L’HISTOIRE ROMAINE À ROME

PREMIÈRE PARTIE — LA ROME PRIMITIVE ET LA ROME DES ROIS

XIII — PROMENADE HISTORIQUE DANS LA ROME SABINE AU TEMPS DE NUMA.

 

 

La vanité romaine a falsifié l’histoire des commencements de Rome à plusieurs égards ; mais c’est surtout en ce qui touche leurs rapports avec les Sabins que cette falsification est manifeste.

Car, s’il y a pour moi quelque chose de manifeste, c’est la prédominance des Sabins après le traité qui, à en croire les historiens latins, mit les deux peuples sur le pied d’une parfaite égalité.

On trouve chez ces historiens eux-mêmes assez de témoignages involontaires de la fausseté de leur assertion pour la démentir. Mais à Rome une première réfutation sort de terre, pour ainsi dire ; quand l’on parcourt sur le terrain l’étendue de la ville sabine, et quand on fait le tour de la ville de Romulus, on voit de ses yeux et on mesure de ses pas leur inégalité. Il est impossible alors de ne pas se convaincre que les Sabins firent aux Romains une part chétive et gardèrent pour eux la part du lion.

Pour rendre sensible à mes lecteurs ce fait fondamental, je vais leur demander de m’accompagner une dernière fois dans une course historique sur ce terrain qui enseigne l’histoire.

Nous allons chercher à Rome les Sabins après que leur établissement, dont nous avons déjà découvert les premières traces avant Romulus, a achevé de s’y former avec Tatius. Nous ne distinguerons point ce qui, dans cet établissement, se rapporte à la première époque et à la seconde, distinction qu’il n’est pas toujours possible de faire. Ce que je me propose, c’est de découvrir les Sabins partout où ils étaient au temps de Numa. Pour cela, il faut entreprendre dans Rome un ensemble de fouilles pour y déterrer les restes enfouis du passé. L’érudition sera notre guide, et les auteurs anciens seront nos ouvriers.

Les fouilles ont toujours leurs lenteurs, comme je l’ai éprouvé en faisant celle-ci. J’en épargnerai le plus que je pourrai au lecteur, et tâcherai de le traiter comme ces princes qu’un antiquaire amène sur un terrain déjà exploré, seulement pour leur montrer les résultats de l’exploration.

L’exploration a duré pour moi plusieurs années ; le lecteur n’aura, pour ainsi dire, qu’à se baisser pour en ramasser les produits.

C’est à une promenade que je l’invite. Une promenade dans Rome n’est jamais sans intérêt, surtout quand c’est une promenade de découvertes. Cicerone, je crois, exact et assez bien informé, ce qui n’est pas le cas de tous les ciceroni, je tâcherai de lui épargner des pas inutiles et de le fatiguer le moins possible. Je serai déjà récompensé de bien longs efforts s’il consent à me suivre ; son approbation sera mon salaire, si je l’ai méritée.

Les antiques sanctuaires et les vieux cultes sabins dont la mémoire s’est conservée par les monuments nous aideront surtout à retrouver la Rome sabine que nous voulons recomposer[1] ; car à Rome, dès la plus haute antiquité, les populations d’origine différente se sont groupées autour du sanctuaire d’une divinité nationale, comme au moyen âge les diverses dations se groupaient autour de l’église du saint patron de leur pays. Saint-Jacques indique où était le quartier des Espagnols ; Saint-Yves, le quartier des Bretons ; Saint-Jean, le quartier des Florentins, etc.

Sur toutes les hauteurs de home, nous rencontrerons des traces d’anciens cultes sabins ; car toutes furent exclusivement sabines après Romulus, excepté le Palatin, qui était devenu romain, et le Cælius, qui était devenu étrusque.

Cependant il dut rester sur l’une et sur l’autre de ces deux collines quelques Sabins.

On le voit, pour le Palatin, par le temple de la Victoire, qui, beaucoup plus tard, donnait encore son nom à la montée de la Victoire, et dont la fondation datait des Sabins Aborigènes[2] ; par un temple de la Junon Sospita, la Junon Armée, la Junon d’Argos qu’adoptèrent les Sabins ; temple qui exista anciennement sur le Palatin, et qui, au temps d’Ovide, n’y existait plus[3].

Je n’ai pu découvrir sur le Cælius presque aucune trace antique des Sabins ou des Romains ; d’où je conclus que cette colline n’était possédée ni par les uns ni par les autres ; vraisemblablement elle était occupée par un reste des Étrusques qui avaient secondé Romulus dans la guerre où leur roi trouva la mort.

Ce reste devait être peu considérable, puisqu’il ne sera plus question des Étrusques sur le Cælius quand Tullus Hostilius y transportera les habitants d’Albe détruite[4].

Parmi les collines de Rome, il en est une qui, très probablement avant Romulus, et très certainement après lui, fut le séjour des Sabins ; c’est le Quirinal, qui porte encore leur nom. Tout y est en plein de leur souvenir. Un petit sommet, maintenant disparu, attestait seul, par sa dénomination remarquable, la colline des Latins (collis latiaris)[5] ; que quelques Latins ont pu y vivre isolés parmi les Sabins. Du reste, le Quirinal formait un quartier particulièrement sabin dans la grande cité sabine qui comprenait toute la Rome actuelle, moins le Palatin et le Cælius.

Si les Sabins s’y étaient établis, comme je le crois, avant Tatius, c’est à ce premier établissement que devait se rapporter la fondation de l’ancien Capitole[6], qui n’est point attribuée à Tatius[7]. Il était dédié aux trois divinités auxquelles fut plus tard dédié le nouveau : à Jupiter, dieu commun de tous les peuples de l’Italie et de la Grèce ; à Junon et à Minerve, divinités des Sabins et des peuples de même famille.

Ce triple sanctuaire était où il devait être, sur le point culminant du Quirinal[8], en face d’une montée conduisant du temple de Flore[9], placé sur la pente occidentale du Quirinal, au vieux Capitole.

Flore, qui présidait dans l'origine non à la floraison, mais à la fructification des plantes utiles[10], était une divinité pélasge, devenue sabine[11] ; car la Rome sabine avait été aussi une Rome pélasge, et la religion des Sabins, dans ce contact, avait été pénétrée par la religion pélasge. Elle s'était beaucoup approprié de cette religion.

Sans remonter jusqu'à l'antique occupation du Quirinal par le premier flot de l'immigration sabine, au temps des Aborigènes et des Pélasges, à laquelle le vieux Capitole peut appartenir, je trouve sur le Quirinal de plus nombreuses traces du nouveau ban de Sabins amenés par Tatius.

En effet, selon la tradition, Tatius avait élevé un certain nombre d’autels à des divinités dont le culte faisait partie de la religion des Sabins ou avait été emprunté par eux[12] aux Etrusques. Plusieurs de ces autels étaient sur le Quirinal, à en juger parles temples qui les remplacèrent.

C’étaient ceux de Flore, de Quirinus, de la déesse Salus, du dieu Sancus, temples dont on peut déterminer la situation sur le Quirinal.

Nous connaissons celle du temple de Flore.

Nous connaissons également celle du temple de Quirinus[13]. Il était à peu près où est aujourd’hui l’hôpital militaire français, un peu plus au nord. Ce qui suit va le montrer.

Le temple de la déesse sabine[14] Salus, la Santé, qui était assez convenablement placée dans le voisinage de celui de la Fièvre, et qui donnait son nom à la porte Salutaire, devait être entre cette porte et le temple de Quirinus, et pas très loin de celui-ci.

En effet, Pomponius Atticus était à la fois voisin de ces deux temples, ce qui permit à Cicéron[15] de lui adresser une plaisanterie confidentielle au sujet de César, qu’il aimerait mieux, disait-il, avec Quirinus qu’avec la Santé, c’est-à-dire mort que bien portant : jeu de mots assez cruel de la part d’un homme qui n’était pas trop mal avec César, ce qui fait paraître aussi bien excessifs ses transports de joie à la mort du dictateur. Mais, avec la barbarie d’un archéologue, je suis tenté de pardonner à Cicéron la plaisanterie qu’il adresse à Atticus, parce qu’elle nie permet de déterminer l’emplacement de la porte Salutaire[16].

Puis, en allant vers le sud, venait la porte Sanqualis, qui devait son nom au temple du dieu sabin Sancus. Sancus était le père de la race sabine[17] ; il s’appelait aussi Fidius, le dieu de la bonne foi[18], comme Fides en était la déesse.

La bonne foi avait donc deux représentants dans la religion sabine, et des prêtres, les féciaux. Décidément les Sabins étaient d’honnêtes gens. Leurs voisins du Palatin n’avaient pas de ces dieux-là.

C’est à cause de ce caractère intègre du dieu Sancus que l’on conservait les traités de paix dans son temple[19].

Ce temple était en face de celui de Quirinus[20] ; par conséquent, c’est du côté où sont les bâtiments du palais Quirinal, dans lesquels se tiennent les conclaves, qu’il faut chercher, mais au temps des Sabins, le temple de la bonne foi.

Un dernier souvenir des cultes sabins nous arrêtera encore sur le Quirinal. Au septième siècle de notre ère, il existait une rue allant des environs de l’église de Saint-Vital jusqu’à Sainte-Suzanne.

Cette rue s’appelait la Montée de Mamurius[21], la rue de Marius. Les régionnaires du quatrième siècle mentionnent près du vieux Capitole (vers la place de monte Cavallo[22]) une statue de Mamurius. Or Mamurius, dont le nom ressemble à celui de Mamers, un des noms sabins de Mars, est un personnage éminemment sabin. C’est lui qui avait fabriqué les ancilia, ou boucliers sacrés que les Saliens portaient dans les danses guerrières, instituées, disait-on, comme leur sacerdoce belliqueux lui-même, par Numa ; et Mamurius était un héros national célébré dans leurs chants[23].

Mais ce ne sont pas seulement les anciens cultes dont les souvenirs ont subsisté longtemps sur le Quirinal qui peuvent nous ÿ faire reconnaître les Sabins ; ceux-ci y ont laissé encore d’autres vestiges.

Les familles sabines aimaient à habiter le mont originairement sabin, et où l’on plaçait la demeure de Numa. Il faut que la tradition de la Rome sabine se soit conservée très tard, puisque très tard des hommes et des familles qui avaient, ou que l’on croyait avoir une origine sabine, ont choisi pour leur résidence la colline autrefois séjour principal des Sabins. Les Fabius, cette puissante famille qui alla avec ses clients, au nombre de trois mille, faire la guerre contre les Étrusques, et ressemble, par ce chiffre considérable, aux Claudius, venus de la Sabine au nombre de cinq mille, les Fabius en étaient venus très vraisemblablement aussi.

Ils avaient leur sanctuaire domestique sur le Quirinal[24].

Un homme de cette famille, Fabius Pictor, orna de peintures le temple de la déesse sabine Salus, qui y était placé[25].

Cette grande et superbe famille des Cornelius, d’oie sont sortis les Scipions et Sylla, devait être sabine ; car elle eut jusqu’à Sylla l’usage de ne pas brûler ses morts. Or il est dit que Numa défendit que son corps fût brûlé[26], ce qui semble, dans la tradition, un souvenir d’un usage sabin.

C’est parce que les Cornelius étaient Sabins qu’ils avaient leur demeure sur le Quirinal.

La rue ou le quartier des Cornelius, Vicus Corneliorum, car il ne fallait pas moins d’une rue ou d’un quartier pour loger une grande gens sabine avec tous ses clients, la rue des Cornelius était sur la pente du Quirinal.

Il y a eu près de Monte-Cavallo une église du Saint-Sauveur, qui était appelée des Cornelius.

L’analogie de l’existence féodale des familles sabines avec celle des grandes familles romaines du moyen âge est rendue sensible par un curieux rapprochement. Ce qu’étaient les Cornelius à Rome dans l’antiquité, les Colonna le furent au moyen âge ; et non loin du lieu appelé autrefois le Vicus des Cornelius est une petite rue qui porte encore le nom de Vico dei Colonnesi.

Sur le Quirinal habitait Pomponius Atticus, de la gens Pomponia, qui prétendait descendre du père de Numa, Pompo ; Martial, qui s’appelait Valerius Martialis, et qui, bien que né en Espagne, tenait par son nom à la gens sabine des Valerius.

Properce[27] y habitait également. Properce était presque Sabin, car il était Ombrien et portait le nom d’un ancien roi de Véies, ville à moitié sabine.

Jusqu’à la fin de l’empire, on voit se continuer cette préférence des familles sabines pour le Quirinal.

On sait positivement que les Flaviens étaient Sabins[28].

Domitien naquit sur le Quirinal, et sur le Quirinal était le tombeau de famille qu’on appela le temple des Flaviens.

La gens Aurélia, qui a donné au monde l’austère Marc Aurèle, était d’extraction sabine[29] ; car son nom est formé d’auril, en sabin le soleil : aussi c’est sur le Quirinal qu’Aurélien, cet aventurier dalmate qui voulait par là sans doute se rattacher à la famille sabine des Aurelius, éleva un magnifique temple au soleil.

Enfin, Constantin, qui, par Claude le Gothique, grand-oncle de son père, tenait à la famille sabine des Claudius, Constantin bâtit ses thermes sur le Quirinal.

Au pied du Viminal, nous rencontrons un souvenir bien mémorable de la présence des Sabins : c’est le Cyprius Vicus, cette rue dans laquelle Tullie força le cocher qui conduisait son char de le faire passer sur le corps de son père[30], et qui s’appela depuis la rue Scélérate, c’est-à-dire la rue funeste.

Je demande pardon à mon lecteur de le distraire de cette impression terrible par une observation philologique.

Cependant il m’importe de lui l’aire remarquer que, par un hasard singulier, la rue Scélérate s’était appelée, et nécessairement avant le crime, la bonne rue Cyprius Vicus ; que ce mot Cyprius était sabin[31], et que des Sabins avaient habité là[32]. Quand ce précieux renseignement nous manquerait, il serait naturel de croire que le Viminal fut sabin, placé qu’il était entre le Quirinal, la plus incontestablement sabine des collines de Rome, et l’Esquilin, où nous allons retrouver d’assez nombreuses traces des Quirites.

Une de ces détestables étymologies qui abondent dans les écrits des anciens nous fournit une lumière fort utile sur la population des Carines, situées vers la pente méridionale de l’Esquilin et sur cette pente. Selon Servius, ce nom de Carines venait de ce que là avaient habité des chefs sabins, et, comme carinare voulait dire se moquer, ce quartier avait été nommé les Carines, parce que les Sabins étaient de grands moqueurs[33].

Ce ne fut pas leur réputation dans l’antiquité ; mais, en les supposant aussi graves et aussi peu disposés à la jovialité que les anciens les représentent, je crois que, tout Sabins qu’ils étaient, ils n’auraient pu s’empêcher d’éclater de rire en entendant cette belle étymologie. Si bouffonne qu’elle soit, elle a un côté sérieux ; car elle nous enseigne que des chefs sabins ont habité les Carines, comme nous venons de voir que des Sabins ont habité non loin de là, au pied du Viminal, le Cyprius Vicus.

Plusieurs divinités sabines ont eu leurs temples sur l’Esquilin, et des temples très anciens[34].

Telle était Vénus Libitina[35], la Vénus infernale, divinité originairement pélasgique, comme toutes celles qui personnifiaient la force fécondante de la nature, et ayant pris, en devenant sabine, ce caractère lugubre que les Sabins devaient à leur sombre génie ou à l’influente des Étrusques[36]. Vénus Libitina exprimait l’alternative et la corrélation de la vie et de la mort, dont plusieurs des religions antiques, et la religion sabine en particulier, semblent avoir eu une intuition profonde[37].

Telle était aussi Junon Lucine[38], celle par qui on vient à la lumière[39], déesse de la naissance, déesse de la vie, par conséquent divinité pélasgique[40], mais adoptée par les Sabins[41], dont la religion présente sans cesse un singulier contraste : le culte des puissances lumineuses et des puissances des ténèbres, double caractère qui, je crois, peut s’expliquer par celui des deux religions avec lesquelles la leur fut en contact, la religion des Pélasges, où domine l’idée de fécondité, le culte de la vie, de ce qui la représente et la propage, la lumière, le feu, et la religion des Étrusques, où les idées de mort et de destruction tiennent une si grande place.

Il y avait en outre sur l’Esquilin un autel de Junon et un autel de Janus. La fondation de ces deux autels sabins se rapportait à Horatius, meurtrier de sa sœur[42]. Cela nous surprendra moins quand nous connaîtrons les raisons que j’ai de voir un Sabin dans le champion de Rome contre Albe[43]. On ne sera pas étonné non plus qu’il ait, au moins d’après la tradition, habité le quartier où nous avons vu plus d’une famille sabine domiciliée, si je parviens à établir que la gens Horatia était une de ces familles.

Redescendons maintenant dans la plaine, dans le champ de Mars.

Le champ de Mars embrassait tout l’intervalle qui s’étend du Tibre au Capitole et au Quirinal, l’un et l’autre occupés par les Sabins. Le champ de Mars, séparé du Palatin par l’espace que nous allons bientôt traverser, et où nous trouverons partout les Sabins, le champ de Mars, sans relation avec la ville latine, a dû dépendre de la ville sabine et lui appartenir. Il ne faut pas que ce nom de champ de Mars nous embarrasse ; car le moment est venu de prouver que Mars ne fut point un dieu romain, mais un dieu sabin.

Mamers, Mavors ou Mars, qui semble être une contraction de ces mots à physionomie rude, fut un dieu des nations sabelliques. On trouve Mars chez les Sabins aborigènes[44], chez les Ombriens[45] et à l’extrémité méridionale du pays sabellique, sous la forme Mamers dans le nom des Mamertins, comme on le reconnaît sous la forme Mars dans le nom des Marses, également sabelliques.

Le culte de Mars existait chez tous ces peuples et aussi chez les Sabins[46].

A Rome, nous l’avons rencontré portant son autre nom sabin, Quirinus, sur le Quirinal, c’est-à-dire en plein pays sabin, et célébré par des prêtres sabins, les Saliens, institués par Numa.

Le culte de Mars avait aussi existé sur le Capitole, non moins anciennement sabin que le Quirinal ; car Mars y était avec la Jeunesse et le dieu Terme quand Tarquin y construisit son temple de Jupiter[47].

Mars, qui le croirait ? n’eut à Rome, jusqu’au temps d’Auguste, que deux temples, tous deux hors de la ville. On a remarqué que les statues de Mars y étaient rares, comme il est naturel que le soient les images d’un dieu étranger. Quoi ? Mars étranger à Rome ! Cela s’explique.

Les Romains étaient guerriers sans doute, mais de race latine, de race agricole, enfants de Saturne ; leur mythologie se ressentait de cette origine, et, quand ils adoptèrent le dieu sabin de la guerre, ils lui donnèrent un caractère agricole[48] ; ils le confondirent avec le dieu des champs et des troupeaux ; ils élevèrent des autels à Mars Sylvain[49].

Les Arvales, dans leurs chants rustiques, lui demandaient, non d’accorder la victoire au peuple romain, mais de protéger les récoltes. Caton donne les détails du culte qu’on doit offrir à Mars Sylvain.

Le sacrifice du cheval dans le champ de Mars devait remonter aux Sabins. Tandis que les populations latines offraient à Jupiter sur le mont Albain le bœuf, dont elles se partageaient la chair symbolique, les Sabins offraient dans le champ de Mars au dieu guerrier le cheval guerrier[50]. Ces deux animaux ont toujours été considérés comme représentant, l’un l’agriculture et l’autre la guerre. Le bœuf qui laboure faisait place au cheval, a dit Ovide[51], pour indiquer que la guerre prévalait sur la paix.

Ce sacrifice du cheval, qu’un flamen, prêtre sabin[52], offrait au dieu Mars, montre un rapport évident de ce dieu avec la Regia et le temple de Vesta, centre religieux et foyer sacré de la cité sabine. On emportait la queue du cheval immolé, dans la Regia, et on faisait dégoutter le sang de cette queue sur L’autel de Vesta. La Regia était la demeure du roi sabin, dont une tradition effacée avait fait l’inoffensif Numa.

Ce lieu, plein de souvenirs sabins, était tout rempli de la religion de Mars. Là on gardait les boucliers qui lui étaient consacrés ; là les lances du dieu s’agitaient pour annoncer la guerre.

Le Mars sabin n’était point, comme l’Arès des Grées, un dieu célibataire et galant, séduisant la belle Aphrodite, épouse d’un mari ridicule : il avait une femme légitime, Nérien, la déesse de la Force.

C’est ce nom que les Romains traduisirent par Virtus, dont le vrai sens est la force[53].

De cette déesse sabine ils firent Bellona[54]. Le premier temple de Bellone dont l’histoire fasse mention fut consacré par un Claudius[55], appartenant à cette forte race des Claudius que nous savons avoir été Sabins, et dans laquelle Nero (le fort) fut un surnom que Tibère, un Claudius, porta encore.

La colonne de Bellone était dans le champ de Mars, à son extrémité, près du Capitole ; de ce côté se trouvaient aussi les terres consacrées à l’entretien des corps de prêtres par Numa ; tradition qui n’est pas sans vérité, car l’organisation religieuse de Rome procédait presque entièrement des Sabins[56].

On voit que le dieu Mars est un dieu commun aux races sabelliques, dont le culte, étranger aux populations latines, a été apporté à Rome par les Sabins, qui ont institué l’antique sacrifice du cheval dans la plaine située au pied des collines occupées par eux, plaine qu’ils durent pareillement occuper. C’est sans doute à cause du rapport dont j’ai parlé entre le dieu Mars et le cheval qu’avaient lieu dans le champ de Mars les courses de chevaux, les equiria, ces courses qui se faisaient dans l’origine entre deux murs de glaives[57].

Mais, me dira-t-on, vous oubliez la légende de Romulus, et que Mars est le père de Romulus.

D’après tout ce que je viens de dire, convaincu, à n’en pouvoir douter, que Mars n’est pas un dieu romain, il m’est impossible d’admettre que ce trait de la légende soit romain, et, par conséquent, de croire qu’il entrât dans la légende primitive.

J’y vois une interpolation sabine introduite par un des deux peuples, acceptée par l’autre. C’est le même principe qui avait porté les Sabins à identifier Romulus avec Quirinus, et à transporter sur leur territoire la cabane de Romulus, son tombeau, et jusqu’au figuier sous lequel la louve l’avait allaité.

Romulus avait laissé sur le mont Palatin une forte mémoire, celle d’un fondateur de ville. Il ne fallait pas abandonner aux hommes du Palatin, je dirais, le monopole de cette mémoire. Les Sabins se la sont assimilée pour ainsi dire, et, comme ils ont fait de Romulus leur dieu Quirinus, ils lui ont donné pour père Mars, leur autre dieu guerrier[58]. C’est ainsi que la tradition persane a fait d’Alexandre un roi de Perse, frère de Darius, et la tradition égyptienne, un fils du roi d’Égypte, Nectanebo.

Mars est donc un dieu sabin, et, si nous l’avons trouvé au Capitole, c’est que le Capitole était sabin, comme le Quirinal, dont il faisait alors, pour ainsi dire, partie.

Le vieux récit poétique du combat que se livrèrent dans le Forum Tatius et Romulus nous a montré les Sabins en possession du Capitole. II va sans dire qu’a la paix ils le gardèrent. Tite-Live[59] et Denys d’Halicarnasse sont d’accord sur ce fait que la suite de l’histoire romaine confirme. En effet, quand le premier Tarquin y éleva le temple de Jupiter, il y trouva les temples ou les autels de plusieurs divinités sabines, ce qui ne doit pas étonner ; car les autels et les temples étaient sur une colline où pendant la guerre avait été placé le camp des Sabins, où habitait leur roi Tatius, dont ils occupaient la forteresse, qu’ils n’avaient eu aucune raison d’abandonner,et dont, pas plus que leur dieu Terme, ils n’étaient disposés à se laisser déposséder.

Une autre divinité purement sabine[60] opposa la même résistance. Ce fut la Jeunesse, Juventas. Celle-là, à Rome, on ne peut la trouver que dans l’histoire, et je ne serai pas, comme pour le dieu Terme, tenté d’aller la chercher au Vatican.

J’ai déjà parlé d’une divinité également sabine à laquelle un autel avait été élevé sur le Capitole par Tatius[61] ou par Numa[62] : c’est la bonne Foi, Fides ; la droiture proverbiale de la nation sabine la rendait digne de consacrer un temple au culte de cette religion du petit nombre qu’elle eut l’honneur de fonder, fondation dont je doute que la population mêlée du Palatin eût pris l’initiative[63].

L’occupation du Capitole par les Sabins n’est donc pas douteuse, et on a pu, sans invraisemblance, supposer que Tatius avait habité la citadelle[64], et placer sa demeure où fut depuis le temple de Junon Moneta, au palais Caffarelli[65].

Les Sabins demeurèrent aussi en possession du terrain marécageux qui s’étendait du pied du Capitole jusqu’au pied de la Velia, et qui devait être le Forum[66].

Le temple de Janus, qui était au pied du Capitole, montre les Sabins à l’entrée du Forum.

Au pied du Capitole était aussi le Comitium, lieu un peu élevé où se rassemblaient les chefs sabins, au-dessous de l’autel du dieu pélasge Vulcain, devenu l’une de leurs divinités nationales, avec Vesta, sa voisine, dont Vulcain partageait et suivait le culte.

Tous ces parages étant sabins, on ne saurait douter que le Comitium[67] fût sabin ; la question est de savoir si les Romains y étaient admis. J’ai dit les raisons que j’ai de ne le pas croire.

Le Forum appartenait tout entier aux Sabins, depuis son extrémité nord-ouest, où était le Comitium, jusqu’à son extrémité sud-est, que bornait la Velia. Cette colline, bien qu’elle fût une dépendance du Palatin, n’était point au pouvoir de Romulus. C’était un lieu habité par les Sabins, car on les y trouve domiciliés au temps de la royauté et même après l’avènement de la république. Deux rois sabins, Tullus Hostilius et Ancus Martius, passaient pour y avoir résidé, et Valerius Publicola, Sabin d’origine comme tous les Valerius, y avait, on le sait, placé d’abord sa demeure. Les Valerius y eurent toujours leur sépulture. Être brûlé après la mort n’était pas un usage sabin ; mais il parait qu’ils l’avaient adopté, seulement ils tenaient à être brûlés en terre sabine[68].

A la gauche du Forum, en tournant le dos au Capitole, était une statue de Vénus Purifiante[69]. Cette statue fut érigée, disait-on, par le roi sabin Tatius. La tradition rapportait[70] que les Romains et les Sabins, après le combat auquel l’enlèvement des Sabines avait donné lieu, furent purifiés en cet endroit avec des branches de myrte. Il ne fallait pas aller bien loin pour trouver les branches de myrte employées dans cette cérémonie expiatoire ; car les myrtes croissaient en abondance sur les pentes voisines de l’Aventin.

C’est près du sanctuaire de Vénus Purifiante que le couteau de Virginius sauva la pudeur de Virginie.

Sur la voie Sacrée, à l’endroit où elle atteignait la plus grande hauteur de la Velia, c’est-à-dire sur l’emplacement de l’arc de Titus, était la chapelle des Lares[71], dieux de nom et d’origine étrusques, mais certainement adoptés par les Sabins[72], presque en face le temple de Vica-Pota, nom barbare et probablement sabin de la Victoire, déesse sabine[73].

Properce, né dans l’Ombrie, pays habité par un peuple de même race que les Sabins[74], semble se complaire à rappeler avec quelque orgueil que ceux-ci avaient occupé le Forum[75].

Qu’était Rome alors que la flûte de l’habitant de Cures frappait de son paisible murmure le rocher de Jupiter, et que là où la loi est aujourd’hui dictée aux nations vaincues, les javelots sabins se voyaient au milieu du Forum romain ?

Et plus loin il montre Tatius élevant une palissade en érable au pied du Palatin[76], dont les Sabins avaient en effet intérêt à se défendre.

Le même poète représente Tarpeia, qui est donnée pour une Vestale traversant le Forum pour alter puiser de l’eau à une fontaine sacrée[77]. Or il ne lui eût point fait mettre le pied sur un terrain possédé par les habitants du Palatin ; car ceux qui avaient enlevé les Sabines auraient fort bien pu ne pas respecter une vestale.

Un usage antique, qui subsiste encore de nos jours, montre plus sûrement que les vers du poète l’extension de l’espace occupé par les Sabins en allant au delà du Forum vers le sud-est : c’est l’usage des étrennes. Les étrennes, en latin strenæ, doivent leur nom à une coutume qu’on reportait à Tatius, et que, par conséquent, on croyait sabine. Le premier jour de l’année, on partait du sanctuaire de la déesse Strenia, situé au pied de l’Esquilin, et nous dirions aujourd’hui au nord du Colisée[78] ; on suivait la voie Sacrée, dont le temple de Strenia marquait l’extrémité, et dont les dalles antiques du chemin par lequel on monte à l’arc de Titus indiquent encore aujourd’hui la direction. Puis on s’avançait portant des rameaux verts cueillis dans le bois sacré de Strenia jusqu’au sommet de la roche Tarpéienne, demeure de Tatius. Cette procession, qui allait du temple de la déesse sabine à la demeure du roi sabin, devait traverser un territoire sabin.

Le nom de la fontaine de Juturne, près du temple de Castor et du temple de Vesta, est encore un nom sabin ; car Juturne était l’épouse de Janus[79], et Janus rappelle toujours les Sabins. C’est parce que toute cette plaine, située au pied du Capitole, était sabine, qu’une tradition voulait que Janus eût dédié à Saturne[80] le temple qui la dominait.

Tout concourt donc à confirmer l’assertion de Tacite[81] ; tout prouve que l’emplacement du Forum et du Comitium furent sabins comme le Capitole. Aussi les Saliens, prêtres sabins, étaient-ils dans l’usage de parcourir processionnellement le Forum et le Capitole[82], l’un et l’autre théâtre national de leurs danses guerrières qu’ils exécutaient aussi dans le Comitium.

Si le Palatin appartenait presque exclusivement aux Romains, on peut se convaincre que les Sabins les serraient de prés, car ils venaient jusqu’au pied de leur colline de trois côtés.

Du côté du Vélabre, ils étaient en possession de, l’antre Lupercal. Ce frit dans l’origine la famille sabine des Fabius qui eut la charge de présider aux sacrifiées offerts à Pan, dieu pélasge, devenu le dieu Lupercus.

Du même côté était le tombeau d’Acca Larentia, la femme de Faustulus et probablement la mère de Romulus, que l’intervention des Sabins dans, la légende avait faite Sabine[83], si elle ne l’était déjà.

Du même côté encore, sur la voie Neuve[84], près de la porte Romaine, était le sanctuaire de Volupia, la Volupté, et dans son sanctuaire[85] on sacrifiait à Angerona, la Douleur ; symbole assez clair et assez vrai qui fait honneur au génie allégorique de la mythologie sabine, à laquelle appartenaient Angerona[86] et Volupia[87].

Angerona, la déesse de la Douleur, était représentée la bouche fermée et scellée, signe expressif de la souffrance qui se tait, bien approprié à cette énergie de la race sabine qui avait pu la faire croire descendue de ces Spartiates chez lesquels un enfant, plutôt que de se plaindre, se laissait déchirer les entrailles par un renard.

Du côté du Forum coulait la source de Juturne, autre épouse de Janus.

Là aussi s’élevaient la chapelle des Lares et la demeure des Vestales.

En face du troisième côté du Palatin, au midi, était la source d’Égérie, l’amie du roi sabin Numa, et le bois des Camènes, nymphes sabines dont il ombrageait la source, lieu évidemment consacré par un culte sabin.

Nous avons déjà vu que les Sabins ont emprunté, ou, pour mieux dire, usurpé ce que la légende attribuait à Romulus, et se le sont en quelque sorte approprié.

De même une prétendue cabane de Romulus, fort à sa place sur le Palatin, se conservait aussi dans la citadelle habitée par Tatius[88], où elle n’avait jamais pu exister.

Toujours par suite de la même usurpation, on montrait dans le Forum la place où avait été enterré le berger Faustulus[89]. Le berger Faustulus, s’il a existé, a été enterré sur le Palatin.

Enfin, de la base occidentale du Palatin, le figuier de Romulus avait été, disait-on, transporté miraculeusement dans le Comitium, où il subsista plusieurs siècles ; mais, sous Néron, l’arbre, qui était né avec le peuple romain, et semblait pour ainsi dire en représenter la vie, se dessécha tout à coup[90] ; puis poussa de nouveaux rejetons, avertissement prophétique. En effet, l’existence extérieure de ce peuple n’était pas terminée, mais la vie s’était retirée de lui.

En y comprenant ses environs, l’Aventin est, après le Quirinal, la colline de Rome où l’on trouve le plus de traces des anciens cultes sabins. On pourrait l’appeler une succursale sabine du Quirinal.

Une rue de l’Aventin portait le nom du dieu sabin Fidius[91]. Au pied de l’Aventin, près du temple de Cérès, était un temple de la Lune[92], à laquelle un autel avait été élevé par Tatius[93], ainsi qu’au Soleil. C’étaient, sans compter les personnifications de ces astres, Jana ou Diana et Janus, deux vieilles divinités sabines. Sur l’Aventin, le temple de la Lune était au bas de la montée appelée Clivus Publicius, qui est encore celle qui conduit à Sainte-Sabine. On le voit par l’histoire de la fuite de C. Gracchus[94].

Ces deux temples étaient près du grand cirque.

Jupiter était honoré sur l’Aventin avec deux divinités sabines, Junon et Minerve, comme il l’était sur le Quirinal, dans l’ancien Capitole, et comme il le fut depuis dans le nouveau[95].

C’est sans doute parce que Junon avait un ancien sanctuaire sabin sur le mont Aventin, qu’après la prise de Véies on y porta la statue de la Junon de Véies, de la Junon Falisque, qui était la Junon d’Argos.

Le culte de Minerve sur l’Aventin était vraisemblablement dans l’origine un culte sabin ; car Minerve est une déesse sabine[96].

Au mois d’octobre, on célébrait sur l’Aventin une fête toute sabine, près du tombeau de Tatius[97] ; elle avait pour objet la purification des armes.

Les idées de purification, comme de pureté, étaient à Rome des idées sabines. Cette fête de la purification des armes, tout empreinte d’un caractère martial, avait lieu dans le mois où l’on immolait un cheval au dieu sabirs de la guerre ; elle était accompagnée de danses guerrières[98], dans lesquelles on portait les boucliers sacrés appelés ancilia.

Dans tout cela, il est impossible de méconnaître un culte sabin ancien, et, par suite, une preuve de la présence des Sabins sur l’Aventin[99].

Il y eut aussi sur l’Aventin un culte de Diane antérieur au temple que Servius Tullius érigea à cette déesse, et dont il fit le centre de la confédération latine. Ce culte dut être primitivement fondé par les Sabins ; car Diane était, comme Minerve, une déesse sabine[100] et sabellique[101].

Le temple de Diane s’élevait sur la pente de l’Aventin qui regarde le Palatin[102], au-dessus de la vallée des Myrtes, dont l’abondance en ce lieu fit donner à la déesse qui y était honorée le nom de Myrtea, la Vénus  des Myrtes.

Mais auparavant cette déesse s’appelait Murcia, ce qui était, je crois, un nom sabin[103].

Nous trouvons donc les Sabins dans la vallée où fut plus tard le grand Cirque, et où l’autel souterrain du dieu sabin Consus nous les a déjà montrés.

A l’entrée de cette vallée était le temple de Cérès, dans un lieu consacré plus anciennement au culte de Déméter Pélasge qui, chez les Sabins, était devenu Cérès[104].

Cérès était certainement, comme Vesta, avec laquelle on la confondait[105], une déesse honorée par les Sabins ; car, dans leur langue, Cérès voulait dire pain[106]. Son culte fut donc primitivement sabin, et le lieu où ce culte fut établi occupé par les Sabins.

Le nom de deux portes placées au pied de l’Aventin, la porte Nævia au sud et la porte Capène à l’orient, nous montrent les Sabins de deux côtés de l’Aventin, qu’ils entouraient tout entier. Le nom de la porte Nævia est sabin[107] ; le nom de la porte Capène est celui d’un peuple sabin[108], ou au moins à demi sabin, les habitants de Capène, colonie de Véies. Sans doute ces hommes de Capène étaient venus avec ou avant Tatius, et s’étaient domiciliés en cet endroit auprès des Sabins qui habitaient alentour du bois des Camènes et de la source d’Égérie, comme d’autres Capénates vinrent s’établir à Rome après la guerre contre les Gaulois.

Le voisinage du temple de Mars, situé à peu de distance de cette porte, ne nous étonne pas, puisque nous savons que le culte de Mars était un culte sabin. Ce temple était celui de Mars Gradivus[109], Mars qui marche. On l’avait placé hors de la porte comme pour indiquer le premier pas du dieu à la conquête du monde.

Enfin c’était du temple de Mars qu’on traînait et roulait la pierre Manalis[110] dans les temps de sécheresse pour avoir de la pluie. Les matrones suivaient pieds nus.

Cette procession, très pareille à celle qu’on fait à Rome en pareil cas, devait remonter aux Sabins ; car, dans leur langue, la pierre Manalis voulait dire la bonne pierre[111].

Voilà donc les Sabins sur l’Aventin et tout autour de l’Aventin. De plus, on se souvient que le nom de cette colline est dérivé de celui d’un fleuve du pays sabin ; on peut donc croire qu’il fut lui-même sabin. Aussi disait-on que les Sabins y avaient été établis par Romulus[112]. Je crois qu’ils y étaient avant Romulus. Du reste, nous connaissons déjà, le style officiel de l’histoire romaine ; nous savons ce qu’il faut penser de ces concessions du faible au fort. Les Sabins n’avaient pas attendu Romulus pour s’emparer de l’Aventin, et s’y établirent, je crois, d’eux-mêmes[113].

Les Sabins n’avaient pas d’éloignement pour celte colline, que des raisons de famille ou que plutôt d’anciennes luttes de ville à ville rendaient odieuse à Romulus et, à ses sujets. Ce fut lorsque l’ascendant romain prit le dessus par des causes que nous dirons, mais nous n’en sommes pas encore là, ce fut alors seulement que le vieux sentiment d’hostilité de Romulus contre Remus, de Roma contre Romuria, du Palatin contre l’Aventin, reparut.

En revenant de l’Aventin vers le Tibre, nous ne sortirons point d’un territoire dans l’origine exclusivement sabin ; nous rencontrerons le Terentum, que nous avons reconnu pour tel, et non loin de là, dans le marché aux bœufs, le temple de Matuta[114] ; dans le marché aux légumes, le temple de l’Espérance[115].

Matuta fût, je n’en doute pas, une divinité sabine, dont le nom, dans cette langue, voulait dire la très bonne[116].

Son temple était ancien, car il fut réédifié par Camille[117] ; son culte devait être un culte sabin, car on le retrouve en pays sabellique[118].

On crut reconnaître dans Matuta une déesse grecque, Leucothoé, à cause d’un usage singulier et commun au culte des deux divinités celui d’interdire l’entrée de leur temple aux femmes esclaves, sauf une que l’on battait[119]. Si cette ressemblance n’était pas l’effet du hasard, ce qui, du reste, serait étrange, elle doit remonter au fond commun de la religion pélasgique.

Ayant fait de Matuta une Leucothoé, il lui fallait un fils qui répondit au jeune dieu Palémon. Ou l’avait trouvé en donnant Matuta pour mère à Portunus, dont le temple était tout proche, vers l’Emporium ou port marchand de Rome[120], et que, pour cette raison, l’on avait transformé en dieu des ports, tandis que, dans l’origine, ce dieu, qui, par la clef qu’il tient, ressemble à Janus[121], n’était que le dieu des Portes. Il y a eu à Rome des portes avant qu’il y eût un port.

Quant à l’Espérance, qui. avait un temple près de là, mais en dehors de la porte Carmentale, dans le marché aux légumes, je suis bien tenté de voir en elle une déesse sabine. D’abord c’est une abstraction, comme la Santé, la Bonne Foi, la Jeunesse, la Volupté, la Douleur, objets de l’adoration des Sabins, peuple grave, réfléchi, et de bonne heure porté au culte des êtres abstraits.

De plus, l’Espérance était invoquée avec des divinités que nous avons reconnues pour sabines[122].

Enfin, si l’on remonte à l’idée primitive de l’Espérance divinisée, on trouve cette idée moins générale qu’il ne semblait d’abord : c’est l’espérance de la récolte, à laquelle Tibulle demande d’accorder en abondance les fruits de la terre et les dons de Bacchus[123]. L’Espérance ne fut dans l’origine qu’un autre nom de Flore, et, comme elle, se rattachait à la religion des puissances fécondantes de la nature, enseignée aux Sabins par les Pélasges, et qu’attestait sur le Quirinal le temple de Flore. Ainsi comprise, la déesse Espérance était une déesse des Jardins, bien naturellement placée dans le marché aux légumes. Il est à remarquer qu’un temple fort ancien, car il s’appelait la Vieille Espérance (Spes Vetus), existait loin de là, vers la porte Majeure, dans un quartier qui fut toujours à Rome le quartier des Jardins et l’est encore. Je ne crois pas aller trop loin en disant que l’Espérance était vraisemblablement une déesse sabine, et que ses deux sanctuaires, l’un dans le marché aux légumes, près de la porte Carmentale, l’autre sur l’Esquilin, vers la porte Majeure, font supposer que ces deux endroits très éloignés ont été dans l’origine habités par les Sabins. Nous savons, du reste, par d’autres témoignages, qu’ils ont occupé l’Esquilin.

Nous avons aussi d’autres preuves de leur habitation aux environs de la porte Carmentale. C’est d’abord la porte Carmentale elle-même, et, près de cette porte, le culte de Carmenta rattaché aux Sabins par ce nom de Carmenta[124], qui est celui des Camènes sabines et d’Égérie. C’est ensuite un temple de Janus qui était tout près[125]. Partout où a été Janus ont été les Sabins.

Terminons notre exploration, et, si l’on me permet de le dire, notre résurrection de la Rome sabine. La fouille a été laborieuse, mais il me semble qu’elle a réussi.

Dans l’île du Tibre, où le culte du dieu Faunus rappelait la présence des plus anciens habitants du Latium, le culte du dieu sabin Sancus nous atteste celle des Sabins. Une inscription placée à la base d’une statue de Sancus[126] qui existait encore dans les premiers siècles du christianisme, a fait commettre aux auteurs ecclésiastiques une erreur singulière ; ils ont cru que l’inscription qui portait ces mots : Semoni Sancto[127], se rapportait au magicien Simon, lequel, ayant tenté, par son art diabolique, de s’élever dans les airs, fut précipité, suivant la tradition, par les prières de saint Pierre, et tomba au pied du Capitole.

Il est bien reconnu aujourd’hui que Semoni Sancto veut dire : au Semon Sancus[128], et que la statue n’était point celle d’un magicien, mais celle d’un personnage divin honoré par les Sabins.

S’il y a Sancto dans l’inscription, c’est qu’on disait également Sancus et Sanctus[129].

Ce dernier mot, destiné à tenir une si grande place dans la langue religieuse des chrétiens, est sabin d’origine[130].

Un autre dieu sabin, ou du moins emprunté par les Sabins aux Étrusques, avait un sanctuaire dans l’île du Tibre : c’était ce Vejovis, ce Jupiter funeste, auquel avait été consacré par Tatius un autel, et qui avait un temple sur le Capitole.

Les Sabins placèrent sans doute dans file le sanctuaire de Vejovis pour qu’il protégeât de ses flèches, de ses foudres, de sa formidable puissance de dieu infernal les Sabins qui l’habitaient, et menaçât les pirates étrusques, contre lesquels un roi sabin, Ancus Martius, fortifia plus tard le Janicule, qu’il réunit à la ville.

J’ai remarqué qu’au moment de la guerre entre Romulus et Tatius, il n’est nullement question de l’établissement sabin sur le Janicule, ce qui m’a fait penser qu’alors le Janicule avait été repris par les Étrusques ; il était redevenu sabin sous Ancus Martius, quand ce roi l’entoura de murailles, et par là le réunit à la ville. Mais n’avait-il pas été reconquis par les Sabins dès le temps de Numa ?

La tradition, qui plaçait le tombeau de ce roi sur le Janicule, semble indiquer que les Sabins l’avaient repris avant sa mort, ou du moins ne l’avaient pas entièrement abandonné.

L’occupation du Janicule suppose celle du Transtevere, où les Sabins sont indiqués par le culte d’une déesse sabine, Furina[131], dont le bois sacré vit tomber le second Gracchus.

D’après ce que nous venons de voir, les deux peuples étant séparés, l’un ne paraissant pas où l’autre se montre, il faut renoncer à la fiction, en elle-même si invraisemblable, des deux rois régnant de concert sur les deux populations, confondues en une seule.

Ces deux peuples parlaient un dialecte différent. Chacun avait sa religion particulière.

Je crois que les uns étaient bruns et les autres blonds[132]. La tradition ne rapporte aucun fait qui montre une action commune des deux rois, sauf une guerre insignifiante et pour moi très douteuse.

Que doit-on conclure de tout ce qui précède ?

La tradition ne sait rien de Romulus hors du Palatin, si ce n’est sa mort. Cette fois seulement, les Romains sont sortis de chez eux, et cela ne leur a pas réussi[133]. Depuis ce moment on n’entend plus parler des hommes du Palatin.

Je ne croirai au gouvernement des Sabins et des, Romains par deux rois unis comme les deux peuples que lorsque l’on m’aura montré soit des traces un peu considérables des Sabins sur le Palatin après Romulus, soit des traces anciennes et nombreuses des Romains sur les autres collines, ou si le Capitole est jamais soudé au Palatin comme il l’était au Quirinal.

Jusque-là, il y aura pour moi deux villes en présence, dont l’une était sans union et sans égalité politique avec l’autre, comme sans proportion.

Quand, du haut de la tour du Capitole, on compare leur étendue et celle de la Sabine à l’horizon, on ne peut s’empêcher de trouver risible l’assertion des auteurs anciens, que Romulus a admis les Sabins à faire partie du peuple romain[134]. C’est comme si la république de Saint-Marin admettait dans son sein la légation de Rimini.

Je demande grâce au lecteur pour la course que je lui ai fait faire. Sa patience ne sera plus mise à pareille épreuve ; mais il fallait découvrir la Rome sabine, et qui veut découvrir une antiquité doit se donner la peine de la déterrer.

Le titre et le plan d’une Histoire romaine à Rome exigeait surtout la démonstration de l’inégalité matérielle de la ville sabine et de la ville romaine.

C’est dans un autre ouvrage consacré spécialement aux origines romaines que je développerai toutes les conséquences historiques de ce fait que l’étude comparée des lieux m’a révélé. Mais je dois indiquer sommairement ici que ce qui devait être arriva, que la tribu fut soumise à la nation, et que la petite ville dépendit de la grande.

Désormais cette dépendance des Romains ne pourra plus nous surprendre Pour moi, quand je considère ce qu’étaient les Sabins à Rome et hors de Rome avec ce qu’était l’Oppidum du Palatin, je n’admire pas que celui-ci ait subi la suprématie de ceux-là ; j’admire qu’ils l’aient laissé subsister.

Mais à cette époque un siège était une chose difficile, je dirai même une chose rare. On ne voit point de siège en règle avant celui de Véies. Les villes qu’on prend ne sont pas même en général emportées d’assaut. Le plus souvent, on force l’ennemi à rentrer dans ses murs, et on y entre avec lui en profitant du désordre de sa fuite. Une population résolue, derrière des murs étrusques, ayant des troupeaux et de l’herbe pour les nourrir, pouvait tenir longtemps, l’aire éprouver de grandes pertes aux assiégeants, et il n’y avait pas beaucoup de profit à la prendre. Les Sabins préférèrent faire, avec les vaillants défenseurs du Palatin, un arrangement où tout l’avantage était de leur côté.

La différence de condition entre les deux villes répondit, il ne pouvait pas en être autrement, à l’inégalité d’étendue et de puissance.

La première preuve en est dans ce nom de Quirites, ce qui veut dire Sabins, imposé à la population latine et accepté par elle. Quirites est même devenu l’appellation emphatique des citoyens romains jouissant de tous leurs droits, par opposition aux soldats soumis au commandement militaire (imperium). Quirites, c’était donc comme citoyens, et, si l’on veut, comme bourgeois. Or, que les Romains en soient venus à se désigner eux-mêmes par le nom national d’un peuple étranger, cela ne me semble pouvoir s’expliquer que par la suprématie de ce peuple. Les Bretons se sont appelés Saxons et Anglais ; les Gallo-romains, Français ; les Italiens, Lombards ; les Neustriens, Normands : parce que les Saxons et les Angles, parce que les Francs, parce que les Lombards, parce que les Normands étaient les maîtres du pays.

Servius[135] dit avec beaucoup de raison : Nous savons que les vaincus reçoivent le nom du vainqueur. C’est ce que n’a paru savoir aucun des historiens de Rome.

Il y a plus, la formule officielle fut celle-ci : Le peuple romain des Sabins (Populus Romanus Quiritium).

Cela ne peut vouloir dire que deux choses : ou le peuple romain qui appartient aux Quirites, c’est-à-dire aux Sabins, ou le peuple romain qui est composé de Quirites, c’est-à-dire de Sabins. La première interprétation est fâcheuse pour la fierté romaine ; la seconde le serait encore plus[136]. L’une établit l’assujettissement de la nationalité romaine ; la seconde emporterait l’effacement complet de cette nationalité.

C’est la première qui est la vraie. Dans la formule qui marque le mieux la dépendance des Romains, les Romains sont nommés : Populus Romanus, le peuple de Rome, les hommes du Palatin, où était la forteresse Roma, comme les habitants des douze villes de la confédération étrusque sont appelés les douze peuples de l’Étrurie. Ce fait topographique ne préjuge rien sur leur importance politique. Mais le dernier mot de la formule (Quiritium) montre que ces hommes de Roma dépendaient ou au moins relevaient des Sabins.

Ce génitif peut se traduire par un adjectif : la Rome des Sabins, c’est la Rome sabine. La Rome sabine est aux Sabins comme l’Inde anglaise est aux Anglais.

Ainsi l’on dit encore d’une partie de l’Italie heureusement bien réduite : l’Italie autrichienne. Je ne dis pas que la similitude soit complète, mais l’analogie est grande.

Dans le langage officiel, les Vénitiens sont des Autrichiens ; quand leur joug sera brisé, plus fiers en cela que les Romains d’autrefois, ils ne continueront pas, je pense, à s’appeler les Italiens d’Autriche.

A Rome, un autre fait bien remarquable, c’est que le droit quiritaire est le droit par excellence, le droit qui régit les citoyens entre eux, de propriété absolue optimum jus[137].

Ce droit de, possession absolue, appelé droit quiritaire, est le droit de la lance. La lance (quiris) est à Rome le signe de la possession légitime (signum justi dominii). C’est sous la lance qu’on vendait les choses parmi lesquelles étaient les esclaves. On coupait les cheveux à la jeune épouse avec une lance[138] ; car, une fois mise dans la main du mari, elle devenait la chose du mari, et cette cérémonie se faisait, disait-on, en mémoire de l’enlèvement des Sabines.

La lance est donc à Rome le symbole de l’autorité. Or la lance est sabine ; son nom est le nom même du peuple sabin.

Enfin une ligne de Festus est accablante pour l’orgueil romain. Il dit que les Sabins appelaient les Romains esclaves[139].

De ces conditions de séparation, de minorité et, par suite, de dépendance vis-à-vis des Sabins qui résultent de là nature des choses et des lieux, découlent une infinité de conséquences pour toute l’histoire de Rome. Il finit s’attendre à y trouver la place et le rôle des Sabins beaucoup plus considérables qu’on ne le croit communément.

Comme le disait Caton[140], les Romains ont beaucoup emprunté aux Sabins ; sans parler des emprunts de détail[141], d’abord leur religion presque tout entière, en grande partie leur organisation politique et l’organisation de la famille, des coutumes, des cérémonies.

Il y a plus, la population primitive de Rome étant sabine en grande majorité, la plupart des familles le furent nécessairement, et, par suite, la plupart des hommes qui ont joué un rôle dans l’histoire romaine sont d’extraction sabine. Enfin, ce qu’on appelle la langue latine contient une forte dose d’éléments sabins.

On conçoit l’étendue de cette influence quand on songe que les Sabins, beaucoup plus nombreux, étaient une nation antique, et à laquelle on reconnaissait des vertus que son contact prolongé avec les Étrusques avait commencé à civiliser.

Il y avait là des races ; il pouvait y avoir une famille constituée et le germe d’une société réglée. L’idée de l’autorité patriarcale du père de famille[142] et de la majesté de patriciat y pouvait naître, tandis que rien de pareil ne pouvait se produire chez les aventuriers du Palatin, qui, ainsi que le disait un patricien des plébéiens, pour la plupart ne savaient pas le nom de leur père (nec patrem ciere possunt).

La nature de cet ouvrage ne comporte point la recherche approfondie de ces influences des Sabins sur la religion, les institutions et la langue des Romains.

Tout cela sera discuté, et, j’espère, démontré dans l’ouvrage dont je viens de parler.

On y verra qu’à Rome presque rien ne fut d’origine romaine, et qu’en retranchant du développement romain tout ce qui appartient aux Étrusques, surtout aux Sabins, et ce que les Grecs y ajoutèrent plus tard, il reste fort peu de chose.

Mais tout cela est devenu romain. Il y avait dans cette poignée de Latins campés sur leur étroite colline une énergie extraordinaire. Grâce à cette énergie native, grâce à des circonstances que nous indiquerons, la molécule romaine a fini par tout absorber.

Je vois sur le Palatin une petite plante dont le germe y est par hasard tombé, qui, douée d’une vitalité singulière, s’est assimilé tous les éléments à sa portée, et, fortifiée par cette assimilation puissante, a grandi, a poussé des rameaux, et a fini par être un arbre immense qui a couvert le monde.

 

 

 



[1] Les temples, dont on place la date sous la république, se rattachent très souvent à un culte ancien qui détermine leur emplacement ; le temple de Cérès fut dédié par Sp. Postumius au troisième siècle, mais on parle d’un temple de Cérès attribué à Évandre, c’est-à-dire aux Pélasges ; la fondation du temple de Saturne l’ait remonter de Minucius et Sempronius conseils à Tarquin le Superbe, de Tarquin à T. Hostilius, de T. Hostilius à Janus, ce qui veut dire aux Sabins primitifs. (Voir Hartung, Bel. der Röm., II, 135, 424.)

[2] On se souvient que cette Victoire était la déesse sabine Vacuna ; il y eut depuis plusieurs temples de la Victoire sur le Palatin, par suite de la tradition de l’ancien culte qui y avait été primitivement institué par les Aborigènes.

[3] Ovide, Fastes, II, 58. Il faut y joindre un temple de la Lune, divinité sabine. (Varron, De ling. lat., V, 68.)

[4] Ce qui pourrait l’aire croire que quelques Sabins demeurèrent ou s’établirent sur le Cœlius occupé par un reste d’Étrusques, c’est le choix qu’on fit de cette colline pour y exécuter les courses des chevaux quand le Champ de Mars était inondé, et le nom de champ de Mars donné à la partie du Cælius où alors elles avaient lieu. Nous verrons tout à l’heure que le champ de Mars, comme le dieu Mars lui-même, était sabin. Il faut chercher le Champ de Mars du Cœlius derrière Saint-Jean de Latran, comme l’attestait le nom d’une église voisine des Quattro Coronati, église qui n’existe plus, et qui s’appelait in Martio. Denys d’Halicarnasse dit que Romulus conserva le Cœlius. Peut-être quelques hommes de sa bande s’y étaient fixés et y restèrent. Cicéron (de Harusp. resp., XV) parle d’une chapelle de Diane, divinité sabine (Java), sur le petit Cœlius ; il appelle ce sanctuaire très saint, ce qui permet de supposer que le culte de Diane en ce lieu était ancien : le Petit Cælius faisait partie du mont Cœlius.

[5] Varron, De ling. lat., V, 52.

[6] Varron, De ling. lat., V, 158. En face du temple de Flore et dominant le vieus patricius, aujourd’hui la Via di S. Pudentiana d’où on l’avait devant soi (Martial, Épigrammes, VII, 72), prés des Thermes de Constantin (palais Rospigliosi (Reg., VI), par conséquent vers la villa Aldobrandini.

[7] Il l’est, il est vrai, à Numa, mais seulement par des écrivains des bas temps, dans les Chroniques d’Eusèbe et de Cassiodore.

[8] Comme l’autre Capitole, ce temple était peu élevé, ce qui est un signe d’antiquité. On n’avait rien changé à ses dimensions, sous ce rapport, en le reconstruisant. Car Valère Maxime (IV, 4, 11) dit encore : Perque veteris Capitolii humilia tecta. Ce qui montre qu’il s’agit bien ici du vieux Capitole, car on sait que les pontifes n’ayant jamais permis d’agrandir le temple de Jupiter capitolin, on augmenta sa hauteur.

[9] Le vieux Capitole étant près des Thermes de Constantin (palais Rospigliosi) et une montée conduisant du temple de Flore au vieux Capitole, on ne peut placer ce temple près de la place Barberini, et on n'a pu trouver dans ces parages les restes d'un prétendu cirque de Flore qui, dans aucun cas, n'a pu exister là: Selon Becker, l'existence de ce cirque de Flore est imaginaire et repose sur mie mauvaise lecture d'un calendrier romain. Il faut placer le temple de Flore aux environs de la rue de la Dataria. Martial qui logeait, tout auprès (Épigrammes, V, 233-5) voyait de son troisième, car il logeait au troisième, les arbres du portique d'Agrippa, situé là où est le palais Doria, il n'aurait pu les voir de la place Barberini. (Martial, Ép., 109.)

[10] Ce qui le prouve, c'est un temple dédié à Flore, Propter sterilitatem frugum (Cal., Præm., 28 apr.). L'été, l'époque de la moisson, était consacré à Flore chez les Sabins : ils appelaient le mois de juillet, floralis; mais avec le temps le côté gracieux des attributs de Flore prévalut sur le côté sérieux et utile, alors on mit la fête de Flore au printemps. Florere s'appliquait aux moissons, à la vigne, à l'olivier. (Ovide, Fastes, v, 263-4.)

[11] Varron, De ling. lat., V, 74, VII, 45. Il y avait un temple de Flore à Nomentum, dans la Sabine.

[12] Varron, De ling. lat., V, 74 ; Denys d’Hal., II, 50. Ces divinités sont en tout au nombre de quinze. Saturne, le dieu latin, s’y rencontre, associé à Jupiter ; mais varron nous avertit qu’il peut se trouver là pour une autre raison, et ne pas venir des Sabins.

[13] Par le nom de vallis Quirini, donné à une rue qui suivait le fond de la vallée placée entre le Quirinal et le Viminal, et qui s’appelle aujourd’hui Via di S. Vitale. Le temple qui donnait son nom à la vallée devait être au-dessus, par conséquent entre la place de Monte-Cavallo et la place Delle quattro Fontane.

[14] Varron, De ling. lat., V, 74. Elle était honorée par divers peuples sabelliques, à Signia, chez les Herniques (Orelli, Inscr.,1827) ; dans l’Ombrie (Pisaurum), où l’on a trouvé une coupe qui se conserve au Musée grégorien, avec cette inscription : Salutis poculum ; à Ferentum, ville dont le nom est ombrien, où Tacite nous apprend qu’elle avait un temple. (Ann., XV, 53.) Quand on lui en érigea un au cinquième siècle de la république sur le Quirinal, où son culte avait été anciennement fondé, ce fut un membre d’une illustre famille sabine dont les sacra étaient sur le Quirinal, un Fabius qui peignit le temple.

[15] Cicéron, ad Att., XII, 45.

[16] On l’a mis quelquefois près de Sainte-Suzanne, ce qui en premier lieu est bien près de la porte Colline ; de plus, le temple de la Santé (Salas), voisin de la porte Salutaire, n’eût pas été près du temple de Quirinus, dont le lieu est déterminé par la vallée de Quirinus, qui correspondait certainement à la rue Saint-Vital. La porte Salutaire était donc aux quatre Fontaines.

[17] Sil. Italicus, Guerres Puniques, VIII, 423-4. Sabus ou Sabinus était fils de Sancus. (Denys d’Hal., II, 49.)

[18] Denys d’Halicarnasse l’appelle πίστιος.

[19] On y déposa le traité fait entre Tarquin le Superbe et la ville de Gabie. (Denys d’Hal., IV, 58.)

[20] Versus ædem Quirini. (Tite-Live, VII, 20.) M. Preller, Röm. Myth., 635, cite adversus ædem Quirini. Si cette version, adoptée par Sigonius, est la bonne, le sanctuaire de Sancus était du côté de la rue où je l’ai placé. Une raison de la préférer, c’est que, comme le remarque M. Quicherat dans son Dictionnaire latin qui fait autorité, à propos de cet exemple même : Versus ædem Quirini, cette locution est rare.

[21] Anastase, Innoc. I. et Act. St. Suzan. En effet, cette rue, qui commençait à Saint-Vital, montait d’abord, puis suivait la direction de la via Pia.

[22] Les régionnaires (Reg., VI) placent la statue de Mamurius entre le vieux Capitole et le temple de Quirinus.

[23] Denys d’Hal., II, 71 ; Plutarque, Numa, 13 ; Ovide, Fastes, III, 380 ; Servius, Æn., VII, 188.

[24] Tite-Live, V, 46 ; Val. Maxime, I, 1, 11.

[25] De plus, les Fabius ont sur leurs monnaies Quirinus, le dieu sabin, avec la lance sabine et le bouclier. (Preller, Röm. Myth., 329.) Les Fabius prétendaient descendre d’Hercule (Plut., Fabius, 1 ; Ovide, de Pont., III, 3, 100 ; Fastes, II, 237), et le dieu sabin Sancus passait pour être le même qu’Hercule. (Festus, p. 229 ; Varron, De ling. lat., V, 66.) tin des deux collèges de Luperques portait le nom des Fabius voués au culte de Pan dans l’antre Lupercal. Peut-être cette antique famille sabine des Fabius avait- elle quelques gouttes de sang pélasge, et peut-être son origine participait-elle des deux peuples dont l’identité de Sancus et d’Hercule, de Lupercus et de Pan, attestait la fusion sous le rapport religieux. Les Fabius prétendaient aussi avoir pour aïeul Évandre.

[26] Plutarque, Numa, 22.

[27] Élégies, III, 23.

[28] Suétone, Vespasien, 2. C’est pour quoi le frère de Vespasien s’appelait Sabinus, et un de ses fils Titus, prénom de Tatius.

[29] Les Aurelius venus de la Sabine étaient voués au culte du soleil, dieu sabin. (P. Diacre, p. 23.)

[30] Quand j’en serai à la mort de Servius Tullius, je montrerai où était le Cyprius Vicus. Je me borne à constater dès à présent qu’il ne pouvait être sur l’Esquilin, où on le place toujours, Tite-Live disant positivement qu’arrivé à l’extrémité du Cyprius viens, le cocher allait prendre à droite pour gagner l’Esquilin. (Tite-Live, I, 48.)

[31] Cyprius Sabine bonum. (Varron, De ling. lat., V, 159.)

[32] Ibi Sabini cives additi consederunt. (Ibid.) De plus, il y avait là un sanctuaire de Diane, divinité sabine, et le Clivus Urbius, de Virbius, personnage mythologique indigène qui fut identifié avec Hippolyte, et qui est en rapport avec Diane et avec la camène sabine Égérie.

[33] Servius, Æn., VIII, 361. Ceux que mon étymologie basque du nom des Carines a le plus étonnés, ne la trouveront pas, j’espère, aussi absurde que l’étymologie dont s’est avisé Servius.

[34] Méphitis, déesse sabellique honorée chez les Hirpins, Diane dans le Vicus Patricius. (Plut., Quæst. Rom., 3.)

[35] Ce temple était dans un bois sacré où les libitinarii se livraient à la préparation des funérailles. Ce devait être près du champ Esquilin, qui fut longtemps un lieu de sépulture, et vers la porte Esquiline, aux environs de Sainte-Pudentienne.

[36] Son temple est donné comme existant déjà au temps de Servius Tullius (Denys d’Hal., IV, 15), et nommé avec ceux de Junon Lucine et de la Jeunesse, divinités sabines.

[37] A cause de son double caractère, Vénus Libitina était identifiée avec Vénus et avec Proserpine. (Plut., Numa, 12.)

[38] Son temple et son bois sacré étaient dans la région inférieure de l’Esquilin, Monte sub Esquilio (Ovide, Fastes, II, 433), non loin du sommet appelé Oppius (Varron, De ling. lat., V, 50), où est Sainte-Marie-Majeure, ce qui les place dans les environs de Sainte-Pudentienne.

[39] Junon Lucine, comme Jana, était la lune, car elle présidait aux mois. (Ovide, Fastes, I, 55 ; Macrobe, Saturnales, I, 15.)

[40] Il y avait un temple de Junon Lucine sous le nom grec d’Eiléthuga, à Pyrgoi (Santa-Severa), ville pélasgique (Strabon, V, 2, 8), bâti par les Pélasges non loin d’Agylla. Une légende rapportée par Ovide (Fastes, II, 441) rattache étroitement les fêtes de Junon Lucine à celle de Pan générateur.

[41] De là les rapports de Junon et de deux dieux sabins ; Janus qu’on appelait Junonius (Macrobe, Saturnales, I, 9), et Mars qui était honoré en même temps que Junon le 1er mars, jour où l’on célébrait la fondation d’un temple de Junon Lucine, élevé sous la république. (Preller, Röm. Myth., 245.)

[42] Festus, p. 297.

[43] Voyez chap. XIV.

[44] On connaît l’existence d’un temple de Mars près de Rieti (Denys d’Hal., I, 14), dans le pays des Sabins aborigènes, et un oracle de ce dieu à Tiora-Matiene. (Ibid., id.)

[45] Son culte existait à Tuder (Todi), ville ombrienne, qui devint étrusque, où l’on a trouvé les restes d’un temple de Mars et le fars de bronze du Musée grégorien. (Voyez Sil. Italicus, Bell. Pun., IV, 222.) On a trouvé aussi près d’Agubbio (Inguvium), avec une statue de Mars, cette inscription : Marti Cyprio. (Orelli, 4950-1.) Cyprius est sabin, et voulait rire bon dans la langue ombrienne, parente du sabin. Cette épithète était vraisemblablement un euphémisme, comme le nom des Manes, formé de Manus, qui, de même, voulait dire bon en sabin.

[46] Mars ab eo quod maribus in bello præest aut quod a Sabins acceptus ubi est Mamers. (Varron, De ling. lat., V, 73.)

Tout homme doué du sens étymologique rejettera sans hésiter la première origine du nom de Mars, et sera porté à admettre la seconde.

[47] Saint Augustin (De civ. D., IV, 25, 5) affirme que les trois dieux opposèrent à Tarquin la résistance en général attribuée seulement au dieu Terme, et qui l’est cependant aussi à la Jeunesse par Denys d’Halicarnasse (III, 69). Ceci exprimait dans la tradition la résistance que firent les cultes en possession du Capitole au culte nouveau.

[48] Numa avait institué une fête à Mars et à Robigus ou Robigo, le dieu ou la déesse qui préservait les blés de la rouille. Robigo était une divinité sabine, car c’est à Numa qu’on attribuait la fondation de son culte. (Pline, Hist. nat., XVIII, 69, 5.) On sacrifiait à Robigo des chiens roux. Ovide raconte (Fastes, IV, 905) que, revenant de Nomentum, il a rencontré la procession des Robigalia :

Obstitit in media candida pompa via,

et que le Flamen de Quirinus a fait l’invocation. Nomentum et Quirinus sont un lieu et un dieu sabins. Une difficulté topographique s’est présentée ; la chapelle de Robigo est donnée comme étant à cinq milles de Rome, sur la voie Claudia, au delà de Ponte-Molle, ce qui n’est pas la route de Nomentum ; mais Robigo pouvait avoir plusieurs chapelles, la procession pouvait s’être avancée jusque sur la route de la Sabine. Enfin, comme l’a remarqué M. 3lerlcel (Ovide, Fastes, p. CLII), après avoir rencontré la procession, en revenant de Nomentum, Ovide pouvait ne pas être retourné directement à Rome, mais s’être rendu dans les jardins qu’il avait sur les collines qui dominaient la voie Flaminia, à l’endroit où celle-ci se détachait de la voie Claudia (de Pont., Él., 1, 8, 43), c’est-à-dire précisément derrière l’hôtellerie qui est au delà de Ponte-Molle.

[49] Hart., Rel. de Röm., II, p. 969. Un vers de Lucilius présente Mars Sylvain comme faisant l’office pastoral de Pan,

Luporum exactorem Martem Sylvanum.

Le sacrifice du cheval au dieu Mars était devenu à Rome l’occasion d’une prière pour le bien de la terre : Ob frugum eventum. (P. Diacre, p. 220.) Sur cette tête de cheval que l’antique férocité de la religion sabine allait clouer à la Regia une dévotion d’un tout autre caractère, d’un caractère vraiment latin, faisait déposer des pains.

[50] Equus potius quam bos immolabatur, quod hic bello, bos est frugibus pariendis aptus. (P. Diacre, p. 220.)

[51] Fastes, I, 698.

[52] Les Flamens avaient été institués, à ce que l’on croyait, par Numa, comme les saliens et les Féciaux ; ils appartenaient donc à la religion sabine.

[53] Nerio... Sabinum verbum est, eoque significatur Virtus et fortitudo. (Aulu-Gelle, Noct. Att., XIII,  23.)

[54] Deæ Virtuti Bellonæ. (Orelli 4983.) Elle s’appelait aussi tout simplement la guerre, bellum, et selon l’ancienne forme, duellum. Elle figurait sous ce nom dans une inscription trouvée près de l’autel souterrain de Consus, avec ce dieu et les lares, ce qui achève de déterminer le caractère sabin de Consus.

[55] Par Appius Claudius Begillensis, qui y plaça, comme dans un sanctuaire national les images de ses ancêtres. Un autre Claudius, Appius Claudius Cœcus, répara le même temple. (Pline, Hist. nat., XXXV, 3 ; Ovide, Fastes, VI, 203.)

[56] Loca publica quæ in circuitu Capitolii pontificibus, auguribus, decemviris et flaminibus in possessionem tradita erant. (Orose, V, 18.)

[57] Ovide place ces courses sous la direction immédiate du dieu Mars.

Marsque suos junetis cursibus urget equos.

(Fastes, II, 857.)

Le cheval appartient donc à Mars. Equus Marti immolabatur... quod eo genre animalis Mars delectari putaretur. (p. Diacre, p. 81.)

[58] Ils transportèrent sur le Palatin une légende nationale qui se rapportait à l’origine de la ville sabine de Cures, et suivant laquelle une jeune fille, attirée par un saint transport dans le bois sacré de Mars, avait cédé au dieu et était devenue mère de Modius Fabidius, fondateur de leur ville. (Denys d’Hal., II, 48.) Par suite de la même introduction de la mythologie sabine dans les origines de la race des Latins, on donnait Bars pour père, à Faunus le plus ancien aïeul de cette race. (Denys d’Hal., I, 31.)

[59] Tite-Live, I, 33 ; Denys d’Hal., II, 50. Denys d’Halicarnasse se sert de cette expression : le Capitole que Tatius occupa depuis le commencement.

[60] Denys d’Halicarnasse, III, 69.

[61] Varron, De ling lat., V, 74.

[62] Plutarque, Numa, 16.

[63] Une tradition, évidemment fabuleuse, faisait ériger sur le Palatin, mais bien avant les Romains, un sanctuaire à la bonne Foi, par une Roma, petite-fille d’Énée. (Festus, p. 269.)

[64] Solin, I, 21.

[65] Dans le jardin de ce palais qui rappelle aux amis de l’étude des antiquités romaines deux noms que ces éludes ont illustrés, Niebuhr et Bunsen, sont de grandes substructions, elles appartiennent probablement au temple de Junon Moneta.

[66] Denys d’Halicarnasse le dit positivement (II, 50), si, dans son récit, à ces mots : Tatius conserve le Capitole qu’il occupait depuis le commencement, et le mont Quirinal.... on rattache ceux qui suivent : et aussi la plaine qui s’étend au pied du Capitole, ce membre de phrase, inutile à la période qu’on lui fait commencer me paraît avoir été séparé à tort par la ponctuation de la période qui précède et devoir en faire partie.

[67] Un roi sabin, Tullus Hostilius, construisit tout à côté la Curie qui porta son nom.

[68] Plutarque, Publicola, XI. Au temps de Plutarque, l’exercice de ce droit était aboli, mais le droit subsistait ; pour le constater, quand un Valerius mourait, on apportait son cadavre dans le Forum, un parent en approchait une torche, puis on le remportait. Toujours à Rome, comme en Angleterre, se voit le respect de la coutume antique, même alors qu’on ne l’observe plus.

[69] Vénus Cloacina, du vieux mot probablement sabin (Cluana, nom de ville ; dans le Picentin), cluere, cloare, laver, nettoyer, purifier, d’où cloaca, égout. Peut-être les Sabins commencèrent-ils en cet endroit le grand égout qui fut terminé par les Tarquins. Les écrivains chrétiens, méconnaissant le vrai sens du mot cloacina ; et pensant à un cloaque, ont reproché aux Romains comme impur un culte qui ne rappelait que des idées de pureté. On injurie parfois faute de comprendre. (Augustin, C. D., IV, 23.) Lactance affirmait qu’on avait trouvé la statue de la déesse dans un égout. (De Div. inst., I, 20.)

[70] Pline, Hist. nat., IV, 36.

[71] Solin, I, 23.

[72] Varron, De ling. lat., V, 74. Leur mère Larunda s’appelait aussi Mania, la mère des Manes, c’est-à-dire des bons, du mot sabin manus, bon ; par suite de cet euphémisme qui faisait donner aux Furies le nom d’Euménides, qui veut dire bienveillantes, et fait donner par un paysan écossais aux lutins qu’il craint d’offenser le nom de bonnes gens.

[73] Cicéron, De Legibus, II, 11.

[74] Denys d’Halicarnasse (II, 49) dit que les Ombriens ont pris le nom de Sabins.

[75] Properce, Élégies, IV, 4, 9 et suiv.

[76] Élégies, V (IV), 4, 7.

Hanc Tatius partem vallo prœtexit acerno

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

[77] Ibid., 13-1.

. . . . . . . Ubi nunc est Curia septa,

Bellicus ex illo fonte bibebat equus.

Cette fontaine dont parle Properce ne pouvait être que la fontaine de Juturne, au-dessous du Palatin. Il n’est donc pas question ici de la Curia Hostilia, mais de la Curia Julia, qui en était séparée par toute la largeur du Comitium.

On suppose qu’il s’agit de la fontaine d’Égérie, dont l’eau était employée pour le culte de Vesta. Tarpeia allait moins loin puiser l’eau sacrée à la source de Juturne, qui parait avoir été une source sulfureuse, comme la source du même nom, près d’Ardée, laquelle guérissait les maladies et servait clans tous les sacrifices. (Varron, De ling. lat., V, 71.) Sur la fontaine de Juturne au Forum, voyez plus haut.

[78] La position de la chapelle de Strenia est donnée par Varron ; c’était au lieu appelé Ceriolensis (De ling. lat., v, 47), et le Ceriolensis lui-même était entre le Cœlius et l’Esquilin, car il est indiqué par Varron prés des Carines, et par Ovide (Fastes, III, 837), prés du Minervium, c’est-à-dire du petit temple de Minerve Capta ou Capita, au pied du Cælius. De ce petit temple un chemin conduisait vers un lieu appelé Tabernola, qu’on peut fixer un peu au-dessus du Colisée, au moyen de l’emplacement d’une église qui portait le nom de Saint Andrea de Tabernola. (Url., Röm. top., p. 101.) Minerve était une déesse sabine ; Strenia était une déesse de la Force (Non. Marcell, p. 16) et probablement sabine, comme la coutume des étrennes, d’après le rôle qu’elle y jouait. On peut y voir un ancre nom de la déesse Salin.

[79] Arn., III, 29. Il y avait une autre source de Juturne dans le champ de Mars, lequel, comme nous l’avons vu tout à l’heure, appartenait aux Sabins ; il y en avait une dans le Latium, près d’Ardée (Servius, XII, 139), et c’est ce qui a porté Virgile à faire de Juturne la sœur de Turnus ; l’épouse de Janus n’en est pas moins une divinité sabine, qui se retrouve dans le Latium, comme la nymphe sabellique Marica, et de même fait voir que les Sabins y ont pénétré.

[80] Macrobe, Saturnales, I, 7. Les Sabins avaient sans doute accepté le culte de ce dieu latin dont le sanctuaire se trouvait sur leur territoire : c’est ce qui explique comment Saturne peut figurer parmi les divinités auxquelles Tatius éleva des autels.

[81] Annales, XII, 24.

[82] Denys d’Halicarnasse, II, 70.

[83] En lui donnant le nom d’Acca Larentia, Acca, féminin d’Arcas. Accius, prénom sabin, et Larentia, où l’on retrouve les Lares, divinités introduites par les Sabins.

[84] Varron, De ling. lat., V, 164.

[85] Macrobe, Saturnales, I, 10. Et aussi dans la Curia Acculeia. Acculeia est sabin, comme Acca.

[86] Angerona ou Angeronia devait être de la même famille qu’Angitias déesse des Marses (Virgile, Æn., VII, 759), et de plusieurs autres peuples sabelliques. (Voyez Preller, Röm. Myth., p. 382.)

[87] Volupia était associée à d’autres déesses sabines, Venilia, une des épouses de Janus, et Lubentina (Preller, Röm. Myth., p. 581), ou Lubia, même forme que Volupia. Cette forme antique, et probablement sabine, empêche de voir là un culte de la volupté introduit tardivement par suite des rapports avec la Grèce.

[88] Cette cabane de Romulus du Capitole est confondue par Servius (VIII, 654) avec la Curia Calabra où se tenaient les Comitia Galata. La Curia Calabra n’avait rien à faire avec la maison de Romulus, et Macrobe (Saturnales, I, 15) les distingue nettement, car il dit que l’une est voisine de l’autre. Quant à supposer, comme le fait Becker (Handb., p. 402), que l’existence d’une cabane de Romulus au Capitole repose sur un malentendu, c’est une proposition insoutenable en présence de ce témoignage de Macrobe et des passages de Virgile, de Sénèque, de Martial, de Vitruve, qu’il cite lui-même.

[89] Denys d’Halicarnasse, I, 87.

[90] Tacite, Annales, XIII, 58.

[91] Bas. Capit., XIII, reg.

[92] Tite-Live, XL, 2.

[93] Varron, De ling. lat., V, 71.

[94] C’est à ce temple de la Lune que désigne le Janium dont parle Orose (Hist., v, 12), et non le temple de Diane, comme l’a cru M. Preller (Röm. Myth., 282).

[95] L’association de Junon arec Jupiter et Minerve, pareille à celle que nous a présentée l’ancien Capitole sabin sur le Quirinal, doit faire supposer que le culte de Junon sur l’Aventin remonte de même au premier établissement des Sabins.

[96] Outre les raisons que j’ai données plus haut, Minerve était identifiée avec Nério, déesse sabine. (Porph. ad Horat. ep. II, 2, 209.) C’était une déesse vierge, ce qui convient à l’austérité sabine. C’était la déesse de l’intelligence, des arts et des artisans, dont les confréries se rassemblèrent toujours dans son temple de l’Aventin, et la fondation de la première confrérie d’artisans est attribuée au Sabin Numa. Minerve était honorée chez divers peuples de la famille sabellique (Ambrosch, Stud., p. 151 ; Preller, Röm. Myth., p. 258), d’où elle a passé chez les Étrusques. (O. Müller, Etr., II, p.48.)

[97] Plutarque, Romulus, XXIII.

[98] Lyd., De Mens. Martial, VI.

[99] Le théâtre de ces danses était dans le voisinage de Saint-Alexis, où l’on a trouvé une inscription qui se rapporte à la purification des armes (armilustrium). (Voyez Becker, Handb., p. 450.) Ce qui détermine en même temps le lieu où la tradition plaçait le tombeau de Tatius, et le grand bois de laurier (lauretum majus), dans lequel était ce tombeau. (Varron, De ling. lat., I, 52.) Ce lieu, le plus élevé de la colline et où fut le temple de Junon, devait être le centre de l’établissement sabin sur l’Aventin.

[100] Voyez Varron, De ling. lat., v, 74. Diana ou Jana était la lune, comme l’indique son nom formé du nom de Janus, qui était le soleil. Varron emploie le mot Jana en ce sens, quand il dit : Jana qui croit et décroît. (Varron, De R. Rust., I, 57 ; De ling. lat., v, 68 ; Macrobe, Saturnales, I, 9.)

[101] Le culte de Diane se retrouve chez plusieurs peuples sabelliques, chez les Herniques, à Agnani, où il y avait tin bois sacré de Diane (Tite-Live, XXVII, 4) ; chez les Èques, dans le célèbre sanctuaire du mont Algide, cette forteresse naturelle qu’on les voit occuper sans cesse durant leurs guerres contre les Romains. (Abek. Mittel it, p. 215 ; Hor., Carm. Sæc., 59.)

[102] Une épigramme de Martial (Ep. VI, 64, 12) démontre que le temple de Diane était voisin du Cirque. On ne peut donc, je crois, placer ce temple aussi haut et aussi loin du Cirque qu’on le fait d’ordinaire, dans le voisinage de Santa-Prisca.

[103] Les étymologies qu’ont proposées les auteurs latins me semblent si peu plausibles (Servius, Æn., VIII, 636 ; Pomponius ap. Aug., De civ. D., IV, 16), que je ne puis les expliquer que par un mot sabin, murcus, qu’on donne pour un nom de l’Aventin et qu’ils n’auraient pas compris. De plus, les terminaisons en cus, comme Cupencus, et surtout en rcus, comme manercus, sont souvent des terminaisons sabines.

[104] Elle formait, avec deux autres divinités, Liber et Libéra, une triade qui n’était autre que la triade de la Samothrace, composée de Déméter, Dionysos et Cora. Liber et Libéra étaient des puissances fécondatrices, dont le rapport avec la religion sabine est établi par cette circonstance qu’une de leurs bêtes, les liberalia du printemps, qui s’appelaient aussi Agonia dans les livres des Saliens (Varron, De ling. lat., VI, 14), se célébrait le 17 mars, au milieu des processions guerrières des Saliens. (Preller, Röm. Myth., p. 444.)

[105] Cornutus, De Vat. Deor., XXVIII.

[106] Servius, Georg., I, 7. Son nom pouvait venir aussi d’un mot sabin, Cerus, créateur, qui produit, et se rapporter à des idées de fécondation.

[107] Nævius était l’un des noms du fameux augure Attus Nævius ; son autre nom prouve qu’il était Sabin. Attus, Attius, Accius, sont diverses formes latinisées du mot sabin Atta, prénom d’Atta Clausus ou Claudius, chef de la puissante tribu des Claudius, qui vint de la Sabine s’établir sur le territoire romain.

[108] La porte Capène ne peut devoir son nom, comme on l’a dit, à la ville de Capoue et à la Campanie, vers laquelle conduira un jour la voie Appienne encore à naître ; car, à l’époque où l’on ouvrit dans le mur de Servius la porte Capène, Capoue s’appelait Vulturnum, et le nom, que les Samnites donnèrent plus tard à leur conquête, n’existait pas.

[109] Mars gradivus est la transcription latine de Marte Crapufi ou Grabovei des tables ombriennes (Müller, Etr., I, p. 51), ce qui achève de donner à Mars le caractère d’un dieu sabellique. Le temple de Mars était à un mille et demi de la porte Capène, à gauche. (Can. It. ant., 59.)

[110] Paul Diacre, p. 128 ; Servius, Æn., III, 175.

[111] On faisait dériver ce mot de manare, couler, à cause de l’usage superstitieux pour lequel on l’employait. Mais nous savons (Paul Diacre, p. 128) que la pierre manalis était celle qui recouvrait le Mundus et fermait la porte par où les mânes venaient à la lumière ; le nom des mânes lui-même était, par un euphémisme dont j’ai parlé, dérivé du mot sabin manus, bon.

[112] Varron, ap. Servius, Æn., VII, 657.

[113] Voyez chapitre IX.

[114] Le temple de Matuta était dans le Forum Boarium (Tite-Live, XXXIII, 27), en dedans de la porte Carmentale. (Ibid., XXV, 7.)

[115] Le temple de l’Espérance était dans le Forum Olitorium, en dehors de la porte Carmentale (Ibid., 47), vers le théâtre de Marcellus.

[116] Matrem matutam antiqui ob bonitatem appellabant (P. Diacre, 122), et (125), mana bona dicitur. Matuta était un dérivé de maria, pour mantuta, probablement un superlatif sabin analogue au superlatif grec en tatos-a. Janus s’appelait Matutinus, ce qui ne voulait pas dire matinal, mais très bon.

[117] Tite-Live (V, 19, 23).

[118] A Satricum et à Cora, chez les Volsques (Merk., Ovide, Fastes, p. CCXVI) ; en Ombrie, en Campanie. (Preller, Röm. Myth., p. 285.)

[119] Plutarque, Quæst. rom., XVI.

[120] In portu Tiberino (Varron, De ling. lat., VI, 19), à coté du pont Sublicius, Portuno ad pontera. (Cal., Amit., 17 august.)

[121] Festus, p. 56.

[122] Supplicatio Spei et Juventæ (Gruter, 1075)... te Spes et... Fides colit. (Hor., Carm., I, 35, 21.) On l’identifiait avec Venilia, épouse de Janus. (Augustin, Civ., IV, 11.) Voyez Merkel, Ovide, Fastes, p. 187.

[123] Tib., I, I, 9. L’Espérance est représentée, tenant des épis, sur un bas-relief qui lui est dédié par un portier du temple de Vénus, dans les jardins de Salluste. (Gruter Inscript., p. MLXIV.) On sait que les statues de l’Espérance se reconnaissent à cette fine indication des vœux rapides de l’Espérance, qui consiste à la montrer soulevant légèrement sa robe pour courir plus vite. Il y a une telle statue de l’Espérance au Vatican. (Bracc. Nuov., 94.) D’après ce qui précède, je serais porté à croire que la célèbre Flore Farnèse de Naples, qui, elle aussi, soulève, légèrement sa robe, en même temps qu’elle est une Flore est une Espérance.

[124] Antiquæ vates Carmentes dicebantur. (Servius, Æn., VIII, 336.) D’où Carmenæ, Casmenæ, Camenæ. La fête de Carmenta se célébrait le même jour que celle de la nymphe sabine Juturne, aimée de Janus. (Ovide, Fastes, I, 463.)

[125] Jano templum, quod apud Forum Olitorium... (Tacite, Ann., II, 49.) La fondation de ce temple est attribuée à Numa, par Servius. (Æn., VII, 601.) Janus avait à Rome deux temples, l’un était auprès du bois Argiletum, c’est celui dont il a été question dans le chapitre précédent, l’autre, près du théâtre de Marcellus. Servius a eu le tort de les confondre.

[126] Eusèbe, Hist. ecclés., II, 13. Cette statue fut dédiée par Sextus Pompée, mais il devait y avoir là quelque ancien sanctuaire de Sancus, car sans cela, qui au septième siècle de Rome aurait pensé à l’obscur dieu sabin ? J’en dirai autant du temple de Faunus et de celui de Véjovis.

[127] On trouve des dédicaces semblables Semoni sancto, avec l’addition fidio, dans plusieurs inscriptions. (Preller, Röm. Myth., 637.)

[128] Semo, mot sabin, dieu ou demi-dieu. (Merke., Ovide, Fastes, p. CCIX.)

[129] Saint Augustin, De Civ. Dei, XVIII, 19.

[130] On le retrouve dans Amsanctus, nom d’un lac du pays des Hirpins que ses eaux sulfureuses avaient fait regarder comme sacré, amnis sanctus.

[131] Farina est associée à Mania, la mère des mânes, dont le nom est sabin. (Mart. Capella, II, 164.) Son nom à elle-même veut dire la Noire (Furva). (Preller, Röm. Myth., p. 48.) Elle est un de ces personnages sombres et infernaux de la mythologie sabine. C’était une déesse antique au temps de Cicéron (De Nat. deor., III, 18), qui, ne la connaissant plus, la confondait avec les furies.

[132] Cette idée m’est venue à Saint-Pierre en voyant les femmes de la Sabine qui, le jour de Pâques, y arrivent par bandes. Elles m’ont semblé en général être blondes et ne pas offrir dans leurs traits le type latin des Romaines et des femmes d’Albano. Alors j’ai remarqué que Sylla, un Cornélius, famille sabine, avait les yeux bleus ; qu’un de ses aïeux s’appelait Rufinus. (Plut., Sylla, I, 2) ; que le radical de Flavus, qui veut dire blond, se trouvait dans le nom des Flaviens, venus de la Sabine, dans les Campi Flavini, qui étaient en pays sabin ; qu’on vantait la belle chevelure blonde de la race de Constantin, issue des Claudius ; que Flavius, Rufus (roux) étaient des noms fréquents dans les familles sabines ; et ma conjecture m’a semblé plausible.

[133] Je conçois la ville sabine et la petite ville romaine comme deux cités séparées ; telle était Emporion, en Espagne, dans laquelle la population grecque, colonie des Phocéens, habitait un quartier entouré d’un mur, et les indigènes un autre quartier. (Strabon, III, 4, 80.)

[134] Servius (Æn., VII, 635) dit, d’après Varron, que Tatius fut admis à faire partie de la cité, et il trouve très naturel qu’à la suite de cette admission les Romains aient pris le nom des Sabins. Conséquence singulière qui semblé n’avoir étonné personne, et qui était cependant assez extraordinaire. Un pareil fait, du reste, est si étrange que Servius (Æn., I, 6, XII, 827), à propos des Troyens, qui auraient pris le nom de Latins, cherche à l’expliquer ; mais du moins les Latins étaient en majorité.

[135] Æn., I, 6. Novimus quod victi victorum nomen accipiunt.

[136] Je sais bien qu’on trouve la même formule énoncée d’une manière moins humiliante pour les Romains, Populus Romanus Quirites. Mais c’est toujours le nom des Sabins donné aux Romains, ce sont toujours les Romains appelés Sabins, les Romains qui sont des Sabins, à moins qu’on ne suppose avec Niebuhr que Populus Romanus Quirites est pour Populus Romanus et Quirites, mais c’est une supposition ; d’ailleurs, on trouve aussi Quirites et Romani. Quand, plus tard, on a écrit : et Quirites, toute notion du rapport primitif des deux peuples avait disparu ; mais il suffit d’avoir la preuve que ce rapport a existé. Après qu’eut cessé l’assujettissement qu’indiquait cette formule, si on l’employa encore, ce fut par habitude et sans en comprendre le sens. Sur un nummus que M. le duc de Luynes croit frappé sous Servius Tullius, il lit : Roma Curi, Roma Curitium. (Numm. de S. Tullius, p. 46.)

[137] Quod domini quiritarii re usucapta vacui essent a litibus, et, unde jure optimo possidere dicebantur. (Henneccius, Ant. juris romani, p. 30. Le droit quiritaire est opposé au droit latin ; Ulpien, Fragm. ; Tite-Live, III, p. 15.)

Ego hunc hominem jure Quiritium liberum esse aio.

Ego hunc hominem jure Quiritium meum esse aio. (Hennecc., Ant. juris romani, p. 143 ; Plutarque, Quæst. Rom., 87.)

[138] P. Diacre, p. 62.

[139] Romanos enim vernas appellabant (372). Verna désigne les esclaves nés dans la maison, esclaves de naissance, par opposition à ceux qui avaient été pris dans la guerre. Le reste du passage de Festus se rapporte à une défense faite aux Sabins, par Numa, de tuer ou d’enchaîner les Romains, et est assez obscur, mais ce que j’ai cité ne l’est point. Verna correspond au mot espagnol criado, qui, transporté des domestiques aux maîtres, est devenu le nom des Créoles. Vernaculus, diminutif de verna, et qui a le même sens, est, selon Ménage, l’origine de laquais. Il est vraiment heureux pour les Romains que l’étymologie de Ménage n’ait été goûtée. Je sais bien qu’on entendait par verna le natif, l’habitant. (Non. Marcell., 43 ; Lyd. de Mens. Febr., IV, p. 72.) Mais il reste toujours à expliquer comment l’expression qui avait ce sens dans l’origine en a pris un aussi fâcheux. Et habebatur nomen hoc pro vitabili maledicto. (Non., ibid.) Manant aussi voulait dire d’abord habitant, mais la signification défavorable donnée à ce mot prouve l’infériorité de ceux qu’on appelait ainsi. De même vernacula resta synonyme de grossier. Eruditio vernacula ac plebeia, nihilque ex veterum scriptis habens neque gratiæ neque dignitatis. (Aulu-Gelle, Noct. Att., XII, 2, 1.)

[140] Sabinorum etiam morem populum Romanum secutum esse Cato dicit, et quorum disciplinam victores ? Romani in multis secuti sunt. (Servius, Æn., VIII, 638.)

[141] Romulus, dit Plutarque, emprunta aux Sabins leurs boucliers et leur armure. L’usage des anneaux a la même origine. Voyez chapitre XIV, à propos des chevaliers qui portaient l’anneau, et que je crois d’institution sabine.

[142] A moins qu’on n’ait recours à la singulière explication d’Hegel, qui fait dériver l’organisation si forte de la famille chez les Romains de leur condition de brigands. (Schwegler, Röm. Gesch., I, 246.)