LES ESCLAVES CHRÉTIENS

LIVRE PREMIER. — L'ESCLAVAGE ROMAIN.

CHAPITRE V. — LES ESCLAVES.

 

 

Tuer, dans l'esclave, la conscience, anéantir autant que possible son âme, faire de lui, selon une expression que l'antiquité lui appliquait souvent, un corps[1], tel fut, volontaire ou inconscient, l'effort de la classe dominante sur la classe servile tain que dura l'esclavage. Les nègres n'ont pas d'âme, ont dit certains esclavagistes modernes : l'antiquité païenne traita les esclaves comme s'ils n'avaient pas eu d'âme ; elle usa d'eux, dit Sénèque, comme on use des animaux[2] ; elle s'efforça d'abolir en eux tous les signes distinctifs de la personne humaine. Une tête servile n'a pas de droits, disent les jurisconsultes[3].

Le premier signe de la personne humaine, la marque de son individualité, c'est le nom. Cette propriété que l'homme ne perd pas, même en mourant, et qu'il transmet à ceux qui continuent sa personne, l'esclave ne la possédait pas. Il n'avait pas de nom de famille, mais un simple surnom. Le prœnomen, le nomen, le cognomen, sont propres aux hommes libres, dit Quintilien ; quiconque n'est pas libre n'y saurait prétendre[4]. L'esclave était désigné par une sorte d'agnomen qui ne passait pas à ses enfants, mais mourait avec lui.

A l'origine de Rome, quand on n'avait dans sa maison qu'un seul esclave, celui-ci ne recevait même pas de surnom qui lui fût propre : on l'appelait l'esclave de Marcus, l'esclave de Lucius, Marcipor, Lucipor[5]. Plus tard, quand les esclaves furent devenus si nombreux qu'il y avait, dans certaines maisons, un nomenclator spécial chargé de retenir leurs noms[6], il fallut varier ceux-ci à l'infini. On les emprunta soit à la mythologie et à la Fable : Eros, Anteros, Phœbus, Hermes, Calliope, Memnon, Diomedes, Perseus[7] ; — soit à l'histoire positive ou légendaire : Pharnaces, Phraates, Mithridates, Priamus, Achilles, Patroclus, Romulus, Ptolemæus, Antiochus, Midas, Cresus, Artemisia, Arsinœ, Semiramis, Dido[8] ; — soit à l'astronomie : Lucifer, Hesperius[9] ; — soit au lieu d'origine de l'esclave : Lydus, Syrus, Libanus, Geta, Davus, Pamphylus, Macedo, Messenio, Ion, Ephesius, Syra, Cilix[10] ; — soit à quelque animal : Ursus, Lupus, Leopardus[11] ; — soit tout simplement au marchand par qui l'esclave avait été vendu[12]. La mode était pour beaucoup dans le choix de ces noms : Quels sont, dit Varron, les maîtres qui donnent aujourd'hui à leurs esclaves des noms tombés en désuétude ?[13]

Au point de vue légal, l'esclave n'était pas une personne[14]. Dans les lois, dans les actes administratifs, dans les contrats privés, dans les dispositions testamentaires, il est toujours assimilé à l'animal ou à la chose. Un esclave ou un autre animal, dit quelque part Ulpien, servus vel animal aliud[15]. Gaius définit l'usufruit un droit qui s'étend non-seulement sur les fonds et les maisons, mais encore sur les esclaves, les bêtes et les autres choses, in servis et jumentis cœterisque rebus[16]. La loi Aquilia de damno infecto condamne à une même réparation celui qui a tué un esclave et celui qui a tué une bête de somme, égalant ainsi, remarque Gaius, nos esclaves et les animaux qui composent proprement le bétail domestique, comme les brebis, les chèvres, les bœufs, les chevaux, les mules, les ânes[17]. Un testateur lègue un domaine avec tout son mobilier, les esclaves et les autres choses qui s'y trouvent[18]. Les actions édilitiennes, dit Pomponius, peuvent être intentées au sujet non seulement des esclaves, mais de tous les animaux[19]. En matière de vices rédhibitoires, l'assimilation de l'esclave à l'animal est complète. Un esclave porté à s'enfuir est-il entaché d'un vice qui doive être déclaré par le vendeur ? demande Ulpien. Non : l'édit des édites curules ne parle que des vices du corps, et celui-ci est un vice de l'âme ; il en est de même, dans l'opinion de quelques-uns, pour les chevaux peureux et récalcitrants : c'est un vice de l'âme et non du corps ; il n'est pas nécessaire de le déclarer[20]. Et plus loin : Un esclave dont la langue est coupée doit-il être considéré comme malade ? Ofilius a résolu la question en ce qui concerne les chevaux, qui, dit-il, en pareil cas, doivent être jugés malades[21]. On peut rapprocher de ces textes le célèbre conseil de Caton au père de famille économe : Qu'il vende les vieux bœufs, les veaux et les agneaux sevrés, la laine, les peaux, les vieilles voitures, les vieilles ferrailles, le vieil esclave, l'esclave malade[22].

Légalement l'esclave était donc un meuble, res mobilis ; au point de vue commercial et douanier, c'était une marchandise, merx. Quelques jurisconsultes reculaient devant cette appellation : Le mot marchandise ne comprend pas les hommes, selon Méla, dit Africanus ; c'est pourquoi il donne aux maquignons (mangones) le nom de venaliciarii et non de marchands : et il a raison[23]. En fait, l'esclave était traité comme une marchandise. M. Léon Rénier a publié le tarif douanier de Zraia, en Afrique, l'ancienne colonie romaine Julia Zarai. Les esclaves, les chevaux, les juments, mulets et mules payent, par tête, le même droit, 1 denier et demi ; un tapis de table et une tunique sont également tarifés à 1 denier et demi[24]. Quintilien met en scène, dans une de ses Declamationes, un marchand faisant passer sous le costume d'un homme libre un esclave d'un grand prix, afin d'éviter de payer un droit de douane élevé[25] ; il y avait des ports où le droit était fixe, comme celui de Julia Zarai, d'autres où il était proportionnel à la valeur de l'esclave. Marcien cite les eunuques (spadones) parmi les marchandises payant l'impôt[26]. Qu'on lise dans l'Apocalypse l'énumération des marchandises qu'achetait la grande Babylone, c'est-à-dire Rome : Objets d'or et d'argent, pierres précieuses, perles, fin lin, pourpre, soie, écarlate, bois de thuya, ivoire, airain, fer, marbre, cinname, amome, parfums, huiles aromatiques, encens, vin, huile, fleur de farine, froment, bétail, brebis, chevaux, chars, corps et âmes d'hommes[27].

L'assimilation de l'esclave à l'animal se continuait jusque dans les intimes relations de l'homme, de la femme, des enfants, qui constituent la vie de famille. En droit, la famille n'existait pas pour l'esclave. Il n'était époux, père ou mère, qu'autant que l'humanité ou l'intérêt du maître le permettait.

L'union des esclaves ne portait pas le nom de mariage. Par Hercule ! a-t-on jamais vu cela ? s'écriaient certains spectateurs d'une comédie de Plaute : des mariages d'esclaves ! un esclave prendre une épouse ! C'est contraire à la coutume de tous les peuples[28]. L'esprit de calcul que les Romains portaient en 'toute chose présidait quelquefois aux plus intimes détails de la vie domestique de leurs esclaves. Tel d'entre ceux-ci, le villicus, par exemple, ou le berger, devait toujours avoir une femme[29] : c'était l'intérêt du maître, qui attachait ainsi plus étroitement l'esclave à l'exploitation. Bien que, selon le mot d'un jurisconsulte, on n'achète pas des femmes esclaves pour leur faire produire des enfants comme un champ produit des fruits[30], il y avait des maîtres qui spéculaient sur les accroissements de cette nature. Ils trouvaient un avantage à posséder, selon la brutale expression de Marcien, un ventre et des enfants, ventrem cum liberis[31]. Quelques-uns promettaient la liberté à leur esclave quand elle aurait eu trois enfants[32] ; d'autres l'affranchissaient quand elle en avait eu davantage[33] ou quand elle avait mis au monde un enfant mâle[34]. Ceux-ci tenaient à acquérir des femmes esclaves d'une fécondité déjà éprouvée, et les jurisconsultes décidaient que si une esclave, vendue comme féconde, se trouvait stérile, la condition du contrat n'ayant pas été réalisée, la résolution de la vente devait être prononcée[35]. D'autres maîtres défendaient à leurs esclaves d'avoir des enfants. Columelle semble dire que l'on permettait rarement le mariage aux esclaves occupés de la confection et du soin des provisions de bouche, pistores, coci, cellarii[36]. Le vieux Caton, ayant observé, dit naïvement Plutarque, que ce qui rend le plus ordinairement les esclaves paresseux et disposés à mal faire, c'est l'amour, établit que ses esclaves ne pourraient avoir commerce avec leurs compagnes qu'en certains temps, pour une certaine pièce d'argent qu'il fixa, avec défense d'approcher jamais d'une femme étrangère à la maison[37]. Les maîtres sévères, dit Tertullien, ne permettaient à leurs esclaves de s'unir qu'entre eux, et leur interdisaient de prendre un mari ou une femme dans une maison étrangère[38]. L'intérêt du maître le poussait quelquefois au crime : un testateur, raconte Ulpien d'après le jurisconsulte Julien, ayant donné la liberté à son esclave Aréthusa si elle mettait au monde trois enfants, l'héritier, pour empêcher l'accomplissement de la condition, donna à cette malheureuse des breuvages abortifs. L'esclave, conclut humainement le jurisconsulte, devra recevoir la liberté, puisque c'est par la fraude de l'héritier que la condition ne s'accomplit pas[39] ; mais cet exemple montre quelle était la situation des femmes esclaves, qui ne pouvaient être mères sans la permission de leurs maîtres.

Là où celui-ci permettait à deux esclaves de vivre ensemble, de partager la même tente, selon l'expression consacrée (contubernium), leur union demeurait fragile et sans dignité. Aucune loi n'y présidait. Pour écarter toute idée d'un mariage possible entre les esclaves, le droit romain déclarait formellement que d'esclave à esclave il ne pouvait y avoir d'adultère ; chacun était libre de violer le contubernium de son compagnon d'esclavage[40]. L'union des esclaves n'était protégée ou réglementée qu'autant que le maître le voulait. Le plus souvent il ne s'en occupait pas. Parmi nous, dit l'esclave du Querolus, il n'y a pas de jalousie : tout est à tous[41]. Une comédie de Plaute[42] et plusieurs inscriptions romaines[43] montrent la même esclave épouse à la fois de deux de ses compagnons d'esclavage. Une autre inscription mentionne un esclave mari de sa sœur[44]. Le droit romain ne reconnaît pas de parenté entre les esclaves[45]. Ce n'est que par grâce que l'on consent à leur donner les noms de pères, de fils, de frères[46]. Quand les esclaves ont été rendus libres par l'affranchissement, la loi interdit formellement au père d'épouser sa fille, au frère de devenir le mari de sa sœur, au fils de se marier avec sa mère[47] ; tant que dure l'esclavage, il n'existe, pour les cas les plus monstrueux, aucune prohibition, aucun empêchement légal.

Rien ne garantissait la durée des unions d'esclaves. Le maître pouvait séparer l'un de l'autre l'homme et la femme qui avaient contracté le contubernium. Il pouvait envoyer l'un dans un domaine éloigné, conserver l'autre près de lui ; vendre l'un des deux ; les obligerà contracter d'autres liens. Même sans intention cruelle du maitre, de telles séparations devaient être fréquentes. Elles pouvaient résulter du partage d'une succession, d'une saisie, d'une vente forcée. Un maître humain, qui avait respecté l'amour de deux esclaves, les vendra peut-être à un maître sans entrailles, qui les séparera. Disons-le à la louange des maîtres antiques, il s'en est trouvé d'assez généreux pour vendre moins cher, minorato pretio, un couple d'esclaves mariés, à condition que l'acheteur les conserverait toujours avec lui et les laisserait libres en mourant[48]. Quelquefois, cependant, le bienfait du maître anéantissait, malgré lui, l'union de deux esclaves. Un maître affranchit par testament un esclave : il omet de donner à la contubernalis de celui-ci la liberté. Si l'affranchi n'est pas assez riche pour racheter sa compagne, ou si l'héritier refuse de la vendre, ces deux malheureux sont à jamais séparés. Un esclave espagnol avait été ainsi affranchi par testament ; son maitre lui avait en outre légué quelques biens. Il les abandonna à l'héritier en échange de la liberté de sa compagne, nihil prœter optimum pretium libertatis uxoris suœ abstulit[49]. Quelquefois un testateur, en affranchissant son esclave, lui léguait sa contubernalis[50] ; l'ancien esclave affranchissait à son tour celle-ci et contractait avec elle un mariage légal, devenant ainsi, comme disent tant d'inscriptions, son patron en même temps que son époux, patronus idem conjux. C'étaient là les heureux ; mais qui dira les souffrances des autres ? Les jurisconsultes du IIIe siècle n'y furent point insensibles, et tentèrent de diminuer par une interprétation humaine des actes juridiques les causes de séparation des esclaves mariés. Sur deux points Ulpien présente des solutions favorables au maintien de leur union. Quand une exploitation agricole a été léguée, les esclaves qui y exercent divers métiers sont compris dans le legs : il faut supposer, dit le jurisconsulte, que, dans l'intention du testateur, leurs femmes et leurs enfants habitant avec eux y sont compris également ; car on ne peut présumer chez le testateur la volonté de leur imposer une séparation cruelle[51]. Cette solution est bien timide ; elle ne va point contre l'intention qu'aurait formellement exprimée un testateur ; elle tente seulement de faire triompher à la faveur de son silence une présomption d'humanité. Une consultation inspirée par les mêmes principes, mais plus hardie, est donnée par Ulpien en matière d'action rédhibitoire. Plusieurs esclaves ont été vendus ensemble ; ce sont des parents et des enfants, ou des frères, ou des personnes unies par le lien du contubernium, personis contubernio sibi conjunctis ; si l'un des deux esclaves objets de la vente était, lors du contrat, atteint d'une maladie, et que l'action rédhibitoire soit exercée par l'acheteur, la vente ne sera pas rescindée pour le seul esclave malade, mais aussi pour ceux unis avec lui par des liens de parenté ou de contubernium ; les séparer, en retenant l'un et en rendant l'autre, serait, dit le jurisconsulte, un acte impie, ad pietatis rationem offensam[52]. Belle parole, presque chrétienne, digne du ministre d'Alexandre Sévère. Il n'en faut point cependant exagérer la portée ; les causes de séparation des contubernales étaient innombrables, et sur deux points seulement, en matière de legs d'une villa exploitée par des esclaves et en matière d'action rédhibitoire, Ulpien fait entendre de généreuses réserves. On va voir dans les rapports des pères et des mères esclaves avec leurs enfants cette piété dont parle le jurisconsulte souvent offensée, et quelquefois par des solutions d'Ulpien lui-même.

En droit pur, les enfants des esclaves étaient un produit, au même titre que les fruits des arbres et les petits des animaux domestiques. Gaius énumère parmi les choses futures susceptibles d'hypothèque les fruits pendants aux branches, l'enfant d'une esclave enceinte, les petits que donneront les brebis[53]. Paul déclare que les fruits, l'enfant de l'esclave, le petit de l'animal, peuvent être usucapés[54]. Mais les choses volées ni leurs produits ne le peuvent être ; c'est pourquoi, dit Ulpien, l'héritier du voleur ne peut devenir propriétaire par usucapion du petit de la vache ou de l'enfant de l'esclave volées par son auteur[55]. La comparaison est partout poursuivie : ainsi, ne sera pas considéré comme ayant eu l'intention de voler, dit Gaius, l'usufruitier qui, sachant que les produits des troupeaux dont il a l'usufruit lui appartiennent, a cru qu'il en était de même pour l'enfant de l'esclave usufructuaire, et l'a vendu[56]. Au contraire de l'usufruitier, le fidéicommissaire chargé de restituer une hérédité ne pourra conserver ni l'enfant de l'esclave ni les petits des animaux faisant partie du fidéicommis[57]. Il serait facile de citer un grand nombre d'autres textes rapprochant et assimilant les partus ancillarum et les fœtus pecorum[58].

En fait, l'enfant né esclave n'appartenait guère plus à son père et à sa mère que le petit animal domestique. Davus ne donnait pas naissance à de petits Davi, mais à de petits Mithridates ou de petits Alexandres qui, à peine nés, se confondaient dans la foule des esclaves sans même que la communauté de nom les rattachât à leur père. Le maître dirigeait leur éducation ;. il jouait dans la maison le rôle que les socialistes modernes voudraient donner à l'État. Quelquefois, pour que les femmes esclaves ne fussent pas détournées de leur travail par le soin de leurs enfants, on confiait ceux-ci, plusieurs ensemble, à une nourrice commune ou même à un père nourricier[59], et, plus tard, à un pédagogue chargé de les dresser[60]. Naissait-il trop de petits esclaves ? le maître renonçait à les élever ; il les exposait. Quelquefois un curieux procès avait lieu à ce sujet entre le mari et la femme : les esclaves contenues dans la dot de celle-ci étaient trop fécondes, le mari refusait de nourrir leurs enfants ; la femme, qui voyait dans la naissance de nouveaux esclaves un accroissement de capital dotal, voulait, au contraire, qu'ils fussent élevés ; les jurisconsultes décident qu'elle peut, dans ce cas, diriger une action contre son mari[61]. De tels procès devaient être peu fréquents du temps de Clément d'Alexandrie : ses contemporaines préféraient, dit-il, acheter des esclaves tout élevés et tout dressés ; il montre des dames romaines nourrissant des poulets avec une sollicitude maternelle et exposant les enfants qui naissaient dans leurs maisons[62]. Qu'on exposât l'enfant esclave, qu'on le mit à mort, qu'on le vendît, qu'on le mutilât, qu'on le déshonorât, qu'on le prostituât, le père et la mère n'avaient pas le droit de se plaindre. Est-on père quand on est esclave ? dit Plaute[63].

On a vu plus haut des jurisconsultes hésitant devant une des plus cruelles conséquences de l'esclavage et travaillant à rendre moins fréquentes les circonstances qui amenaient la séparation forcée de l'homme et de la femme unis par le contubernium. Dans les deux textes cités sur ce sujet, la même sollicitude s'applique aux enfants : Ulpien répugne à l'idée de les séparer de leur père et de leur mère. Cependant les textes du droit romain admettant ou rendant nécessaire une séparation de cette nature sont presque innombrables. Je ne puis les rapporter tous : j'indiquerai les plus frappants.

Une femme s'est constitué en dot des esclaves, se réservant à la fin du mariage de reprendre soit ceux-ci, soit leur valeur : elle n'a pas le droit, au cas où elle choisit les esclaves, de prendre avec eux les enfants auxquels ils ont donné le jour[64]. Un testateur peut léguer l'enfant à naître d'une esclave sans léguer la mère[65]. On lègue par deux dispositions séparées une esclave et ses enfants ; plus tard on affranchit l'esclave après la mort du testateur, les enfants faisant l'objet d'un legs distinct seront appréhendés par le légataire[66]. On donne hypothèque sur l'enfant à naître d'une esclave[67] : il deviendra la propriété du créancier. On lègue à une femme esclave sa liberté, sous condition ; avant que la condition ait été réalisée, l'esclave donne le jour à un enfant : celui-ci sera la propriété des héritiers du testateur, quand même la condition à laquelle est subordonnée la liberté de la mère s'accomplirait plus tard[68]. Une femme esclave est aliénée par un débiteur en fraude de ses créanciers ; elle conçoit et met au monde un enfant avant que l'action en rescision de la vente ait été intentée : la mère devra être restituée, mais l'enfant demeurera la propriété de l'acheteur[69]. Si l'on revendique une esclave enceinte et que l'on perde son procès, l'exceptio rei judicatœ ne s'oppose pas à ce qu'on revendique ensuite l'enfant auquel elle aura donné le jour[70]. Enfin l'enfant de l'esclave, le partus ancillœ, est susceptible d'usucapion[71], même dans le cas où la mère ne pourrait être usucapée[72].

Le pouvoir du père esclave sur ses enfants est tellement nul, qu'un des encouragements dont se servaient les maîtres pour exciter leurs serviteurs au travail était celui-ci : Donnez-vous de la peine, cultivez avec soin, et par mon testament j'ordonnerai à mon fils de vous faire don de vos enfants[73]. Les inscriptions nous montrent quelquefois ces promesses accomplies : d'anciens esclaves affranchissent leurs fils ou leurs filles, qui leur ont été donnés ou légués[74]. Quelquefois c'est le contraire qui a lieu : le père est légué au fils, le fils l'affranchit, et, dit une inscription, le nourrit oisif pendant vingt-cinq ans[75]. Ailleurs, un frère, retenu plus longtemps esclave, devient la propriété de son frère affranchi avant lui, qui lui donne à son tour la liberté[76]. On voit que les esclaves étaient capables des plus touchantes affections : mais ils n'en pouvaient jouir qu'avec la permission de leur maître ; ici encore, les inscriptions nous parlent des heureux : les textes juridiques nous ont permis de deviner le désespoir des autres.

 

II

Ce dernier mot n'est pas trop fort. Pline appelle les esclaves des désespérés[77]. Longtemps avant Pline, Aristote avait écrit cette froide et cruelle sentence : Les esclaves sont incapables de bonheur et de libre arbitre[78]. La vie de l'esclave telle que nous la connaissons eût été un désespoir continuel, si les plus intelligents n'avaient eu devant les yeux la perspective probable de la liberté, et si la résignation des autres n'avait été causée par l'abrutissement, l'engourdissement, une sorte de torpeur.

Les plus malheureux étaient ceux à qui toute espérance d'affranchissement avait été enlevée. La volonté du maître ou du juge pouvait réduire un esclave à cette situation. On était libre de vendre son esclave sous la condition que son nouveau maître ne l'affranchirait jamais ; on pouvait le léguer en imposant au légataire l'obligation de le maintenir dans une servitude perpétuelle ; enfin les magistrats avaient le droit de condamner un esclave à ne pouvoir jamais recevoir valablement la liberté[79]. Les jurisconsultes les plus renommés par leur humanité n'ont pas un mot de blâme contre cette terrible aggravation de l'esclavage, ce lasciate ogni speranza.

Certaines punitions domestiques avaient presque le même effet. Quand on envoyait à la campagne un esclave dont on était mécontent, c'était souvent pour le ranger dans la catégorie de ceux qui travaillaient enchaînés et couchaient en prison, les compediti, les vincti. J'ai déjà fait allusion à ces prisons domestiques, auxquelles les Romains donnaient le nom d'ergastulum. Il est probable que les malheureux qui y étaient envoyés y demeuraient ensuite oubliés du maître, n'ayant pour la plupart aucun moyen de regagner sa faveur ou d'acheter la liberté. Ils portaient des fers aux pieds et aux mains ; leur visage avait été marqué au fer rouge[80]. La nuit ils avaient pour abri une prison souterraine, aussi saine que possible, éclairée par des fenêtres nombreuses, étroites, assez exhaussées pour qu'on n'y puisse atteindre avec la main[81]. Columelle recommande au naître d'avoir soin que les surveillants auxquels ils obéissent, c'est-à-dire le villicus, les conducteurs des travaux (operum magistri), les geôliers (ergastularii), n'abusent point de la situation de ces infortunés, soit en les laissant manquer de vêtements et des choses nécessairesà la vie, soit en les traitant avec injustice, cruauté et cupidité[82].

Plus infortunés peut-être étaient les esclaves que leur maître employait, le plus souvent comme punition, à l'exploitation des mines et des carrières. Voici en quels termes un maitre, dans une comédie de Plaute, condamne un de ses esclaves au travail des mines :

Conduisez-le là où on le chargera d'épaisses et pesantes chaînes. De là il ira dans la carrière... La nuit, il sera gardé enchaîné ; le jour, il travaillera dans le souterrain à l'extraction des pierres. Il y souffrira longtemps ; on ne lui fera pas grâce d'un seul jour. Qu'on le mène donc d'abord au forgeron, qui lui rivera aux pieds de lourdes entraves ; puis qu'on le conduise en dehors de la ville, à mon affranchi chargé de l'administration des carrières : et qu'on ait soin que là il vive plus misérable que les plus misérables[83].

Et quand le malheureux enfin délivré revoit la lumière du jour, sa première parole est celle-ci :

J'ai vu souvent les tourments des enfers représentés en peinture ; mais le lieu d'off je viens est le véritable enfer. C'est là que le corps est tout entier brisé par le travail et la fatigue[84].

Le sort des esclaves condamnés à tourner la meule ou à pétrir la farine, quelquefois jusqu'à la mort[85], était aussi dur. Qu'on lise la description si connue qu'en donne Apulée :

Dieux ! quels pauvres petits hommes ! la peau livide toute mouchetée de coups de fouet ; de misérables haillons couvrent leur dos meurtri ; quelques-uns, pour tout vêtement, portent un tablier autour des reins ; tous n'ont que des lambeaux de tunique qui laissent voir leur nudité. Marqués au front, la tête rasée, les pieds serrés par un anneau ; le corps déformé par le feu, les paupières rongées par la fumée brûlante et les ténèbres enflammées, les yeux presque privés de lumière ; saupoudrés, comme des athlètes, d'une sale et blafarde poussière de farine[86].

Plaute, dont la Muse semble avoir visité tous les cercles de cet enfer de l'esclavage, a peint en quelques mots l'intérieur du pistrinum ; on croirait lire un tercet de Dante : Là pleurent les méchants esclaves qui mangent la polenta ; là retentissent le bruit des fouets et le cliquetis des chaînes ; là le cuir des bœufs morts déchire la peau des hommes vivants[87].

Je ne veux rien exagérer. Les situations qui viennent d'être décrites étaient certainement exceptionnelles, bien que les esclaves des ergastules, des mines et des boulangeries formassent une partie considérable de la population servile à l'époque romaine. Les esclaves domestiques, les urbana mancipia, pouvaient être heureux, au sens matériel du mot, autant que le bonheur peut appartenir à des hommes qui n'ont à eux ni leur pudeur ni celle de leurs enfants, qui n'ont pas de famille assurée, qui vivent suspendus aux caprices d'un maître souvent cruel ou dissolu. Ils souffraient certainement beaucoup moins que les esclaves condamnés à porter la chaîne et à garder au front la marque ineffaçable du fer rouge[88]. Quelques-uns, dans les maisons riches, parvenaient à des situations qui eussent été prospères et enviables, si elles avaient été moins fragiles. Tous, même les plus misérables, avaient dans leur existence des éclairs de joie grossière, des fêtes des sens, des débordements passagers de satisfactions animales. Plaute, Horace, nous ont laissé le tableau de ces orgies permises aux esclaves. Les maîtres, a dit M. Wallon, ne cherchaient point à régler cette fougue brutale ni à contenir ces débordements, plus sûrs de retrouver l'esclave quand se seraient dissipés en de pareils désordres ses aveugles et irrésistibles instincts de liberté[89]. Bien des esclaves, pour échapper à la triste réalité, se tuaient volontiers de débauche et d'orgie ; ils se disaient à eux-mêmes ce qu'un d'eux n'a pas craint de faire graver sur son tombeau : Le bain, le vin et Vénus détruisent nos corps, mais nous font vivre[90]. Quelquefois la tristesse d'espérances trompées les jetait dans un grossier matérialisme : La Fortune, dit l'épitaphe d'une femme esclave, promet beaucoup de choses à beaucoup, elle ne les donne à personne. Vivez au jour le jour, jouisse de l'heure présente, car on n'a rien a soi[91]. Un imitateur de Plaute, dans une comédie écrite au IVe ou Ve siècle, a dépeint le dévergondage toléré chez les esclaves en termes d'une crudité si grande qu'il est impossible d'en donner la traduction littérale : il les montre tombant de sommeil pendant le jour, mais faisant de la nuit une débauche continuelle, vivant dans une promiscuité bestiale, dans une orgie et une licence que l'on ne souffrirait pas chez des hommes libres ; au milieu de l'abrutissement et de l'étourdissement causés par ces noces quotidiennes, ils finissaient par perdre jusqu'au désir d'être affranchis[92].

C'est à ce point que travaillait à les amener la tolérance savante des maîtres. Ceux-ci, qui avaient peur de leurs esclaves, préféraient aux qualités énergiques cette mollesse et cette indolence ; ils se sentaient moins menacés. Les esclaves les plus intelligents, dit Columelle, sont aussi les plus mauvais[93]. Caton voulait qu'un esclave travaillât toujours ou qu'il dormît ; et il aimait fort les esclaves dormeurs, persuadé qu'ils étaient plus doux que ceux qui aimaient à veiller[94]. Je ne sais si j'ai cela de commun avec les autres maîtres, dit un écrivain païen du IVe siècle, l'agronome Palladius, mais je remarque que le caractère des esclaves est de donner toujours dans les extrêmes. Tant il est vrai que dans cette condition les meilleurs penchants se dénaturent et qu'il n'est de qualité qui ne puisse y devenir un défaut. Une nature prompte chez eux est toujours près du mal. La paresse, du moins, a les apparences de la douceur. Plus ils inclinent à l'indolence et moins ils sont portés au crime[95].

Cette mollesse, cette indolence passive, ces grossiers débordements étaient, chez beaucoup, une des formes du désespoir. Veut-on savoir quelle était au fond la disposition d'esprit, la désolation des esclaves domestiques les mieux traités, les moins malheureux ? Le maître le plus doux, le plus humain nous le montrera. Il faut nous accommoder, dit Sénèque, du service de gens qui pleurent et nous détestent, flentium detestantiumque ministeriis utendum[96].

Le plus remarquable effet de ce désespoir qui rongeait l'âme des esclaves, c'était le peu de cas que beaucoup d'entre eux faisaient de la vie et l'indifférence résignée avec laquelle ils supportaient la souffrance physique. Ils étaient comme lassés de l'une, endurcis à l'autre. On les voyait se complaire en des témérités inutiles ou courir d'eux-mêmes au-devant de la douleur. Ces désespérés étaient réputés de mauvais esclaves. Celui qui est devenu téméraire par mépris de la mort est un détestable serviteur, dit Sénèque[97]. Il y avait des esclaves tellement fatigués de la vie, tellement saturés d'outrages, qu'ils demandaient à être roués de coups plutôt que souffletés, chargés de chaînes ou tués plutôt qu'injuriés[98]. On connaît le trait héroïque d'Épictète, esclave de l'affranchi Épaphrodite. Son maître s'amusait à lui tordre la jambe : Vous la casserez, dit Épictète. La jambe se cassa en effet : Je vous l'avais bien dit, ajouta-t-il tranquillement. Ce qui, chez l'esclave stoïcien, était tranquillité d'âme, chez d'autres était désespoir. Dans une comédie de Plaute, un maître ordonne de lier les mains de son esclave : Je suis à toi, dit celui-ci avec indifférence, mes mains sont à toi, fais-les couper si tu veux[99]. On raconte qu'un esclave accusé d'un meurtre qui n'avait pas été commis ne se donna pas la peine de se justifier : il s'avoua coupable et subit le dernier supplice. L'homme que l'on avait cru assassiné revint quelque temps après[100].

De ce mépris de la mort au suicide il n'y avait qu'un pas ; les esclaves le franchissaient souvent. C'est un mauvais esclave, dit Ulpien, celui qui a fait quelque effort pour hâter la fin de sa vie : par exemple, s'il a préparé une corde pour se pendre, ou s'il a essayé de boire du poison, ou s'il s'est précipité d'un lieu élevé, ou s'il a fait un acte quelconque dans lequel il pouvait espérer trouver la mort, quand même cet esclave serait incapable d'oser contre les autres ce qu'il ose contre lui-même[101]. La colère des maîtres, avait déjà dit Sénèque, pousse certains esclaves à s'enfuir, d'autres à se donner la mort[102]. S'enfuir, se tuer, n'étaient pour ces malheureux que deux moyens différents d'échapper à leur sort. Ulpien recherche, avec ce sang-froid qui ne l'abandonne jamais, à quels caractères on reconnaît un esclave fugitif. L'esclave, dit-il, qui a quitté la maison de son maître pour aller se précipiter d'un lieu élevé ne peut pas plus être considéré comme fugitif que celui qui est monté au haut de cette maison pour se jeter de là à terre et se donner ainsi la mort... De même, selon Cælius, l'esclave qui s'est précipité lui-même dans le Tibre pour se noyer n'est pas un fugitif, à moins que, ayant d'abord quitté la maison de son maître avec la pensée de s'enfuir, il n'ait que plus tard changé de dessein, et pris la résolution de se donner la mort ; il en est de même de celui qui s'est jeté du haut d'un pont[103]. On sent au calme de ce langage que de tels exemples sont fréquents. Dans le roman d'Apulée, un cuisinier qui s'est laissé dérober un morceau de viande va pour se pendre, ce qui est la mort ordinaire des esclaves, dit l'auteur[104].

Il fallait que les souffrances de ces pauvres gens fussent bien grandes pour que le meilleur ami qu'ils aient eu dans l'antiquité romaine, celui qui les appelait eux-mêmes d'humbles amis[105], Sénèque, leur ait conseillé de se donner la mort et ait exalté à diverses reprises leurs suicides. La servitude, dit-il, n'est pas, après tout, une chose si cruelle, puisque, dès que l'on est fatigué de son maître, on peut d'un bond s'élancer dans la liberté[106]. Voici le dernier terme des consolations humaines quand on ne croit pas à une autre vie et qu'on regarde la mort comme un néant qui réduit tout à néant[107]. Du reste, toute la philosophie morale de Sénèque, si on la considère de près, est fondée sur le suicide ; aux misères qui accablent l'homme il ne trouve pas d'autre remède à opposer ; et c'est là, à mes yeux, un argument bien fort contre ceux qui voient dans Sénèque un philosophe à demi chrétien, dont les doctrines et la morale auraient un rapport non pas seulement fortuit, mais volontaire, avec l'enseignement apostolique[108]. Voici le conseil donné par le philosophe non-seulement aux esclaves des particuliers, mais aux courtisans, ces esclaves des princes, dont la vie, au siècle de Tibère, de Caius et de Néron, devait être une angoisse continuelle : Partout où vous portez les yeux, vous apercevez la fin de vos maux. Voici un précipice ; on peut descendre par là dans la liberté. Voici la mer, un fleuve, un puits ; la liberté est au fond. Voici un arbre, court, tordu, stérile ; la liberté pend à ses branches. Voici votre gorge ou ; votre cœur ; percez-les, vous avez la liberté. Sont-ce là des morts trop cruelles, demandant trop à votre courage et à vos forces ? cherchez-vous un chemin plus doux vers la liberté ? Chaque veine de votre corps peut vous l'ouvrir[109]. A ses amis, à ses disciples, à tous ceux à qui il propose cette triste théorie, il signale en même temps avec admiration les exemples de courage offerts par les suicides des esclaves et des gladiateurs[110]. Il les présente comme modèles aux hommes libres effrayés de la mort volontaire. Les hommes de la classe la plus vile, dit-il, savent faire de grands efforts pour se dérober à leur condition ; n'ayant pas le choix des instruments de mort, ils prennent tout ce qui tombe sous leur main, et se font des armes des objets les plus inoffensifs[111]. Les derniers des esclaves, dit-il encore, quand la douleur les a touchés de son aiguillon, se réveillent de leur torpeur et trompent la surveillance de leurs gardiens... La mort la plus ignoble est préférable à la servitude même la plus douce[112].

Remarquons les expressions dont se sert Sénèque quand il nous montre les esclaves, sous l'aiguillon de la souffrance, se réveillant de leur torpeur. Quel signe de désespoir que cette torpeur morale d'êtres s'abandonnant eux-mêmes, tombant dans la somnolence de la brute, s'endurcissant sous le fouet comme des ânes[113], jusqu'à ce qu'une douleur aiguë vienne les réveiller ! Et quel autre trait que celui-ci, montrant les esclaves, pour se donner la mort, trompant la surveillance de leurs gardiens ! Il semble en effet qu'une des préoccupations des maîtres antiques ait été de prévenir le suicide de leurs esclaves. Et on le comprend ; rien n'est contagieux comme l'exemple du suicide. Dans les nombreuses familiœ d'esclaves qui remplissaient les ateliers, les champs et les maisons, les maîtres devaient voir quelquefois avec terreur le suicide se propager comme une épidémie. Aussi écartaient-ils avec grand soin les malheureux qui avaient déjà tenté de se donner la mort ; soit qu'ils eussent peur de ces désespérés, soit qu'ils craignissent que, par leurs exemples ou leurs discours, ils poussassent leurs compagnons à les imiter, ils refusaient d'acheter l'homme coupable d'une tentative de suicide ; et la loi voyait dans un tel antécédent un des vices qui donnaient droit à l'acheteur non averti d'avance de faire annuler la vente d'un esclave[114]. De leur côté les esclaves, se défiant d'eux-mêmes, essayaient quelquefois de se prémunir contre la tentation du suicide ; les statuts d'un collège funéraire de Lanuvium, composé en grande partie d'esclaves, déclarent que les associés ne contribueront pas aux funérailles de celui de ses membres qui se sera volontairement donné la mort : quisquis ex quacumque causa mortem sibi asciverit, ejus ratio funeris non habebitur[115].

Si le désespoir causait ces fréquents suicides d'esclaves, il devait également engendrer parmi eux un autre de ses effets, la folie. Ulpien, Paul, Javolénus, font allusion aux esclaves fous qui se trouvaient dans les maisons, étaient mis en vente ou affranchis[116]. Sénèque parle dans une de ses lettres des gardiens qui dans les familiœ nombreuses étaient préposés à la surveillance des esclaves devenus fous[117]. Si peu multipliés que soient ces témoignages, il est permis d'en conclure à la fréquence de la folie chez des malheureux que tout, dans leur existence physique et morale, semble y avoir prédisposés.

 

III

Ainsi brisée, devenue indifférente à tout, sans crainte I et sans espérance, l'âme de l'esclave se trouvait au point où la politique des maîtres avait intérêt à l'amener : elle avait acquis la souplesse et la flexibilité du fer qui, après avoir passé par la fournaise, a été longtemps battu. On lui pouvait donner toutes les formes, elle se pliait sans résistance à tous les caprices.

Le premier, le plus fréquent de ces caprices, était celui qui faisait de la beauté de l'esclave un objet de plaisir ou de spéculation. J'ai donné plus haut sur ce triste sujet assez de détails : je les compléterai par de rapides indications.

L'esclave, on le sait, quel que fût son sexe, n'avait pas la propriété de ce qui est le plus intime dans l'être humain, sa pudeur. La loi Julia, dit Papinien, protège seulement l'honneur des personnes libres[118]. Qu'une esclave ait été séduite ou déshonorée, elle n'a pas d'action contre le coupable. Une mime a été enlevée : le ravisseur, dit Cicéron, n'a fait qu'user d'un droit traditionnel, vetere in scenicos jure[119]. Le maître seul peut obtenir des dommages intérêts, s'il voit dans l'outrage infligé à son esclave une injure pour lui-même ou une cause de diminution de valeur pour sa propriété[120]. La lecture des actes de ton procès, écrit Dioclétien à un certain Sossianus, nous a fait connaître tes débauches ; cependant, comme il a été prouvé que tu as attenté à la pudeur d'esclaves seulement, et non de personnes libres, tu éviteras la note d'infamie, et ta réputation seule en souffrira[121]. L'opinion publique était alors et fut longtemps encore indulgente pour les crimes de cette nature[122].

Si les esclaves étaient ainsi désarmés vis-à-vis des  tiers, ils l'étaient encore plus vis-à-vis de leurs maîtres. Non-seulement ceux-ci pouvaient abuser d'eux pour leur propre satisfaction, mais ils avaient le droit d'en faire jouir autrui. L'esclave, en cette matière comme en toute autre, était, selon un mot d'Aristote, absolument privé de volonté[123]. Le maître était pour lui, dit Ménandre, la loi unique, l'arbitre absolu du juste et de l'injuste. A la fois souffre-plaisir et souffre-douleur[124], l'esclave n'avait pas le droit de dire non[125]. Il était toujours à la disposition du maître[126]. Un riche a enlevé la fille d'un pauvre homme, la croyant esclave. Tu savais bien qu'elle ne l'était pas, lui dit le père, autrement tu ne te serais pas donné la peine de l'enlever ; tu l'aurais séduite par quelque petit présent, ou, si elle était demeurée indifférente, tu aurais demandé à son maître de te la prêter. D'ailleurs, en l'enlevant, tu as dû reconnaître qu'elle n'était pas esclave : ne t'a-t-elle pas résisté comme une femme libre ?[127] L'esclave ne devait pas résister ; elle devait se laisser prêter par son maître[128]. Oserai-je le dire ? c'était là une des coutumes de l'hospitalité antique, une manière, dit Plaute, de faire les honneurs de sa maison gaiement et grandement, hilare atque ampliter[129]. Même dans les circonstances les plus tragiques, un tel devoir n'était pas oublié. Crassus, proscrit par Marius, fut caché par tin de ses amis, nommé Pacianus, dans une caverne située au bord de la mer ; non-seulement celui-ci lui fournit la nourriture, mais il ordonna à deux jeunes filles esclaves d'aller partager la solitude du proscrit[130].

Les esclaves ne se prêtaient pas toujours gratuitement : leur beauté était aussi un objet de spéculation[131]. Les mœurs antiques ne connaissaient point nos délicatesses. Les gains les plus ignobles ne faisaient rougir personne : un Caton, un Brutus, prêtaient à usure : un grand nombre de maîtres faisaient servir leurs esclaves au plus odieux trafic. On augmentait quelquefois leur valeur vénale par d'affreuses mutilations[132]. De tous les esclaves, ceux que l'on prostituait étaient ceux qui rapportaient le plus. Si une ouvrière valait 150 francs, une esclave destinée à la prostitution se vendait, dès le temps de Plaute, c'est-à-dire à une époque où le luxe de Rome était bien loin d'avoir atteint son apogée, 5.800 francs[133].

Non-seulement ceux dont l'instinct vicieux se prêtait facilement à ce triste sort, mais encore les plus honnêtement doués, des jeunes filles pures, des jeunes gens chastes, y pouvaient être contraints par la volonté de leurs maîtres ; s'ils étaient de condition servile, ils n'avaient pas de recours efficace contre une telle oppression[134]. Une seule chose pouvait les en préserver ; un maitre antérieur, mû par un sentiment d'affection et de pudeur, avait quelquefois, en vendant l'esclave, inséré dans le contrat une clause défendant de le prostituer, ne prostituatur[135]. Tite-Live, parlant d'Hispala Fecenia, dont les révélations firent découvrir la conjuration des Bacchanales, a sur elle un mot remarquable : Cette courtisane, dit-il, eût été digne d'une autre situation ; mais, quand elle était esclave, elle avait été pliée à ce métier[136]. Certains esclaves, même après l'avoir subi par force, menaient, une fois affranchis, une vie pure et honorable ; Septime-Sévère rendit à l'occasion d'une ancienne esclave ce rescrit rapporté par Ulpien : Si une femme a été prostituée par son maître, sa réputation n'en doit pas être entachée quand elle est devenue libre[137]. Valère Maxime parle d'un ancien esclave, P. Atilius Phaliscus, qui, dans son enfance, avait été livré de force par son maître à la prostitution, et qui, affranchi, chef de famille, fut le père le plus austère, le plus sévère gardien de la pureté de ses fils[138].

Qu'on ne croie pas qu'un trafic de cette nature ait été réservé à ces industriels innommables que Plaute, dans ses comédies, accable de ses traits les plus sanglants, à ces lenones, à ces lenœ qu'il nous montre à l'affût, comme des chats, de tout ce qui est beau, jeune et pur (feles virginaria[139]). Il n'est pas douteux qu'un grand nombre de possesseurs d'esclaves, soit ouvertement, soit par ces voies détournées que savait découvrir en toutes choses l'hypocrisie romaine, se livraient à la même exploitation, bravant la note d'infamie dont l'édit du préteur frappait ceux qui lenocinium faciunt[140]. De très-honnêtes gens, dit Ulpien, n'avaient point honte de louer leurs maisons pour qu'on y établît des lieux de débauche, et beaucoup de ces honnêtes gens considéraient comme fort avantageux ce mode de location[141]. Plus d'un, sans doute, prenait un intérêt dans ce triste trafic : il faudrait bien peu, connaître l'avidité romaine pour en douter ; bien des textes déjà cités semblent même le dire formellement. Gabinius, sous le consulat de qui fut exilé Cicéron, supportait, dit celui-ci, sa pauvreté et son luxe en prostituant ses esclaves, domestico lotocinio[142]. Il y avait d'ailleurs un adroit moyen de se livrer à ce commerce en écartant tout péril de censure ; c'était de louer les lieux qui y étaient destinés à ses propres esclaves, que l'on autorisait à l'exercer pour leur propre compte, au moyen de vicarii qu'ils avaient dans leur pécule[143] : et comme tout ce qu'acquérait l'esclave appartenait de droit au maître, les mancipia quœstuaria qui faisaient partie de son pécule étaient en réalité la propriété de celui-ci, qui pouvait, quand il le voulait, s'approprier en tout ou en partie leurs gains, et avait un véritable droit dominical sur leurs personnes.

Voilà ce qu'on put faire de l'esclave, jusqu'au jour où le christianisme lui rendit la puissance de dire non, lui apprit à résister comme une personne libre et à mourir pour la chasteté[144].

L'influence de l'esclavage ne cessait pas avec lui ; elle s'étendait sur le malheureux qui, après avoir traversé cette vie d'opprobre et de misère, en sortait par l'affranchissement pour aller, selon l'expression de Plaute, augmenter d'un citoyen la grande cité[145].

Démoralisé, souvent sans famille, ayant laissé dans la servitude une partie de sa valeur physique et morale, ayant quelquefois dépensé son petit pécule à payer son affranchissement, l'ancien esclave ne trouvait dans la cité presque aucun moyen de vivre ; il allait, à moins d'une rare faveur de la fortune, grossir la plèbe famélique nourrie par les riches et par l'État.

L'histoire des femmes est plus triste. Moins encore que l'homme, la femme trouvait à Rome les moyens de vivre honorablement et de se soutenir elle-même par son travail. L'ouvrière était presque inconnue dans le monde romain. Que pouvait devenir la femme oisive et pauvre, jetée sans protecteur, et corrompue déjà, au milieu de la grande cité par le coup de baguette de l'affranchissement ? Si elle n'avait pas une de ces natures exceptionnelles auxquelles pouvait profiter l'équitable rescrit de Septime Sévère rapporté plus haut ; si elle ne s'était pas attachée par les liens du contubernium à quelque esclave qui, affranchi avec elle, lui demeurait fidèle et continuait à partager sa vie ; si, au contraire, elle avait vécu sous le toit du maitre dans une immorale promiscuité, elle tombait fatalement dans la foule immense des courtisanes de Rome, composée presque entièrement d'affranchies.

Affranchie et courtisane sont, dans la langue romaine, des termes synonymes[146]. Le même mot, libertina, sert à désigner l'une et l'autre. Les matrones nous voient d'un œil jaloux, dit, dans une comédie de Plaute, une femme de cet ordre (ordo) ; elles nous accusent de leur prendre leurs maris, elles ont peur de nous parce que nous sommes des libertinœ[147]. Il est difficile de traduire ce mot, car il a ici un double sens. Les lois, de même que la langue, confondaient les courtisanes et les affranchies. Les dernières sont rangées parmi les femmes qui ne peuvent être séduites, in quas stuprum non committitur[148].

Telle était la situation légale de ces malheureuses, tant que le mariage ne leur avait pas donné le titre de mater familias[149]. Tandis que la pudeur de la femme de sang libre était protégée par les peines les plus sévères et que la séduction d'une vierge ingénue était punie comme l'adultère d'une matrone[150], l'honneur de l'affranchie non mariée n'était garantie par aucune sauvegarde. Séduite, déshonorée, elle n'avait pas le droit de se plaindre : aussi devenait-elle la proie facile de tous les débauchés de Rome. Pendant que la loi était assise, les armes à la main, devant le seuil redoutable de la matrone[151], celui de l'affranchie était exposé sans défense à toutes les entreprises. Que la femme mariée, dit Ovide, ait peur de son mari, qu'elle soit tenue sous bonne garde, cela doit être : les lois, le droit, la pudeur le commandent ; mais que tu sois protégée, toi que la vindicta vient d'affranchir, qui le souffrirait ?[152]Horace emploie toute une satire à prêcher aux débauchés de Rome la prudence dans l'amour. Avec les matrones, dit-il, il y a péril, la loi Julia les protège : mais il y a une autre classe de femmes qui n'offre pas de danger, celle des affranchies[153].

Déjà, avant Ovide et Horace, Plaute avait dit, dans son énergique et ingénieux langage : Il n'est défendu à personne de marcher sur la grande route ; ce qui n'est pas permis, c'est d'entrer dans un lieu clos. Ainsi, aimez tout ce qui vous plaira, pourvu que vous ne vous adressiez ni à la femme mariée, ni à la vierge ingénue, ni aux jeunes gens libres[154]. Mais Plaute est un comique ; il n'est pas responsable de tous les propos qu'il prête à ses personnages ; il peint la corruption, il ne la prêche pas, et il a souvent, dans ses pièces les moins morales en apparence, des accents d'une pureté surprenante. Chez Ovide, chez Horace, la lâcheté dans l'amour est érigée en théorie ; ils se font les, jurisconsultes du libertinage ; ils enseignent à leurs disciples les moyens de concilier la passion et la loi Julia ; et l'on suit avec dégoût ces deux poètes, ces deux esprits délicats, ces deux chantres de la religion nationale et d'Auguste restaurateur des mœurs, conduisant, la loi à la min, vers les affranchies sans défense les jeunes Romains qui veulent aimer avec sécurité et trouver, sans descendre tout à fait jusqu'aux prostituées, des plaisirs élégants, prudents et faciles.

En agissant ainsi, ils étaient sûrs d'avoir pour eux les hommes d'ordre, les pères de famille, les conservateurs de cette Rome païenne non moins hypocrite que débauchée. Valère Maxime, contemporain d'Ovide et d'Horace, nous montre, dans son recueil d'actions louables, dans cette morale en action du siècle d'Auguste, un père qui, voulant détourner son fils de l'amour illégal et périlleux d'une matrone, l'exhorte à courtiser la Vénus vulgaire et permise[155]. Telle était l'honnêteté romaine, toute relative, toute politique : pour sauvegarder l'intégrité des ingénues et des femmes mariées, elle jetait en proie à la débauche des hommes la classe entière des affranchies.

L'esclavage et ses suites retenaient de force dans cette situation de pauvres âmes faites pour la pureté, pour l'honneur, pour la vertu ; le paganisme méprisait leur souffrance morale, il n'écoutait pas même leur cri désespéré. Oui, leur cri désespéré : avant de montrer le christianisme s'abaissant vers toutes ces misères, versant sur elles ses baumes sacrés, les relevant et les purifiant comme Jésus releva et purifia Madeleine, j e veux faire entendre ce cri des âmes recueilli et noté par un grand poète deux cents ans avant l'ère chrétienne.

La Cistellaria de Plaute contient une scène navrante, où les gémissements d'une pauvre fille qui aspire à l'amour pur, légitime, durable, et qu'une nécessité impitoyable retient dans les liens d'une vie indigne, sont traduits avec une grâce touchante, avec le sentiment d'une mélancolie presque moderne. Écoutons cet appel d'une cœur souffrant, souillé malgré lui, qui voudrait aimer et être pur. Deux jeunes affranchies, de la condition de celles dont j'ai parlé plus haut, causent ensemble :

GYMNASIUM.

Silénium, ma chérie, je ne t'ai jamais vue si triste. Pourquoi as-tu perdu ton sourire ? Que signifient cette parure négligée, ce profond soupir, cette pâleur ?...

SILÉNIUM.

Je souffre, je me sens déchirée, mon âme est triste, mes yeux sont tristes, je suis malade. C'est folie à moi d'avoir une telle douleur.

GYMNASIUM.

Cache cette folie dans ton sein, ne la laisse pas paraître.

SILÉNIUM.

Mais elle vient du cœur.

GYMNASIUM.

Quoi ! du cœur ? Où est-il, ton cœur ? Moi, je n'en ai pas, et si les hommes disent vrai, les femmes n'en ont pas.

SILÉNIUM.

Si nous avons un cœur pour souffrir, je souffre par lui ; si nous n'en avons pas, eh bien ! je souffre encore.

GYMNASIUM.

Cette femme est prise d'amour...

SILÉNIUM.

Mon erreur, ma folie, me font cruellement souffrir. Je désire qu'il soit possible d'aimer perpétuellement un seul homme et de lui consacrer ma vie.

GYMNASIUM.

C'est le privilège des matrones, cela, ma Silénium[156].

Je m'arrête sur ce mot. Il est temps de sortir de ce marais de la luxure, de l'intempérance, de l'incontinence, où se vautrent les voluptés, où l'on entend des cris de bêtes, où les passions ont leur repaire ; dans lequel on ne peut entrer sans enfoncer, poser le pied sans glisser, se baigner sans se souiller, et au-dessus duquel retentissent de plaintifs gémissements de colombes[157]. » Des chants de triomphe succéderont un jour à ces gémissements : il nous reste à voir le christianisme faisant tomber l'un après l'autre ces liens de l'esclavage, et à entendre s'échapper des âmes, remontant chaque jour plus nombreuses vers la pureté, vers la dignité, vers la lumière, ce cri du poète biblique : Le filet est rompu, et nous voilà délivrées[158].

 

 

 



[1] Il y avait à Athènes, dit Hesychius, une enceinte où se vendaient les ustensiles et les corps, σκεύη καί σώματα. Cf. de nombreux exemples dans les Inscriptions de Delphes de M. Foucart, et le texte grec du livre de Tobie, X, 10, du IIe livre des Macchabées, VIII, 11. Pour la même expression chez les latins, voir Valère Maxime, VII, VI, 1, cellis servilibus extracta corpora ; et Ovide, Amor., III, IV, 33-34, metus externæ corpora gentis agat.

[2] Sénèque, Ép. 47.

[3] Servila capur nullum jus habet. Paul, au Dig., IV, V, 3.

[4] Quintilien, Inst. orat., VII, 3, § 26 ; cf. Declam., CCCXI.

[5] Pline, Hist. nat., XXXIII, 6.

[6] Pline, Hist. nat., XXXIII, 6.

[7] Orelli, 2784, 2828, 2934, 2983, 3090, 4165, 4263, 4271, 4377, 4417, 4463, 4675, 4823, 4927 ; Henzen, 6201, 6203, 6284, 6387, 6588, 7279, 7286, 7395.

[8] Orelli, 2783.

[9] Orelli, 2785.

[10] Varron, De Lingua latina, VIII, 21.

[11] Orelli, 2980, 4049.

[12] Varron, De Lingua latina, VIII, 21.

[13] Varron, De Lingua latina, IX, 22.

[14] Ulpien, au Dig., II, VII, 3.

[15] Ulpien, au Dig., VI, I, 15, § 3.

[16] Gaius, au Dig., VII, I, 3, § 1.

[17] Gaius, au Dig., IX, II, 2, § 2.

[18] Scævola, au Dig., XV, II, 59. Cf. Marcien, ibid., XXXII, III, 95.

[19] Pomponius, au Dig., XXI, I, 48.

[20] Ulpien, au Dig., XXI, I, 4, § 3.

[21] Ulpien, au Dig., XXI, I, 8.

[22] Caton, De Re rust., 2.

[23] Africanus, au Dig., L, XVI, 207.

[24] Léon Rénier, Inscriptions de l'Algérie, LIII ; cf. Rapport adressé au prince ministre de l'Algérie, Moniteur du 6 décembre 1858.

[25] Quintilien, Declam., CCCXL.

[26] Marcien, au Dig., XXXIX, IV, 16, § 7.

[27] Apocalypse, XVIII, 12-13.

[28] Plaute, Casina, Prologus, 68-70.

[29] Varron, De Re rust., I, 17 ; II, 1.

[30] Ulpien, au Dig., V, III, 27.

[31] Marcien, au Dig., XXX, I, 21.

[32] Tryphoninus, au Dig., I, V, 15.

[33] Columelle, I, 8.

[34] Ulpien, au Dig., XXXIV, V, 10, § 1.

[35] Paul, au Dig., XXIX, I. Cf. Ulpien, ibid., XXI, I, 14.

[36] Columelle, XII, 4.

[37] Plutarque, Cato major, 21.

[38] Tertullien, Ad uxorem, II, 8.

[39] Ulpien, au Dig., XL, VII, 3, § 16.

[40] Dioclétien, anno 290, au Code Just., IX, IX, 23. Cf. Papinien, au Dig., XLVIII, V, 6.

[41] Querolus, II, IV.

[42] Le Stichus.

[43] Orelli, 2836 ; Henzen, 6294.

[44] Mommsen, Inscr. regni Neap., 7072.

[45] Ad leges serviles cognationes non pertinent. Paul, au Dig., XXXVIII, X, 10, § 5 ; cf. Ulpien, ibid., VIII, 1, § 2.

[46] Paul, au Dig., XXXVIII, X, 10, § 5.

[47] Paul, Pomponius, au Dig., XXIII, II, 8, 14, § 2 ; mais cette prohibition n'a lieu que si ex servitute manumissi sunt.

[48] Scævola, au Dig., XVIII, VII, 10.

[49] Corpus inscr. lat., t. II, 2265.

[50] Scævola, au Dig., XXXII, III, 41, § 2. Cf. Pétrone, Satyricon, 71.

[51] Ulpien, au Dig., XXXIII, VII, 12, § 7.

[52] Ulpien, au Dig., XXI, I, 35. Cf. Paul, ibid., 39.

[53] Gaius, au Dig., XX, I, 15.

[54] Paul, au Dig., XLI, III, 4, § 5.

[55] Ulpien, au Dig., XLI, III, 10, § 2.

[56] Gaius, au Dig., 36, § 1.

[57] Papinien, au Dig., XXXVI, I, 58, § 4.

[58] Ulpien, Tryphoninue, au Dig., IV, II, 12 ; XV, I, 57, § 2 ; XXXIII, VIII, 8, § 8.

[59] Henzen, 6458, 6358, 6260.

[60] Henzen, 8291.

[61] Julien, au Dig., XXIV, III, 31, § 4.

[62] Clément d'Alexandrie, Pœdagogium, III, 4.

[63] Quem pater, qui servus est ? Plaute, Captivi, III, IV, 508.

[64] Proculeius, au Dig., XXXI, II, 48.

[65] Pomponius, au Dig., XXIV, I, 1, § 3.

[66] Pomponius, au Dig., XXXIII, VIII, 3.

[67] Gaius, au Dig., XX, I, 15.

[68] Alexandre Sévère, anno 226, au Code Just., VII, IV, 9. Cf. Ulpien, au Dig., XL, VII, 16.

[69] Venuleius, au Dig., XLII, VIII, 25, § 4, 5.

[70] Ulpien, au Dig., XLIV, II, 7.

[71] Paul, Julien, au Dig., XLI, III, 4, § 5, 33.

[72] Julien, Ulpien, au Dig., XLI, IV, 9, 10 ; XLVII, II, 48, § 5.

[73] Ulpien, au Dig. XXXII, III, 68.

[74] Orelli, 2690, 3004, 3005, 4355.

[75] Orelli, 3003.

[76] Orelli, 3006.

[77] Pline, Hist. nat., XVIII, 7.

[78] Aristote, Politique, III, 7.

[79] Modestin, Marcien, au Dig., XL, VII, 25 ; IX, 9, § 2.

[80] Vincti pedes, damnatæ manus inscriptique vultus. Pline, Hist. nat., XVIII, 4.

[81] Columelle, I, 6.

[82] Columelle, I, 8.

[83] Plaute, Captivi, III, V, 63-80.

[84] Plaute, Captivi, V, IV, 21-24.

[85] Térence, Andria, I, II, 8 ; Plaute, Bacchides, IV, VI, 732.

[86] Apulée, Metam., IX.

[87] Plaute, Asinaria, I, I, 20-23.

[88] Valère Maxime, VI, VIII, 7.

[89] Wallon, Hist. de l'escl. dans l'ant., t. I, p. 334.

[90] Orelli, 4816.

[91] Orelli, 4806. Cf. Henzen, 6234.

[92] Querolus, II, IV.

[93] Columelle, I, 8.

[94] Plutarque, Cato major, 20.

[95] Palladius, De Re rustica, XII, Prœmium.

[96] Sénèque, De tranquillitate animi, 9.

[97] Sénèque, De Benef., II, 35.

[98] Sénèque, De constantia sapientia, 4.

[99] Plaute, Captivi, III, V, 10.

[100] Valère Maxime, VIII, IV, 1.

[101] Ulpien, au Dig., XXI, I, 23, § 3.

[102] Sénèque, De Ira, III, 5.

[103] Ulpien, au Dig., XXI, I, 17, § 5.

[104] Apulée, Metam., VIII.

[105] Sénèque, Ép. 97.

[106] Sénèque, Consolatio ad Marciam, 20.

[107] Sénèque, Cons. ad Marciam, 19.

[108] Lactance est beaucoup plus vrai, selon moi, quand il dit de Sénèque : Potuit esse verus Dei cultor, si quis illi monstrasset. Div. Inst., VI, 24. — Que l'on compare, sur cette question du suicide, les tristes conseils de Sénèque et les belles paroles de S. Augustin, De civitate Dei, I, 22-26. Il semble que l'évêque ait eu en vue, pour les réfuter, les théories du philosophe.

[109] Sénèque, Cons. ad Marciam, 20.

[110] Sénèque, Ép. 70.

[111] Sénèque, Ép. 70.

[112] Sénèque, Cons. ad Marciam.

[113] Plaute, Pseudolus, I, II, 133.

[114] Ulpien, au Dig., XXI, I, 1, § 1, 23, § 3.

[115] Henzen, 6086.

[116] Au Dig., XXI, I, 1, § 6, 9 ; XXIX, V, 3, § 11 ; XL, I, 26.

[117] Il n'y avait pas d'hôpitaux de fous pendant let premiers siècles de l'empire. Alexandre Sévère ordonne d'enfermer dans une prison les fous que l'on ne peut conserver dans les maisons. Cité par Ulpien, au Dig., I, XVIII, 3, § 1.

[118] Papinien, au Dig., XLVIII, V, 6.

[119] Cicéron, Pro Plancio, 12.

[120] Papinien, au Dig., XLVIII, V, 6.

[121] Dioclétien, anno 290, au Code Just., IX, IX, 25.

[122] Cf. Constantin, anno 326, au Code Just., IX, IX, 29.

[123] Aristote, Politique, I, 5.

[124] Sénèque, De Providentia, 3.

[125] Sénèque, De Benef., III, 19.

[126] Horace, I Sat., 117.

[127] Quintilien, Declam., CCCI.

[128] C'est peut-être à un prêt de cette nature que fait allusion Pomponius, au Dig., XLVIII, XXVI, 10.

[129] Plaute, Mercator, I, I, 100.

[130] Plutarque, Marcus Crassus.

[131] Ulpien, Modestin, Paul, Pomponius, Callistrate, au Dig., II, IV, 10, § 1 ; XVIII, I, 56 ; XXI, II, 84 ; XXXVIII, I, 38 ; XL, VIII, 6, 7 ; XLVII, II, 39, 82, § 2 ; Code Just., VII, VI, 1, § 4 ; VIII, 41, 7.

[132] Sénèque, De Ira, I, 16 ; Quintilien, Declam., CCCXL ; Inst. Orat., V, 12, 17 ; Stace, Sylves, IV, 3, 13.

[133] Plaute, Persa, IV, IV, 113.

[134] Adrien défendit de vendre l'esclave à un leno sans justa causa : Spartien, Adrianus, 18. Mais le maitre faisait naître ou alléguait quand il le voulait une justa causa.

[135] Venditoria affectionem forte et verecundiam. Papinien, au Dig., XVIII, I, 56. Alexandre Sévère, Code Just., IV, LVI, 1, 2, 3.

[136] Tite Live, Hist., XXXIX, 9.

[137] Ulpien, au Dig., III, II, 24.

[138] Valère Maxime, VI, I, 6.

[139] Plaute, Persa, IV, IX, 14 ; Rudens, III, IV, 43.

[140] Dig., III, I, 1, 4, § 2.

[141] Ulpien, au Dig., V, III, 27, § 1.

[142] Cicéron, Post reditum in senat. orat., 5.

[143] Ulpien, au Dig., III, II, 4, § 3.

[144] Voir livre II, chapitre III : Les esclaves martyrs, § 2.

[145] Plaute, Persa, IV, III, 5, 6.

[146] Il en a été ainsi de tout temps dans les pays où a régné l'esclavage. Voir de Tocqueville, Mélanges, p. 85 ; Gustave de Beaumont, Marie, p. 71.

[147] Plaute, Cistellaria, I, I, 26-40. Il faut lire tout ce passage : il montre quels étranges rapports, mêlés de répulsion et d'une sorte d'attrait malsain, existaient entre les femmes de cette classe et les matrones, leurs anciennes maîtresses, qui exerçaient sur elles le droit de patronage. Cf. Miles gloriosus, III, II, 192.

[148] Ulpien, au Dig., XXV, VII, 1.

[149] Le titre de Mater familias, dit Ulpien, peut s'appliquer même à une affranchie qui vit honnêtement. Dig., L, XVI, 46, § 1.

[150] Papinien, au Dig., XLVIII, V, 6.

[151] Pétrone, Satyricon, 92.

[152] Ovide, Ars amat., III, 615-618.

[153] Horace, I Sat., II, 47, 48. Cf. ibid., IV, 113, et Ovide, Ars amat., I, 83.

[154] Plaute, Curculio, I, 35-38.

[155] Valère Maxime, VII, III, 10.

[156] Plaute, Cistellaria, I, I, 55-80.

[157] S. Ambroise, Hexameron, III, 1.

[158] Psaume CXXIII, 7.