Ménandre appelait Kairos un dieu (Anth. gr., II, p. 431). La Persuasion (Peithô) est le nom allégorique de l’une des Grâces, et très ancien, car il remonte au temps où il n’y avait que deux Grâces, Charis et Peithô. Les personnages allégoriques, la Sagesse, la Victoire, la Force, la Violence, l’Envie, abondent dans les plus anciennes traditions mythologiques de la Grèce, et l’on parle d’un autel de la Pitié dans Athènes, qu’embrassèrent les fils d’Hercule.

[394] Nuov. bracc., 67. Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 6. Le strigile était un racloir de métal dont se servaient les athlètes pour enlever la sueur et la poussière, après leurs exercices. Cette admirable statue a été trouvée dans le Transtevere avec le cheval de bronze et le bœuf de bronze du Capitole.

[395] Pline, Hist. nat., XXXIV, 18, 13.

[396] Ib., 6. Le strigile était grec comme la palestre. Une pierre gravée grecque montre le héros Tydée se servant du strigile. L’usage en avait passé à Rome, où ou s’en servait dans les bains. Des statues portent le strigile et d’autres objets de bain. (Vill. Alb., salle d’en bas, Gal. des Candél., 240.)

[397] Ce qui le prouve, c’est que dans la reproduction en marbre on a été obligé de soutenir un des bras par un tenon. Cette reproduction serait-elle l’œuvre de Daippus, fils de Lysippe, qui fit un strigillaire (perixyomenon) (Pline, XXXIV, 10. 51) d’après son père ; nouvel exemple d’un élève traitant un sujet que son maître avait traité.

[398] Quadratus veterum statuas permutando... (Pline, XXXIV, 19, 7). Euphranor aussi s’en était écarté, mais il faisait les têtes grosses et Lysippe petites ; ce qui donne de l’élégance aux statues. Chez Lysippe l’élégance subsistait à côté de la force. Le dieu de la force, Hercule lui-même, a la tête petite à proportion, dans la statue appelée l’Hercule Farnèse, qui, comme nous allons le voir, est imitée d’une œuvre de Lysippe.

[399] Dans la restauration, du reste très légère, qu’a subie la statue, on a fait tenir un osselet au strigillaire. Ce n’est pas une erreur bien importante, mais c’est une triple erreur. Pline, à propos du strigillaire, parle d’un homme tato incessentem. D’abord ces mots ne s’appliquent point au strigillaire, mais à une autre statue. De plus ils ne veulent point dire qu’elle tenait un osselet, mais qu’elle frappait du talon ; enfin ces expressions, dans tous les cas, ne pourraient s’appliquer qu’au strigillaire de Polyclète, et c’est le strigillaire de Lysippe dont Rome possède une belle reproduction. Il n’était point d’ailleurs dans la simplicité du génie de la sculpture antique de prêter deux actions simultanées à un même personnage. Pour tous ces motifs, l’addition de l’osselet à la main du strigillaire est aussi malheureuse que possible.

[400] Pline, XXXIV, 19, 15.

[401] Qu’on plaça dans le temple de Thespies, en regard de l’Amour de Praxitèle. (Pausanias, IX, 27, 3.)

[402] Luc., Jup. trag., 12 ; Pausanias, IX, 30, 1.

[403] Luc., Jup. trag., 9, à Corinthe.

[404] Cedrenus (Ann., p. 322) dit qu’il y avait à Constantinople une Junon de Lysippe et de Bupalus. Un renseignement si tardif, et qui renferme un anachronisme si grossier, ne mérite aucune confiance.

[405] Le Jupiter colossal de Tarente (Pline, XXXIV, 18, 1) avait quarante coudée, (Nonnius, s. v. Cubitus) et était le plus grand colosse avant le colosse de Rhodes, œuvre d’un élève de Lysippe. (Str., VIII, 3, 1. Pausanias, I, 43, 6 ; II, 9, 6 ; II, 20, 5.)

[406] Pausanias, I, 43, 6.

[407] Deux d’Agéladas, le maître de Phidias, l’une citée par Pausanias (VII, 24, 2), l’autre par le scoliaste des Grenouilles d’Aristophane, une autre en bois d’un sculpteur encore plus ancien, Laphaès. (Pausanias, II, 10, 1.)

[408] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 7.

[409] Pausanias, II, 10, 1.

[410] Toutes trois vinrent à Rome et peuvent par conséquent disputer à Lysippe un certain nombre des imitations romaines, parmi lesquelles cependant, précisément parce qu’il est venu après Myron, il peut revendiquer la meilleure part ; l’une était au Capitole (Str., XIV, 1, 14) ; l’autre près du Grand cirque (Pline, XXXIV. 19, 8), le troisième dans la galerie volée de Verrés. (Cicéron, Verrines, II, 4, 3.)

[411] Pindare, Ol., III, 15. Pausanias, V, 14, 3. A Olympie l’Hercule de la palestre était couronné de feuilles d’olivier sauvage.

[412] On voit la couronne d olivier sculptée sur une colonne imitant la meta d’un cirque dans le jardin de la villa Albani.

[413] Br., Gesch. d. gr. K., I, p. 362.

[414] Pline, XXXIV, 18, 1. Plutarque, Fabius, 22. Strabon, VI, 5, 1.

[415] Stace, Silves, IV, 6, 57. Martial, Épigrammes, IX, 44, 2-6. De plus, un Hercule désarmé par l’Amour, sans parler d’Hercule répété douze fois dans les douze travaux.

[416] Salle de l’Ésope ; répétition en bronze encore plus petite au musée Kirchérien.

[417] Au palais Pitti. On dit que cette statue a été trouvée dans les thermes de Caracalla ; aussi lieu que l’Hercule Farnèse. Si l’inscription, comme le croie M. Meyer (I, p. 128) est antique, ce serait alors une copie assez grossière de la statue de Lysippe.

[418] Brunn, I, p. 540.

[419] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 17.

[420] M. P. Cl., 3.

[421] On a trouvé ce nom sur quelques autres statues (Brunn, Gesch. de gr. K., I, p. 512-11), mais, pour la seule dont on vante la beauté, rien ne prouve que c’était le même Apollonios, Athénien et fils de Nestor.

[422] Le silence de Pline a été expliqué pour les statues plus récentes que les derniers temps de la république par la supposition assez vraisemblable que Pline avait surtout puisé dans l’ouvrage de Pasitelès sur les sculptures célébres. Mais Pasitelès vivait probablement encore sous Auguste (Brunn, Gesch. d. K., I, p. 595), et le torse est plus ancien. Il se pourrait à la rigueur que Pausanias n’eût jamais rencontré une statue d’Apollonios, mais il serait toujours singulier que le nom de l’auteur d’un ouvrage comme le torse du Belvédère, que Visconti appelle, ce qui est trop, le plus grand statuaire de l’antiquité, ne fût arrivé à nous que par l’inscription du Vatican.

[423] Je viens de dire pourquoi je ne pouvais y voir une répétition en grand de l’Hercule Epitrapezios de Lysippe, qui d’après la description qu’en font Stace et Martial, lui ressemblait assez. Pour l’hercule de Tarente, également de Lysippe, son altitude ne peut avoir été celle de l’Hercule du Belvédère. (Müller, Arch., p. 152.)

[424] Selon Winckelman il avait le bras derrière la tête, attitude du repos ; Visconti a très bien répondu que cette allitude ne convenait point à la statue du Belvédère, elle est plutôt un peu penchée en avant. J’ai remarqué une pose très analogue dans un petit bas-relief du musée Chiaramonti (566).

[425] On l’a reconnu à une trace restée sur le flanc et le genou gauches de la statue.

[426] Catalogue des plâtres du musée de Berlin, page 84. (Müller, Arch., p. 684.)

[427] Sans parler des vases peints où cette association est très fréquente, elle remontait à un très aurien sculpteur grec Doutas (Pausanias, VI, 19, 9), et aux sculptures plus anciennes encore du coffre de Cypsélus.

[428] Pausanias, IX, 11, 4.

[429] Un passage du Commentaire de Chalcidicus sur le Timée de Platon a révélé l’existence à Rome d’une statue de Jupiter par un Apollonios (Brunn, Gesch. d. gr. K., I, p. 545. Cette statue, dans laquelle entrait l’ivoire, ne peut guère avoir été faite longtemps après l’époque de Phidias. Son auteur Apollonios, peut-être notre Apollonios, serait donc lui-mème voisin de celte époque, ce qui rendrait raison de la beauté de sa copie.

[430] On peut penser aussi aux trois Hercules de Myron, tous trois à Rome. Mais nous ne savons rien d’eux ni nous permette de les rapprocher du torse.

[431] Pausanias, IX, 11, 1.

[432] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 15.

[433] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 56. Plus anciennement Calamis l’avait été pour ses biges et ses quadriges (ib., 22).

[434] M. P. Cl., 624.

[435] Pausanias, VI, 10, 2.

[436] M. P. Cl., 619. Statue. Villa Albani, bas-relief où le conducteur est représenté sur le char comme celui de Cléosthène l’était sur le sien, et comme avaient fait Calamis et Aristodème.

[437] Le sculpteur Pythis en avait placé un en marbre sur le monument funèbre de Mausole (Pline, XXXVI, 5, 19). Auguste en plaça un, ouvrage du sculpteur grec Lysias, et portant Apollon et Diane, au-dessus de l’arc élevé par lui à son père sur le Palatin. (Pline, XXXVI, 5, 23.)

[438] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 14.

[439] Strabon, XIII, 1, 19.

[440] Pline, Hist. nat., XXXIV, 17, 3. (Brunn, I, p. 368.)

[441] En effet si Properce en parlant des bœufs de Myron les a appelés des statues vivantes (vivida signa), il a employé presque les mêmes expressions à propos des œuvres de Lysippe :

Gloria Lysippi est animosa effingere signa.

Ici animosa veut dire pleins de vie.

[442] Anth. pal., 225.

[443] Érigé en l’honneur de Thoutmosis IV. On peut juger facilement de la beauté de ces hiéroglyphes au moyen d’une empreinte en plâtre qu’on a placée dans la première salle du musée égyptien au Vatican.

[444] Sur des fragments disposés près des fenêtres dans la salle longue de ce musée.

[445] L’inscription hiéroglyphique gravée derrière la statue nous fait connaître le personnage historique dont elle offre les traits.

[446] Par exemple un Ptolémée dans le petit musée égyptien de la villa Albani.

[447] Avant la fondation d’Alexandrie quelques communications s’étaient établies entre l’Égypte et la Grèce dans la ville de Naucratis. Les lions très beaux aussi de la rampe du Capitole sont d’un art purement égyptien.

[448] A Rome on ne commença à se sertir du porphyre pour les statues que sous le règne de Claude. (Pline, XXXVI, 11, 3.)

[449] La Rome de la place du Capitole peut dater de l’empire, mais un fragment de statue en porphyre rouge (auprès de l’escalier qui conduit au premier étage) est du plus grand style grec et ne saurait être fort éloigné par sa date de l’époque de ce grand style. Le chef-d’œuvre dans l’art de tailler les pierres dures est un torse en basalte vert du musée de Florence.

[450] Une belle tête de femme en basalte vert, appelée Cléopâtre, Bérénice ou Arsinoé, certainement une reine d’Égypte. (Villa Alb., Cofee house.)

[451] Le beau buste de Scipion en basalte, du palais Rospigliosi est probablement pas très postérieur au temps de Scipion. Dans cette énergigue sculpture on a remarqué que l’art de travailler les matières dures n’était pas encore arrivé à la perfection qu’il atteignit depuis. (Meyer, III, p. 88.)

[452] M. P. Cl., 346. Calamis avait fait un Jupiter Ammon (Pausanias, IX, 16, 1) ; Pindare, qui l’avait dédié, appelle déjà Ammon le maitre de l’Olympe.

[453] Sérapis ne paraît jamais sur les monuments égyptiens, tandis qu’un Sérapis d’Égypte était l’œuvre d’un statuaire grec Bryaxis. Clément d’Alexandrie dit Sésostris ; mais c’était bien un Sérapis (Brunn, I, p. 584). Le signe distinctif de Sérapis est le modius, espèce de corbeille, emblème de fécondité souterraine que le dieu infernal prit dans la féconde Égypte et qu’on donna à Pluton après qu’on l’eut confondu avec lui. Un véritable Pluton, car il est accompagné de Cerbère (M. Chiar., 74), porte des traces évidemment antiques du modius.

[454] Sérapis en basalte noir (M. P. Cl., 299), statuette en marbre gris (M. Chiar., 255), beau buste en basalte vert avec un manteau de marbre noir (vill. Alb., Coffee-house). Il y a au Capitole (sal. des Hercules) un Jupiter infernal en marbre noir, identifié ici à Pluton comme Jupiter est identifié avec Hadès (Pluton) dans un fragment d’Euripide ; d’autre part Jupiter est confondu avec Sérapis, dans une statue de la villa Albani qui porta le modius et a l’aigle.

[455] M. P. Cl., 549.

[456] Hadès figurait sur le trône de l’Apollon d’Amyclée et sa statue se trouvait à Athènes dans le temple des Furies (Pausanias, I, 28, 6), mais Pausanias ne nous apprend point le nom de l’auteur de cette statue.

[457] Parmi les bustes qui peuvent se rapporter à l’un ou l’autre des deux personnages infernaux, Visconti n’en reconnait qu’un qu’on doive attribuer à Pluton, Müller en admet deux autres.

[458] Il y a au Vatican deux têtes de Saturne voilées comme l’origine des choses, dont il était le symbole (M. P. Cl., 277, gal. des Candél., 185). Saturne, auquel Rhéa présente emmaillottée la pierre qu’il va dévorer (M. Capit., autel quadrangulaire, salle des Hercules), est un sujet grec que traita Praxitèle et qui n’a rien à faire avec l’antique dieu agricole du Latium, confondu plus tard avec le Kronos des Grecs, et phénicien d’origine. La danse des Corybantes qui accompagne ce bas-relief (et au Vatican, M. P. Cl., 189) trahit par le style un original grec. Ces Corybantes ne ressemblent point aux Saliens, dont on connaît par des médailles l’accoutrement singulier : ils sont dans la nudité héroïque grecque.

[459] Vat., N. bracc., 109. Cette très belle statue a été trouvée derrière l’église de la Minerve, sur l’emplacement d’un temple d’Isis, avec des sculptures réellement égyptiennes et les lions de la rampe du Capitole d’autres statues ont été déterrées non loin delà, il y a quelques années : l’une d’elles venue d’Égypte, les autres évidemment de fabrication romaine. On voit que les deux classes de monuments étaient réunies par le culte romain de la déesse égyptienne.

[460] D’ailleurs le Sphinx n’a pas le caractère purement égyptien et le fleuve s’appuie sur une urne.

[461] J’en dirais autant du Nil, également mis en regard du Tibre sur la place du Capitole, si ce Nil n’avait pas été, à ce qu’il paraît, un Tigre. Quoi qu’il en soit, la pensée d’associer le Nil au Tibre était plutôt égyptienne que romaine ; l’orgueil romain l’eût difficilement admise, mais les prêtres égyptiens ont pu l’imaginer, eux qui dans leur pays donnaient aux empereurs romains les attributs de leurs dieux et qui appelaient le Tibre Nil.

[462] Pline, Hist. nat., XXXVI, 11, 4.

[463] Philostrate, I, 5. Dans ce tableau, les enfants que Philostrate appelle coudées, se pendaient à la chevelure du fleuve, grimpaient sur sa poitrine, ses bras et ses épaules comme dans la statue du Vatican.

[464] Cette allusion à un fait local de l’Égypte a disparu dans des statues du Nil, qui ainsi sont devenues tout à fait romaines. Quand le marbre est gris, ce choix n’a pas été fait, sans dessein ; le marbre gris remplace et rappelle alors le basalte noir d’Égypte, comme nous l’avons vu pour un Sérapis, dans la villa Albani, où se trouve, aussi un Nil en marbre gris, la couleur noire désignait celle des habitants de la haute Égypte.

[465] Il n’est pas étonnant que ces statues d’athlètes présentent souvent un caractère archaïque ; leurs originaux peuvent avoir été fort anciens car on fit de bonne heure, en Grèce, des portraits d’athlètes. Pausanias parle de statues érigées à des vainqueurs dans les jeux dès la 59e olympiade, près d’un siècle avant Phidias.

[466] Athénée, V, p. 196.

[467] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 34. Attale avait dédié dans l’Acropole d’Athènes une sculpture représentant la destruction des Gaulois en Mysie. (Pausanias, I, 25, 2.)

[468] Pausanias (X, 25, 4) raconte que dans la déroute de Delphes les Gaulois tuèrent ceux qui ne pouvaient fuir.

[469] Satyrum gravatum somno collocasse verius quant cælasse dictus est (Pline, Hist. nat., XXXIII, 53, 2). Philostrate (I, 21) commence la description d’un tableau ainsi : Le satyre dort, parle plus bas de peur de l’éveiller. Ces deux traits d’esprit sont fondus dans une épigramme de l’Anthologie qui attribue le satyre dormant à un artiste nommé Diodore (Anth. pal., IV, 248). Il s’agit sans doute d’une reproduction du satyre de Stratonicus.

[470] M. P. Cl., 267. Dans la galerie des Candélabres (52), un satyre endormi en basalte vert ; l’attitude n’est pas semblable à celle du Faune Barberini, qui n’a de rival en beauté que le satyre en bronze trouvé à Herculanum.

[471] M. Chiar., 434, 681. M. Capit., salle des Hercules, en marbre noir. Vill. Ludov. Esculape et Hygie, frise du Parthénon. (Beulé, Acrop., II, p. 146.)

[472] Luc., Icaromenipp., 24.

[473] Télesphore qui apporte la fin de la maladie. Ce dieu était venu près du lit du philosophe Proclus et aussitôt celui-ci avait élé guéri d’une maladie.

[474] Esculape avec Télesphore. (Vill. Borgh., VI, 15.) Télesphore sans Esculape (Vill. Borgh. S., III, et Vat., gal. des Candél., 517). On doit voir dans ces statues isolées et dans quelques Hygies les différents personnages du groupe de Pyromaque, complet sur les médailles de Pergame.

[475] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 54. Nombreuses répétitions à Rome. Vat., M. Chiar., gal. des Candél. V. Capit., salle du Faune, 21. Vill. Borgh., Vill. Ludov.

[476] Pausanias, V, 27, 1, et l’Anthologie d’une statue d’Esculape enfant. Anth, gr., II, p. 384.

[477] Ce qui me porte à lui attribuer les originaux de plusieurs statues dont les sujets sont analogues à l’enfant qui serre le cou d’une oie ; l’enfant qui tient un canard (gal. des Candél., 102. 211, 214. Vill. Borph., S., VII) ; l’enfant qui tient (G. des C., 194) et l’enfant qui bat un cygne (ib., 195) ; des enfants sur des canards, sarcophage (M. Ch., 15). Ces différents sujets étaient fréquents dans les peintures antiques. (Philostrate, Im., I, 9.)

[478] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 3. L’art s’arrêta, dit-il, après la 121e olympiade, pour reprendre après la 156e.

[479] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 31.

[480] Un à Paris, un à Florence, un à Rome, villa Borghèse.

[481] Müller l’attribue à un autre Polyclès beaucoup plus ancien (120e olympiade), antérieur à l’introduction de la grâce dans l’art par Praxitèle, ce qui me semble inadmissible. On trouve un autre type de l’hermaphrodite debout (galerie Colonna, en bas-relief ; musée Campana, à Paris, en statue), qui est moins voluptueux. Celui-ci peut être, si l’on veut, d’après le premier Polyclès auteur d’un statue d’Alcibiade. La statue de la villa Panfili est un hermaphrodite bien douteux, et le prétendu hermaphrodite du Vatican (M. Chiar., 638) est évidemment une femme. Un hermaphrodite debout, à Constantinople. (Christod., ek., 102.)

Le mélange des deux natures double la beauté, dit Lucien. (Musc. encom. 12.)

[482] Vat., M. P. Cl., 74.

[483] Byron, Childe Harold.

A father’s love and mortal anony

With an immortal’s patience blending.

[484] Comme chez Pythagoras, contemporain de Myron ; hic primus nervos et venas, expressit. Pline, XXXIV, 19. 10.

[485] Anth. Plan., IV, 106.

[486] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 24.

[487] On en est certain pour l’un d’eux, Athénodore ; on a lu sur trois bases de statues (l’une d’elles à la villa Albani) le nom d’Athénodore Rhodien, fils d’Agésandre (Brunn, Gesch. d. gr. Künslt., t, p. 470). Pline (XXXIV, 19, 36) cite parmi les ciseleurs auxquels il attribue des ouvrages qui sont évidemment des stalues en bronze, un Athénodore ; cela ne suffit pas pour faire supposer que le Laocoon a eu un original en bronze.

[488] V. chap. XI. Il n’est pas question de Laocoon dans Homère à propos du cheval de Troie, mais bien dans les Posthomériques de Quintus de Smyrne (XII, 444). Le récit de Virgile lui est venu par les Alexandrins qu’il imitait beaucoup.

[489] Meyer, III, p. 68.

[490] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 24. Après avoir parlé du Laocoon qui est dans le palais de Titus et avoir nommé ses auteurs, Pline ajoute : Similiter palatinas domos Cæsarum replevere probatissimis signis Craterus cum Pythodoro, Polydectes cum Hermolao... ce qui veut dire seulement que d’autres chefs-d’œuvre de l’art grec ornaient également à Rome les palais impériaux, et n’implique nullement que celui-ci eût été fait pour Titus. M. Brunn, (I, p. 475) a très bien remarqué que dans cette partie de son trente-sixième livre Pline rapproche les objets d’art non d’après les époques auxquelles avaient vécu leurs auteurs, mais d’après les lieux où ils se trouvaient à Rome.

[491] On n’a qu’à comparer le Laocoon avec les sculptures de l’arc de Titus pour voir que ces sculptures, œuvres d’un maître habile, ne sauraient être du même temps que la statue du Vatican.

[492] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 20. Il est curieux de comparer la tête du Vatican avec une tête de Laocoon au palais Spada, qu’on attribue au Bernin ; celle-ci, encore plus expressive que la tête antique, décidément l’est trop.

[493] Ils ne fleurirent pas seulement sur mer, mais encore sur terre ; douce lumière de la liberté qui ne sait pas servir. Anth. gr., III, p. 199.

[494] Appien, B. civ., IV, 75 ; D. Cass., XLVII, 33. Ces mots : les ornements des temples désignent surtout les statues. C’est vraisemblablement alors que le Laocoon fut transporté à Rome.

[495] Divers fragments du Laocoon font croire qu’il a existé des répétitions de ce groupe célèbre. Flaminius Vacca avait vu des genoux et des bras qui paraissaient très semblables à ceux du Laocoon. La tête de la collection du duc d’Aremberg est fort belle ; M. Ravaissou, dont le coup d’œil est, comme le goût, très fin, en a trouvé une qu’il estime plus belle encore Des doutes se sont élevés sur l’authenticité de la tête du duc d’Aremberg et des doutes du même genre s’élèvent en ce moment à Rome, au sujet d’un bas-relief qui représente Laocoon entre ses deux fils dont chacun est entouré d’un serpent. Que le sculpteur appartienne à l’antiquité ou à la renaissance, il n’a pas imité le Laocoon du Vatican, ni puisé aux mêmes sources que ses auteurs ; il a évidemment voulu rendre le premier moment du récit de Virgile : Laocoon venant au secours de ses fils, déjà saisis par les serpents. Quant à la restitution du bras droit de Laocoon, on prétend que Michel-Ange, ce que j’ai peine à croire de lui, n’osa pas la tenter. On reproche à Montorsoli d’avoir placé ce bras trop en avant.

[496] Pline, Hist. nat., XXXIV, 18, 3.

[497] Anth. gr., II, p. 49.

[498] L’un en marbre, dans les jardins des Servilius (Pline, XXVI, 5, 23) ; l’autre apporté par Lucullus, au Capitole. (Strabon, VII, 6, 1.)

[499] Quintilien, XII, 10. Cicéron, Brutus, 18.

[500] L’un volé à Agrigente par Verrès (Ciceron, Verrines, II, 4, 113), l’autre à Éphèse, par Antoine, et rendu par Auguste. (Pline, XXXIV, 10, 8.)

[501] Pausanias, I, 24, 8. Elle ne s’applique point aux trois Apollons de Léocharès (Brunn, I, p. 388), mais on ne voit pas que Léocharès ait créé aucun type, et il n’y a pas de raison de lui attribuer celui-là plutôt qu’à Praxitèle, dont il fut le continnateur dans le genre gracieux.

[502] L’Apollon de Pythagoras combattait Python. (Pline, XXXIV, 19, 10.)

[503] Selon Hygin (140), à l’âge de quatre jours ; quand il était encore dans les bras de sa mère, selon Euripide (Iph. in Taur., 1250) ; ce serait plutôt Apollon venant de percer le géant Tityus, qui voulait faire violence à Latone. (Posthom., III, 394-5.)

[504] Pausanias, X, 23, 3-5. Un passage de Justin (XXIV, 8) mentionne le bruit de l’arc du dieu lançant des flèches sur les profanateurs.

[505] Apollon Boëdremios... Ludolf Stephani. St. Petersburg, 1860.

[506] Un Apollon citharède (M. P. Cl., 611) est représenté marchant et dans une altitude assez semblable à celle de l’Apollon du Belvédère, mais il tient sa lyre autrement qu’aurait pu le faire celui-ci. D’ailleurs l’expression irritée du dieu suffit pour rendre inadmissible tout rapprochement de ce genre : contra si cilharam teneat mitis est, dit Servius (Æn., III, 138). Le même contraste entre les deux caractères d’Apollon est indiqué par Horace (Carm., II, 10, 18-20). Tous les Apollons citharèdes de Rome, vêtus et non vêtus, confirment l’assertion de Servius et d’Horace.

[507] Dans l’Apollon Stroganoff, la draperie ne s’écarte pas beaucoup du corps et ne pend point du bras ; d’où il résulte que la peau de chèvre placée à l’extrémité de ce bras n’a rien de disgracieux.

[508] La plus belle est dans la galerie Pourtalès, à Paris. Quelques-unes d’un type plus sévère semblent se rapporter à une plus grande époque.

[509] Un des deux Appollons dans le temple du dieu, près du portique d’Octavie. (Pline, XXXVI, 5, 22.)

[510] Pindare, Ol., VII, 11. Le soleil épousa Rhodè, fille de Neptune et d’Amphitrite. (Apollodore, I, 4, 4, 6.)

[511] Horat., Carm. sæcul., 63-4.

Qui salutari levas arte fessos

Corporis artus.

L’Apollon delphique assis sur le trépied de la villa Albani, dont les cheveux sont disposés comme ceux de l’Apollon du Belvédère, tient à la main le serpent, emblème du pouvoir de guérir, de rendre la vie, chez Esculape. C’est aussi le sens qu’il faut donner au serpent qui est prés de l’Apollon du Belvédère et que cette position même montre n’avoir rien à faire avec le serpent Python objet de la colère d’Apollon et but de ses flèches. Le tronc de palmier qui est auprès de lui est une allusion à celui qu’il fit pousser à Délos (Callimaque, in Ap., 4.)

[512] C’est ainsi qu’on rapportait un Apollon de Calamis à la peste d’Athènes bien qu’il fût antérieur à ce fléau. (Pausanias, I, 3, 3.)

[513] Pline, Hist. nat., XXXVI, 5, 11. Cet Apollon devait être nu, car Praxitèle fit prévaloir le nu dans la sculpture et en particulier dans le type d’Apollon. Visconti hésite pour l’Apollon du Belvédère entre Calamis et Praxitèle ; sa seconde supposition est de beaucoup la plus vraisemblable. On a remarqué entre l’Apollon du Belvédère et la Diane du Louvre un certain air de famille, M. Wagner incline à les croire du même sculpteur. J’ai rapporté à Praxitèle la création du type de notre Diane chasseresse, celui de l’Apollon du Belvédère aurait la même origine.

[514] Brard, la Minéralogie appliquée aux arts (II, p. 217-80 ; d’après l’opinion de Dolomieu). — Il ne s’ensuit pas que l’Apollon du Belvédère ne puise être plus ancien que l’empire ; le passage. de Pline qu’on cite pour établir que le marbre de Carrare n’a pas été employé avant cette époque (XXXVI, 5, 4) ne le prouve point ; Pline dit seulement qu’on a trouvé récemment un marbre plus blanc que le marbre de Paros dans les carrières de Luni.

[515] Comme son père Jupiter, dit une épigramme de l’Anthologie (Anth. gr., II, p. 14.)

[516] La beauté de la tête de l’Apollon fait songer à Myron, célèbre pour ses têtes ; sans fournir complétement la donnée de l’Apollon du Belvédère, Myron a pu contribuer à lui donner l’animation et la vie qu’il excellait à rendre.

[517] Dor., II, p. 359.

[518] Gher., Gr. myth., § 313, 2.

[519] Pausanias, III, 19, 2.

[520] Par exemple sur une urne funèbre, salle du Lapidaire au Vatican.

[521] Têtes de Méduse, villa Alb. Nuov. br., 27, 40.

[522] Verrines, II, 4, 50. Cinctum anguibus doit exprimer ici les serpents devenus des cheveux à forme de serpents.

[523] Pline, Hist. nat., XXXV, 40, 11.

[524] Lucien, de Dom., 19.

[525] Pline, Hist. nat., XXXIV, 19, 3. Ceux qui vinrent après la renaissance de l’art, dit Pline, furent dignes d’estime, mais très inférieurs aux artistes qui les avaient précédés.

[526] On ne peut juger par le résultat auquel cette fausse vue de l’ensemble a conduit parfois un si habile archéologue. Le motif unique, dit-il, que j’ai pour croire la Vénus de Médicis postérieure à la Vénus du Capitole ; ou au moins à son plus ancien archétype, n’est autre que la supériorité de la beauté idéale de la première. Le fait admit, c’était une conclusion absolument contraire qu’il en eût fallu tirer.